Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 327

by Gustave Flaubert


  Ah ! la faim ! la faim ! ce mot-là, ou plutôt cette chose-là a fait les révolutions ; elle en fera bien d’autres !

  XV

  Le malheur, lui, avec sa figure aux yeux caves, va plus loin ; il pose sa griffe de fer jusque sur la tête du roi, et pour percer son crâne brise sa couronne. Le malheur ? il assomme un ministre, il siège au chevet d’un grand, il va chez l’enfant, le brûle, le dévore, blanchit ses cheveux, creuse ses joues et le tue ; il se tord, il rampe comme un serpent, et il tord les autres et les fait ramper aussi. Oh ! oui, le malheur est impitoyable, insatiable ; sa soif est continuelle, c’est comme le tonneau des Danaïdes qui était sans fond ; lui, son avidité est sans fin. Aucun homme ne peut se vanter d’avoir échappé à ses coups, il s’attache aux jeunes, il les embrasse, les caresse, mais ses caresses sont comme celles du lion, elles laissent des marques saignantes ; il vient tout à coup au milieu de la fête, des rires, de la joie et du vin.

  Il aime surtout à frapper les têtes couronnées. Jadis il y avait dans une salle basse du Louvre un homme, non, je me trompe, un fou, et ce fou montrait sa figure livide à travers les barreaux de ses fenêtres dont les vitres étaient brisées et par lesquelles entraient les oiseaux de nuit, il étaient couvert de haillons dorés. De l’or sur des haillons ! songez à cela et vous rirez. Ses mains se crispaient avec rage, sa bouche écumait, ses pieds tout nus frappaient les dalles humides. Oh ! c’est que, voyez-vous, lui, lui l’homme aux haillons dorés, il entendait au-dessus de sa tête le bruit du bal, le retentissement des verres, le bourdonnement de l’orgue. Et il mourut ensuite, le pauvre fou ; on l’enterra sans honneurs, sans discours, sans larmes, sans pompes, sans fanfares ; rien de tout cela. Et c’était le roi Charles VI.

  Plus tard il y en eut un autre qui éprouva encore un sort plus affreux et plus cruel. Qui eût dit, à ses beaux jours de jeunesse, qui eût dit que cette belle tête de jeune homme tomberait avant l’âge, et par la main du bourreau ? Un jour il y avait dans une salle du Temple une famille qui se désolait et qui pleurait à chaudes larmes, parce qu’un de ses membres allait périr ; et c’était un père de famille qui embrassait ses enfants et sa femme, et lorsqu’ils eurent bien pleuré, après que le cachot eut retenti des cris de leur désespoir, la porte s’ouvrit, un homme entra ; c’était le geôlier. Après le geôlier, ce fut le bourreau, qui d’un coup de guillotine décapita toute la vieille monarchie ; et le peuple hurlait de joie autour de la sanglante estrade et vengeait sur cette tête tous ces supplices passés. Cet homme, c’était Louis XVI.

  Non loin de là, un autre roi tomba encore ; mais, comme celle d’un colosse, sa chute fit trembler la terre. Pauvre grand homme, tué à coup d’épingles comme un lion par les mouches ! Ah ! que cette haute figure était belle, quoique posée sur ses genoux ! Ah ! que ce géant était grand à son lit de mort ! qu’il était grand sur son trône ! qu’il est grand chez le peuple !

  Et qu’est-ce que tout cela, un lit de mort, une tombe, un trône, un peuple ? Quelque chose qui fait rire Satan. Rien ! Rien ! toujours le néant ! Et pourtant c’était Napoléon, le plus malheureux des rois, le plus grand des hommes. Eh bien oui, c’est cela, que l’habit aille à la taille de chacun : la misère aux peuples, le malheur aux rois.

  XVI

  Ah ! le malheur ! le malheur ! voilà un mot qui règne sur l’homme, comme la fatalité sur les siècles et les révolutions sur la civilisation.

  XVII

  Et qu’est-ce que c’est qu’une révolution ? un souffle d’air qui ride l’océan, s’en va et laisse la mer agitée.

  XVIII

  Et qu’est-ce que c’est qu’un siècle ? une minute dans la nuit.

  XIX

  Et qu’est-ce que le malheur ? la vie.

  XX

  Qu’est-ce qu’un mot ? rien ; c’est comme la réalité, une durée.

  XXI

  Qu’est-ce que l’homme ? ah ! qu’est-ce que l’homme ? qu’en sais-je, moi ? Allez demander à un fantôme ce qu’il est ; il vous répondra, s’il vous répond : je suis l’ombre d’un tel. Eh bien, l’homme c’est l’image du Dieu. Duquel ? c’est de celui qui gouverne. Est-il fils du Bien, du Mal ou du Néant ? choisissez des trois, c’est une trinité.

  XXII

  Et dans le temps que j’étais jeune et pur, que je croyais à Dieu, à l’amour, au bonheur, à l’avenir, à la patrie ; dans le temps que mon cœur bondissait au mot : liberté ! alors — oh ! que Dieu soit maudit par ses créatures ! — alors Satan m’apparut et me dit : viens, viens à moi ; tu as de l’ambition au cœur et de la poésie dans l’âme, viens, je te montrerai mon monde, mon royaume à moi.

  Et il m’emmena avec lui et je planais dans les airs comme l’aigle qui se berce dans les nuages.

  Et voilà que nous arrivâmes en Europe.

  Là, il me montra des savants, des hommes de lettres, des femmes, des fats, des bourreaux, des rois, des prêtres, des peuples et des sages ; ceux-là étaient les plus fous.

  Et je vis un frère qui tuait son frère, une mère qui prostituait sa fille, des écrivains qui trompaient le peuple, des prêtres qui trahissaient les fidèles, la peste qui mange les nations, et la guerre qui moissonne les hommes ; là, c’était un intrigant qui rampait dans la boue, arrivait jusqu’aux pieds des grands, leur mordait le talon ; ils tombaient, et alors il tressaillait de joie de la chute qu’avait faite cette tête en tombant dans la boue.

  Là, un roi savourait ses sales débauches dans la couche d’infamie où de père en fils ils reçoivent des leçons d’adultère.

  IVRE ET MORT .

  I

  C’était dans quelque bon gros bourg de Touraine ou de Champagne, le long de ces fleuves qui arrosent tant de vignobles, par une pluvieuse et froide soirée, alors que toutes les lumières s’étaient éteintes, et le cabaret du Grand-Vainqueur resplendissait seul de clarté au milieu du silence et du brouillard. Ceux qui passaient dans la route voyaient, à travers les vitres et les rideaux rouges, se dessiner des formes vagues et chancelantes. Parfois, si l’on ouvrait les portes et que la petite sonnette fit entendre ses cris répétés, on entendait des chansons folles et endormies, des cris, des bravos, des paroles bruyantes comme l’éclat des verres, et une exhalaison de chaleur, de fumée et d’eau-de-vie s’élançait au dehors en épaisses rafales.

  Dites-moi un plus beau lieu d’asile qu’un tel lieu, en hiver contre le froid, en été contre le chaud, les uns pour s’y réchauffer, les autres pour s’y rafraîchir, et presque tous finissant par s’échauffer en se rafraîchissant.

  Non un élégant café, avec ses clartés d’or, ses lustres, ses glaces, ses fleurs, ce rendez-vous du stupide banquier, du marchand d’asphalte, du bon ton et des pantalons à guêtres, et où il n’est permis que de s’y griser pour 400 francs. Loin de moi ce lieu musqué et décent, où la mère peut conduire sa fille et où le badaud de province s’extasie sur les bonnes manières de Paris, en se faisant voler sa montre. Fuyez ce bureau de cristal, ces lambris écrasés de dorures, cette femme de 50 ans, à la mise simple, à la tenue modeste et qui semble la statue de l’ennui, occupée dans ses moments de loisir à casser du sucre ; fuyez le vacillement flamboyant du gaz, ces grands journaux gisants ou repliés sur des tables de marbre, et ces hommes gonflés de suffisance et bouffis de rien, avec leur or se dessinant en relief dans les poches d’un gilet à fleurs ; fuyez enfin ces cris de l’opulence ennuyeuse et tout ce tapage d’argent.

  Oh ! que j’aime bien mieux un simple cabaret comme celui-ci, avec sa joie libre, ses allures franches, ses têtes dormeuses et rouges s’appuyant, avec un gros rire sur les lèvres, contre la simple peinture couleur lie de vin qui décore les lambris ! que j’aime son atmosphère chaude, grise, odorante, son plafond noirci de tabac, ses quinquets modestes qui filent, ses banquettes en velours rouge usées, où pendant bien des ans tant de passions se sont assouvies, tant d’ardents désirs se sont apaisés ; ses glaces tachées de mouches et fêlées, ses tables de marbre noir aux pieds vermoulus, ses tabourets d’une paille grise, et surtout cela un bourdonnement d’ivresse, une clam
eur épaisse et gaie, des poitrines, nues et des mains nerveuses étreignant des verres, des lèvres épaisses et rougies de vin baisant délicatement le tuyau d’une pipe aimée.

  Quelle plus belle chose ! Est-il un plus beau point de vue sous lequel on puisse envisager la nature humaine, un qui soit plus chrétien et plus doux, plus digne d’un philanthrope d’Amérique ou d’un banquier de Londres ami des hommes ? En effet, depuis l’empereur jusqu’au mendiant, depuis la princesse et la grande dame jusqu’à la fille des rues, est-il une créature ayant un palais et une âme faite à l’image de Dieu qui ne connaisse la douceur d’un petit verre ? Or le cabaret du Grand-Vainqueur était le plus aimable cabaret qu’on puisse aimer.

  Chacun le retrouvait toujours dans ses jours de peines ou de bonheur, dans l’adversité ou la Fortune, offrant à tous ses présents qui, comme ceux de la nature, font évanouir tous les soucis et engourdissent toutes les pénibles réalités.

  On y voyait en permanence la maîtresse du lieu, invariablement posée sur un banc rembourré de velours d’Utrecht rouge avec des clous d’or, entre la statue bronzée de Napoléon derrière elle, et devant, sur le comptoir, une longue file de pots d’étain échelonnés par rang de taille.

  C’était une lemme dont on ne datait plus l’âge qu’aux replis de la peau de son cou, qui semblait celle d’un canard incuit, et aux poils gris et rudes qui se hérissaient sur son triple menton ;un bonnet blanc, mais dont les tuyaux élevés et empesés formaient un soleil, encadrait une figure dormeuse et rouge, aux lourdes paupières, au nez aplati et relevé, à la lèvre noircie jusqu’aux gencives d’un sillon de tabac.

  Sa taille, tapissée de paquets de graisse, était enfermée dans une robe bleue avec des taches blanches, et dont on voyait le lacet serpenter le long du dos.

  Tout le jour elle était accoudée sur le vieux comptoir, dont les pieds jadis dorés étaient couverts de taches, d’écorchures grises et d’empreintes de doigts épais, raccommodant des chaussettes ou un vieux pantalon bleu avec du fil blanc.

  Ainsi on la trouvait toujours bonne et douce, calme au milieu du bruit, et parant seulement sans murmurer ses carafons menacés, d’un revers de main ou d’un geste conservateur.

  Le petit poêle en tôle, placé au milieu de l’appartement, était rouge et bourdonnait en faisant trembler son tuyau ; autour de lui se trouvaient rangés des mariniers, avec leurs chemises rouges, leurs longues barbes droites et leurs joues enflammées ; des laboureurs avec leurs cheveux longs, leur dos voûté, le front calme et réfléchi, leurs gamaches blanches qui leur montent jusqu’aux genoux et leur gilet rouge rayé ; puis encore de joyeux garçons de la campagne, aux grands yeux clairs, avec leurs cheveux ras et droits, une blouse bleue, un col raide et empesé jusqu’aux oreilles et serré par une cravate de couleur, roulée en cordon.

  Au milieu d’eux se trouvaient deux hommes qu’on ne pouvait ranger dans aucune de ces classes ; tout le cercle semblait les respecter et les regarder avec admiration, comme des gloires illustres et avérées.

  Taciturnes et sombres, ils étaient là comme deux ennemis, jaloux réciproquement de leurs forces et de leurs renommées, ils échangeaient des regards de pitié et des sourires d’un insultant dédain. Le plus grand des deux était sec et mince, un nez épais et allongé, une barbe et des cheveux noirs, quelque chose dans toute sa personne de nerveux et de rusé ; l’autre au contraire était petit, carré, aux membres forts et trapus, la barbe rouge, de grands yeux à fleur de tête, de la force et de la stupidité.

  C’étaient les deux plus intrépides buveurs de vingt lieues à la ronde, capables chacun de rester des nuits au combat et d’en sortir victorieux, le premier toujours sur la défensive, usant d’une tactique sage et modérée, le second plein d’impétuosité et de colère, faisant ruisseler sur son palais des bouteilles entières qui s’engloutissaient dans cet estomac gigantesque.

  Fiers tous deux de leur gloire, ils passaient dans le village aussi impassibles et aussi contents d’eux-mêmes qu’un Dieu au milieu de ses adorateurs ; jamais, en effet, aucune défaite n’avait souillé leurs gloires, et quand leurs compagnons d`orgie étaient étendus sur le pavé de la salle, ils sortaient en haussant les épaules de pitié pour cette pauvre nature humaine, qui s’enivre si facilement d’une bouteille de vin, d’un peu de gloire, d’un peu de bonheur, toutes choses lus ou moins vides et qui s’épuisent.

  En effet, leur gloire en valait bien une autre. Gloire du génie, gloire des richesses, gloire de roi, gloire d’ivrogne, chacune a ses délices, ses haines, ses déceptions. Celle-ci faisait envie à toute la jeunesse du pays, et au jeune maitre du château qui faisait venir de Paris du vin et des femmes et des amis, qui usait de tout cela, s’en lassait vite, et qu’une bouteille de champagne faisait tomber sur son sofa de damas, que l’opulence s’efforçait de rendre crapuleux et qui n’était que bêtement ridicule.

  C’était pour eux une mission dont ils s’acquittaient largement. Comme tous les grands hommes appelés sur cette terre qui les méconnait, eux aussi étaient méconnus des classes supérieures qui ne comprennent seulement, il est vrai, que les passions qui avilissent, mais non celles qui dégradent.

  Une femme de bon ton eût passé de l’autre côté du trottoir, s’ils se fussent hasardés de venir apporter dans Paris leur force de géant ; elle eût rougi, se fût écriée : horreur !... et peut-être elle allait faire la cour à son amie la baronne, dont le mari d’abord avait été commis, puis chef de bureau, puis banquier, baron, marquis et pair de France, qui n’avait eu d’autre mérite que d’avoir peu de conscience, un bon tailleur, une belle chaîne à sa montre, et une femme habile dont il s’était servi comme les mendiants de leurs plaies, en vivant d’un mépris qui était pour lui un revenu, une ferme, un loyer.

  L’homme d’État, tiré pompeusement par son attelage de chevaux blancs et s’étalant complaisamment sur des coussins de velours bleu, au milieu de ses livrées, eût éclaboussé sans scrupule et renversé avec la flèche de son carrosse ces deux rustres en chemises rouges, vacillant dans la rue comme un navire sur la mer ; il se serait regardé dans une glace spacieuse, aurait dit bien des fois moi, se serait découvert beau et eût trouvé du génie jusque dans le moindre pli de sa robe de chambre bigarrée et retombant majestueusement sur son parquet ciré. Et cet homme ne dort pas, ne mange pas, ne boit pas ; il n’a jamais eu d’autre ciel que celui de son lit, d’autres hommes que ceux qui le servent et sur qui il marche ; il est ambitieux comme Alexandre et rampant comme un serpent sans vigueur ; ce n’est qu’un laquais du ministre qui lui paie ses pages par des places, des croix, des honneurs, des dîners auxquels il ne mange pas tant il est content d’y être. Et un jour viendra, où le ministre ou le roi qu’il sert viendront à s’éteindre, comme une chandelle qui a brûlé quelque temps, qui meurt et qu’on remplace par une autre ; et tout cela s’évanouira ; l’ivresse de la gloire et de l’ambition sera partie, il se réveillera de ce songe, et quel réveil !

  Le philanthrope, cet homme qui aime les autres comme un naturaliste aime un musée d’animaux, qui porte un chapeau bas, des habits noirs, des souliers larges, eût sans doute pleuré de douleur en voyant ces deux hommes entrant joyeusement au cabaret, lui qui est membre de la Société de tempérance et qui a des maux d’estomac ; et ce même homme, après avoir pendant quarante ans versé tout son argent aux pauvres, avoir fait mettre son nom dans les journaux, avoir pris des actions aux chemins de fer, correspondu avec toutes les académies savantes dont il se fait beaucoup d’honneur d’être membre, arrive un jour à voir que tout l’a trompé, que les actions du chemin de fer ont baissé, que les journaux ont menti, que les académies sont sottes, que les hommes sont faux et que lui-même est un niais ; il se réveille de ce songe, et quel réveil !

  Alors il se nourrit de réflexions et de pensées amères, il décoche des sarcasmes sur la nature humaine et sur la nature de Dieu, sur les saisons, sur le froid, sur le chaud ; mais tout cela ne lui donne ni un manteau, ni une paire de bottes... ni son bonheur qu’il a perdu.

  Et tous vous diront qu’i
ls sont supérieurs ; ils diront qu’il vaut mieux vendre sa conscience et son corps pour servir aux intrigues, aux crimes, pour qu’on vous foule la tête comme un marchepied, que cela enfin est plus noble que de s’endormir ivre de vin sur le plancher d’un cabaret, un lieu, disent-ils, où le premier entré est acheté. Comme si le monde aussi n’était pas qu’un lieu vénal, où tout se vend, où ceux qui ont, de l’or entrent et puisent à flots : amours, voluptés, richesses, honneurs, empires, gloires, triomphes.

  Sans doute la fille de joie, parée tout le jour sur le seuil de sa porte, comme un morceau de viande à l’étal du boucher ; sans doute le ministre maigre de soucis, ce chien de cour dansant, gambadant et se pliant pour amuser son maître, le banquier couché sur des tas d’or comme Job sur son fumier de corruption, le philanthrope froid comme la pierre d’un hôpital, le poète si creux d’idées, si rempli de vanité et d’une folie orgueilleuse qu’on appelle le génie ; sans doute la vénalité, la richesse, la prostitution, la débauche, tout ce qu’on appelle le monde enfin, vous dira qu’il est noble ; tous vous diront qu’ils ont une âme, une âme pure, âme qui glisse sur les parquets, qui filtre sur les lambris dorés des palais, qui nage dans l’atmosphère des grandes villes, âme sur laquelle on marche, âme qu’on foule aux pieds, qu’on vend aux boutiques, âme à tant pour l’acheteur, âme de femme et de poète qui se vend pour la vanité, âme de roi pour la tyrannie, âme de ministre pour l’ambition, âme de pauvre pour l’or — l’or est noble, sa noblesse est vieille comme le monde ; — sans doute il faut mieux détruire des populations entières que les caves d’un cabaret, il faut mieux s’enivrer de sang que de vin et arriver enfin soûls de la vie que soûls d’une bouteille.

 

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