Enfin il s’approcha de la jeune fille et s’assit à côté d’elle. Elle tressaillit subitement et porta sur lui ses yeux bleus égarés. Sa robe de chambre de mousseline blanche était flottante, ouverte sur le devant et ses deux jambes croisées dessinaient malgré ses vêtements la forme de ses cuisses.
Il y avait tout autour d’elle un parfum enivrant, ses gants blancs jetés sur le fauteuil avec sa ceinture, son mouchoir, son fichu, tout cela avait une odeur [si] délicieuse et [si] particulière que les grosses narines de Djalioh s’écartèrent pour en aspirer la saveur.
Ô il y a à côté de la femme qu’on aime une atmosphère embaumée qui vous enivre.
— Que me voulez-vous ? dit-elle avec effroi aussitôt qu’elle l’eut reconnu.
Et il s’ensuivit un long silence. Il ne répondit pas et fixa sur elle un regard dévorant, - puis se rapprochant de plus en plus, il prit sa taille de ses deux mains et déposa sur son cou un baiser brûlant qui sembla pincer Adèle comme la morsure d’un serpent. - Il vit sa chair rougir et palpiter.
— Ô je vais appeler au secours, s’écria-t-elle avec effroi. Au secours ! au secours ! Ô le monstre, ajouta-t-elle en le regardant.
Djalioh ne répondit pas. - Seulement il bégaya et frappa sa tête avec colère.
Quoi, ne pouvoir lui dire un mot, - ne pouvoir énumérer ses tortures et ses douleurs et n’avoir à lui offrir que les larmes d’un animal et les soupirs d’un monstre.
Et puis être repoussé comme un reptile - être haï de ce qu’on aime et sentir devant soi l’impossibilité de rien dire, - être maudit et ne pouvoir blasphémer.
— Laissez-moi de grâce, laissez-moi, est-ce que vous ne voyez pas que vous me faites horreur et dégoût ? Je vais appeler Paul, et [il] va vous tuer.
Djalioh lui montra la clef qu’il tenait dans sa main et il s’arrêta. Huit heures sonnèrent à la pendule - et les oiseaux gazouillaient dans la volière. On entendit le roulement d’une charrette qui passait puis elle s’écarta.
— Eh bien allez-vous sortir ? laissez-moi au nom du ciel. Et elle voulut se lever mais Djalioh la retint par le pan de sa robe, qui se déchira sous ses ongles.
— J’ai besoin de sortir, il faut que je sorte... il faut que je voie mon enfant. Vous me laisserez voir mon enfant - Une idée atroce la fit frémir de tous ses membres. Elle pâlit et ajouta :
— Oui mon enfant, il faut que je le voie et tout de suite, à l’instant.
Elle se retourna et vit grimacer en face d’elle une figure de démon. Il se mit à rire si longtemps, si fort, et tout cela d’un seul éclat, qu’Adèle pétrifiée d’horreur tomba à ses pieds, à genoux.
Djalioh aussi se mit à genoux puis il la prit, la fit asseoir de force sur ses genoux, et de ses deux mains il lui déchira tous les vêtements, il mit en pièces les voiles qui la couvraient - et quand il la vit tremblante comme la feuille sans sa chemise et croisant ses deux bras sur ses seins nus en pleurant, les joues rouges et les lèvres bleuâtres, il se sentit sous le poids d’une oppression étrange. - Puis il prit les fleurs, les éparpilla sur le sol. Il tira les rideaux de soie rose et, lui, ôta ses vêtements.
Adèle le vit nu, elle trembla d’horreur et détourna la tête. Djalioh s’approcha et la tint longtemps serrée contre sa poitrine. Elle sentit alors sur sa peau chaude et satinée la chair froide et velue du monstre.
Il sauta sur le canapé, jeta les coussins et se balança longtemps sur le dossier avec un mouvement machinal et régulier de ses flexibles vertèbres. Il poussait de temps en temps un cri guttural et il souriait entre ses dents.
Qu’avait-[il] de mieux à désirer, - une femme devant lui, - des fleurs à ses pieds, un jour rose qui l’éclairait, le bruit d’une volière pour musique et quelque pâle rayon de soleil pour l’éclairer.
Il cessa bientôt son exercice, courut sur Adèle, lui enfonça ses griffes dans la chair et l’attira vers lui, il lui ôta sa chemise.
En se voyant toute nue dans la glace entre les bras de Djalioh elle poussa un cri d’horreur et pria Dieu. - Elle voulait appeler au secours, mais impossible d’articuler une seule parole.
Djalioh en la voyant ainsi nue et les cheveux épars sur ses épaules s’arrêta immobile de stupeur, comme le premier homme qui vit une femme, il la respecta pendant quelque temps, lui arracha ses cheveux blonds, les mit dans sa bouche, les mordit, les baisa, puis il se roula par terre sur les fleurs, entre les coussins, sur les vêtements d’Adèle, content, fou - ivre d’amour.
Adèle pleurait et une trace de sang coulait sur ses seins d’albâtre.
Enfin sa féroce brutalité ne connut plus de bornes. - Il sauta sur elle d’un bond - écarta ses deux mains, l’étendit par terre et l’y roula échevelée...
Souvent il poussait des cris féroces et étendait les deux bras, stupide. - Et immobile. Puis il râlait de volupté - comme un homme qui se meurt.
Tout à coup il sentit sous lui les convulsions d’Adèle. Ses muscles se raidirent comme le fer. - Elle poussa un cri et un soupir plaintif qui furent étouffés par des baisers.
Puis il la sentit froide, - ses yeux se fermèrent, elle se roula sur elle-même - et sa bouche s’ouvrit.
Quand il l’eut bien longtemps sentie immobile et glacée, il se leva, la retourna sur tous les sens, embrassa ses pieds, ses mains, sa bouche, et courut en bondissant sur les murailles.
Plusieurs fois il reprit sa course, une fois cependant il s’élança la tête la première sur la cheminée de marbre et tomba immobile et ensanglanté, sur le corps d’Adèle.
X
Quand on vint à trouver Adèle, elle avait sur le corps des traces de griffes larges, profondes. Pour Djalioh, il avait le crâne horriblement fracassé. On crut que la jeune femme en défendant son honneur l’avait tué avec un couteau.
Tout cela fut dans les journaux. Et vous pensez s’il y en eut pour huit jours à faire des Ah et des Oh.
Le lendemain on enterra les morts. Le convoi était superbe, deux cercueils, celui de la mère et de l’enfant et tout cela avec des panaches noirs, des cierges, des prêtres qui chantent, de la foule qui se presse et des hommes noirs en gants blancs.
XI
— C’est bien horrible, s’écriait quelques jours après toute une famille d’épiciers réunis patriarcalement autour d’un énorme gigot dont le fumet chatouillait l’odorat.
— Pauvre enfant, dit la femme de l’épicier, aller tuer un enfant, qu’est-ce qu’il lui avait fait ?
— Comment, disait l’épicier, indigné dans sa vertu, homme éminemment moral, décoré de la croix d’honneur pour bonne tenue dans la garde nationale, et abonné au Constitutionnel, comment aller tuer ct’eu povre ptite femme, c’est indigne.
— Mais aussi, je crois que c’est l’effet de la passion, dit un gros garçon joufflu, le fils de la maison qui venait d’achever sa quatrième à 17 ans parce que son père était d’avis qu’on donnât de l’inducation à la jeunesse.
— Ô faut-il que des gens aient peu de retenue, dit le garçon épicier en redemandant pour la troisième fois des haricots.
On sonna à la boutique et il alla vendre pour deux sous de chandelles.
XII
Vous voulez une fin à toute force n’est-ce pas ? et vous trouvez que je suis bien [long] à la donner, eh bien soit.
Pour Adèle elle fut enterrée. Mais au bout de deux ans elle avait bien perdu de sa beauté. Car on l’exhuma pour la mettre au Père-Lachaise et elle puait si fort qu’un fossoyeur s’en trouva mal.
— Et Djalioh ?
Ô il est superbe, verni, poli, soigné, magnifique. Car vous savez que le cabinet de zoologie s’en est emparé et en a fait un superbe squelette.
— Et M. Paul ?
— Tiens je l’oubliais. Il s’est remarié. Tantôt je l’ai vu au Bois de Boulogne et ce soir vous le rencontrerez aux Italiens.
8 octobre 1837
Gve Flaubert
PASSION ET VERTU
CONTE PHILOSOPHIQUE.
Peux-tu parler de ce que tu ne sens point.
Shakespea
re, Roméo et Juliette, acte III, scène V.
I
Elle l’avait déjà vu, je crois, deux fois ; la première, dans un bal chez le ministre, la seconde au Français, et, quoiqu’il ne fût ni un homme supérieur ni un bel homme, elle pensait souvent à lui, lorsque, le soir, après avoir soufflé sa lampe, elle restait souvent quelques instants rêveuse, les cheveux épars sur ses seins nus, la tête tournée vers la fenêtre où la nuit jetait une clarté blafarde, les bras hors de sa couche, et l’âme flottant entre des émotions hideuses et vagues, comme ces sons confus qui s’élèvent dans les champs par les soirées d’automne.
Loin d’être une de ces âmes d’exception comme il y en a dans les livres et dans les drames, c’était un cœur sec, un esprit juste, et, par-dessus tout cela, un chimiste. Mais il possédait à fond cette théorie de séductions, ces principes, ces règles, le chic enfin, pour employer le mot vrai et vulgaire, par lesquels un habile homme en arrive à ses fins.
Ce n’est plus cette méthode pastorale à la Louis XV, dont la première leçon commence par les soupirs, la seconde par les billets doux et continue ainsi jusqu’au dénouement, science si bien exposée dans Faubas, les comédies du second ordre et les contes moraux de Marmontel. Mais maintenant un homme s’avance vers une femme, il la lorgne, il la trouve bien, il en fait le pari avec ses amis ; est-elle mariée, la farce n’en sera ne meilleure.
Alors il s’introduit chez elle, il lui prête des romans, la mène au spectacle, il a surtout soin de faire quelque chose d’étonnant, de ridicule, enfin d’étrange ; et puis, de jour en jour, il va chez elle avec plus de liberté, il se fait l’ami de la maison, du mari, des enfants, des domestiques ; enfin la pauvre femme s’aperçoit du piège, elle veut le chasser comme un laquais, mais celui-ci s’indigne à son tour, il la menace de publier quelque lettre bien courte, mais qu’il interprétera d’une façon infame, n’importe à qui fût-elle adressée ; il répétera lui-même à son époux quelque mot arraché peut-être dans un moment de vanité, de coquetterie ou de désir ; c’est une cruauté d’anatomiste, mais on a fait des progrès dans les sciences et il y a des gens qui dissèquent un cœur comme un cadavre.
Alors cette pauvre femme, éperdue, pleure et supplie ; point de pardon pour elle, point de pardon pour ses enfants, son mari, sa mère. inflexible, car c’est un homme, il peut user de force, de violence, il peut dire partout qu’elle est sa maîtresse, le publier dans les journaux, l’écrire tout au long dans un mémoire, et le prouver même au besoin.
Elle se livre donc à lui, à demi morte ; il peut même alors la faire passer devant ses laquais qui, tout bas, sous leurs livrées, ricanent en la voyant venir si matin chez leur maître, et puis quand il l’a rendue brisée et abattue, seule avec ses regrets, ses pensées sur le passé, ses déceptions d’amour, il la quitte, la reconnaît à peine, l’abandonne à son infortune ; il la hait même quelquefois, mais enfin il a gagné son pari ; et c’est un homme à bonnes fortunes.
C’est donc non un Lovelace, comme on l’aurait dit il y a soixante ans, mais bien un Don Juan, ce qui est plus beau.
L’homme qui possède à fond cette science, qui en connaît les détours et les replis cachés, n’est pas rare maintenant, cela est si facile, en effet, de séduire une femme qui vous aime et puis de la laisser là avec toutes les autres, quand on n’a pas d’âme ni de pitié dans le cœur ! Il y a tant de moyens de s’en faire aimer, soit par la jalousie, la vanité, le mérite, les talents, l’orgueil, l’horreur, la crainte même, ou bien encore par la fatuité de vos manières, le négligé d’une cravate, la prétention à être désespéré, quelquefois par la coupe de votre habit, ou la finesse de vos bottes ! Car combien de gens n’ont dû leurs conquêtes qu’à l’habileté de leur tailleur ou de leur cordonnier ?
Ernest s’était aperçu que Mazza souriait à ses regards. Partout il la poursuivait. Au bal, par exemple, elle s’ennuyait s’il n’était pas la. Et n’allez pas croire qu’il fût assez novice pour louer la blancheur de sa main ni la beauté de ses bagues, comme l’aurait pu faire un écolier de rhétorique, mais, devant elle, il déchirait toutes les autres femmes qui dansaient, il avait sur chacune les aventures les plus inconnues et les plus étranges, et tout cela la faisait rire et la flattait secrètement, quand elle pensait que sur elle on n’avait rien à dire. Sur le penchant du gouffre, elle prenait de belles résolutions de l’abandonner, de ne plus jamais le revoir, mais la vertu s’évapore bien vite au sourire d’une bouche qu’on aime.
Il avait vu aussi qu’elle aimait la poésie, la mer, le théâtre, Byron, et puis, résumant toutes ces observations en une seule, il avait dit : “C’est une sotte, je l’aurai”, et elle, souvent aussi, avait dit en le voyant partir et quand la porte du salon tournait rapidement sur ses pas : “Oh ! je t’aime !”.
Ajoutez à cela qu’Ernest lui fit croire à la phrénologie, au magnétisme et que Mazza avait trente ans, et qu’elle était toujours pure et fidèle à son mari, repoussant tous les désirs qui naissaient chaque jour en son âme et qui mouraient le lendemain ; qu’elle était mariée à un banquier, et que la passion dans les bras de cet homme-là était un devoir pour elle, rien de plus, comme de surveiller ses domestiques et habiller ses enfants.
II
Longtemps elle se complut dans cet état de service amoureux et à demi mystique, la nouveauté du plaisir lui plaisait, et elle joua longtemps avec cet amour, plus longtemps qu’avec les autres, et elle finit par s’y prendre fortement, d’abord d’habitude, puis de besoin. Il est dangereux de rire et de jouer avec le cœur, car la passion est une arme à feu qui part et vous tue lorsqu’on la croyait sans péril.
Un jour Ernest vint de bonne heure chez Mme Willer ; son mari était à la Bourse, ses enfants étaient sortis, il se trouva seul avec elle. Tout le jour, il resta chez elle, et le soir, vers les cinq heures, quand il en sortit, Mazza fut triste, rêveuse, et de toute la nuit elle ne dormit pas.
Ils étaient restés longtemps, bien des heures, à causer, à se dire qu’ils s’aimaient, à parler de poésie, à s’entretenir d’amour large et fort comme on en voit dans Byron, et puis à se plaindre des exigences sociales qui les attachaient l’un à l’autre et qui les séparaient pour la vie ; et puis ils avaient causé des peines du cœur, de la vie et de la mort, de la nature, de l’océan qui mugissait dans les nuits ; enfin ils avaient compris le monde, leur passion, et leurs regards s’étaient même plus parlé que leurs lèvres qui se touchèrent si souvent.
C’était un jour du mois de mars, une de ces longues journées sombres et moroses qui portent à l’âme une vague amertume, leurs paroles avaient été tristes, celles de Mazza, surtout, avaient une mélancolie harmonieuse. Chaque l’ois qu’Ernest allait dire qu’il l’aimait pour la vie, chaque fois qu’il lui échappait un sourire, un regard, un cri d’amour, Mazza ne répondait pas, elle le regardait silencieuse, avec ses deux grands yeux noirs, son front pâle, sa bouche béante.
Ce jour elle se sentit oppressée, comme si une main invisible lui eût pesé sur la poitrine ; elle craignait, mais elle ne savait quel était l’objet de ses craintes, et se complaisait dans cette appréhension mêlée d’une étrange sensation d’amour, de rêverie, de mysticisme. Une fois elle recula son fauteuil, effrayée du sourire d’Ernest, qui était bestial et sauvage à faire peur, mais celui-ci se rapprocha d’elle aussitôt, lui prit les mains et les porta à ses lèvres ; elle rougit et lui dit d’un ton de calme affecté :
— Est-ce que vous auriez envie de me faire la cour ?
— Vous Faire la cour ? Mazza ! à vous ?
Cette réponse-là voulait tout dire.
— Est-ce que vous m’aimeriez ?
Il la regarda en souriant.
— Ernest, vous auriez tort.
— Pourquoi ?
— Mon mari ! y pensez-vous ?
— Eh bien, votre mari ! qu’est-ce que cela veut dire ?
— Il faut que je l’aime.
— Cela est plus facile à dire qu’à faire, c’est-à-dire que si la loi vous dit : “Vous l’aimerez”,
votre cœur s’y pliera comme un régiment qu’on fait manœuvrer ou une barre d’acier qu’on ploie des deux mains, et si moi je vous aime…
— Taisez-vous, Ernest, pensez à ce que vous devez à une femme qui vous reçoit comme moi, dès le matin, sans que son mari y soit, seule, abandonnée à votre délicatesse.
— Oui, si je vous aime à mon tour, il faudra que je ne vous aime plus parce qu’il le faudra, et rien de plus ; mais cela est-il sensé et juste ?
— Ah ! vous raisonnez à merveille, mon cher ami, dit Mazza en penchant sa tête sur son épaule gauche et en faisant tourner dans ses doigts un étui d’ivoire.
Une mèche de ses cheveux se dénoua et tomba sur ses joues, elle la rejeta par derrière avec un geste de la tête plein de grâce et de brusquerie. Plusieurs fois Ernest se leva, prit son chapeau comme s’il allait sortir, puis il se rasseyait et reprenait ses causeries.
Souvent ils s’interrompaient tous deux et se regardaient longtemps en silence, respirant à peine, ivres et contents de leurs regards et de leurs soupirs, puis ils souriaient.
Un moment, quand Mazza vit Ernest à ses pieds, affaissé sur le tapis de sa chambre, quand elle vit sa tête posée sur ses genoux, les cheveux en arrière, ses yeux tout près de sa poitrine, et son front blanc et sans ride qui était là devant sa bouche, elle crut qu’elle allait défaillir de bonheur et d’amour, elle crut qu’elle allait prendre sa tête dans ses bras, la presser sur son cœur et la couvrir de ses baisers.
— Demain, je vous écrirai, lui dit Ernest.
— Adieu !
Et il sortit.
Mazza resta l’âme indécise et toute flottante entre des oppressions étranges, des ressentiments vagues, des rêveries indicibles ; la nuit elle se réveilla, la lampe brûlait et jetait au plafond un disque lumineux qui tremblait en vacillant sur lui-même, comme l’œil d’un damné qui vous regarde ; elle resta longtemps, jusqu’au jour, à écouter les heures qui sonnaient à toutes les cloches, à entendre tous les bruits de la nuit, la pluie qui tombe et bat les murs, et les vents qui soufflent et tourbillonnent dans les ténèbres, les vitres qui tremblent, le bois du lit qui criait à tous les mouvements qu’elle lui donnait en se retournant sur ses matelas, agitée qu’elle était par des pensées accablantes et des images terribles, qui l’enveloppaient tout entière en la roulant dans ses draps.
Complete Works of Gustave Flaubert Page 322