Le Calvaire

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Le Calvaire Page 21

by Octave Mirbeau


  Elle m’occupa une semaine. J’avais recommencé mes courses acharnées, dans les landes, sur les grèves, et je voulais guérir. Pendant que je marchais, excité par le vent, emporté dans cette ivresse particulière que vous donne la pluie fouettante des rivages, j’imaginais des conversations romanesques avec la demoiselle de Landudec, des aventures nocturnes qui se déroulaient en des paysages féeriques et lunaires. Tous deux, comme des personnages d’opéra, nous luttions de pensées sublimes, de sacrifices héroïques, de dévouements prodigieux ; nous reculions, sur des rythmes passionnés et des ritournelles émouvantes, les bornes de l’abnégation humaine. Un orchestre sanglotant se mêlait au déchirement de nos voix.

  – Je t’aime ! je t’aime !

  – Non ! non ! il ne faut pas m’aimer !

  Elle, en robe blanche très longue, les yeux égarés, les bras tendus… Moi, sombre, fatal, les mollets houlant sous le maillot de soie violette, les cheveux en coup de vent…

  – Je t’aime ! je t’aime !

  – Non ! non ! il ne faut pas m’aimer !

  Et les violons avaient des plaintes inouïes, les hautbois gémissaient, tandis que les contrebasses et les tympanons grondaient comme des vents d’orage et des roulements de tonnerre.

  Ô cabotinisme de la douleur !

  Chose curieuse ! la demoiselle de Landudec et Juliette ne faisaient plus qu’une ; je ne les séparais plus, je les confondais dans le même rêve extravagant et mélodramatique. Elles étaient trop pures pour moi, toutes les deux.

  – Non ! non ! je suis un lépreux, laissez-moi !

  Elles s’acharnaient à baiser mes plaies, parlaient de mourir, criaient :

  – Je t’aime ! je t’aime !

  Et vaincu, dompté, racheté par l’amour, je tombais à leurs pieds. Le vieux père, mourant, étendait les mains sur nous et nous bénissait tous les trois !

  Cette folie dura peu, et, bientôt, je me retrouvai, sur la dune, face à face avec Juliette.

  – Juliette ! Juliette !

  Il n’y avait plus de violons, plus de hautbois ; il n’y avait qu’un hurlement de douleur et de révolte, le cri du fauve captif, qui réclame sa proie.

  – Juliette ! Juliette !

  Un soir, plus énervé que jamais, je rentrai, le cerveau hanté de folies sombres, les bras et les mains en quelque sorte poussés par des rages de tuer, d’étouffer… J’aurais voulu sentir, sous la pression de mes doigts, des existences se tordre, râler et mourir. La mère Le Gannec était sur le pas de la porte, inquiète, tricotant son éternelle paire de bas… Elle me dit :

  – Comme vous êtes en retard, nostre Mintié, aujourd’hui !… Je vous ai préparé une belle écrevisse de mer !

  – Fichez-moi la paix, vieille radoteuse ! criai-je… Je n’en veux pas de votre écrevisse de mer, je ne veux rien, entendez-vous ?

  Et bredouillant des paroles colères, brutalement, je l’obligeai à se déranger, pour me laisser passer… La pauvre bonne femme, stupéfaite, levait les bras au ciel, geignait :

  – Ah ! ma Doué ! Ah bé Jésus !

  Je gagnai ma chambre où je m’enfermai… D’abord, je me roulai sur le lit, brisai deux chaises, me cognai le front contre les murs, et, tout d’un coup, je me mis à écrire à Juliette une lettre exaltée, folle, remplie de menaces terribles et d’humbles supplications ; une lettre dans laquelle, en phrases incohérentes, je parlais de la tuer, de lui pardonner, je la suppliais de venir, avant que je ne mourusse, lui décrivant, avec des raffinements tragiques, un rocher d’où je me jetterais dans la mer… Je la comparais à la dernière des filles de maison publique, deux lignes plus loin, à la Sainte Vierge. Plus de vingt fois, je recommençai la lettre, m’emportant, pleurant, tour à tour furieux jusqu’au délire, attendri jusqu’à la pâmoison… À un moment, j’entendis un bruit derrière la porte, comme un grattement de souris. J’allai ouvrir… La mère Le Gannec était là, tremblante, toute pâle, et qui me regardait de ses bons yeux effarés.

  – Que faites-vous ici ? m’écriai-je… Pourquoi m’espionnez-vous ?… Allez-vous-en !

  – Nostre Mintié, gémit la sainte femme, nostre Mintié, ne vous fâchez pas !… Je vois bien que vous êtes malheureux, et je venais voir si je pouvais vous être utile à quelque chose.

  – Eh bien, oui, je suis malheureux, là !… Est-ce que cela vous regarde ? Tenez, portez cette lettre à la poste, et laissez-moi tranquille.

  Pendant quatre jours, je ne sortis pas… La mère Le Gannec venait dans ma chambre, pour faire mon lit et servir mes repas, humble, craintive, redoublant de soins, soupirant :

  – Ah ! quel malheur !… Ma Doué ! quel malheur !

  Je comprenais que j’avais mal agi envers elle, qui était si tendre pour moi, et j’aurais voulu lui demander pardon de mes brutalités… Sa coiffe blanche, son châle noir, sa figure triste de vieille mère affligée, m’attendrissaient. Mais une sorte de fierté imbécile glaçait l’effusion prête à s’échapper… Elle trottinait autour de moi, résignée, avec un air d’infinie, de maternelle commisération, et, de temps en temps, elle répétait :

  – Ah ! quel malheur !… Ma Doué ! quel malheur !

  Le jour finissait. Tandis que la mère Le Gannec, ayant enlevé le couvert, balayait la chambre, je m’étais accoudé à l’appui de la fenêtre ouverte. Le soleil avait disparu derrière la ligne d’horizon, ne laissant au ciel, de sa gloire irradiante, qu’une clarté rougeâtre, et la mer, tassée, lourde, sans un reflet, se plombait tristement. La nuit arrivait, silencieuse et lente, et l’air était si calme, qu’on percevait le bruit rythmique des avirons battant l’eau du port et le cri lointain des drisses au haut des mâts… Je vis le phare s’allumer, son feu rouge tourner dans l’espace, comme un astre fou… Et je me sentais bien malheureux !…

  Juliette ne me répondait pas !… Juliette ne viendrait pas !… Ma lettre, sans doute, l’avait effrayée, elle s’était rappelé les scènes de colère, d’étranglement sauvage… Elle avait eu peur, et elle ne viendrait pas !… Et puis, n’y avait-il pas des courses, des fêtes, des dîners, des files d’hommes impatients, à sa porte, qui l’attendaient, la réclamaient, qui avaient payé d’avance la nuit promise ?… Pourquoi serait-elle venue, d’ailleurs ?… Pas de Casino sur cette grève désolée ; dans ce coin perdu de l’Océan, personne à qui elle pût vendre son corps ?… Moi, elle m’avait tout pris, mon argent, mon cerveau, mon honneur, mon avenir, tout !… que pouvais-je lui donner encore ?… Rien. Alors pourquoi viendrait-elle ?… J’aurais dû lui dire qu’il me restait dix mille francs, et elle serait accourue !… À quoi bon ?… Ah ! qu’elle ne vienne pas !… qu’elle ne vienne pas !… Ma colère était calmée et un dégoût de moi-même la remplaçait, un dégoût épouvantable !… Comment cela était-il possible qu’en si peu de temps, un homme qui n’était pas méchant, dont les aspirations, autrefois, ne manquaient ni de fierté ni de noblesse, comment cela était-il possible que cet homme fût tombé si bas, dans une boue si épaisse, qu’aucune force humaine n’était capable de l’en retirer !… Ce dont je souffrais, à cette heure, ce n’était pas tant de mes folies, de mes bassesses, de mes crimes, que des malheurs que j’avais causés autour de moi… La vieille Marie !… Le vieux Félix ! Ah ! les pauvres gens !… Où étaient-ils ?… Que faisaient-ils ?… Avaient-ils seulement de quoi manger ?… Ne les avais-je pas obligés, en les chassant, à mendier leur pain, eux si vieux, si bons, si confiants, plus faibles et plus abandonnés que des chiens sans maître !… Je les voyais, courbés sur des bâtons, affreusement maigres, toussant, harassés, couchant le soir dans des gîtes de hasard ! Et cette sainte mère Le Gannec, qui me soignait comme une mère son enfant, qui me berçait de ces tendresses réchauffantes qu’ont les petites gens !… Au lieu de m’agenouiller devant elle, de la remercier, ne l’avais-je pas brutalisée, presque battue !… Ah ! non ! qu’elle ne vienne pas !… qu’elle ne vienne pas !…

  La mère Le Gannec allumait ma lampe, et je me disposais à refermer la fenêtre, quand j’entendis, dans le chemin, des grelots, puis le roulement d’une voiture… Machinale
ment, je regardai… Une voiture, en effet, montait la rampe très raide à cet endroit, une sorte d’omnibus qui me parut haut, et chargé de malles… Un marin passait… Le postillon l’interpella :

  – Hé ! la maison de Mme Le Gannec, s’il vous plaît ?

  – C’est là, en face toi, répondit le marin, qui indiqua la maison d’un geste de la main et continua sa route.

  J’étais devenu tout pâle… et je vis, éclairée par la lumière de la lanterne, une petite main gantée se poser sur le bouton de la portière.

  – Juliette ! Juliette ! criai-je, éperdu… mère Le Gannec, c’est Juliette !… vite, vite… c’est Juliette !

  Courant, dégringolant l’escalier, je me précipitai dans la rue.

  – Juliette ! ma Juliette !

  Des bras m’enlacèrent, des lèvres se collèrent à ma joue, une voix soupira :

  – Jean ! mon petit Jean !

  Et je défaillis dans les bras de Juliette.

  Je ne tardai pas à revenir de mon évanouissement. On m’avait couché sur le lit, et Juliette, penchée sur moi, m’embrassait, m’appelait, pleurait :

  – Ah ! pauvre mignon !… Comme tu m’as fait peur !… Comme tu es blanc encore !… C’est fini, dis !… Parle-moi, mon Jean !

  Sans rien dire, je la contemplais… Il me semblait que tout mon être, inerte et glacé, détruit d’un coup, par une grande souffrance ou par un grand bonheur, – je ne savais, – refoulait dans mon regard la vie qui s’en allait, s’égouttait de mes membres, de mes veines, de mon cœur, de mon cerveau… Je la contemplais !… Elle était toujours belle, un peu plus pâle encore qu’autrefois, et je la retrouvais toute, avec ses yeux brillants et doux, sa bouche aimante, sa voix délicieusement enfantine, au timbre clair… Je cherchais sur son visage, dans ses gestes, dans l’habitude de son corps, dans ses paroles, je cherchais des traces douloureuses de son existence inconnue, une flétrissure, une déformation, quelque chose de nouveau et de plus fané !… Non, en vérité, elle était un peu plus pâle, et voilà tout… Et je fondis en larmes…

  – Encore, que je te voie, ma petite Juliette !

  Elle buvait mes larmes, pleurait aussi, me tenait embrassé.

  – Mon Jean !… Ah ! mon Jean adoré !

  La mère Le Gannec vint frapper à la porte de la chambre… Elle ne s’adressa pas à Juliette, affecta même de ne pas la regarder.

  – Qu’est-ce qu’il faut faire des malles, nostre Mintié ? demanda-t-elle.

  – Il faut les faire monter, mère Le Gannec !

  – On ne peut pas monter toutes ces malles ici, répliqua durement la vieille femme.

  – Tu en as donc beaucoup, ma chérie ?

  – Beaucoup, mais non !… il y en a six… Ces gens sont stupides !

  – Eh bien, mère Le Gannec, dis-je, gardez-les en bas, pour ce soir… Nous verrons demain…

  Je m’étais levé, et Juliette furetait dans la chambre, s’exclamait à chaque instant :

  – Mais c’est gentil ici… C’est drôle tout plein, mon chéri… Et puis, tu as un lit, un vrai lit… Moi qui croyais qu’on couchait dans des armoires, en Bretagne… Ah !… qu’est-ce que c’est que ça ?… Ne bouge pas, Jean, ne bouge pas.

  Elle avait pris sur la cheminée un gros coquillage, l’appliquait contre son oreille.

  – Tiens ! disait-elle désappointée… Tiens ! ça ne fait pas : chuuu ! dans tes coquillages !… Pourquoi, dis ?

  Puis brusquement, elle se jetait dans mes bras, me couvrait de baisers.

  – Ah ! ta barbe !… Ah ! tu laisses pousser ta barbe, vilain !… Et comme tes cheveux sont longs ! Et comme tu as maigri ! Est-ce que je suis changée, moi ?… Est-ce que je suis belle autant ?

  Nouant ses mains autour de mon cou, penchant sa tête sur mon épaule :

  – Raconte ce que tu fais ici, comment tu passes tes journées, à quoi tu penses… Raconte à ta petite femme… Et ne mens pas… Dis-lui bien tout, tout, tout !…

  Alors, je lui parlai de mes marches acharnées, de mes abattements sur la dune, de mes sanglots, d’elle que je voyais sans cesse, d’elle que j’appelais, comme un fou, dans le vent, dans la tempête…

  – Pauvre petit ! soupirait-t-elle… Et je parie que tu n’as pas même un caoutchouc ?…

  – Et toi ? et toi ? ma Juliette, as-tu pensé à moi seulement ?

  – Ah ! moi, quand je ne t’ai plus trouvé à la maison, j’ai cru que j’allais mourir… Célestine m’avait dit qu’un homme était venu te prendre ! J’ai tout de même attendu… Il rentrera, il rentrera… Et tu ne rentrais pas… Et j’ai couru chez Lirat, le lendemain !… Ah ! si tu savais comme il m’a reçue !… comme il m’a traitée !… Et je demandais à tout le monde : « Savez-vous où est Jean ? » Et personne ne pouvait me répondre… Oh ! méchant ! partir comme ça… sans un mot !… Tu ne m’aimais donc plus ?… Alors, tu comprends, j’ai voulu m’étourdir… Je souffrais trop !…

  Sa voix prit une intonation brève :

  – Quant à Lirat !… sois tranquille, mon chéri, je me vengerai de lui… Et tu verras !… Ça sera farce !… Quelle crapule que ton ami Lirat !… Mais tu verras, tu verras.

  Une chose me tourmentait : combien de jours, de semaines Juliette passerait-elle avec moi ?… Elle avait apporté six malles ; donc, elle avait l’intention de demeurer au Ploc’h un mois au moins, peut-être davantage… À la joie si grande de la posséder, sans trouble, sans crainte, se mêlait une vive inquiétude… Je n’avais pas d’argent… et je connaissais trop Juliette pour ne point ignorer qu’elle ne se résignerait pas à vivre comme moi, et je prévoyais des dépenses que je n’étais pas en état de supporter… Or comment faire ?… N’osant l’interroger directement, je répondis :

  – Nous avons le temps de songer à cela, ma chérie, dans trois mois, quand nous rentrerons à Paris…

  – Dans trois mois… Mais, mon pauvre mignon, je repars dans huit jours… Ça m’ennuie tant !

  – Reste, ma petite Juliette, je t’en supplie, reste tout à fait… plus longtemps… quinze jours !

  – C’est impossible, tu comprends… Oh ! ne sois pas triste, mon chéri… Ne pleure pas… parce que, si tu pleures, je ne te dirai pas une chose, une belle chose.

  Elle se fit plus tendre encore, se pelotonna contre moi, et reprit :

  – Écoute-moi bien, mon chéri… Je n’ai qu’une pensée, une seule pensée, vivre avec toi !… Nous quitterons Paris, nous nous en irons dans une petite maison, si bien cachés, vois-tu, que personne ne saura plus si nous existons… Seulement, il nous faut vingt mille francs de rente.

  – Où donc veux-tu que je les prenne maintenant ? m’écriai-je découragé.

  – Écoute-moi donc ! poursuivit Juliette… Il nous faut vingt mille francs de rente… Oh ! j’ai tout calculé !… Eh bien, dans six mois, nous les aurons…

  Juliette me regarda d’un air mystérieux… elle répéta :

  – Nous les aurons !…

  – Je t’en supplie, ma chérie, ne parle pas ainsi… Tu ne sais pas le mal que tu me fais…

  Juliette éleva la voix ; le pli de son front devint dur :

  – Alors, tu aimes mieux que je sois à d’autres toujours ?…

  – Ah ! tais-toi, Juliette !… tais-toi !… Ne parle jamais comme cela, jamais !…

  – Es-tu drôle !… Allons, sois gentil, et embrasse-moi !…

  Le lendemain, pendant qu’au milieu des malles ouvertes, des robes étalées partout, elle s’habillait, très déconcertée de l’absence de sa femme de chambre, elle forma une quantité de projets pour la journée… Elle voulait se promener sur la jetée, monter au phare, pêcher, aller à la dune, et s’asseoir à la place où j’avais tant pleuré… Elle se réjouissait d’apercevoir de jolies Bretonnes, en costume soutaché et brodé, comme au théâtre, de boire du lait, dans des fermes !

  – Il y a des bateaux ici ?

  – Mais oui.

  – Beaucoup ?

  – Mais oui.

  – Ah ! quelle chance, j’aime tant les bateaux !

  Puis elle me contait les
nouvelles de Paris… Gabrielle n’était plus avec Robert… Malterre se mariait… Jesselin voyageait… Il y avait eu des duels… Et des anecdotes sur tout le monde !… Toute cette mauvaise odeur de Paris me ramenait à des mélancolies, à des souvenirs poignants… Me voyant triste, elle s’interrompait, m’embrassait, prenait des airs navrés :

  – Ah ! tu crois peut-être que cette existence me plaît ! gémissait-elle… que je ne songe qu’à m’amuser, à être coquette !… Si tu savais !… Tu comprends, il y a des choses que je ne peux pas te dire… Mais si tu savais quel supplice c’est pour moi !… Tu es malheureux, toi !… Eh bien, moi ?… Tiens, si je n’avais pas l’espoir de vivre avec mon Jean, souvent, j’ai tant de dégoût que je me tuerais.

  Et, rêveuse, câline, elle revenait à ses bergeries, à ses petits sentiers de verdure, au calme de l’existence douce et cachée, avec des fleurs, des bêtes, et de l’amour… Ah ! de l’amour dévoué, soumis, de l’amour éternel, de l’amour qui nous illuminerait, jusqu’à la mort, ainsi qu’un chaud soleil.

  Nous sortîmes après le déjeuner, que la mère Le Gannec nous servit sévèrement, sans desserrer les lèvres une seule fois. À peine dehors, comme la brise fraîchissait et lui défrisait les cheveux, Juliette désira rentrer.

  – Ah ! le vent, mon chéri !… Le vent, vois-tu, je ne peux pas supporter ça… Il me décoiffe et me rend malade !…

  Elle s’ennuya toute la journée, et nos baisers ne suffirent pas à en remplir le vide… De même qu’autrefois, dans mon cabinet, elle étendit une serviette sur sa robe, sur la serviette posa de menues brosses et des limes et, grave, se mit à lisser ses ongles. Je souffrais cruellement, et la vision du vieux homme, à la fenêtre, m’obsédait.

  Le jour suivant, Juliette me déclara qu’elle était obligée de partir le soir même.

  – Ah ! quel malheur, mon chéri !… J’avais oublié !… vite, vite, commande une voiture… Oh ! quel malheur !

 

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