The Penguin Book of French Poetry

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The Penguin Book of French Poetry Page 8

by Various


  Qui s’éveillait me dit: c’est l’étoile ma soeur.

  Et pendant qu’à longs plis l’ombre levait son voile,

  J’entendis une voix qui venait de l’étoile

  Et qui disait: – Je suis l’astre qui vient d’abord.

  Je suis celle qu’on croit dans la tombe et qui sort.

  J’ai lui sur le Sina, j’ai lui sur le Taygète;

  Je suis le caillou d’or et de feu que Dieu jette,

  Comme avec une fronde, au front noir de la nuit.

  Je suis ce qui renaît quand un monde est détruit.

  O nations! je suis la Poésie ardente.

  J’ai brillé sur Moïse et j’ai brillé sur Dante.

  Le lion océan est amoureux de moi.

  J’arrive. Levez-vous, vertu, courage, foi!

  Penseurs, esprits, montez sur la tour, sentinelles!

  Paupières, ouvrez-vous! allumez-vous, prunelles!

  Terre, émeus le sillon; vie, éveille le bruit;

  Debout, vous qui dormez! – car celui qui me suit,

  Car celui qui m’envoie en avant la première,

  C’est l’ange Liberté, c’est le géant Lumière!

  Mes deux filles

  Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,

  L’une pareille au cygne et l’autre à la colombe,

  Belles, et toutes deux joyeuses, ô douceur!

  Voyez, la grande soeur et la petite soeur

  Sont assises au seuil du jardin, et sur elles

  Un bouquet d’oeillets blancs aux longues tiges frêles,

  Dans une urne de marbre agité par le vent,

  Se penche, et les regarde, immobile et vivant,

  Et frissonne dans l’ombre, et semble, au bord du vase,

  Un vol de papillons arrêté dans l’extase.

  My two daughters

  In the cool half-light of the enchanting fall of evening, one like the swan and the other like the dove, beautiful, and both happy, O sweetness! See, the big sister and the little sister sitting on the threshold of the garden, and above them a cluster of white carnations with long fragile stems, stirred in their marble urn by the wind, bends forward, motionless and living, and looks at them, and quivers in the shade, at the lip of the vase, like a flight of butterflies suspended in rapture.

  Demain, dès l’aube…

  Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

  Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

  J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

  Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

  Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

  Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

  Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

  Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

  Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

  Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

  Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

  Un bouquet de houx vert et de bruyére en fleur.

  Tomorrow, as soon as day breaks…

  Tomorrow, as soon as day breaks, at the hour when the landscape whitens, I will set out. You see, I know you are waiting for me. I will go by the forest, I will go by the mountain. I can stay no longer far from you.

  I will walk with my gaze fixed on my thoughts, seeing nothing outside, hearing no sound, alone, unknown, with bent back and crossed hands, sad, and the daylight for me will be like night.

  I will not look at the golden fall of evening, nor at the distant sails going down towards Harfleur, and when I arrive I will place on your tomb a bouquet of green holly and of flowering heather.

  A Villequier

  Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,

  Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux;

  Maintenant que je suis sous les branches des arbres,

  Et que je puis songer à la beauté des cieux;

  Maintenant que du deuil qui m’a fait l’âme obscure

  Je sors, pâle et vainqueur,

  Et que je sens la paix de la grande nature

  Qui m’entre dans le coeur;

  Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,

  Ému par ce superbe et tranquille horizon,

  Examiner en moi les vérités profondes

  Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon;

  At Villequier

  Now that Paris, its pavements and its marbles and its mist and its roofs are far from my eyes; now that I am beneath the branches of the trees, and I can muse on the beauty of the heavens;

  Now that I am emerging, pale and victorious, from the grief that darkened my soul, and feel great nature’s peace entering my heart;

  Now that, seated at the waters’ edge, moved by this proud and calm horizon, I can examine the deep truths within myself and gaze at the flowers in the grass;

  Maintenant, ô mon Dieu! que j’ai ce calme sombre

  De pouvoir désormais

  Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l’ombre

  Elle dort pour jamais;

  Maintenant qu’attendri par ces divins spectacles,

  Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté,

  Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,

  Je reprends ma raison devant l’immensité;

  Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire;

  Je vous porte, apaisé,

  Les morceaux de ce coeur tout plein de votre gloire

  Que vous avez brisé;

  Je viens à vous, Seigneur! confessant que vous êtes

  Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant!

  Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,

  Et que l’homme n’est rien qu’un jonc qui tremble au vent;

  Now, O God! that I have this dark tranquillity in which I can henceforward see with my eyes the stone where I know she sleeps for ever in the shadow;

  Now that, touched by these heavenly sights, plains, forests, rocks, valleys, silvery river, seeing my own smallness and seeing your miracles, I recover my reason in the face of the immensity;

  I come to you, Lord, father in whom we must believe; pacified, I bring you the fragments of this heart, full of your glory, which you have shattered;

  I come to you, Lord, confessing that you are good, merciful, indulgent and gentle, O living God! I acknowledge that you alone know what you do, and that man is nothing but a reed trembling in the wind;

  Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme

  Ouvre le firmament;

  Et que ce qu’ici-bas nous prenons pour le terme

  Est le commencement;

  Je conviens à genoux que vous seul, père auguste,

  Possédez l’infini, le réel, l’absolu;

  Je conviens qu’il est bon, je conviens qu’il est juste

  Que mon coeur ait saigné, puisque Dieu l’a voulu!

  Je ne résiste plus à tout ce qui m’arrive

  Par votre volonté.

  L’âme de deuils en deuils, l’homme de rive en rive,

  Roule à l’éternité.

  Nous ne voyons jamais qu’un seul côté des choses;

  L’autre plonge en la nuit d’un mystère effrayant.

  L’homme subit le joug sans connaître les causes.

  Tout ce qu’il voit est court, inutile et fuyant.

  I say that the tomb as it closes on the dead opens the firmament; and that what we take here below for the end is the beginning;

  I acknowledge on my knees that you alone, majestic father, possess the infinite, the real, the absolute; I grant that it is good, I grant that it is just that my heart has bled, since God has wished it!

  I resist no longer all that happens to me by your will. The soul from grief to grief, mankind from shore to shore, drifts onward to eternity.

  We never see more than a single side of things; the other plunges into the darkness of a fr
ightening mystery. Man endures the yoke without knowing the causes. All that he sees is brief, futile and ephemeral.

  Vous faites revenir toujours la solitude

  Autour de tous ses pas.

  Vous n’avez pas voulu qu’il eÛt la certitude

  Ni la joie ici-bas!

  Dès qu’il possède un bien, le sort le lui retire.

  Rien ne lui fut donné, dans ses rapides jours,

  Pour qu’il s’en puisse faire une demeure, et dire:

  C’est ici ma maison, mon champ et mes amours!

  Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient;

  Il vieillit sans soutiens.

  Puisque ces choses sont, c’est qu’il faut qu’elles soient;

  J’en conviens, j’en conviens!

  Le monde est sombre, ô Dieu! l’immuable harmonie

  Se compose des pleurs aussi bien que des chants;

  L’homme n’est qu’un atome en cette ombre infinie,

  Nuit où montent les bons, où tombent les méchants.

  You always bring back solitude round every step he takes. You have not wished him to have certainty or joy here on earth!

  As soon as he owns a treasure, fate takes it back from him. Nothing was given to him, in his fleeting days, with which to make a dwelling, saying: Here are my home, my field, my loves!

  He must see only briefly all that his eyes can see; he grows old without support. Since these things are, then they must be; I acknowledge it, I acknowledge it!

  The world is dark, O God! the unchanging harmony is written in tears as well as songs; man is merely an atom in this infinite shadow, this night in which the good ascend and the wicked fall.

  Je sais que vous avez bien autre chose à faire

  Que de nous plaindre tous,

  Et qu’un enfant qui meurt, désespoir de sa mère,

  Ne vous fait rien, à vous.

  Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,

  Que l’oiseau perd sa plume et la fleur son parfum;

  Que la création est une grande roue

  Qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu’un;

  Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent,

  Passent sous le ciel bleu;

  Il faut que l’herbe pousse et que les enfants meurent;

  Je le sais, ô mon Dieu!

  Dans vos cieux, au delà de la sphère des nues,

  Au fond de cet azur immobile et dormant,

  Peut-être faites-vous des choses inconnues

  Où la douleur de l’homme entre comme élément.

  I know that you have other things to do than to pity us all, and that a dying child, the despair of its mother, means nothing to you.

  I know that the fruit falls in the wind that shakes it, that the bird loses its feather and the flower its scent; that creation is a great wheel which cannot move on without crushing someone;

  The months, the days, the waves of the seas, the weeping eyes, pass by beneath the blue sky; the grass must grow and children must die; I know it, O my God!

  In your heavens, beyond the cloudy sphere, deep in that motionless, sleeping blue, perhaps you are creating unknown things in which man’s suffering plays a part.

  Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre

  Que des êtres charmants

  S’en aillent, emportés par le tourbillon sombre

  Des noirs événements.

  Nos destins ténébreux vont sous des lois immenses

  Que rien ne déconcerte et que rien n’attendrit.

  Vous ne pouvez avoir de subites clémences

  Qui dérangent le monde, ô Dieu, tranquille esprit!

  Je vous supplie, ô Dieu! de regarder mon âme,

  Et de considérer

  Qu’humble comme un enfant et doux comme une femme

  Je viens vous adorer!

  Considérez encor que j’avais, dès l’aurore,

  Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté,

  Expliquant la nature à l’homme qui l’ignore,

  Éclairant toute chose avec votre clarté;

  Perhaps it serves your countless purposes that delightful creatures should vanish, carried away by the dark whirlwind of black events.

  Our shadowy destinies move under vast laws which nothing throws off balance and nothing moves to pity. You cannot have sudden merciful urges that upset the world, O God, calm spirit!

  I beseech you, O God! to look at my soul, and to consider that I come, humble as a child and gentle as a woman, to worship you!

  Consider too that since the dawn I had worked, fought, thought, marched and struggled, explaining nature to man who does not know it, clarifying all things with your bright light;

  Que j’avais, affrontant la haine et la colère,

  Fait ma tâche ici-bas,

  Que je ne pouvais pas m’attendre à ce salaire,

  Que je ne pouvais pas

  Prévoir que, vous aussi, sur ma tête qui ploie

  Vous appesantiriez votre bras triomphant,

  Et que, vous qui voyiez comme j’ai peu de joie,

  Vous me reprendriez si vite mon enfant!

  Qu’une âme ainsi frappée à se plaindre est sujette,

  Que j’ai pu blasphémer,

  Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jette

  Une pierre à la mer!

  Considérez qu’on doute, ô mon Dieu! quand on souffre,

  Que l’œil qui pleure trop finit par s’aveugler,

  Qu’un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,

  Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler,

  That I, braving hatred and anger, had performed my task here below, that I could not expect that recompense, that I could not

  Foresee that you too, upon my sinking head, would bring down the weight of your triumphant arm, and that you, who saw what little joy I have, would take back my child from me so swiftly!

  That a soul so stricken is likely to complain, that I may have blasphemed, and hurled my cries at you like a child throwing a stone into the sea!

  Consider, O my God! that we doubt when we suffer, that the eye that weeps too much will in the end go blind, that a being plunged by his grief into the blackest chasm, when he sees you no more, cannot contemplate you,

  Et qu’il ne se peut pas que l’homme, lorsqu’il sombre

  Dans les afflictions,

  Ait présente à l’esprit la sérénité sombre

  Des constellations!

  Aujourd’hui, moi qui fus faible comme une mère,

  Je me courbe à vos pieds devant vos cieux ouverts.

  Je me sens éclairé dans ma douleur amère

  Par un meilleur regard jeté sur l’univers.

  Seigneur, je reconnais que l’homme est en délire

  S’il ose murmurer;

  Je cesse d’accuser, je cesse de maudire,

  Mais laissez-moi pleurer!

  Hélas! laissez les pleurs couler de ma paupière,

  Puisque vous avez fait les hommes pour cela!

  Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre

  Et dire à mon enfant: Sens-tu je suis là?

  And that it cannot be that man, when he sinks into affliction, can have present in his mind the melancholy serenity of the constellations!

  Today, I who was as weak as a mother, bend low at your feet before your open heavens. I feel enlightened in my bitter sorrow by a more mellow gaze cast on the universe.

  Lord, I recognize that mankind is insane if he dares to complain; I accuse no more, I curse no more, but let me weep!

  Alas! let the tears flow from my eyelids, since you have made men for that! Let me bend low over this cold stone and say to my child: Do you sense that I am here?

  Laissez-moi lui parler, incliné sur ses restes,

  Le soir, quand tout se tait,

  Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux célestes,

  Cet ange m’écoutait!

  Hélas! vers le passé tournant un œil
d’envie,

  Sans que rien ici-bas puisse m’en consoler,

  Je regarde toujours ce moment de ma vie

  Où je l’ai vue ouvrir son aile et s’envoler.

  Je verrai cet instant jusqu’à ce que je meure,

  L’instant, pleurs superflus!

  Où je criai: L’enfant que j’avais tout à l’heure,

  Quoi donc! je ne l’ai plus!

  Ne vous irritez pas que je sois de la sorte,

  O mon Dieu! cette plaie a si longtemps saigné!

  L’angoisse dans mon âme est toujours la plus forte,

  Et mon cœur est soumis, mais n’est pas résigné.

  Let me speak to her, bent over her remains, in the evening, when all is silent, as if, reopening her heavenly eyes in her darkness, that angel were listening to me!

  Alas! turning an eye of longing towards the past, with no solace for me here on earth, I gaze still at that moment in my life when I saw her spread her wings and fly away.

  I shall see that moment until I die, the moment, pointless tears! when I cried: The child I had just now, how can it be! I have her no more!

  Do not be angry that I am like this, O my God! this wound has bled so long! Anguish still holds sway in my soul, and my heart is submissive, but not resigned.

  Ne vous irritez pas! fronts que le deuil réclame,

  Mortels sujets aux pleurs,

  Il nous est malaisé de retirer notre âme

  De ces grandes douleurs.

  Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires,

  Seigneur; quand on a vu dans sa vie, un matin,

  Au milieu des ennuis, des peines, des misères,

  Et de l’ombre que fait sur nous notre destin,

  Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,

  Petit être joyeux,

 

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