Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 489

by Gustave Flaubert


  Il y eut un moment critique, quand tous les chiens l’un sur l’autre, tas grouillant de pattes, de reins, de queues et d’oreilles, qui oscillait dans l’arène sans se désunir, allèrent donner contre la balustrade, la cassèrent et menacèrent d’endommager dans leur coin les deux jeunes phénomènes. Leur maître pâlit, fit un bond, et l’associé accourut. C’est là qu’on mordit bien vite les queues, qu’on donna des coups de poing, des coups de pied, qu’on se dépêchait, qu’on allait. Les chiens empoignés n’importe par où, tirés du groupe et jetés par-dessus l’épaule, passaient dans l’air comme des bottes de foin qu’on engrange. Ce fut un éclair ; mais j’ai vu l’instant où les deux jeunes phénomènes allaient être ravalés à l’état de biftecks, et j’ai tremblé pour le bras qu’ils portent sur le dos.

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  Emus de cette algarade, sans doute, ils firent des façons pour se laisser voir. La vache reculait, le mouton donnait des coups de cornes ; enfin, on releva leurs housses vertes à franges jaunes ; leur appendice fut exhibé, et ainsi se termina la repré- sentation.

  (*’Ce genre de littérature (aussi littéraire que beaucoup d’autres, après tout) est fort goûté à Brest. La seconde fois que nous y retournâmes, un bourgeois de la ville avait amené son chien pour combattre, et un artilleur se disposait à lutter contre les trois ours. Malheureusement il passa par là un sergent qui le fit rentrer à la caserne, le public fut indigné et nous aussi.

  Que voir ensuite à Brest et qu’y a-t-il ? Des maisons fort bêtes, un théâtre où l’on ne joue pas (et si l’on jouait !), des églises déplorables, une place d’armes carrée, puis une promenade, fort belle il est vrai, ayant vue sur la mer et plantée de grands arbres, où se réunit le soir la bonne société de l’endroit. De l’autre côté du port se trouve l’ancien quartier de Recouvrance. On

  <*) Inédit, pages 353 à 257. gravit une grande rue droite dont le milieu est occupé par une file d’échoppes de brocanteurs et de marchands de ferraille et l’on arrive enfin sur l’esplanade des derniers remparts. Ce jour-là le ciel était sans nuages, tout bleu, la mer aussi ; à l’entrée de la rade, la brise du large donnant contre les récifs faisait s’étendre sur tout ce côté de l’horizon une longue ligne blanche ; les bâti- ments à l’ancre se tenaient immobiles ; près de nous, appuyé contre une meurtrière, un marin regardait avec une longue-vue, un homme du peuple en chemise traînait un petit enfant dans un chariot, les gamins jouaient dans les fossés, les orties verdoyaient au pied des murs, et le soleil brillait sur les buffleteries de cuivre des sentinelles.

  La campagne qui entoure Brest n’a pas la sauva- gerie silencieuse des environs de Crozon et deLan- dévennec, mais les arbres sont plus nombreux, plus verts, presque noirs. Jusqu’au Conquet, la route, comme nageant dans la verdure, monte et descend, tourne au flanc des collines, coupe des prairies ; on file entre de grands genêts.

  Ne vous arrêtez pas à Lockrist pour voir le tombeau de Michel Nobletz, car l’église est détes- table, le tombeau stupide et Michel Nobletz res- semble à saint Vincent de Paul qui n’était pas un bel homme. Le Conquet lui-même, grand bourg paisible dont les habitants semblent partis, ne vaudrait pas la peine de s’être dérangé pour le voir s’il n’y avait non loin l’abbaye démantelée de Saint-Mathieu. A découvert sous le ciel, la nef déserte reçoit la pluie et à la place des dalles, entre les colonnes où s’enroulent aux chapiteaux des torses historiés, une herbe épaisse a poussé, les murailles nues ont une couleur de suie et de bronze, dont les tons tranchants se fondent l’un dans l’autre et qui capricieusement s’allongent sur la pierre comme les lambeaux inégaux d’une dra- perie déchirée. A d’autres places, de fines tramées d’herbes descendant de toute la hauteur de l’égîise semblent couler comme de grandes larmes.

  Le vent de la mer, dont les vagues battent la base de l’édifice, entre par l’ogive des fenêtres sans vitrail où les courlis perchent sur le bord.

  Elle n’a qu’un bas côté, et de l’autre de ses flancs, deux contre-nefs plus basses ; les piliers carrés et les colonnes rondes s’alternent, la maî- tresse voûte s’appuyait sur des faisceaux de co- lonnettes. Près du phare qu’on a bâti là, dans une cour fermée d’une claire-voie, il y a des choux, du chanvre et des poireaux.

  Au phare de Brest. — Ici se termine l’ancien monde ; voilà son point le plus avancé, « sa limite extrême ». Derrière vous est toute l’Europe, toute l’Asie ; devant vous c’est la mer et toute la mer. Si grands qu’à nos yeux soient les espaces, ne sont-ils pas bornés toujours, dès que nous leur savons une limite ? Ne voyez-vous pas de nos plages, par delà la Manche, les trottoirs de Brighton, et, des bastides de Provence, n’embras- sez-vous pas la Méditerranée entière, comme un

  ‘7 immense bassin d’azur dans une conque de rochers que cisèlent sur ses bords les promontoires cou- verts de marbres qui s’éboulent, les sables jaunes, les palmiers qui pendent, les sables, les golfes qui s’évasent ? Mais ici plus rien n’arrête. Rapide comme le vent, la pensée peut courir, et s’étalant, divaguant, se perdant, elle ne rencontre comme eux que des flots ; puis, au fond, il est vrai, tout au fond, là-bas, dans l’horizon des rêves, la vague Amérique, peut-être des îles sans nom, quelque pays à fruits rouges, à colibris et à sauvages, ou le crépuscule muet des pôles, avec le jet d’eau des baleines qui soufflent, ou les grandes villes éclai- rées en verres de couleur, le Japon aux toits de porcelaine, la Chine avec les escaliers à jour, dans des pagodes à clochettes d’or.

  C’est ainsi que l’esprit, pour rétrécir cet infini dont il se lasse sans cesse, le peuple et l’anime. On ne songe pas au désert sans les caravanes, à l’Océan sans les vaisseaux, au sein de la terre sans les trésors qu’on lui suppose.

  Nous nous en revînmes au Conquet par la falaise. Les vagues bondissaient à sa base, accou- rant du large ; elles se heurtaient contre, et cou- vraient ensuite de leurs nappes oscillantes les grands blocs immobiles. Une demi-heure après, emportés dans notre char à bancs par deux petits chevaux presque sauvages, nous regagnions Brest, d’où le surlendemain nous partîmes avec beau- coup de plaisir.

  En s’écartant du littoral et en remontant vers la Manche, la contrée change d’aspect, elle devient moins rude, moins celtique, les dolmens se font plus rares, la lande diminue à mesure que les blés s’étendent, et peu à peu l’on entre ainsi dans ce fertile et plat pays de Léon, qui est, comme l’a si aimablement dit M. Pitre-Chevalier, “l’Attique de la Bretagne”.

  Landerneau est un pays où il y a une prome- nade d’ormeaux au bord de la rivière et où nous vîmes courir dans les rues un chien effrayé qui tramait à sa queue une casserole attachée.

  Pour aller au château de la Joyeuse-Garde, il faut d’abord suivre la rive de I’Elorn, et ensuite marcher longtemps dans un bois par un chemin creux où personne ne passe. Quelquefois le taillis s’éclaircit, alors à travers les branches, la prairie parait ou bien la voile de quelque navire qui re- monte la rivière. Notre guide marchait devant nous, loin, écarté. Seuls ensemble, nous foulions ce bon sol des bois où les bouquets violets des bruyères poussent dans le gazon tendre, parmi les feuilles tombées. On sentait les fraises, la fram- boise et la violette ; sur le tronc des arbres, les longues fougères étendaient leurs palmes grêles. II faisait lourd ; la mousse était tiède. Caché sous la feuillée, le coucou poussait son cri prolongé ; dans les clairières, des moucherons bourdonnaient en tournoyant leurs ailes.

  Tranquilles d’âme et balancés par la marche, épanchant à l’aise nos fantaisies causeuses qui s’en allaient comme des fleuves par de larges embou- chures, nous devisions des sons, des mots, des couleurs ; nous parlions des martres, de leurs œu- vres, des joies de l’idée ; nous songions à des tour- nures de style, à des coins de tableau, à des airs de tête, à des façons de draperie ; nous nous redi- sions quelques grands vers énormes, beauté incon- nue pour les autres qui nous délectait sans fin, et nous en répétions le rythme, nous en creusions les mots, le cadençant si fort qu’il en était chanté. Puis, c’étaient les lo
intains paysages qui se dérou- laient, quelque splendide figure qui venait, des saisissements d’amour pour un clair de lune d’Asie se mirant sur des coupoles, des attendris- sements d’admiration à propos d’un mot, ou la dégustation naïve de quelque phrase en relief trouvée dans un vieux livre.

  Et couchés dans la cour de Joyeuse-Garde, près du souterrain comblé, sous le plein cintre de son arcade unique que revêtent les lierres, nous causions de Shakespeare et nous nous de- mandions s’il y avait des habitants dans les étoiles.

  Puis nous partîmes, n’ayant guère donné qu’un coup d’œil à la demeure ruinée du bon Lancelot, celui qu’une fée enleva à sa mère et qu’elle nourrit au fond d’un lac dans un palais de pierreries. Les nains enchanteurs ont disparu, le pont-Ievis s’est envolé et le lézard se traîne où se promenait jadis la belle Geneviève songeant à son amant parti en Trébizonde combattre les géants.

  Nous revînmes dans la forêt par les mêmes sen- tiers ; les ombres s’allongeaient, les broussailles et les fleurs ne se distinguaient plus, et les mon- tagnes basses d’en face grandissaient leurs sommets bleuâtres dans le ciel qui blanchissait. La rivière, contenue jusqu’à une demi-lieue en deçà de la ville dans des rives factices, s’en va ensuite comme elle veut et déborde librement dans la prairie qu’elle traverse ; sa longue courbure s’étalait au loin, et les flaques d’eau que colorait le soleil cou- chant avaient l’air de grands plats d’or oubliés sur l’herbe.

  Jusqu’à la Roche-Maurice, I’EIorn serpente à côté de la route qui contourne la base des col- lines rocheuses dont les mamelons inégaux s’avan- cent dans la vallée. Nous la parcourions au petit trot dans un cabriolet paisible qu’un enfant con- duisait, assis dans le brancard. Son chapeau, sans cordons, s’envolait au vent, et dans les stations qu’il fallait faire pour descendre le ramasser, nous avions tout le loisir d’admirer le paysage.

  Le château de la Roche-Maurice était un vrai château de burgrave, un nid de vautour au som- met d’un mont. On y monte par une pente presque à pic, le long de laquelle, de place en place, des blocs de maçonnerie éboulés servent de marches.Tout en haut, par un pan de mur fait de quartiers plats posés l’un sur l’autre et où tien- nent encore de larges arcs de fenêtres, on voit la campagne : des bois, des champs, la rivière qui coule vers la mer, le ruban blanc de la route qui s’allonge, les montagnes dentelant leurs crêtes inégales, et la grande prairie qui les sépare en se répandant au milieu.

  Un fragment d’escalier mène encore à une tour démantelée. Çà et là les pierres sortent d’entre les herbes, et la roche se montre entre les pierres. II semble, parfois, qu’elle a d’elle-même des for- mes artificielles, et que la ruine, au contraire, plus elle s’éboule, revêt des apparences naturelles et rentre dans la nature.

  D’en bas, sur un grand morceau de muraille, monte un lierre ; mince à sa racine, il va s’élargis- sant en pyramide renversée et, à mesure qu’il s’élève, assombrit sa couleur verte qui est claire à la base et noire au sommet. A travers une ouver- ture dont les bords se cachaient sous le feuillage, le bleu du ciel passait.

  C’était dans ces parages que vivait le fameux dragon tué jadis par le chevalier Derrien qui s’en revenait de la Terre Sainte. II se mit à l’attaquer dès qu’il eut, il est vrai, retiré de l’eau l’infortuné Elorn qui, après avoir livré successivement ses es- claves, ses vassaux, ses serviteurs (il ne lui restait plus que sa femme et son fils), venait de se jeter lui-même du haut de sa tour, la tête en bas, dans la rivière ; mais le monstre, mortellement blessé et lié par I’écharpe de son vainqueur, alla bientôt, sur son ordre, se noyer dans la mer, à Poulbeun- zualu’, ainsi que l’avait été, sur le commande- ment de saint Pol de Léon, le crocodile de l’île de

  W Par contraction de Poulbeuzanneval : marais où fut noyée la bête. ( Note du manuscrit de Gustave Flaubert. ) Batz, lié par I’étole du saint breton, comme le fut plus tard la gargouille de Rouen par celle de saint Romain.

  Qu’ils étaient beaux vraiment ces vieux dragons horrifiques, endentés jusqu’au fond de la gueule, vomissant des flammes, couverts d’écaillés, avec une queue de serpent, des ailes de chauve-souris, des griffes de lion, un corps de cheval, une tête de coq, et retirant au basilic ! Et le chevalier aussi qui les combattait était un rude sire ! Son cheval, d’abord, se cabrait et avait peur, sa lance se bri- sait en morceaux contre les écailles de la bête, et la fumée de ses naseaux l’aveuglait. II mettait enfin pied à terre, et après tout un grand jour, l’atteignait sous le ventre d’un coup d’épée, la- quelle restait enfoncée jusqu’à la garde. Un sang noir sortait à gros bouillons, puis le peuple re- conduisait triomphalement le chevalier qui de- venait ensuite roi du pays, et épousait une belle dame.

  Mais eux, d’où venaient-ils ? Qui les a faits ? Était-ce le confus souvenir des monstres d’avant le déluge ? Est-ce sur la carcasse des ichtyosaures et des ptéropodes qu’ils furent rêvés jadis, et que l’épouvante des hommes a entendu dans les grands roseaux marcher le bruit de leurs pieds, et leur voix mugir quand le vent s’engouffrait dans les cavernes ? Ne sommes-nous pas d’ailleurs dans le pays des chevaliers de la Table ronde, la contrée des fées, la patrie de Merlin, le berceau mytho- logique des épopées disparues. Sans doute qu’elles révélaient ces vieux mondes devenus fantastiques, qu’elles nous disaient quelque chose des villes en- glouties, Ys, Herbadilla, lieux splendides et fé- roces, pleins des amours des reines enchanteresses, et qu’ont doublement effacés à tout jamais la mer qui a passé dessus avec la religion qui en a maudit la mémoire.

  II y aurait là beaucoup à dire. Sur quoi, en effet, n’y-a-t-il pas à dire ? Si ce n’est sur Landivi- siau toutefois, l’homme le plus prolixe étant forcé d’être concis quand la matière lui manque.

  Je remarque que les bons pays sont générale- ment les plus laids, ils ressemblent aux femmes vertueuses ; on les estime, mais on passe outre pour en trouver d’autres. Voici, certes, le coin le plus fertile de la Bretagne ; les paysans semblent moins pauvres, les champs mieux cultivés, les colzas magnifiques, les routes bien entretenues, et c’est ennuyeux à périr.

  Des choux, des navets, beaucoup de betteraves et démesurément de pommes de terre, tous, régu- lièrement enclos dans des fossés, couvrent la cam- pagne, depuis Saint-PoI-de-Léon jusqu’à Roscoff. On en expédie à Brest, à Rennes, jusqu’au Havre ; c’est l’industrie du pays ; il s’en fait un commerce considérable. Mais qu’est-ce que cela me fait à moi ? croyez-vous que ça m’amuse ?

  A Roscoff on voit la mer, elle découvre devant les maisons sa grève vaseuse, se courbe ensuite dans un golfe étroit, et au large est toute tachetée d’îlots noirs, bombés comme des dos de tortue. La campagne des environs de Saint-Pol est d’une tristesse froide. La teinte morne des terres lentement onduleuses se fond sans transition dans la pâleur du ciel, et la courte perspective n’a pas de grandes lignes dans ses proportions ni de chan- gement de couleur sur ses bords. Çà et là, en allant dans les champs, vous rencontrez, derrière un mur de pierres grises, quelque ferme silen- cieuse, manoir abandonné, où les martres ne viennent pas. Dans la cour, sur le fumier, les pourceaux dorment, les poules grignotent l’avoine, entre les dalles disjointes, sous le plein cintre de l’entrée dont l’écusson ciselé est rongé par le grand air. Dans les pièces vides qui servent de grenier, le plâtre des plafonds s’en va avec des restes de peintures ternies par la toile des araignées, que l’on voit courir sur les lambourdes. Le réséda sauvage a poussé sur la porte de Kersalion où se dresse encore, près de la tourelle, une fenêtre à pinacle flanquée d’un lion et d’un hercule sortant d’un mur comme des gargouilles. A Kerjean, dans le grand escalier tournant, j’ai heurté un piège à loup. Des socs de charrue, des fers de bêche rouilles, et des graines sèches dans des calebasses, gisent au hasard sur le parquet des chambres, ou encombrent les grands sièges de pierre dans l’em- brasure des fenêtres.

  Kerouséré a conservé ses trois tourelles à mâ- chicoulis, et l’on reconnaît encore dans la cour le large sillon des douves
qui, montant petit à petit, en gagne le niveau, ainsi que sur l’onde, le sillage d’une barque qui s’efface en s’étalant. De la plate- forme de l’une des tours (les autres ont des toits pointus ) on découvre la mer au bout d’un champ, entre deux collines basses couvertes par des bois. Les fenêtres du premier étage, à moitié bouchées pour que la pluie n’entre pas, plongent sur un jardin clos de grands murs. Le chardon couvre le gazon, et dans les plates-bandes on a semé du blé qu’entourent des bordures de rosiers.

  Entre un champ, où les têtes mûres des épis se courbaient ensemble, et un rideau d’ormeaux plantés sur le haut bord d’un fossé, un sentier mince s’allongeait parmi les broussailles. Les co- quelicots éclataient dans les blés ; de la berge du haut bord, des fleurs et des ronces s’échappaient ; des orties, des églantiers, des tiges garnies de dards, des grosses feuilles à peau luisante, des mûres noires, des digitales pourprées, unissant leurs couleurs, enchevêtrant leurs branches, mon- traient leurs feuillages divers, lançaient Jeurs ra- meaux inégaux, et sur la poudre grise croisaient comme un filet toutes leurs ombres.

  Quand on a traversé une prairie, où tourne, embarrassée dans les joncs, la roue d’un vieux moulin dont il faut longer la muraille en marchant sur de grosses pierres mises dans l’eau, pour ser- vir de pont, on se retrouve bientôt sur la grande route de Saint-Pol, au fond de laquelle se dresse, tailladée sur tous ses angles, la flèche du clocher de Kreizker. Fine, élancée et s’appuyant sur une tour surmontée d’une balustrade, de loin elle fait le meilleur effet du monde, mais plus on en ap- proche, plus elle se rapetisse et s’enlaidit, et l’on ne trouve enfin qu’une église comme toutes les églises, ayant même un porche vide d’où les sta- tues sont parties. La cathédrale aussi est d’un go- thique lourd, empâté d’ornements, chamarré de broderies ; mais il y a à Saint-Pol quelque chose de pire encore, c’est la table d’hôte de son au- berge.

 

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