Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 505

by Gustave Flaubert


  Comme la lune n’était pas encore parue e.t que les arbres étaient touffus, nous marchions doucement de peur de rouler dans les pierres, soutenant nos pas avec la baguette qui nous avait servi de cravache. Toute la vallée était couverte de châtaigniers, et les pentes qui s’étendaient sous nous, les hauteurs qui nous dominaient, tout était sombre, silencieux. Le jour qui pénétrait dans les clairières nous faisait voir de gros troncs d’arbres qui apparaissaient les uns derrière les autres ; de temps à autre nous enfoncions les pieds dans des sources d’eau vive. Notre guide, qui conduisait les chevaux, s’inquiétait d’ailleurs fort peu de savoir si nous le suivions, tout entier qu’il était à l’expansion lyrique que la boisson avait provoquée en lui. Souvent nous nous arrêtions pour reprendre haleine et nous demander si bientôt enfin nous arrivions. Les châtaignes tombaient sur les feuilles, sur la mousse ou sur nos chapeaux. Au loin, au fond de la vallée, un chien aboyait après la lune qui commençait à se lever un peu, toute rousse et entourée de nuages ; quelques lumières brillaient çà et là dans les montagnes voisines et disparaissaient les unes après les autres. Francesco de plus belle reprenait sa chanson ou continuait d’exciter ses chevaux avec cet ignoble cri qu’on retrouve par toute la Corse pour faire aller les bêtes, et qui ressemble à celui d’un homme qu’on assommerait à coups de massue. Ce n’était pas sans raison que le brave capitaine nous a fait escorter, nos deux voltigeurs en effet avaient reçu de lui l’ordre de frapper notre guide au moindre signe de rébellion, et l’un d’eux me paraissait très disposé à lui tirer un coup de fusil. J’avoue que j’eus un moment d’inconcevable rage, lorsque tout fatigué, mourant de soif et désespéré de rien avoir sous la dent, je lui demandai la gourde qu’on avait remplie le matin à Corte, et que le misérable me répondit froidement que le bouchon en était tombé et que tout s’était perdu… II me sembla alors qu’on m’enterrait vif, et que toutes les colères du ciel étaient en moi ; je m’étais vivement rapproché de lui, haletant, espérant boire, je me voyais déjà saisissant la bienheureuse gourde, je sentais si bien couler dans mon estomac fatigué… j’arrive, rien. On a beau parler des désillusions morales, celle-là fut atroce. Je déguisai ma douleur sous une ironie magnifique dont je ne me rappelle plus la forme, mais elle l’écrasa, et j’eus pour satisfaction de faire rire les deux voltigeurs qui étaient là et qui, comme moi, n’auraient pas été fâchés de boire.

  Nous continuâmes encore à marcher dans des chemins de plus en plus mauvais ; de temps en temps nous tâtions avec les mains pour nous guider, et nous tombions dans les grosses pierres ; le bois était toujours aussi sombre, et la lune rongée se montrait seulement pour l’acquit de sa conscience. Je pensais alors aux contes que l’on débite sur les voyageurs égarés dans les bois, et qui aperçoivent au loin une lumière ; ils s’approchent pour demander du secours, c’est une cabane de faux monnayeurs, où pour la plupart du temps ils sont égorgés. Nous avons frappé aussi à une cabane pour savoir si nous étions loin de Piedicroce. Un vieillard est venu nous ouvrir ; il était seul dans sa maison et nous a dit tout d’abord que nous serions mal logés chez lui parce que toute sa famille était absente et qu’on ne pourrait pas nous servir ; d’ailleurs il ne nous restait plus qu’une heure de chemin. Puis il a refermé sa porte, et toute sa cabane est rentrée dans le silence et l’obscurité. Un de nos gens nous a dit qu’à l’air dont il nous avait répondu, ce vieillard, à coup sûr, était resté le seul de sa famille ; tous les autres ayant été tués par vendetta, il se souciait peu de la visite des étrangers.

  Nous avons donc repris courage, et continuant d’un pas plus leste nous sommes enfin arrivés à 9 heures à Piedicroce. M. Paoli nous attendait avec son oncle, vieux curé de la commune, qui se tenait à table tout en prenant patience. C’était un petit gros vieillard, tout blanc, en bonnet de coton et en culotte courte ; il sait peu de français et ne nous a guère parlé que pour dire que le clergé devait se mettre à la tête de la nation et charger le fusil, si le sol venait à être envahi par l’Anglais.

  M. Paoli, frère du procureur du roi de Calvi, que nous avions vu à Ajaccio, est un grand gaillard mince ; il était décolleté, en veste de toile, il nous a reçus avec beaucoup de franchise et paraît plus gai et plus causeur que ses compatriotes. Pendant le dîner, il nous a parlé de son pays longuement et même avec une rare sagacité. Cet homme, qui s’exprime si purement en français, qui a tant de finesse et de bon sens, n’est jamais sorti de sa commune dont il est le maire, il est vrai, et à qui il porte un amour d’administrateur.

  Nos courses en Corse allaient bientôt finir ; le soir même nous devions aller coucher à Bastia. M. Paoli nous a accompagnés jusqu’à Orezza, monté sur une superbe bête qui bondissait sous lui et sautait comme un chevreuil. Le reste de la route, jusqu’à Saint-Pancrace, se fait dans une grande forêt de châtaigniers, sur des pelouses unies. Nous avons plusieurs fois traversé le Golo dont nous avons suivi le courant. A 4 heures du soir enfin nous atteignons Saint-Pancrace, où M. Podesta avait eu l’obligeance d’envoyer la voiture ; ça a été pour nous une chose toute nouvelle de nous sentir traînés sur une grande route et sur de bons ressorts. Bastia paraît de loin étendue au bas du cap Corse, au fond du golfe ; son phare brillait dans les flots, et la nuit était déjà venue quand nous entrâmes dans les rues de la ville.

  II ne nous restait plus qu’une journée, qu’une journée et tout était fini ! Adieu la Corse, ses belles forêts, sa route de Vico au bord de la mer ; adieu ses maquis, ses fougères, ses collines, car Bastia n’est pas de la Corse ; c’en est la honte, disent-ils là-bas. Sa richesse, son commerce, ses mœurs continentales, tout la fait haïr du reste de l’île. II n’y a que là, en effet, que l’on trouve des cafés, des bains, un hôtel, où il y ait des calèches, des gants jaunes et des bottes vernies, toutes les commodités des sociétés civilisées. Bastiacci, disent-ils, méchants habitants de Bastia, hommes vils qui ont quitté les mœurs de leurs ancêtres, pour prendre celles de l’Italie et de la France. II est vrai que les petits commis des douanes et de l’enregistrement, les surnuméraires des domaines, les officiers en garnison, toute la classe élastique désignée sous le nom de jeunes gens, n’a pas besoin, comme à Ajaccio, de faire de temps en temps de petites excursions à Livourne et à Marseille pour y bannir la mélancolie, comme on dit dans les chansons ; ces messieurs profitent ici de l’avilissement du caractère national. Malgré tous ces avantages incontestables pour le consommateur, qu’il y a loin de Bastia à Ajaccio, cette ville si éclairée, si pure de couleur, si ouverte au grand air, où les palmiers poussent sur la place publique et dont la baie vaut, dit-on, celle de Palerme. A Bastia, les rues au contraire sont petites, noires, encombrées de monde ; son port est étroit, malaisé ; la grande place Saint-Laurent ne vaut pas à coup sûr l’esplanade qui est devant la forteresse ni la terrasse du cardinal Fesch, où je me suis promené le dernier soir à Ajaccio.

  Le palais est inachevé, la lune entrait par les vitres et se jouait dans les grandes pièces nues ; les escaliers étaient vides et sonores. Du haut de la terrasse j’ai revu la baie avec toutes les côtes qui l’entourent. La lune en face se reflétait dans les flots ; suivant qu’elle montait dans le ciel, son image prenait sous l’eau des formes changeantes, tantôt celle d’un immense candélabre d’argent, tantôt celle d’un serpent dont les anneaux montaient en droite ligne à la surface et dont le corps remuait en ondulant ; les montagnes étaient éclairées, et de l’autre côté, au large, à travers les ombres, la grande immensité azurée apparaissait toute sereine.

  Les églises de Bastia n’ont rien qui me plaise, fraîchement peintes, luisantes, ornées dans le goût italien.

  Nous avons été voir les prisons pour y trouver quelque bon type corse et non pour goûter la soupe comme les philanthropes. Le geôlier d’Ajaccio était un vigoureux gaillard, capable de résister seul à une émeute ; celui de Bastia est geignard et doucereux ; il se plaint de l’exiguïté de son logement, quoiqu’il ait envahi une bonne partie des prisons ; un de ses fils est borgne et l’au
tre est attaqué d’une maladie de poitrine ; ce dernier, nous a-t-il dit, est un fort bon sujet qui s’est rendu malade à force de travailler, nous n’avions qu’à demander au proviseur. .. Nous vîmes en effet étendu dans son lit un maigre jeune homme toussant et crachant, pauvre brute ! que l’ambition dévore et qui se tue pour devenir un savant ! Corse, Corse, gagne plutôt le maquis ! là, tu entendras sous le myrte la chanson des rossignols et tu n’auras pas besoin de dictionnaire pour la comprendre, le vent dans la forêt de Marmano te sifflera un autre rythme que celui de tonVirgile que tu ne comprends guère. Allons, philosophe, jette au feu ton Cousin dont tu voudrais bien être le valet, et va un peu le soir t’étendre sur le sable du golfe de Lucia, à regarder les étoiles. Te voilà devenu professeur de philosophie dans ta ville natale, le maire te fait des compliments dans son discours au jour de la distribution des prix, et tu rougis sans doute devant l’auditoire avec une grâce charmante ; tu as des répétitions au collège et des leçons particulières en ville. Eh bien ! homme vertueux, homme d’esprit, homme que tes frères respectent et que ton père regarde ébahi, tu me parais, à te voir ainsi couché dans ce lit avec ton sot bonnet sur ta tête déjà chauve, et ne voyant de jour qu’à travers les barreaux de cette cage que tu illustres, tu me semblés plus misérable, plus stupide et plus condamnable que tous ceux qui sont là derrière la muraille, aigles de la montagne qui soupirent après l’heure où ils pourront reprendre leur volée.

  J’ai vu, dans les cellules des prisonniers, un jeune garçon de Sartene qui a porté faux témoignage ; il était condamné à un an de prison, mais il souriait, passant la main dans ses cheveux, il avait un large front et des dents blanches. J’ai vu aussi plusieurs meurtriers qui m’avaient l’air fort heureux ; j’ai revu mon vieux Bastianesi qui va bientôt sortir ; il y avait de plus une femme adultère qui va bientôt accoucher et qui pense au fils qui va naître, et un Génois accusé de viol, qui a une figure fort bouffonne.Tous m’ont fait plus de plaisir à voir que toi, homme à bonne conduite, parce que ceux-là aiment et haïssent, qu’ils ont des souvenirs, des espoirs, des projets ; ils aiment la lumière, le grand jour, la liberté, la montagne ; mieux que toi, savant, ils comprennent l’élégie que soupire le laurier-rose à la brise du soir, le dithyrambe des pins qui se cassent, le monologue de l’orage qui hurle et de la haine quand elle emplit les cœurs vigoureux. Us n’ont point de poitrine étriquée, de membres amaigris, d’esprit sec, de vanité misérable. Je te hais, fils de geôlier qui veux devenir académicien, et il n’a fallu rien moins pour te faire oublier que l’excellent déjeuner que nous avons fait chez Letellier en compagnie du bon Multedo que j’avais retrouvé le matin dans la rue, et des docteurs Arrighi et Manfredi.

  Puisque j’ai rendu compte de ma traversée de Toulon à Ajaccio avec une exactitude psychologique, digne de l’école écossaise, je puis me faire le plaisir de parler de celle du retour.

  Quand nous avons quitté Bastia, le temps était superbe, la mer calme. La Corse belle me disait un dernier adieu. Pauvre Corse ! il a fallu en quit ter la vue bien vite pour aller se clouer dans une étroite cabine où, le corps ployé en deux, je recevais le soleil dans la face. Là, fermant les yeux, étourdi du roulis, suant et soufflant, je m’imaginai être un fort poulet à la broche : l’astre du jour me rôtissait et je ne vous dirai pas quel jus tombait dans la lèche-frite.

  Vers 5 heures du soir je me suis résigné à monter sur le pont, où je passai la nuit, enveloppé dans ce gros manteau corse que M. Cloquet avait acheté à Ajaccio. La nuit fut belle, je dormis, je rêvai, je regardai la lune, la mer ; je pensais aux peuples d’Orient qui par la même nuit regardaient les mêmes étoiles et qui s’acheminaient lentement dans les sables vers quelque grande cité, je pensais aussi à mon voyage qui allait finir, je regardais le bout du mât se balancer à droite et àgauche, j’écoutais le vent siffler dans les poulies et, à travers lés écoutilles, les bruits des vomissants montaient jusqu’à moi ; j’avais pour eux le dédain du bonheur.

  Le matin, quand nous longeâmes les côtes de la Provence, le temps devint rude, les flots fumaient à l’horizon, notre navire s’avançait lentement et rudement secoué, et sa proue pointait dans l’eau. J’ai fait la conversation avec un officier qui a entré en fraude une grande quantité de tabac corse, et avec un épicier qui m’a pris pour un commis voyageur. Allons, finissons-en vite, arrivons au port, puisque nous sommes en rade. C’est en vain que depuis huit jours je suis à m’amuser à ceci, il faut bien plier la feuille, tout cela à deux mains, et quitter le passé, lui qui vous quitte si facilement. J’ai fait le traînard tant que j’ai pu, me promenant cent fois d’Ajaccio à Bastia, de Ghisoni dans la forêt de Marmano, revenant sur mes pas, revoyant les sentiers parcourus, ramassant des feuilles tombées, me jouant avec mes souvenirs comme avec de vieux habits ; il faut se hâter de finir mon voyage qui, du train que je mets à le raconter, pourra bien finir au mois d’août prochain.

  Je vous fais grâce du bagne et de l’arsenal, de la description pittoresque et des réflexions humanitaires, j’aime mieux dire qu’un certain soir encore j’ai été à la bastide de Lauvergne. La mer vient battre au pied de sa terrasse ; à gauche il y a une anse dans le rocher, faite exprès par les Tritons pour y nager aux heures de nuit ; de dessus un tombeau turc qui sert de banc, on voit toute la Méditerranée ; son jardin est en désordre, l’herbe pousse dans les murs, la fontaine est tarie, les cannes de Provence sont cassées, mais l’éternelle jeunesse de la mer sourit en face à chaque rayon de soleil, dans chaque vague azurée.

  Si je demeurais à Toulon, j’irais aussi tous les jours au jardin botanique ; ce serait peut-être une sottise, car il est choses dont il ne faut garder qu’une vision, comme Arles, par exemple. Que le cloître Saint-Trophime était beau, à la tombée du jour ! Des femmes venaient puiser de l’eau dans le puits de marbre qui se trouve là, à droite en entrant. Les femmes d’Arles ! quel autre souvenir ! Elles sont toutes en noir ; elles marchaient, il m’a semblé, deux à deux dans les rues, et elles parlaient à voix basse se tenant par le bras. J’en ai revu une à Toulon, elle s’en allait aussi la tête penchée un peu sur l’épaule, le regard vers la terre ; avec leur jupe courte, leur démarche si légère et si grave, toute leur stature robuste et svelte, elles ressemblent à la Muse antique.

  II faisait du mistrao à Toulon ; nous étions aveuglés de poussière. Une fois entrés dans le jardin, je ne sais si cela tient aux murs qui nous abritaient, l’air est devenu calme. Après la maison du concierge, il y a quelques petites maisonnettes en bois qui servent de serres ; des cages d’oiseaux étaient attachées aux murs extérieurs, elles étaient remplies de gazouillements et de battements d’ailes. Je vis là sous de grands arbres pleins d’ombrages, à côté d’un banc de gazon, deux ou trois forçats qui travaillaient au jardin ; ils n’avaient ni gardechiourme, ni sergents, ni argousins ; on entendait pourtant leur chaîne qui traînait sur le sable.

  Tandis que les autres étaient au bagne à soulever des poutres, à clouer îa carcasse des vaisseaux, à manier le fer et le bois, ceux-là entendaient le bruit du vent dans les palmiers et dans les aloès, car il y a là des roseaux de l’Inde à forme étrange, et des bananiers, des agaves, des myrtes encore, des cactus, toutes ces belles plantes des contrées inconnues, sous lesquelles les tigres bondissent, les serpents s’enroulent, où les oiseaux bigarrés perchent et se mettent à chanter. II me semble que cela doit leur amollir le cœur de vivre toujours avec ces plantes, avec ce silence, cet ombrage, toutes ces feuilles petites et grandes, ces petits bassins qui murmurent, ces jets d’eau qui arrosent ; il fait frais sous les arbres et chaud au soleil, le vent agite le branchage sur le treillis, il y a du jasmin qui embaume, des chèvrefeuilles, des fleurs dont je ne sais pas le nom, mais qui font qu’en les respirant on se sent le cœur faible et tout prêt à aimer ; des nénufars sont étendus dans les sources, avec des roseaux qui s’épanchent de tous côtés. Le vent avait renversé les arbustes et il agitait les palmiers dont le faite murmurait, deux palmiers, de ceux qu’on appelle rois ; ils sont au b
out du jardin, et si beaux que j’ai compris alors que Xercès en eut été amoureux et, comme à une maîtresse, ait passé à un d’eux autour du cou des anneaux et des colliers. Les rameaux du haut retombaient en gerbes avec des courbes douces et molles, ce mistrao qui soufflait en haut les poussait les uns sur les autres en leur faisant faire un bruit qui n’est point de nos pays, le tronc restait calme et immobile, comme une femme dont les cheveux seuls remuent au vent. Un palmier pour nous c’est toute l’Inde, tout l’Orient ; sous le palmier l’éléphant paré d’or bondit et balance au son des tambourins, la bayadère danse sous son ombrage, l’encens fume et monte dans ses rameaux pendant que le brahme assis chante les louanges de Brahma et des Dieux.

  C’était fini du Midi ! A Marseille il faisait froid, tout se rembrunissait et sentait déjà le retour. II y aurait pourtant de l’injustice à ne rien dire du dîner d’adieu chez M. Cauvière. II a une petite salle romaine en pierre de taille, voûtée, pavée de marbre, comme Horace devait en avoir une ; je vous réponds qu’il s’y est bien bu du bon vin, qu’il s’y est dit bien des choses spirituelles. Ce fut un dîner exquis en tout point, comme les rois n’ont pas l’esprit d’en faire, où il y eut, dit Commines, “toutes sortes de bonnes épices qui font boire de l’eau point” ; les mets, les vins, le langage, tout cela eut un caractère à part, bon jusqu’à l’excellent, original et de bon goût ; l’ivresse et la plaisanterie allèrent jusqu’à ce point délicat où l’on ne perd ni l’esprit ni la décence, il y avait des dames. II faudrait une autre mémoire et une autre plume surtout pour vous rapporter’ cette délicieuse soirée, les lumières étaient douces, tout allait harmonieusement, Porto se promenait lentement autour de la table à la manière des grands animaux ; le soir on nous apporta sur la table une colonne de tabac de Lataki, avec des pipes de bambou ; nous bûmes, en fumant, un vin spécial appelé Lep-Fraidi, je n’en écris pas plus.

 

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