Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 471

by Gustave Flaubert


  Mais il y a des heures où l’on est en plus belle humeur que d’autres. L’excellent dîner que nous fîmes à Amboise et dont nous avions besoin (ayant de tout le jour plus nourri la Muse que la Bête) nous remit un peu de calme dans les veines et le soir, trottant lestement sur la route de Chenonceaux, nous fumions nos pipes et humions l’odeur de la forêt dans un état très satisfaisant.

  Avant de nous mettre au lit, nous avions été nous livrer au même passe-temps sous les arbres qui entourent le château. La pluie tombait sur les feuilles vertes ; à l’abri sous elles, le dos appuyé sur le tronc des gros charmes, et cirant le cuir de nos chaussures sur la mousse humide, nous nous amusions du bruit des gouttes d’eau qui tombaient sur nos chapeaux.

  Château de Chenonceaux. — Je ne sais quoi d’une suavité singulière et d’une aristocratique sérénité transpire au château de Chenonceaux. Placé au fond d’une grande allée d’arbres, à quelque distance du village, qui se tient respectueusement à l’écart, bâti sur l’eau, entouré de bois, au milieu d’un vaste parc à belles pelouses, il lève en l’air ses tourelles, ses cheminées carrées. Le Cher passe en murmurant au bas sous ses arches dont les arêtes pointues brisent le courant. Son élégance est robuste et douce et son calme mélancolique sans ennui ni amertume.

  Vous entrez par une salle en ogives qui servait autrefois de salle d’armes, et où, malgré la difficulté de semblables ajustements, quelques armures qu’on y a mises ne choquent point et semblent à leur place. Partout, du reste, les tentures et les ameublements de l’époque sont conservés avec intelligence. Les vénérables cheminées du XVIe siècle ne recèlent pas, sous leur manteau, les ignobles et économiques cheminées à la prussienne qui savent se nicher sous de moins grandes.

  Dans les cuisines contenues dans une arche du château, une servante épluchait des légumes, un marmiton lavait des assiettes, et, debout aux fourneaux, le cuisinier faisait bouillir pour le déjeuner un nombre raisonnable de casseroles luisantes. Tout cela est bien, a un bon air, sent son honnête vie de château, sa paresseuse et intelligente existence d’homme bien né. J’aime les propriétaires de Chenonceaux.

  N’y a-t-il pas, d’ailleurs, partout de bons vieux portraits à vous faire passer de longues heures en vous figurant le temps où vivaient leurs modèles, et les ballets où tournoyaient les vertugadins de ces belles dames roses, et les bons coups d’épée que ces gentilshommes s’allongeaient avec leurs rapières. Voilà une des tentations de l’histoire. On voudrait savoir si ces gens-là ont aimé comme nous et les différences qu’il y avait entre leurs passions et les nôtres. On voudrait que leurs lèvres s’ouvrissent, pour nous dire les récits de leur cœur, ce qu’ils ont fait autrefois, même de futile, quelles furent leurs angoisses et leurs voluptés. C’est une curiosité irritante et séductrice, une envie rêveuse de savoir, comme on en a pour le passé inconnu d’une maîtresse, afin d’être initié à tous les jours qu’elle a vécus sans vous et d’en avoir sa part. Mais ils restent sourds aux questions de nos yeux ; ils restent là, muets, immobiles dans leurs cadres de bois ; nous passons. Les mites picotent leur toile, on les revernit, ils sourient encore que nous sommes pourris et oubliés. Et puis d’autres viennent aussi les regarder jusqu’au jour où ils tomberont en poussière, où l’on rêvera de même devant nos propres images.

  Et l’on se demandera ce qu’on faisait dans ce temps-là, de quelle couleur était la vie, et si elle n’était pas plus chaude.

  (*) Il y a, par exemple, deux grands portraits à cheval de MM. de Beauvilliers, l’un amiral, l’autre colonel de cavalerie ; ils sont bottés jusqu’aux cuisses, en grand habit vert, blanchi aux épaules par les tire-bouchons poudrés de leurs perruques, gantés à la crispin, coiffés du petit chapeau, et droits, fichés sur leur grosse mecklembourgeoise

  (*) Inédit, pages 31 à 34. qui, rassemblée sur ses jarrets de derrière, se cabre convenablement pour faire le fougueux. Il vous revient là devant comme un souvenir des carrousels de Louis XIV et des grandes chasses à courre, avec des lévriers jaunes à taches blanches, une nuée de piqueurs en livrée entourés des meutes aboyantes, et les grandes trompes passées autour du corps, sonnant dans les clairières des hallalis prolongés.

  Sur un dessus de porte une toile de chevalet vous montre de face la belle Gabrielle d’Estrées, nue jusqu’à la ceinture ; un gros collier de perles du même ton blond que sa peau pend sur sa poitrine, sa coiffure blonde, montée et crépelée, donne à son visage un air étonné plein d’une agacerie naïve ; à côté d’elle sa sœur, vue de dos, nue également jusqu’aux reins, détourne sa mine brune et vous regarde curieusement, tandis que, dans le fond, une paysanne en bavolet rouge et en cape blanche présente le sein à M. le duc de Vendôme, charmant maillot, tout ficelé et raide dans ses linges, qui écarquille les yeux, tend les bras et rit de sa petite bouche rose aux agaceries de sa bonne nourrice.

  Nous avons encore remarqué, dans l’appartement qui sert de salon et où se trouve sur une table la masse d’armes de François Ier, un beau portrait de Rabelais, figure bistrée, hilarante, sanguine, robuste, yeux petits et vifs, cheveux rares, barbe et menton de satyre, c’est évidemment le type d’après lequel on a fait tous les portraits du grand homme. Celui d’Isabeau de Bavière, au-dessous un peu à gauche, est singulièrement expressif : elle n’est pas coiffée de son grand bonnet pointu, que je lui avais vu ailleurs, et ce n’est plus la tête pâle et dolente du musée de Versailles ; une espèce de coiffure plate, à l’italienne, couvre les longs bandeaux blonds, à demi défaits, qui entourent sa figure blanche, à la fois sympathique et ardente, pleine d’irrésolutions et d’élans contrariés, elle a les lèvres avancées, le menton court et de grands yeux verts dont l’expression pleurarde est relevée par les bourrelets rouges de ses paupières inférieures.

  Il y a encore sur tous les murs beaucoup d’autres toiles qu’on voudrait regarder plus longtemps tout seul et bien à son aise, sans qu’un concierge fût sur vos talons, tenant la clef de la porte à la main et vous invitant du geste à vous dépêcher d’en finir. Je me rappelle encore un portrait en pied de Louis XIII en Apollon, avec son menton pointu, ses petites moustaches droites et sa grande perruque noire qui retombe sur ses épaules et ombrage sa figure triste. Je n’ai jamais pensé à Louis XIII sans une certaine douleur, il me semble que c’est l’homme qui s’est le plus ennuyé sur la terre.

  Nous n’avons pas pu entrer dans la salle du spectacle où fut joué le Devin de village, on la réparait ; mais nous avons vu un bon portrait de Mme Dupin par Nattier. La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l’air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mme d’Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide.

  Je ne parlerais plus de toutes ces belles dames, si le grand portrait de Mme Deshoulières, en grand déshabillé blanc, debout (c’est du reste un noble visage et, comme le talent si décrié et si peu connu de ce poète, meilleur peut-être au second aspect qu’au premier), ne m’avait rappelé par le caractère infaillible de la bouche, qui est grosse, avancée, charnue et charnelle, la brutalité du portrait de Mme de Staël, par Gérard. Quand je le vis, il y a deux ans, à Coppet, la fenêtre était ouverte, le soleil l’éclairait en face, je ne pus m’empêcher d’être frappé par ces lèvres rouges et vineuses, par ces narines larges, reniflantes, aspirantes. La tête de George Sand offre quelque chose d’analogue. Chez toutes ces femmes à moitié hommes, la spiritualité ne commence qu’à la hauteur des yeux. Le reste est resté dans les instincts du sexe. Presque toutes aussi sont grasses et ont des tailles viriles : Mme Deshoulières, Mme de Sévigné, Mme de Staël, G. Sand et Mme Colet. Je ne connais que Mme Annaïs Ségalas qui soit maigre.

  Nous avons vu dans la chambre de Diane de Poitiers, le grand lit à baldaquin de la royale concubine, tout en damas bleu et cerise. S’il m’appartenait, j’aurais bien du mal à m’empêcher de ne m’y pas mettre quelquefois. Coucher dans le lit de Diane de Poitiers, même
quand il est vide, cela vaut bien coucher avec quantité de réalités plus palpables. N’a-t-on pas dit qu’en ces matières le plaisir n’était qu’imagination ? Concevez-vous donc alors, pour ceux qui en ont quelque peu, la volupté singulière, historique et XVIe siècle, de poser sa tête sur l’oreiller de la maîtresse de François Ier et de se retourner sur ses matelas ? (Oh ! que je donnerais volontiers toutes les femmes de la terre pour avoir la momie de Cléopâtre !) Mais je n’oserais pas seulement, de peur de les casser, toucher aux porcelaines de Catherine de Médicis qui sont dans la salle à manger, ni mettre mon pied dans l’étrier de François Ier, de peur qu’il n’y restât, ni poser les lèvres sur l’embouchure de l’énorme trompe qui est dans la salle d’armes, de peur de m’y rompre la poitrine.

  (*) Nous lui avons cependant dit adieu à ce pauvre Chenonceaux, nous l’avons laissé avec ses beaux souvenirs, ses beaux portraits, ses belles armes et ses vieux meubles, dormant au bruit de sa rivière roucoulante, à l’ombre de ses grands arbres, sur son herbe verte ; et pleins de bonne humeur et les gourdes remplies, nous avons fait l’inauguration de nos sacs en allant à pied gagner Bléré, pour de là nous rendre à Tours en carriole.

  Cette promenade n’a rien de récréatif, c’est une longue prairie assez maigre avec de rares peupliers pâles.

  A Bléré, pendant qu’on donnait l’avoine au

  (*) Inédit, pages 35 à 36. cheval et qu’on tirait de la remise le cabriolet qui s’y rongeait aux vers, comme un vieux roquefort oublié dans une armoire, nous avons été voir l’église où commence le goût d’ornements rococo, fleurs artificielles, rubans, pompons, guirlandes de papier peint, si remarquable à quelques lieues plus loin, dans les villes de l’Anjou, province qui semble avoir conservé de ses anciens maîtres des prédilections italiennes.

  Jusqu’à Tours vraiment la route est belle, la campagne est ample et nourrie, riche à l’œil et bien portante, sans les exubérances presque sombres de la Normandie, ni les finesses de lumière du Midi. On passe sous de beaux arbres qui recouvrent le chemin comme des berceaux, ou au milieu de larges prairies qu’égayent çà et là des villes et des clochers, et, à partir de Montlouis, on va tout le long de la Loire, rencontrant l’un après l’autre, se succédant et revenant sans cesse, des châteaux au haut des collines, des vignes à côté des blés, des îles oblongues avec une couronne de peupliers et une frange de roseaux. Le vent est tiède sans volupté, le soleil doux sans ardeur ; tout le paysage enfin joli, varié dans sa monotonie, léger, gracieux, mais d’une beauté qui caresse sans captiver, qui charme sans séduire et qui, en un mot, a plus de bon sens que de grandeur et plus d’esprit que de poésie : c’est la France. Tours. — Saint-Julien ; portail nu d’un roman superbe ; trois charmants pleins cintres au haut ; intérieur délabré, magasins ; transept de gauche couvert de toiles d’araignée, magnifique de ton ; au fond par la porte on voyait un bazar parisien ambulant.

  Plessis-les-Tours ; rue dans une campagne plate ; grand enclos de murs. — Maison de Tristan, petite, à ogive, ouverte. — Cathédrale de la fin du XVe siècle, ornée, lourde, intérieur plus pur, magnifique serrurerie dans le chœur.

  Chinon. — A gauche en descendant la côte, les tours du château. — Vue du château, à l’ombre duquel la ville est bâtie. — Chinon à l’air resserré, comprimé entre la Vienne et le château ; elle a été forcée de s’étendre en long. — A partir du pied, de l’endroit où le terrain monte, c’est la ville vieille, rues tortueuses et les voûtes silencieuses, les coques noires comme à Carcassonne et à Provins ; les ânes paissent dans les rues, les m..... de Gargantua s’écrasent sous vos pieds. — Le château sur la hauteur, forme d’un carré long alterné de tours rondes et carrées ; des arbres dans les fossés et de l’herbe qui remonte au mur. — Du côté de la tour d’Agnès Sorel, du côté opposé a la ville, le cimetière est au pied des tours ; deux gros noyers. — La tour de la cage de fer a trois étages. — Dans les deux étages inférieurs (la cage était dans le pre- mier) il y avait une cheminée, anneau au plafond, inscriptions de prisonniers, chapelets, saints ciboires. — Partout au milieu des ruines, des lilas en fleur, de l’herbe. — Dans la chambre où Jeanne d’Arc a été reçue, des narcisses en fleur et des églantiers penchés les uns sur les autres. — A la tour qui sert d’entrée on voit la coulisse de la herse. — Partout à Chinon je cherche le souvenir de Rabelais et je ne trouve rien ; Rabelais au reste est-il un génie local ?

  De Chinon à Fontevrault, route charmante avec des sinuosités entre la verdure ; ce sont de grands arbres à large touffe. La nuit nous prit avant.

  Fontevrault, enfoncé un peu comme Jumièges, sans que l’on voie grande colline autour de l’abbaye. — Ce qu’il y a de plus curieux, c’est l’église dont l’abside (extérieure) est d’un beau roman avec des rotondes attenantes. — Salle capitulaire d’un gothique primitif ; cloître, gothique comme celui de Saint-Wandrille. — Directeur en robe de chambre bleue dans son cabinet, bègue, pointu, grand ignorantin. — Prisonniers au réfectoire, à la promenade, un à un, en silence forcé, à la queue du loup. — Pauvre Robert d’Arbrissel, âme d’amour, te doutais-tu de ces choses honteuses ? — Gendarmes, troupiers d’Afrique.

  De Fontevrault à Saumur. — Par le soleil qui chauffait les roches couvertes de verdure ; singulier pays pour sa douceur. — L’Anjou me semble une espèce de Normandie.

  Saumur. — Officiers de cavalerie en costume de cheval. — Église. — Petites rues mal pavées, tortueuses avec des fleurs aux fenêtres. — Église Notre-Dame, rotonde. — Panthéon d’Agrippa. A gauche en entrant, sous une roche artificielle sombre et profonde, une femme en robe blanche, à manches à gigot, avec deux mèches de cheveux noirs, une qui pend à côté, l’autre qui passe sur sa taille, elle couchée au milieu des pierres, sur des rochers ; l’ombre de la voûte contraste avec le blanc du vêtement et la pâleur du visage. Malgré le laid de l’invention et le mauvais goût de tout cela il y a là quelque chose qui frappe et qu’on se rappelle. — Un saint Siméon de Philippe de Champagne ; belle tête du saint, blonde, éclairée, douce, émue ; un enfant à gauche qui marche. — Saint-Pierre, entrée latérale charmante, d’un roman exquis, mais ce qu’il y a de plus beau, c’est la couleur de la pierre qui est verte, bleue, etc. ; les chapelles intérieures sont couvertes de fleurs ; il y en a une qui représente une passion avec des rochers en relief en toile peinte ; partout l’élément moyen âge ogival disparaît sous le badigeon et sous l’ornementation italienne. La foi est évidemment aux chapelles, c’est là qu’on va ; les gravures religieuses sont entrelacées de guirlandes de lierre (comme à Bléré au petit autel latéral). — L’Anjou sent l’Italie. Est-ce souvenir ? reste d’influence ? ou l’effet de la douce Loire, le plus sensuel des fleuves de France ? — Nantilly est d’un roman pur, le plein cintre est large et fort ; on y monte par une pente, ancien escalier de cailloux ; elle est entourée de grands arbres. Comme ce serait beau sans l’affreuse couleur blanche !

  L’allée couverte de Bagneux, large d’environ douze pas, longue d’à peu près trente, haute de huit pieds ; pierres monstrueuses ; la pluie tombait par les interstices et faisait des flaques d’eau dans l’intérieur ; deux trous dans le pan du fond laissant passer un jour vif et blanc ; les feuilles des arbres brillaient sous la pluie qui ruisselait ; l’intérieur des pierres était vert par places, plus blanc dans d’autres. — Conducteur inepte de notre américaine. — Troupeau de bœufs vendéens que nous avons croisés. — Art de la taille des arbres publié par l’Administration des ponts et chaussées ; l’idéal de l’ineptie et la haine de la nature s’est réalisé à Saumur sur la route de Poitiers, en sortant de Saumur. — Nos hôtes. — Encore le veau ! — Le salon de province : le velours d’Utrecht rouge paraît être, comme le veau, une des bases des mœurs de la province. — Le veau est parmi la viande de boucherie la viande universitaire et académique.

  De Saumur à Ancenis par la Loire. — Fleuve doux, large, étendu, mais les peupliers donnent quelque chose de grêle au paysage. — Tours rondes à Angers. — Sain
t-Florent à gauche sur une hauteur. — Mais la Seine est plus belle ; je ne mets la Loire qu’après la Seine et le Rhône ; nulle part je ne vois rien de pareil à Dieppedalle, à la Mailleraye, à Caudebec ; la Loire est plus française, plus douce, plus bourgeoise, plus prose. — Bateau à vapeur : la jeune fille et sa mère ; figure blanche froide ; l’officier de cavalerie, sa femme et son moutard ; des MM. Le bateau à vapeur est le bateau à vapeur.

  Ancenis est ce qu’on appelle une affreuse petite ville, mal pavée, tortueuse, avec des maisons grises et pauvres, comme les petites villes du Languedoc, mais son dénuement lui donne un chic étrange ; personne dans les rues. — L’Hôtel de la Marine, femme de 40 ans, grasse, gracieuse ; la grand’mère, les deux petites filles ; les MM. de la table d’hôte s’ennuyant fort du pays et convoitant les délices de la capitale. — Jolie vue sur la Loire, une des plus belles du fleuve à coup sûr. — L’église est d’un nu rare et d’une ineptie curieuse : trois pyramides au pied d’une croix de la mission bardées du haut en bas de cœurs percés de flèches ; baldaquins en marbres ; ornements d’un goût déplorable. — Le château n’a plus que ses murs extérieurs garnis de créneaux et les deux grosses tours d’entrée dont l’une porte encore un boulet de pierre. L’intérieur est délabré, occupé par un jardin potager ; la concierge nous y promène avec ses enfants. Des ravenelles, des ronces, les belles plantes vivaces, les belles feuilles vertes se cramponnent partout, pendent dans les coins ; la vue du haut du donjon est singulièrement contrariée par l’aspect du pont suspendu. — Atroce charge de la pierre druidique dans la plaine druidique. — Plaisanterie pleine d’à-propos de mon honorable ami sur la pierre branlante. D’Ancenis à la Meilleraye, le paysage est triste quoique vert et fourni. Partout des enclos, des haies ; il y a quelque chose de sombre et de méfiant dans la campagne. On rencontre peu de monde quoique ce soit le dimanche ; les petites filles ont de grands bonnets comme les femmes qui sont toutes fort laides ; on voit des jeunes filles assises par deux ou trois au bord des fossés, tournant le dos à la grande route. — Les genêts se multiplient à mesure qu’on avance, les arbres deviennent plus forts et plus petits, plus râblés. — A Priaillé, procession avec des drapeaux blancs. — Notre conducteur, normand de Domfront, cheveux presque blancs, yeux noirs qui me rappellent ceux du père Langlois, déteste les chouans ; en 1831 il ne nous aurait pas conduits par là pour 100,000 francs.

 

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