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Frontiere Interdite

Page 12

by Shepard Rifkin


  Carson fit halte et plaqua une main sur les naseaux de sa jument pour l'empêcher de hennir en sentant les poneys des Indiens. Mais l'un des guerriers se retourna et l'aperçut. Les cinq cavaliers s'arrêtèrent, puis ils tournèrent bride et s'avancèrent au trot à sa rencontre. Il leur fit signe de s'éloigner. Ils n'en tinrent pas compte.

  La jument de Carson était épuisée ; les Indiens avaient des chevaux frais. Il préféra trouver une position sur la hauteur plutôt que de se laisser encercler dans la vallée ; la jument escalada une côte et dès que Carson fut au sommet, il pivota et tira. Les Indiens ne ralentirent même pas l'allure.

  Carson tira un dernier coup de semonce et la balle souleva la poussière sous le nez du cheval de tête ; puis il rechargea son arme, et remplit son sombrero de cartouches.

  Un des Comanches tira. La balle déchira l'air et vint s'aplatir sur la paroi rocheuse en frôlant la tête de Carson. Les Indiens se dispersèrent alors et s'abritèrent derrière des buissons. L'un d'eux saisit les rênes de tous les chevaux et les tira vers un ravin.

  — Aaaaarh ! hurla l'un des guerriers. Perro Tejano ! Lâche ! Tire ! Tire !

  Carson sourit et but une gorgée d'eau de son bidon. Tôt ou tard, les Indiens se lasseraient ; ou ils monteraient à l'assaut ou ils rentreraient chez eux. Il s'installa en vue d'une longue attente.

  Luisa chevauchait à côté de Ricardo, qui conduisait le chariot. Elle était couverte de sueur et de poussière. Elle aperçut sur la droite une petite vallée et tout au fond, des arbres et une source cascadant dans un bassin. Elle poussa son cheval dans cette direction.

  — Adonde vaya usted, señorita?

  Elle répondit à Ricardo qu'elle allait prendre un bain.

  — Le señor Carson n'aimerait pas ça. Estimant que ce propos ne méritait même pas une réponse, elle s'éloigna au trot. Arrivée près du bassin, elle mit pied à terre, se déshabilla, entra dans l'eau fraîche et se mit à nager pendant que son cheval broutait l'herbe grasse. Puis elle se rhabilla et natta ses longs cheveux, tout en cherchant son collier de corail. Elle était persuadée qu'il avait dû tomber entre deux rochers et elle avança, tête baissée, en tordant ses cheveux mouillés.

  Une vieille squaw surgit soudain des buissons, en compagnie d'une petite fille. Elles portaient de hauts mocassins et des jupes de peau et la petite, qui devait avoir douze ans, arborait un collier et un bracelet d'argent et de turquoises.

  La vieille squaw s'approcha de Luisa et se mit à lui faire des reproches. Elle se baissa, passant une main à ras du sol, en regardant le cheval avec colère. Luisa devina qu'elle se plaignait parce que le cheval mangeait l'herbe. Pendant ce temps, la petite tournait autour d'elle, regardant ses vêtements avec surprise. Elle trouva le collier de corail et se le mit au cou avec un sourire de satisfaction. Puis elle se pencha sur l'eau limpide et s'admira. La vieille continuait de gémir d'une voix monotone qui irrita bientôt Luisa.

  La vieille et la petite n'avaient pas dû se laver depuis longtemps et sentaient fort. Luisa leur fit signe de s'en aller, en indiquant que la petite pouvait garder le collier, mais cela ne calma pas la squaw.

  Luisa sentit sa ceinture s'alléger. Elle se retourna. La petite s'était glissée derrière elle et cherchait à voler son colt. Elle le laissa aussitôt retomber dans l'étui et recula en riant

  Le manège se répéta plusieurs fois, et finalement Luisa, excédée, fit une horrible grimace. La petite battit en retraite, effrayée, puis elle se mit à rire. Quand Luisa se retourna vers la vieille qui maugréait toujours, la petite fit une tentative plus hardie pour s'emparer du revolver. Luisa en avait assez. Sans se retourner, elle saisit le poignet de la jeune squaw, qui se débattit si bien que son bracelet se cassa et resta dans la main de Luisa. Quelques turquoises roulèrent entre les pierres et tombèrent dans l'eau. La petite, furieuse, voulut gifler Luisa mais ne heurta que son épaule.

  Luisa recula vivement, dégaina son colt et fit mine de tirer.

  Aussitôt, la vieille plongea dans les buissons, entraînant avec elle la petite en larmes. Luisa l'appela, lui cria de revenir chercher ses perles mais personne ne lui répondit. Les branches ne bougeaient plus. On n'entendait que la brise dans les arbres. Luisa s'avança, en appelant la petite. Elle écarta les buissons, et se trouva nez à nez avec deux guerriers. En riant, ils marchèrent à sa rencontre. Elle fit demi-tour et partit en courant rejoindre son cheval.

  — Viens, viens, nous pas mal ! cria l'un d'eux.

  Le cheval avait disparu. Des empreintes de mocassins recouvraient en partie celles des sabots. Luisa se mit à courir aussi vite qu'elle le put dans la vallée, suivie sans effort par les deux guerriers.

  Puis l'idée lui vint que ces Indiens s'imaginaient que son colt n'était pas chargé. Elle s'arrêta, dégaina et tira en l'air. Elle ne s'était pas trompée. Surpris, ils s'immobilisèrent. Ni l'un ni l'autre n'était armé ; seul le premier portait un couteau passé dans sa ceinture. Il posa la main sur le manche, mais quand elle le visa il se figea. Elle se remit à marcher, le colt à la main, en se retournant de temps en temps pour les menacer. Ils ne bougèrent pas. L'un d'eux se croisa les bras. Derrière lui, la petite fille apparut, le visage barbouillé de larmes, et brandit le poing.

  Le coup de feu de Luisa se répercuta contre la colline où Carson était assis. Les Comanches se rassemblèrent aussitôt. Leurs femmes étaient là-bas dans la vallée. Deux d'entre eux tirèrent sur lui, précipitamment, et s'éloignèrent au galop. Un troisième se souleva sur ses étriers, pivota sur lui-même et montra ses fesses à Carson, en les frappant d'un geste moqueur. Carson eut toutes les peines du monde à s'empêcher de faire un carton.

  — En somme, nous n'avons perdu qu'un cheval et un collier, dit Carson. Pas d'autres dégâts ?... Bon. Il est évident qu'ils ne tiennent pas à se battre. C'est heureux que vous ayez tiré en l'air, Luisa, sinon ils chercheraient à se procurer au moins un scalp pour se venger.

  — Mais qu'est-ce qu'ils foutent là ? demanda Bearclaw.

  — Je n'en sais rien, mais on ne va pas tarder à l'apprendre.

  Il désigna le sommet d'une colline, au loin. Un guerrier faisait décrire de petits cercles à son cheval.

  — Il demande à entamer des négociations de paix, expliqua Carson. Archie, prends ta Springfield. Va peut-être falloir jouer encore une fois à notre petit jeu.

  Il quitta le groupe.

  Le Comanche l'attendait, immobile sur son cheval. Il portait sa coiffure de chef, mais Carson fut heureux de voir qu'il n'avait pas de peinture de guerre sur la figure. Il tenait une lance à laquelle étaient accrochés neuf scalps. Quand Carson s'arrêta près de l'Indien, il constata que trois des scalps étaient frais. Le Comanche portait une cartouchière en bandoulière, et Carson remarqua qu'elle ne contenait que six cartouches. C'était donc pour cela que les Indiens n'avaient pas attaqué.

  Le guerrier se mit à parler par signes. Il n'y avait plus de bisons. Ils avaient faim. Ils aimeraient acheter des munitions. Alors ils pourraient aller dans les montagnes chasser le cerf. L'hiver arrivait, ils n'auraient bientôt plus le temps de fumer la viande de cerf pour faire du pemmican. Il était prêt à payer un dollar chaque cartouche. Deux autres Indiens apparurent, puis les deux femmes. Carson vit que la petite montait le cheval de Luisa. Il remarqua qu'ils étaient tous maigres. Il secoua la tête. — Moi avoir l'argent, déclara le chef. Il fit signe à la vieille squaw, et désigna du doigt le sac de peau qu'elle portait en bandoulière. Elle l'ouvrit, et le chef y plongea une main pour en retirer une poignée de billets froissés. Carson vit que les dollars étaient bons, qu'il ne s'agissait pas des images souvenirs si souvent distribuées aux Indiens.

  Plusieurs billets étaient ensanglantés et quelques-uns roussis sur les bords. Carson secoua la tête. Il n'avait pas la moindre envie de vendre des munitions à des gens qui risquaient de revenir pour s'en servir contre lui.

  Il leur offrit en cadeau deux bœufs. Pas de cartouches. Ça les amuserait peut-être d'apprendre que tous ses hommes étaient des tireurs d'élite. A cette distance, par exemple, n'importe leque
l d'entre eux pouvait transpercer d'une balle un dollar d'argent.

  Le chef sourit ironiquement, en faisant un signe négatif. Il calcula la distance entre la colline et le chariot entouré d'hommes, puis il fit tourner son index autour de son oreille droite. — Nous y revoilà, marmonna Carson. Il leva la pièce d'argent. Il la tint fermement, et ne relâcha pas sa prise quand la balle la frappa.

  L'expression amusée du chef se dissipa. Il contempla d'un air respectueux la petite bouffée de fumée. Carson lança la pièce trouée à la petite fille, qui l'attrapa au vol et l'enfila aussitôt au collier de corail. Carson revint au langage par signes. Il voulait le collier et le cheval. Sinon, pas de bœufs. Le chef resta impassible. Il comptait les hommes entourant le chariot et Carson savait ce qu'il pensait. Il pourrait peut-être les abattre un par un mais ses guerriers n'avaient pas de munitions et les Blancs étaient d'excellents tireurs. Les risques étaient trop grands.

  Le chef se retourna et se mit à parler dans le rude dialecte des Comanches. La petite refusa de rendre le cheval et le collier. Le chef n'entendait pas qu'on lui tienne tête. Il lui arracha le collier et la poussa brutalement. Elle tomba de cheval.

  Pleurant de rage, la petite injuria le chef, tandis que tous les guerriers riaient. Le chef remit le collier et les rênes du cheval à Carson. Il détacha le dollar d'argent et le lança à la petite. Elle s'arrêta de sangloter, juste le temps de le lui renvoyer, puis elle se jeta sur lui et lui bourra la jambe de coups de poing. Il la repoussa ; elle revint à la charge et quand il la saisit pour la tenir à bout de bras, elle lui mordit la main. Il éperonna son cheval et, conduisant l'autre par la bride, il s'éloigna en suçant sa main. Les Indiens riaient.

  En arrivant au chariot, Carson ordonna à Sebastiano de détacher deux bons bœufs et de les donner aux Comanches. Les hommes partirent au trot et Carson rendit le collier de corail à Luisa. Elle tourna les perles entre ses doigts, sans regarder Carson.

  — Carson... fit-elle enfin.

  — Oui?

  — Votre conduite me plaît. Vous seriez un très bon hacendero. Si vous revenez à Isleta, nous...

  — Non.

  — Il y a trois cent cinquante ans, Carson, vous auriez fait un excellent conquistador.

  Elle lui tendit le collier, lui tourna le dos et demanda :

  — Vous me le mettez?

  Il le lui agrafa sur la nuque. Elle se renversa contre lui, en le regardant par-dessus son épaule. Il sentit son cœur battre follement. Elle le sentit aussi et, souriante, elle rejeta la tête en arrière, la posa sur l'épaule de Carson, et attendit, les lèvres entrouvertes.

  Elle gémit sous la violence du baiser, arracha sa bouche à la sienne, secoua la tête et comme il se penchait de nouveau sur elle, elle chuchota :

  — Isleta ?

  — Non, murmura-t-il en la prenant aux épaules pour la retourner face à lui.

  — Cobarde ! glapit-elle en le repoussant.

  Surpris, il recula ; son éperon se prit dans l’étrier d'une selle posée par terre et il partit à la renverse. Une ombre se profila au-dessus de lui.

  — Je vous l'avais bien dit que les vaches que vous tirez des fondrières vous étripent à la première occasion, fit Archie. Et vous me devez cinq dollars.

  Furieux, Carson se releva et gronda :

  — Moi ? Pourquoi donc ?

  — Vous m'en aviez promis cinq si je touchais ce dollar d'argent plein centre, dans l'île.

  Carson les lui donna.

  XVIII

  — Belles bêtes, approuva King Fisher.

  Les deux hommes longèrent tout le troupeau, escaladèrent une petite colline et s'arrêtèrent sous un chêne vert. Il faisait chaud ; il n'y avait pas un souffle de vent. King Fisher mit pied à terre et s'assit à l'ombre. Carson l'imita ; il avait toujours très mal dans le dos ; la blessure de son nez n'était pas encore cicatrisée. King Fisher observa ses mouvements lents et malaisés, mais ne fit aucune réflexion.

  — Regardez-les donc manger, ces sacrés bestiaux ! s'exclama-t-il. Ils ont tondu le pré comme une pelouse. Faudra les pousser vers le nord demain. Ils n'ont pas perdu trop de viande sur la piste. Vous êtes un bon vacher, Carson. — Merci. — On les engraisse de deux cents livres et on les emmène à Dodge... Paraît que vous en avez bavé au Mexique ?

  Carson hocha la tête. King Fisher reprit, de la même voix paisible et vaguement compatissante :

  — On dit aussi que vous êtes un voleur de bestiaux.

  — On en dit autant de vous, monsieur Fisher. King Fisher rit tout bas.

  — Vous n'avez pas du tout peur de moi.

  — Non.

  — Paraît que vous avez soldé votre hypothèque hier?

  — Oui.

  — Il y en a qui disent que vous l'avez payée avec mon argent, Carson.

  — Tout dépend à quel point de vue on se place.

  — Mon point de vue, c'est qu'ils ont peut-être raison.

  King Fisher se leva, sauta en selle et lorsque Carson l'eut rejoint, il demanda :

  — Alors vous ne croyez pas que vous me devez un merci poli ?

  Carson prit son temps pour répondre.

  — Non.

  — Comment ça ? fit King Fisher, amusé. Sans moi, vous seriez encore en train de tirer le diable par la queue avec un misérable troupeau de vaches malades, couvertes de tiques et pleines de vers, meuglant pour de l'eau, et qui vaudraient quatre dollars la tête. Alors comment vous pourriez aller faire les marchés de Dodge ou d'Abilene ? Comment vous les emmèneriez dans ce pays aride plein d'Apaches pour aller les vendre aux mineurs des Mogollones ? Vous n'auriez pas de quoi embaucher des gars pour les convoyer dans l'Arizona ou dans le Nord. Vous auriez personne. Il alluma un cigare, tout en observant Carson.

  — J'ai travaillé deux jours pour vous, au Mexique. J'ai pensé que tout le surplus me revenait du moment que vous aviez les vingt têtes prévues.

  — Vous vous croyez coriace. Mais ne l'oubliez jamais : je ne suis plus un poulain, et si vous pensez pouvoir me dresser, vous êtes cinglé. C'est moi qui vous aurai.

  — Je ne l'oublierai pas, monsieur Fisher.

  King Fisher examina le bout de son cigare. Il aspira profondément, ôta son sombrero et d'un grand geste il balaya l'horizon, embrassant les immenses corrals, les moulins à vent, le bétail dispersé comme des grains de poivre sur les collines et dans les vallées verdoyantes :

  — C'est grand et beau ! Grand et beau ! Mais sacré bon Dieu, ça serait-y pas marrant de tout démolir pour recommencer ?

  — Remettez votre chapeau, monsieur Fisher, vous allez attraper une insolation.

  — Si j'en ai pas déjà une, hein ? Je parie que vous comprenez rien à ce que je raconte.

  Il se recoiffa et eut un petit rire :

  — Vous me causez bien du tintouin, mon gars. Cette petite de Parral qui s'est mis dans la tête de ranger ses souliers sous votre lit... (Carson se raidit.) Laissez-moi finir et ne faites pas cette tête. Ça me plaît pas qu'une femme traîne chez moi à moins qu'elle soit mariée. Elle a mis tous les hommes dans un tel état qu'ils sont comme des taureaux en rut J'ai vu Archie faire le poireau près de sa chambre et il était plus nerveux qu'un cancrelat sur une poêle à frire. Elle est pas mariée, vous avez pas revendiqué vos droits sur elle, alors tous les gars se figurent qu'ils ont leur chance. Et j'ai pas envie qu'ils commencent à se bagarrer pour elle.

  — Je vais l'emmener chez moi demain. Je voulais arranger un peu la maison, avant.

  — J'espère qu'elle est pas cinglée. Ne me regardez pas comme ça ! Elle reste assise toute la journée sans jamais dire un mot.

  — Elle est pas cinglée.

  — Elle se conduit comme une bonne femme que j'ai vue après que les Indiens en avaient fini avec elle.

  — Je vous dis qu'elle est pas folle.

  — Ce matin j'ai frappé à sa porte. Pas de réponse. Je voulais savoir si elle avait bien dormi, si elle voulait pas une autre couverture. Pas de réponse. J'ai refrappé. Poussé la porte. Elle était assise dans le rocking-chair avec ce colt que vou
s lui avez donné sur les genoux. Elle a braqué le canon sur moi, en montrant la porte. Je l'ai refermée bien tranquillement. Je discute jamais avec des gens qui ont une de ces expressions-là. Je veux pas que cette bonne femme se balade par ici avec un 45. Un jour ou l'autre le cousin Archie va vouloir lui faire une mignardise et si elle aime pas ça, le cousin Archie va se retrouver tout à fait mort. Si elle était à moi, je lui arracherais ce pistolet et je lui flanquerais une bonne fessée. Mais je peux pas, j'aurais des ennuis avec vous. Je voulais vous prévenir, petit, pour que vous arrangiez ça en douceur.

  — Demain, elle sera partie.

  — Et faites gaffe quand vous irez en ville. Ma famille va être salement en rogne à l'idée que vous vous êtes fait un tas de fric avec ce marché. Ils s'imaginent que c'est de l'argent à Fisher.

  — Et vous pensez aussi que c'est votre argent ?

  — On a déjà discuté de ça, petit. Disons que vous l'avez bien gagné. Mais je regrette que vous ayez été si vache avec Bond. Avec le prix que vous lui avez fait payer pour les carabines, il va venir pleurer dans mon gilet. Si je veux encore faire des affaires avec lui, va falloir que je lui rembourse tout ça. Mais je m'en fous. Il était temps qu'on lui fourre le nez dans son caca. Cette petite de Parral, vous allez l'épouser?

  — Non.

  — Elle vous plaît plus que vous voulez bien le dire. Peut-être plus que vous ne vous l'avouez à vous-même. Ça se voit rien qu'à votre façon de la regarder. Vous connaissez bien les femmes ?

  Carson secoua la tête.

  — Elle a l'air d'être faite pour ce pays. Ma femme ne l'était pas. Nous étions pas mariés depuis deux mois qu'on a surpris deux voleurs de chevaux, à Kenyon. Ma femme m'a dit : « Il paraît qu'on les a pendus à un poteau télégraphique. » Moi je savais pas quoi dire, j'étais dans le coup... et elle était si furieuse que j'ai préféré me taire. Tout ce que j'ai pu trouver à répondre c'est : « Ma foi, probable que ça a pas fait de mal au poteau télégraphique. » Là-dessus elle m'a répliqué : « Je croyais te connaître en Louisiane, mais tu fréquentes tellement de yankees et de bandits que je ne sais plus qui tu es. Je veux que tu me ramènes en Louisiane. Jamais je ne pourrai vivre dans un pays pareil. :» J'ai eu du mal à la retenir, mais quand le bébé est né, ça s'est tassé.

 

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