Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 141

by Gustave Flaubert


  Enfin, le soir, comme une pierre se détachant de la falaise, tout à coup il tomba d'en haut un baudrier. Fait de cuir rouge et couvert de broderie avec trois étoiles de diamant, il portait empreint à son milieu la marque du Grand-Conseil : un cheval sous un palmier. C'était la réponse d'Hamilcar, le sauf-conduit qu'il envoyait.

  Ils n'avaient rien à craindre ; tout changement de fortune amenait la fin de leurs maux. Une joie démesurée les agita, ils s'embrassaient, pleuraient. Spendius, Autharite et Zarxas, quatre Italiotes, un Nègre et deux Spartiates s'offrirent comme parlementaires. On les accepta tout de suite . Ils ne savaient cependant par quel moyen s'en aller.

  Mais un craquement retentit dans la direction des roches ; et la plus élevée, ayant oscillé sur elle-même, rebondit jusqu'en bas. En effet, si du côté des Barbares elles étaient inébranlables, car il aurait fallu leur faire remonter un plan oblique (et, d'ailleurs, elles se trouvaient tassées par l'étroitesse de la gorge), de l'autre, au contraire, il suffisait de les heurter fortement pour qu'elles descendissent. Les Carthaginois les poussèrent, et, au jour levant, elles s'avançaient dans la plaine comme les gradins d'un immense escalier en ruine.

  Les Barbares ne pouvaient encore les gravir. On leur tendit des échelles ; tous s'y élancèrent. La décharge d'une catapulte les refoula ; les Dix seulement furent emmenés.

  Ils marchaient entre les Clinabares, et appuyaient leur main sur la croupe des chevaux pour se soutenir. Maintenant que leur première joie était passée, ils commençaient à concevoir des inquiétudes. Les exigences d'Hamilcar seraient cruelles. Mais Spendius les rassurait.

  — " C'est moi qui parlerai ! " Et il se vantait de connaître les choses bonnes à dire pour le salut de l'armée.

  Derrière tous les buissons, ils rencontraient des sentinelles en embuscade. Elles se prosternaient devant le baudrier que Spendius avait mis sur son épaule.

  Quand ils arrivèrent dans le camp punique, la foule s'empressa autour d'eux, et ils entendaient comme des chuchotements, des rires. La porte d'une tente s'ouvrit.

  Hamilcar était tout au fond, assis sur un escabeau, près d'une table basse où brillait un glaive nu. Des capitaines, debout, l'entouraient.

  En apercevant ces hommes, il fit un geste en arrière, puis il se pencha pour les examiner.

  Ils avaient les pupilles extraordinairement dilatées avec un grand cercle noir autour des yeux, qui se prolongeait jusqu'au bas de leurs oreilles ; leurs nez bleuâtres saillissaient entre leurs joues creuses, fendillées par des rides profondes ; la peau de leur corps, trop large pour leurs muscles, disparaissait sous une poussière de couleur ardoise ; leurs lèvres se collaient contre leurs dents jaunes ; ils exhalaient une infecte odeur ; on aurait dit des tombeaux entrouverts, des sépulcres vivants.

  Au milieu de la tente, il y avait, sur une natte où les capitaines allaient s'asseoir, un plat de courges qui fumait. Les Barbares y attachaient leurs yeux en grelottant de tous les membres, et des larmes venaient à leurs paupières. Ils se contenaient, cependant.

  Hamilcar se détourna pour parler à quelqu'un. Alors, ils se ruèrent dessus, tous, à plat ventre. Leurs visages trempaient dans la graisse, et le bruit de leur déglutition se mêlait aux sanglots de joie qu'ils poussaient. Plutôt par étonnement que par pitié, sans doute, on les laissa finir la gamelle. Puis, quand ils se furent relevés, Hamilcar commanda, d'un signe, à l'homme qui portait le baudrier de parler. Spendius avait peur ; il balbutiait.

  Hamilcar, en l'écoutant, faisait tourner autour de son doigt une grosse bague d'or, celle qui avait empreint sur le baudrier le sceau de Carthage. Il la laissa tomber par terre : Spendius, tout de suite, la ramassa ; devant son maître, ses habitudes d'esclave le reprenaient. Les autres frémirent, indignés de cette bassesse.

  Mais le Grec haussa la voix, et, rapportant les crimes d'Hannon, qu'il savait être l'ennemi de Barca, tâchant de l'apitoyer avec le détail de leurs misères et les souvenirs de leur dévouement, il parla pendant longtemps, d'une façon rapide, insidieuse, violente même ; à la fin, il s'oubliait, entraîné par la chaleur de son esprit.

  Hamilcar répliqua qu'il acceptait leurs excuses. Donc la paix allait se conclure, et maintenant elle serait définitive ! Mais il exigeait qu'on lui livrât dix des Mercenaires, à son choix, sans armes et sans tunique.

  Ils ne s'attendaient pas à cette clémence ; Spendius s'écria :

  — " Oh ! vingt, si tu veux Maître ! "

  — " Non ! dix me suffisent ", répondit doucement Hamilcar.

  On les fit sortir de la tente afin qu'ils pussent délibérer. Dès qu'ils furent seuls, Autharite réclama pour les compagnons sacrifiés, et Zarxas dit à Spendius :

  — " Pourquoi ne l'as-tu pas tué ? son glaive était là, près de toi ! "

  — " Lui ! ", fit Spendius ; et il répéta plusieurs fois :

  " Lui ! lui ! " comme si la chose eût été impossible et Hamilcar quelqu'un d'immortel.

  Tant de lassitude les accablait qu'ils s'étendirent par terre, sur le dos, ne sachant à quoi se résoudre.

  Spendius les engageait à céder. Enfin, ils y consentirent, et ils rentrèrent.

  Alors le Suffète mit sa main dans les mains des dix Barbares tour à tour, en serrant leurs pouces ; puis il la frotta sur son vêtement, car leur peau visqueuse causait au toucher une impression rude et molle, un fourmillement gras qui horripilait. Ensuite, il leur dit :

  — " Vous êtes bien tous les chefs des Barbares et vous avez juré pour eux ? "

  — " Oui ! " répondirent-ils.

  — " Sans contrainte, du fond de l'âme, avec l'intention d'accomplir vos promesses ? "

  Ils assurèrent qu'ils s'en retournaient vers les autres pour les exécuter.

  — " Eh bien ! " reprit le Suffète, " d'après la convention passée entre moi, Barca, et les ambassadeurs des Mercenaires, c'est vous que je choisis, et je vous garde ! "

  Spendius tomba évanoui sur la natte. Les Barbares, comme l'abandonnant, se resserrèrent les uns près des autres : et il n'y eut pas un mot, pas une plainte.

  Leurs compagnons, qui les attendaient, ne les voyant pas revenir, se crurent trahis. Sans doute, les parlementaires s'étaient donnés au Suffète.

  Ils attendirent encore deux jours : puis, le matin du troisième, leur résolution fut prise. Avec des cordes, des pics et des flèches disposées comme des échelons entre des lambeaux de toile, ils parvinrent à escalader les roches ; et, laissant derrière eux les plus faibles, trois mille environ, ils se mirent en marche pour rejoindre l'armée de Tunis.

  Au haut de la gorge s'étalait une prairie clairsemée d'arbustes ; les Barbares en dévorèrent les bourgeons. Ensuite, ils trouvèrent un champ de fèves ; et tout disparut comme si un nuage de sauterelles eût passé par là. Trois heures après, ils arrivèrent sur un second plateau, que bordait une ceinture de collines vertes.

  Entre les ondulations de ces monticules, des gerbes couleur d'argent brillaient, espacées les unes des autres ; les Barbares, éblouis par le soleil, apercevaient confusément, en dessous, de grosses masses noires qui les supportaient. Elles se levèrent, comme si elles se fussent épanouies. C'étaient des lances dans des tours, sur des éléphants effroyablement armés.

  Outre l'épieu de leur poitrail, les poinçons de leurs défenses, les plaques d'airain qui couvraient leurs flancs, et les poignards tenus à leurs grenouillères, — ils avaient au bout de leurs trompes un bracelet de cuir où était passé le manche d'un large coutelas ; partis tous à la fois du fond de la plaine, ils s'avançaient de chaque côté, parallèlement.

  Une terreur sans nom glaça les Barbares. Ils ne tentèrent même pas de s'enfuir. Déjà, ils se trouvaient enveloppés.

  Les éléphants entrèrent dans cette masse d'hommes ; et les éperons de leur poitrail la divisaient, les lances de leurs défenses la retournaient comme des socs de charrues ; ils coupaient, taillaient, hachaient avec les faux de leurs trompes ; les tours, pleines de phalariques, semblaient des volcans en marche ; on ne distinguait qu'un large amas où les chairs humaines faisai
ent des taches blanches, les morceaux d'airain des plaques grises, le sang des fusées rouges ; les horribles animaux, passant au milieu de tout cela, creusaient des sillons noirs. Le plus furieux était conduit par un Numide couronné d'un diadème de plumes. Il lançait des javelots avec une vitesse effrayante, tout en jetant par intervalles un long sifflement aigu ; — les grosses bêtes, dociles comme des chiens, pendant le carnage tournaient un oeil de son côté.

  Leur cercle peu à peu se rétrécissait ; les Barbares, affaiblis, ne résistaient pas ; bientôt, les éléphants furent au centre de la plaine. L'espace leur manquait ; ils se tassaient, à demi cabrés, les ivoires s'entrechoquaient. Tout à coup, Narr'Havas les apaisa, et, tournant la croupe, ils s'en revinrent au trot vers les collines.

  Cependant, deux syntagmes s'étaient réfugiés à droite dans un pli du terrain, avaient jeté leurs armes, et, tous à genoux vers les tentes puniques, ils levaient leurs bras pour implorer grâce.

  On leur attacha les jambes et les mains ; puis, quand ils furent étendus par terre les uns près des autres, on ramena les éléphants.

  Les poitrines craquaient comme des coffres que l'on brise ; chacun de leurs pas en écrasait deux ; leurs gros pieds enfonçaient dans les corps avec un mouvement des hanches qui les faisait paraître boiter. Ils continuaient, et allèrent jusqu'au bout.

  Le niveau de la plaine redevint immobile. La nuit tomba. Hamilcar se délectait devant le spectacle de sa vengeance ; mais soudain il tressaillit.

  Il voyait, et tous voyaient à six cents pas de là, sur la gauche, au sommet d'un mamelon, des Barbares encore ! En effet, quatre cents des plus solides, des Mercenaires Etrusques, Libyens et Spartiates, dès le commencement avaient gagné les hauteurs, et jusque-là s'y étaient tenus incertains. Après ce massacre de leurs compagnons, ils résolurent de traverser les Carthaginois ; déjà ils descendaient en colonnes serrées, d'une façon merveilleuse et formidable.

  Un héraut leur fut immédiatement expédié. Le Suffète avait besoin de soldats ; il les recevait sans condition, tant il admirait leur bravoure. Ils pouvaient même, ajouta l'homme de Carthage, se rapprocher quelque peu, dans un endroit qu'il leur désigna, et où ils trouveraient des vivres.

  Les Barbares y coururent et passèrent la nuit à manger. Alors, les Carthaginois éclatèrent en rumeurs contre la partialité du Suffète pour les Mercenaires.

  Céda-t-il à ces expansions d'une haine insatiable, ou bien était-ce un raffinement de perfidie ? Le lendemain, il vint lui-même sans épée, tête nue, dans une escorte de Clinabares, et il leur déclara qu'ayant trop de monde à nourrir, son intention n'était pas de les conserver. Cependant, comme il lui fallait des hommes et qu'il ne savait par quel moyen choisir les bons, ils allaient se combattre à outrance ; puis il admettrait les vainqueurs dans sa garde particulière. Cette mort-là en valait bien une autre ; — et alors, écartant ses soldats (car les étendards puniques cachaient aux Mercenaires l'horizon), il leur montra les cent quatre- vingt-douze éléphants de Narr'Havas formant une seule ligne droite et dont les trompes brandissaient de larges fers, pareils à des bras de géant qui auraient tenu des haches sur leurs têtes.

  Les Barbares s'entre-regardèrent silencieusement. Ce n'était pas la mort qui les faisait pâlir, mais l'horrible contrainte où ils se trouvaient réduits.

  La communauté de leur existence avait établi entre ces hommes des amitiés profondes. Le camp, pour la plupart, remplaçait la patrie ; vivant sans famille, ils reportaient sur un compagnon leur besoin de tendresse, et l'on s'endormait côte à côte, sous le même manteau, à la clarté des étoiles. Puis, dans ce vagabondage perpétuel à travers toutes sortes de pays, de meurtres et d'aventures, il s'était formé d'étranges amours, — unions obscènes aussi sérieuses que des mariages, où le plus fort défendait le plus jeune au milieu des batailles, l'aidait à franchir les précipices, épongeait sur son front la sueur des fièvres, volait pour lui de la nourriture ; et l'autre, enfant ramassé au bord d'une route, puis devenu Mercenaire, payait ce dévouement par mille soins délicats et des complaisances d'épouse.

  Ils échangèrent leurs colliers et leurs pendants d'oreilles, cadeaux qu'ils s'étaient faits autrefois, après un grand péril, dans des heures d'ivresse. Tous demandaient à mourir, et aucun ne voulait frapper. On en voyait un jeune, çà et là, qui disait à un autre dont la barbe était grise : " Non ! non, tu es le plus robuste ! Tu nous vengeras, tue-moi ! " et l'homme répondait : " J'ai moins d'années à vivre ! Frappe au coeur, et n'y pense plus ! Les frères se contemplaient, les deux mains serrées, et l'amant faisait à son amant des adieux éternels, debout, en pleurant sur son épaule.

  Ils retirèrent leurs cuirasses pour que la pointe des glaives s'enfonçât plus vite. Alors, parurent les marques des grands coups qu'ils avaient reçus pour Carthage ; on aurait dit des inscriptions sur des colonnes.

  Ils se mirent sur quatre rangs égaux à la façon des gladiateurs, et ils commencèrent par des engagements timides. Quelques-uns s'étaient bandé les yeux, et leurs glaives ramaient dans l'air, doucement, comme des bâtons d'aveugle. Les Carthaginois poussèrent des huées en leur criant qu'ils étaient des lâches. Les Barbares s'animèrent, et bientôt le combat fut général, précipité, terrible.

  Parfois deux hommes s'arrêtaient tout sanglants, tombaient dans les bras l'un de l'autre et mouraient en se donnant des baisers. Aucun ne reculait. Ils se ruaient contre les lames tendues. Leur délire était si furieux que les Carthaginois, de loin, avaient peur.

  Enfin, ils s'arrêtèrent. Leurs poitrines faisaient un grand bruit rauque, et l'on apercevait leurs prunelles, entre leurs longs cheveux qui pendaient comme s'ils fussent sortis d'un bain de pourpre. Plusieurs tournaient sur eux-mêmes, rapidement, tels que des panthères blessées au front. D'autres se tenaient immobiles en considérant un cadavre à leurs pieds ; puis, tout à coup, ils s'arrachaient le visage avec les ongles, prenaient leur glaive à deux mains et se l'enfonçaient dans le ventre.

  Il en restait soixante encore. Ils demandèrent à boire. On leur cria de jeter leurs glaives ; et, quand ils les eurent jetés, on leur apporta de l'eau.

  Pendant qu'ils buvaient, la figure enfoncée dans les vases, soixante Carthaginois, sautant sur eux, les tuèrent avec des stylets, dans le dos.

  Hamilcar avait fait cela pour complaire aux instincts de son armée, et, par cette trahison, l'attacher à sa personne.

  Donc, la guerre était finie ; du moins, il le croyait ; Mâtho ne résisterait pas ; dans son impatience, le Suffète ordonna tout de suite le départ.

  Ses éclaireurs vinrent lui dire que l'on avait distingué un convoi qui s'en allait vers la Montagne-de-Plomb. Hamilcar ne s'en soucia. Une fois les Mercenaires anéantis, les Nomades ne l'embarrasseraient plus. L'important était de prendre Tunis. A grandes journées, il marcha dessus.

  Il avait envoyé Narr'Havas à Carthage porter la nouvelle de la victoire ; et le roi des Numides, fier de ses succès, se présenta chez Salammbô.

  Elle le reçut dans ses jardins, sous un large sycomore, entre des oreillers de cuir jaune, avec Taanach auprès d'elle. Son visage était couvert d'une écharpe blanche, qui, lui passant sur la bouche et sur le front, ne laissait voir que les yeux ; mais ses lèvres brillaient dans la transparence du tissu comme les pierreries de ses doigts, — car Salammbô tenait ses deux mains enveloppées, et, tout le temps qu'ils parlèrent, elle ne fit pas un geste.

  Narr'Havas lui annonça la défaite des Barbares. Elle le remercia par une bénédiction des services qu'il avait rendus à son père. Alors il se mit à raconter toute la campagne.

  Les colombes, sur les palmiers autour d'eux, roucoulaient doucement, et d'autres oiseaux voletaient parmi les herbes : des galéoles à collier, des cailles de Tartessus et des pintades puniques. Le jardin, depuis longtemps inculte, avait multiplié ses verdures ; des coloquintes montaient dans le branchage des canéficiers, des ascléplas parsemaient les champs de roses, toutes sortes de végétations formaient des entrelacements, des berceaux ; et des rayons de soleil, qui descendaient obliquement, marq
uaient çà et là, comme dans les bois, l'ombre d'une feuille sur la terre. Les bêtes domestiques, redevenues sauvages, s'enfuyaient au moindre bruit. Parfois on apercevait une gazelle traînant à ses petits sabots noirs des plumes de paon, dispersées. Les clameurs de la ville, au loin, se perdaient dans le murmure des flots. Le ciel était tout bleu ; pas une voile n'apparaissait sur la mer.

  Narr'Havas ne parlait plus ; Salammbô, sans lui répondre, le regardait. Il avait une robe de lin, où des fleurs étaient peintes, avec des franges d'or par le bas ; deux flèches d'argent retenaient ses cheveux tressés au bord de ses oreilles ; il s'appuyait de la main droite contre le bois d'une pique, orné par des cercles d'électrum et des touffes de poil.

  En le considérant, une foule de pensées vagues l'absorbait. Ce jeune homme à voix douce et à taille féminine captivait ses yeux par la grâce de sa personne et lui semblait être comme une soeur aînée que les Baals envoyaient pour la protéger. Le souvenir de Mâtho la saisit : elle ne résista pas au désir de savoir ce qu'il devenait.

  Narr'Havas répondit que les Carthaginois s'avançaient vers Tunis, afin de le prendre. A mesure qu'il exposait leurs chances de réussite et la faiblesse de Mâtho, elle paraissait se réjouir dans un espoir extraordinaire. Ses lèvres tremblaient, sa poitrine haletait. Quand il promit enfin de le tuer lui-même, elle s'écria :

  — " Oui ! tue-le, il le faut ! "

  Le Numide répliqua qu'il souhaitait ardemment cette mort puisque, la guerre terminée, il serait son époux.

  Salammbô tressaillit, et elle baissa la tête.

  Mais Narr'Havas, poursuivant, compara ses désirs à des fleurs qui languissent après la pluie, à des voyageurs perdus qui attendent le jour. Il lui dit encore qu'elle était plus belle que la lune, meilleure que le vent du matin et que le visage de l'hôte. Il ferait venir pour elle, du pays des Noirs, des choses comme il n'y en avait pas à Carthage, et les appartements de leur maison seraient sablés avec de la poudre d'or.

 

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