Ex in the City

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Ex in the City Page 24

by Wendy Markham


  — Tu t’es trompé, Jack. Je n’aurais jamais cru que tu me ferais un truc pareil. Tu aurais pu au moins me proposer de t’accompagner.

  — Je t’ai expliqué que c’est une soirée entre mecs.

  — Et Patty ?

  — C'est pareil !

  — Ben voyons !

  — Mais tu es jalouse de Patty ?

  — Je ne suis pas jalouse de Patty, ni de qui que ce soit ! Je t’en veux parce que je croyais que tu étais différent, pas un salaud comme…

  Comme Will.

  — Apparemment, tu t’es trompée, dit-il sur un ton glacial.

  Adieu monsieur le beau parleur…

  — Apparemment. J’ai eu de la chance de m’en rendre compte avant…

  Avant quoi ? Tu avais décidé que tu n’emménagerais pas avec lui ! Tu voulais même le lui dire ce soir !

  — Je te souhaite une bonne soirée avec tes « copains ».

  — Oui, fais-moi confiance, j’ai bien l’intention de m’amuser.

  Je lui raccroche au nez.

  Je pleure pendant une bonne heure, puis les plus gros sanglots se calment. Je vais dans la salle de bains pour m’asperger le visage. On dirait que je viens de disputer un match de boxe ! Je me dévisage dans le miroir et je me traite d’idiote et de naïve. Comment ai-je pu croire que Jack était différent ?

  Parce que j’en avais tellement envie !

  Et parce que j’ai voulu voir des signes significatifs de son attachement à travers tous les gestes qu’il avait pour moi, comme son idée de partager un appartement, de me faire à dîner ou de m’offrir ce pot de confiture de pêche.

  Ma mère avait raison. C'est un beau parleur et il m’a bien embobinée. Mais comment a-t-elle senti cela alors qu’elle ne le connaît pas ? Et moi qui n’ai rien vu, comme avec Will. Est-ce qu’un jour je saurai écouter mes amis et ma famille plutôt que mon cœur d’artichaut ? Ils savent mieux que moi ce qui me convient et visiblement, ce qui me convient n’est pas Jack.

  Jack…

  Les larmes reviennent brutalement. Je n’arrive pas à y croire. Il avait l’air tellement sincère… Je cherche un mouchoir mais la boîte est vide et j’ai été trop occupée ces derniers temps pour faire des courses. Un morceau de papier toilette fera l’affaire. Il n’y en a plus non plus. Il ne manquait plus que ça. Je sanglote encore plus. A la place du dîner romantique chez Jack, je vais devoir aller acheter du papier pour les cabinets. Je ne parle même pas du week-end solitaire et sinistre qui s’annonce.

  Le téléphone sonne.

  C'est Jack.

  Il n’y a pas que Terence qui soit médium. Je sais que c’est lui. Il m’appelle pour me demander de l’accompagner, il regrette de m’avoir fait de la peine, je sais que c’est lui ! Non, il va me dire qu’il a annulé le match et qu’il va me faire son dîner comme prévu, qu’il est désolé. Le téléphone sonne toujours, je le regarde. Si c’est lui et s’il dit cela, c’est un signe. Un signe qu’il veut que ça dure entre nous. Je respire profondément, je décroche.

  — Tracey ?

  Ce n’est pas Jack.

  — Oui, Will.

  — Je pensais à un truc, je dois aller dans le Village tout à l’heure pour chercher un disque que mon prof de diction m’a demandé d’acheter, je pourrais en profiter pour te déposer tes fringues ?

  Il pourrait en profiter pour me déposer mes fringues ?

  Alors que je me tue à lui dire de les jeter.

  — Will…

  Après tout. Pourquoi Will ne viendrait-il pas ? De quoi ai-je peur ? Ce n’est que Will et ce ne sont que des fringues.

  — Je ne serai pas long, je sais que tu es prise, ce soir…

  Tout à coup, tout devient limpide. Il veut me voir et il insiste parce que justement je me refuse à lui. Il est jaloux ! Mais alors que je devrais sauter au plafond, ça ne me fait ni chaud ni froid. C'est trop tard.

  — Bon, alors, je peux venir ?

  J’ai une bouffée de haine, pour Jack qui me laisse tomber, pour Will qui m’a fait tant de mal mais surtout pour moi, parce que je sais très bien que les fringues ne sont qu’un prétexte pour me remettre le grappin dessus. Je le sais et il sait que je le sais. Je m’apprête à lui dire d’aller se faire voir ailleurs, mais je m’entends lui répondre au contraire qu’il peut passer.

  Je passe une heure à faire un grand ménage dans mon appartement et l’heure suivante à me faire belle. J’ai peut-être le cœur brisé mais ça ne se voit pas, je n’ai jamais été aussi jolie. Je n’ai plus rien à faire qu’attendre. D’après mes calculs, Will devrait être là d’ici quarante-cinq minutes. Je m’approche de la fenêtre pour le guetter. Il fait gris et sombre, tant mieux. J’espère que Jack aura de la pluie pour son match, et même de la neige. J’espère que ce sera de la neige pour qu’il repense avec tristesse à notre soirée au Rockefeller Center. Tu parles, il s’en fiche ! C'est moi qui me suis fait des idées. J’ai une boule dans la gorge. Non, il ne s’en fichait pas, il ne jouait pas la comédie, ce n’est pas possible. J’ai beau essayer de me convaincre que c’est un salaud, je n’y arrive pas.

  La sonnette de la porte de la rue me tire de mes idées noires. Je regarde l’heure, étonnée. Will est très en avance. De toute façon, quelle importance ? Je n’ai rien d’autre à faire ! Je jette un coup d’œil au miroir en me dirigeant vers l’entrée et j’appuie sur le bouton qui déverrouille la porte de la rue. Il doit encore monter les quatre étages. Je ne peux pas m’empêcher d’admirer mon reflet. Je porte une robe rouge. Ce n’est pas celle de la soirée, elle est moins décolletée, mais elle me va aussi bien et sa couleur chaude fait ressortir mes cheveux noirs et épais et mes yeux paraissent encore plus grands. Je sais que quand Will va me voir dans cette robe, il va avoir envie de moi…

  Mais moi, je ne veux plus de lui. Plus jamais. Cette prise de conscience me coupe presque la respiration. Je ne veux plus de lui dans ma vie, je ne l’aime plus, je n’ai plus envie de lui. Je ne vais pas me laisser avoir par ses jolies phrases, il va s’en prendre plein la figure et il ira se faire voir ailleurs ! Hors de ma vie une bonne fois pour toutes, Will ! Je serai seule ? Et alors ? De toute façon, vous savez quoi ? J’ai toujours été seule ! Pour une révélation, c’est une révélation ! Je n’ai jamais été aussi seule que lorsque j’étais avec Will. Et vous savez quoi d’autre ? Je n’ai jamais été « avec » Will. Si j’avais accepté de voir la vérité en face, j’aurais compris beaucoup plus tôt que je courais après un leurre ! Ce n’était pas de l’amour, mais de l’obsession !

  L'amour, c’est autre chose… L'amour, c’est… c’est… Je ne sais pas ce que c’est, mais… On frappe !

  Je prends une grande inspiration et j’ouvre la porte en grand.

  Jack.

  — Dianne avait raison, je suis un con.

  Je le regarde. Il porte un blouson et un sweat-shirt des Giants. Il tient un sac en papier brun dans une main, dont dépassent feuilles vertes, et dans l’autre, le plus gros bouquet de roses rouges que j’ai jamais vu !

  — C'est pour toi, dit-il en me le tendant.

  — Mais…

  C'est une folie ! Ce bouquet a dû coûter les yeux de la tête.

  — C'est très lourd, je vais me débarrasser, si tu veux bien. Je crois que tu as un four, des casseroles et des plats ?

  Je fais un signe de la tête, incapable de dire quoi que ce soit. Mon cœur bat la chamade, mes pensées se bousculent. Tétanisée, je regarde tour à tour Jack et son bouquet de roses. J’attendais un signe. Le voilà. Jack regarde le sol, puis il lève la tête.

  — Pardonne-moi. Vraiment, je suis désolé. Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’avais très envie d’aller à ce match et je n’ai pas encore pris l’habitude de penser à l’autre avant de penser à moi, je sais que tu me prends pour un égoïste…

  — Non, pas du tout !

  — Je vais tout faire pour changer, je te le promets.

  — Et le match de ce soir ?

  — Nous étions arrivés au Lincoln Tunnel lorsque je me suis rendu compte de l’énorme b�
�tise que j’étais en train de faire. J’ai sauté de la voiture et j’ai attrapé un bus jusqu’à Manhattan. J’aurais pu être là plus vite mais nous sommes samedi et je me suis arrêté chez le fleuriste et chez l’épicier.

  — Pour moi… Tu as fait tout ça pour moi ?

  — Oui. Je ferai n’importe quoi pour toi, Tracey.

  — Même renoncer à un match des Giants ? Parce que tu sais que je n’ai toujours pas la télé ?

  — Ce n’est pas important.

  — Tu es sûr ?

  — Je verrai le Super Bowl.

  — Ils ne seront peut-être pas qualifiés ?

  — Je ne veux pas te perdre, c’est ça qui compte pour moi. Est-ce que tu me pardonnes ?

  Vous vous souvenez quand je jurais que plus jamais je n’écouterai mon cœur ? Eh bien, j’avais tout faux ! Je crois que le moment est venu de me faire confiance et de faire confiance à la vie. Il est grand temps de faire ce que, moi, j’ai envie de faire, au lieu de demander leur avis à tous ceux qui m’entourent. Et ce dont j’ai envie, voyez-vous, c’est de faire confiance à Jack. Il n’est pas parfait, mais personne ne l’est. Ni lui, ni moi, ni notre relation, mais c’est ça, la vraie vie. Je n’ai pas besoin de vivre seule et de passer par je ne sais quelles épreuves et autres introspections…

  — Oui, je te pardonne.

  Alors, Jack passe le pas de la porte, pose toutes ses courses sur la table et m’ouvre les bras. Je ferme la porte et je me love contre lui. Notre baiser dure longtemps. Puis il me dit :

  — J’ai autre chose pour toi.

  Il fouille dans sa poche, en sort un paquet plat et rectangulaire, qu’il me tend.

  — Qu’est-ce que c’est ?

  — Un cadeau. Quelque chose dont tu avais besoin.

  Je déchire le papier avec des doigts tremblants.

  — Un cadre à photo. C'est... vraiment très gentil.

  — Oui, dit-il d’un ton ravi.

  Et soudain, je comprends.

  — C'est pour mettre notre photo !

  Je me sens aussitôt coupable. Il faut que je lui dise la vérité.

  — Jack, il faut que je t’avoue quelque chose.

  — C'est grave ? demande-t-il.

  — Je t’ai menti.

  — A quel sujet ?

  Je prends une profonde inspiration.

  — Tu te souviens de ce matin où tu as vu cette photo ? Je t’ai dit que c’était une blague d’une de mes copines ?

  — Ce n’était pas vrai. C'était toi qui l’avais mise là.

  — Comment as-tu deviné ?

  — J’ai compris, c’est tout.

  — Mais tu avais l’air de me croire.

  — Je ne voulais pas te gêner. Je savais que tu étais mal à l’aise.

  — Et ça ne t’a pas fait peur ?

  — Peut-être un peu. Bon, pour être honnête, oui, j’ai eu la trouille. Puis je me suis rendu compte que tu me manquais et je crois que j’ai compris que je tenais déjà beaucoup à toi. C'est pour ça que je t’ai proposé de vivre ensemble.

  — Tu en as encore envie ?

  — Et toi ?

  Oui, énormément !

  Mais je lui dis :

  — Tu me laisses un peu de temps ?

  — Mais oui, mon contrat de location s’arrête en avril, tu as le temps.

  Nous nous sourions. Tant de choses peuvent se passer en quelques mois. Tant se sont déjà passées en si peu de temps entre lui et moi.

  C'est à ce moment-là que la sonnerie de la porte retentit.

  — Tu attends quelqu’un ?

  Petite pensée pour Will : « Dehors ! »

  — Non, je n’attends personne.

  — Tu as toujours la photo ?

  — Oui.

  — Où est-elle ?

  — Dans le tiroir de mon bureau.

  La sonnerie retentit une deuxième fois.

  — Tu veux aller voir qui c’est ?

  — Non, c’est sûrement une erreur.

  — Bon… Alors, tu veux qu’on encadre la photo ?

  Oh, oui !

  Je la lui donne. Jack la place dans le cadre et le pose sur le rebord de la fenêtre.

  La sonnerie de la porte, une troisième fois. Je souris intérieurement en voyant Jack déplacer les photos de mes amis et de ma famille pour mettre la nôtre en évidence, devant toutes les autres.

  — Et voilà, qu’est-ce ça donne ?

  Comme si elle avait toujours été là, à sa place.

  Et cette fois, alors que Jack me prend dans ses bras, j’écoute ma petite voix intérieure. Depuis son cadre posé sur le rebord de la fenêtre, un grand jeune homme brun et une ravissante jeune femme en robe rouge nous regardent en souriant.

  Également en vente ce mois-ci dans la même collection,

  2 romans de Wendy Markham :

  Vous avez dit célibataire ?

  et

  A quand le grand saut ?

 

 

 


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