det_Brigitte macron l‘affranchie

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by Maëlle Brun


  L’équipe au complet, les choses sérieuses peuvent commencer, entre distributions de tracts et réunions stratégiques chez les uns et les autres, histoire de définir quelques idées fortes. Installation d’un skatepark, promesse d’encadrer les loyers des jeunes ménages, volonté de faire en sorte que « travailler, vivre et vieillir à Truchtersheim puisse se concrétiser harmonieusement et dans le respect de tous »… Les propositions de « Truchtersheim demain » se veulent fédératrices. Et pour rassembler un peu plus, la liste sera sans étiquette politique. Tant pis si, de l’avis général, les candidats sont majoritairement à droite… Brigitte Auzière la première. « Mon mari lui parlait parfois politique et, selon lui, elle n’avait pas des idées de gauche9 ! », nous explique une amie. Une orientation qui serait en tout cas conforme à la culture familiale. Chez les Trogneux, on vote traditionnellement plutôt à droite. Alors que l’enseignante fait campagne à Truchtersheim, les choses sont d’ailleurs claires chez elle, à Amiens. Toute sa tribu défend la candidature de l’UDF Gilles de Robien contre le communiste René Lamps, en poste depuis 1971. Et Jean Trogneux ne cessera de soutenir son champion après sa victoire.

  Brigitte serait-elle alors de droite ? Plusieurs éléments vont dans ce sens, à l’époque comme aujourd’hui. Sa position sur certains sujets sociétaux par exemple. Contrairement à Emmanuel Macron – qui précisait à ses copains de lycée venir d’une famille « de tradition mendésiste » –, elle n’est pas issue de la gauche culturelle. Et elle affirme être « plus réac » que son mari. Sur la conception de la laïcité, elle se dit par exemple « plus radicale », elle qui s’est élevée contre le port du voile à l’université. « Je ne suis pas du tout tolérante, confiait-elle à la journaliste Anne Fulda. Je suis rentre-dedans et, je ne le cache pas, je suis terrifiée par ce qui se passe dans certaines banlieues, ces jeunes filles qui se font traiter de tous les noms, qui sont conditionnées10. » Une vision de la laïcité qu’Alain Finkielkraut lui-même avait appréciée, la qualifiant d’« intransigeante », alors qu’ils en avaient tous deux discuté lors d’un dîner chez des relations communes.

  De là à dire que Brigitte Macron n’était pas franchement hollandaise lors du dernier quinquennat, il n’y a qu’un pas… Que Nicolas Sarkozy aurait allègrement franchi, selon RTL. « Elle est très bien. Elle m’a dit qu’elle avait toujours voté pour moi », racontait-il à ses proches, après son dîner à l’Élysée du 5 juillet 2017. « Je n’ai jamais dit à personne pour qui je votais et je ne le dirai jamais, avait-elle alors répliqué en privé. Même pas à Emmanuel. » Le mystère ne semble cependant pas bien épais pour les proches du couple, qui la situent spontanément à droite.

  Mais, en 1989, son intérêt est – déjà – de s’afficher sans étiquette. Une volonté de rassembler qui ne suffira pas pour Brigitte Auzière et ses colistiers : le 12 mars, leur liste s’incline dès le premier tour, et celle de Joseph Siegwald s’installe à la mairie. La faute notamment à un casting trop élitiste. Un médecin généraliste, un radiologue, deux enseignantes, un directeur de recherche au CNRS… « Truchtersheim demain » n’est pas vraiment en phase avec la population de la commune, à l’époque très rurale. « C’est bien simple : sur quinze personnes, nous étions treize intellectuels, reprend Jeannine Briard. Aujourd’hui, ce serait différent mais il y avait beaucoup plus de cultivateurs ici ! Et en face, nous avions M. Siegwald, qui était directeur du Crédit Agricole11. » « Ils n’avaient de toute façon aucune chance car beaucoup de leurs représentants n’étaient pas assez connus dans le village, analyse de son côté Justin Vogel, qui se trouvait alors sur la liste gagnante. Or la victoire était surtout fondée sur des personnalités. Mais à l’époque, on pouvait rayer un nom d’une liste et le remplacer par un autre. Et ils ont pu placer trois ou quatre personnes au conseil municipal12. » Malgré son implication pendant la campagne, Brigitte Auzière ne fera pas partie des repêchés.

  Un ADN très politique

  Reste que l’aventure lui a donné une image de la politique qu’elle retrouvera plus tard… Une campagne ni tout à fait à droite, ni vraiment à gauche, menée par des novices ? Vingt-huit ans avant 2017, les codes font furieusement penser à ceux d’En Marche !. Et cette première expérience électorale a en tout cas initié Brigitte à la chose politique. Sa fille Tiphaine, candidate suppléante malheureuse aux dernières législatives, semble d’ailleurs en avoir elle aussi le goût. Tout comme sa famille, à Amiens, assez active politiquement. Aux départementales de mars 2015, toute personne qui présentait chez Trogneux sa carte d’électeur tamponnée avait droit à un macaron gratuit. « A voté, a goûté ! », promettait-on. Puis, l’année suivante, les confiseurs se mettaient En Marche !, eux qui proposent aujourd’hui de « Make our planet great again » à leur manière : la punchline présidentielle a été apposée à des Terres en chocolat, dont les bénéfices sont en partie reversés à WWF.

  Aurait-on donc un ADN politique chez les Trogneux ? La réponse est oui, comme nous l’apprend encore Jean-Louis Beaucarnot, qui leur a découvert au XVIe siècle des ancêtres « lieutenants ». « À l’époque, cela désignait des individus investis de quelques pouvoirs de police et d’administration, plus ou moins ancêtres de nos maires13. » Et puis, surtout, se tiennent sur leur arbre généalogique deux anciens occupants de l’Élysée, que les Macron connaissent bien… « La première dame s’ajoute à la longue liste des cousins et cousines de François Hollande, descendant comme lui des Goubet, notables de Vaulx au XVIe siècle et de l’ancienne lignée des sires de Douay », reprend Jean-Louis Beaucarnot. Une parenté d’autant plus marquante que Brigitte Macron partage également des racines avec Valérie Trierweiler ! « Toutes deux descendent du roi Louis VII et de sa célèbre première épouse, Aliénor d’Aquitaine », termine le généalogiste. La République a beau régner, le palais de la rue du Faubourg Saint-Honoré s’est donc cette fois transmis en famille !

  Un Élysée sur lequel, à Truchtersheim, de nombreux regards sont désormais braqués. Les colistiers et amis de Brigitte scrutent ses apparitions avec une attention toute particulière. Et beaucoup disent leur confiance en ses compétences de conseillère – présidentielle, faute d’avoir été élue municipale. « Je pense qu’elle peut freiner Emmanuel Macron dans certaines décisions, juge Jeannine Briard. Elle me semble plus juste, plus clairvoyante que lui14 », ajoute l’octogénaire, en nous montrant les deux pages manuscrites qu’elle compte lui envoyer. « En annexe, je vais faire un point sur tout ce qu’il faudrait changer. La justice, l’Éducation nationale, la police… Je vais lui expliquer ce qui ne va pas. » Une feuille de route qu’elle pourrait même lui remettre en mains propres, si Brigitte Macron faisait un détour par Truch’, comme tout le monde l’espère ici. L’édile de la commune nous a d’ailleurs confié réfléchir au bon prétexte pour l’inviter, comme le lui réclament fréquemment ses collaborateurs. Un petit méchoui entre anciens voisins peut-être ? Pas sûr que cela suffise. « Il faudrait trouver une raison humanitaire. Elle a toujours été généreuse. Elle fait partie des gens qui aiment bien tendre la main15. »

  L’invitation est donc (presque) lancée à Brigitte. Et le chef de l’État peut même l’accompagner sans crainte : à la carte de La Libération, le bar-restaurant où se croise le Tout-Truchtersheim depuis des décennies, s’affichent non pas un, non pas deux, non pas trois, mais bien quatre types de cordons-bleus ! Lanières de veau, poulet, avec ou sans crème… Emmanuel Macron n’aurait pas à revivre le douloureux déjeuner du 23 avril 2017, quand il s’était vu refuser son plat préféré sur une aire d’autoroute, au seul prétexte qu’il n’avait pas pris le menu enfant… Pourtant, le patron des lieux, Jean-Paul Voltz, nous l’assure : il les proposait bien avant que la France ne découvre le péché mignon du président !

  D’ailleurs, la Macronmania ne s’est pas imposée ici. Lors du premier tour de la présidentielle, le candidat d’En Marche ! n’obtenait que 25,74 %, nettement distancé par François Fillon et ses 30,06 %. Et, malgré le bon souvenir qu’elle a laissé, la First Lady n’est
pas non plus devenue la star locale. « En mai 2016, le magazine Pop Story lui avait consacré un numéro en titrant “Et Brigitte créa Macron”, raconte son ancienne voisine. Eh bien, j’ai dû finir par acheter les cinq exemplaires de la presse de Truch’. Elle n’en avait pas vendu un16 ! » Une épopée que, pour sa part, elle a eu plaisir à lire. « Elle a connu quand même un parcours extravagant, que l’on ne pouvait pas prévoir à l’époque, avec la vie tranquille qu’elle menait. Encore que je ne la trouvais pas à sa place ! Compte tenu de son milieu d’origine, je me demandais ce qu’elle faisait là. Le monde qu’elle fréquente depuis Bercy, les intellectuels, les écrivains, ça ne se compare pas avec ce qu’elle a connu ici ! » Mais, à l’été 1991, Brigitte est encore loin des ors des ministères… Après sept ans dans le Bas-Rhin, entre plantations de maïs, de foin et de tabac, les Auzière font leurs cartons. Ils ont mis fin au bail de la maison qu’ils louaient rue des Coquelicots, car André-Louis vient d’être muté à la Banque française du commerce extérieur d’Amiens. Quant à Brigitte, elle est sur le point de rencontrer son destin à la bien nommée Providence.

  Dans Nicolas Prissette, Emmanuel Macron, en marche vers l’Élysée, Plon, 2016.

  Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

  Entretien avec l’auteur, le 29 juillet 2017.

  Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

  Ibid.

  Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

  Ibid.

  Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

  Entretien avec l’auteur, le 29 juillet 2017.

  Anne Fulda, Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait, Plon, 2017.

  Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

  Ibid.

  Entretien avec l’auteur, le 10 octobre 2017.

  Entretien avec l’auteur, le 28 juillet 2017.

  Ibid.

  Entretien avec l’auteur, le 29 juillet 2017.

  « UN MÉTIER Extraordinaire »

  « Je perçois Brigitte Macron comme la prof idéale. » 23 juillet 2017, Jean-Michel Blanquer livre son évaluation de la première dame dans Le Journal du dimanche. Et cette appréciation tout en mesure fera rire sur les réseaux sociaux… « Je me fiche de passer pour un fayot », rétorque depuis le ministre de l’Éducation nationale, qui explique bien s’entendre avec l’épouse du président. Une aubaine, celle-ci étant de toute façon décidée à s’impliquer dans son domaine. « J’ai une très haute idée de l’éducation. Il faut que ce soit une priorité. J’ai plein d’idées, prévenait-elle dès la campagne. L’essentiel, à mon propos, c’est que je suis prof. C’est cela qui me charpente1. » Un « métier extraordinaire », un « éblouissement », comme elle le définit, qui n’était pourtant pas son premier choix. Car sa vocation lui est venue par hasard, et sur le tard.

  1984, Brigitte Auzière a trente et un ans. Depuis deux ans, elle est attachée de presse, mais avec la naissance de Tiphaine lui sont venues des envies de reconversion. Arrivée en Alsace, elle s’ouvre de ce désir à des mamans d’élèves devant l’école de ses deux aînés. Coup de chance : l’une d’elles a une idée. « La direction diocésaine cherche des profs. Tu devrais postuler ! », lui lance-t-elle. Brigitte a une maîtrise de lettres – elle obtiendra plus tard son Capes ; elle s’exécute donc… Tout en songeant à monter son entreprise, pour ne pas avoir de patron, si cela ne marche pas. Elle n’en aura pas le loisir : sa candidature est acceptée, et elle est immédiatement nommée à Lucie-Berger, un établissement protestant du centre de Strasbourg. Une affectation qui, si elle la réjouit, ne sera pas de tout repos. « Je suis arrivée dans une classe de collège où l’on devait étudier des subordonnées conjonctives. Et moi, les conjonctives, les relatives, les circonstancielles, je n’en avais aucune idée, je n’avais étudié que la littérature !, se souvenait-elle dans Elle. La première heure a été vertigineuse. J’ai passé quinze jours sans dormir, à seulement travailler. »

  Une prof mémorable

  L’enseignement devient pourtant très vite un « bonheur », une « fierté », pour celle dont l’arrière-grand-père maternel était concierge d’un lycée de Montpellier, comme nous l’apprend le généalogiste Jean-Louis Beaucarnot2. Prof ? Ce serait « le plus beau métier du monde », s’il était plus rémunérateur, comme elle l’admet. Et une fois réappropriées les conjonctives, les relatives, les circonstancielles, elle va profiter de son nouveau poste pour explorer pleinement son amour des grands auteurs. Brigitte, que ses amis disent romanesque, aime à faire découvrir ses œuvres fétiches. Dom Juan, pour son impertinence ; Le Rouge et le Noir, dont elle connaît par cœur nombre de passages ; Madame Bovary, qui fait résonner en elle une quête d’exaltation… Elle dit avoir adoré transmettre sa passion à ses classes. Partager ses lectures est de toute façon une habitude qu’elle a conservée, conseillant les équipes de Bercy comme celles d’En Marche !. « Elle m’a demandé de lire L’Étranger de Camus, nous confie Ahmed Eddarraz, un militant devenu l’accompagnateur de la future première dame pendant toute la campagne. Je l’ai fait, je me suis régalé et, pour la remercier de cette découverte, je lui ai offert Chanson douce, de Leïla Slimani. Quelques semaines plus tard, elle me conseillait de le lire à mon tour. C’est la prof que j’aurais rêvé d’avoir, une dame qui transmet l’amour de la culture française. Mais elle le fait toujours avec humour, me précisant par exemple que la Vénus était de Milo, et non de Millau, dont je suis originaire… Je me souviens aussi de son fou rire devant mes mimiques face à quelques œuvres assez trash du musée d’Art brut et singulier à Montpellier. On se serait cru dans la scène du musée d’Intouchables3 ! »

  Autant dire qu’avec ses élèves la transmission est une priorité. « C’était une prof exceptionnelle, juge Laurent Poupart, directeur de Franklin, où elle exercera à Paris. Une femme d’une culture inouïe, joyeuse, enthousiaste, dynamique, attachée à obtenir de chaque élève le meilleur de lui-même. Un tourbillon ! Jamais blasée, jamais dans la routine4. » Une « passeuse », comme nous le dit Arnaud de Bretagne. Pendant une quinzaine d’années, ce professeur d’histoire-géographie aujourd’hui retraité l’a côtoyée à La Providence, à Amiens. « C’était une collègue très agréable, très ouverte. Nous parlions beaucoup littérature. Elle était souvent de bonne humeur, plaisantant avec tout le monde. Je me souviens de son humour : elle est assez blagueuse. » Une spontanéité qu’elle garde dans les salles de classe, où elle s’applique à motiver ses troupes. « Avec les élèves, elle faisait l’unanimité, poursuit Arnaud de Bretagne. Mes deux filles l’ont eue en cours et elles me le disaient. Sa force, c’est qu’elle était souriante, détendue mais surtout très positive. Elle s’intéressait à tous les élèves, avec une pédagogie de l’encouragement constant. C’est important, à l’adolescence5 ! »

  L’un se rappelle qu’elle l’aidait à étudier après les cours, l’autre la remercie de l’avoir soutenue face à ses parents dans son choix de filière littéraire… Interroger ses anciens élèves revient à s’entendre dépeindre une guide très bienveillante. « Lorsque j’étais en première S, elle était ma prof principale, nous raconte l’un d’eux. On était forcément moins bons que des littéraires mais elle était très proche. Elle discutait beaucoup avec nous, écoutait toujours nos problèmes. Si l’on avait un souci avec d’autres professeurs, elle n’hésitait jamais à nous défendre6. » Jean-Baptiste Deshayes a ce même souvenir. Cet ex-camarade d’Emmanuel Macron à La Providence avoue devoir beaucoup à Brigitte. « Adolescent, j’ai arrêté mes études pendant trois ans pour travailler dans le cinéma. Lorsque j’ai voulu revenir au lycée, en première L, le proviseur a jugé que ce serait compliqué. La différence d’âge, de maturité, d’expérience avec les autres élèves : tout cela n’était pas rassurant. Mais devant mon insistance, il a décidé de laisser le choix final à celle qui serait ma prof principale. Une heure plus tard, je rencontrais Brigitte et je n’ai pas mis beaucoup de temps à la convaincre. Elle a vu cela comme une opportunité, et mon expérience dans le
cinéma l’intéressait. Elle adore ce qui est atypique ! S’est nouée une relation presque amicale entre nous, que nous avons conservée depuis. Son but en cours n’était pas de déverser un savoir, mais de créer quelque chose de passionné, de passionnant et de participatif. C’est quelqu’un avec qui l’on pouvait discuter de tout, qui n’hésitait pas à digresser à partir du moment où cela allumait une étincelle chez ses élèves7. » L’enseignante s’attache aussi à les faire sortir de leur coquille. Au risque de les secouer un peu. « Elle était très cool, jamais déprimée, jamais négative, nous explique Claire Pasquier, une autre ancienne de La Providence. Très naturelle aussi, malgré son côté apprêté. Je me souviens d’un jour où nous étudiions le thème de la passion, pour le bac français, et elle nous avait demandé notre avis sur la notion de plaisir. Évidemment, dans notre école privée catholique, personne n’avait osé répondre. On se regardait tous sans rien dire. Et elle avait fini par lancer d’un air très enjoué que se faire plaisir faisait du bien de temps en temps ! Elle avait le don de nous décoincer8. » « Elle avait envie de développer l’esprit critique des jeunes, de les faire réagir, réfléchir », résume Jean-Baptiste Deshayes. « Elle tenait à rendre la culture vivante et n’avait pas une manière totalement académique d’enseigner. Elle avait compris qu’elle devait dépoussiérer la littérature, et elle y injectait donc de la modernité en multipliant les parallèles avec notre époque. Elle se servait pour cela de l’actualité, de sa vie ou de la nôtre. Elle savait en effet beaucoup de nous : les gens se confiaient facilement à elle. C’est le genre de profs que vous alliez voir avec un problème de cœur. » Son humour a aussi marqué l’ancien élève. « Elle est capable d’être très corrosive. J’avais par exemple pris pour habitude de lui écrire des petites notes en cours. Pas des mots doux, mais des anecdotes, des blagues, des citations. À chaque cours de français, j’en glissais plusieurs dans sa trousse. Et elle s’amusait de voir ce que je lui avais écrit. Quand je sortais de la classe, elle m’écrivait souvent une réponse que je trouvais ensuite dans mes affaires. J’étais pris à mon propre jeu ! Mais elle n’aurait jamais fait cela à un élève que cela aurait pu blesser. Elle adaptait son humour à son interlocuteur. Sa réponse au débat “peut-on rire de tout ?” a toujours été “oui, mais pas avec tout le monde.” » D’autres vantent enfin sa disponibilité, même des années après avoir quitté une classe. Bref, une enseignante qui marque ses élèves pour longtemps, après les avoir transportés dans l’instant.

 

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