Selected Poems 1930-1988
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de lointains coups de ciseaux argentins
Ascension
à travers la mince cloison
ce jour où un enfant
prodigue à sa façon
rentra dans sa famille
j’entends la voix
elle est émue elle commente
la coupe du monde de football
toujours trop jeune
en même temps par la fenêtre ouverte
par les airs tout court
sourdement
la houle des fidèles
son sang gicla avec abondance
sur les draps sur les pois de senteur sur son mec
de ses doigts dégoûtants il ferma les paupières
sur les grands yeux verts étonnés
elle rode légère
sur ma tombe d’air
La Mouche
entre la scène et moi
la vitre
vide sauf elle
ventre à terre
sanglée dans ses boyaux noirs
antennes affolées ailes liées
pattes crochues bouche suçant à vide
sabrant l’azur s’écrasant contre l’invisible
sous mon pouce impuissant elle fait chavirer
la mer et le ciel serein
ainsi a-t-on beau
par le beau temps et par le mauvais
enfermé chez soi enfermé chez eux
comme si c’était d’hier se rappeler le mammouth
le dinothérium les premiers baisers
les périodes glaciaires n’apportant rien de neuf
la grande chaleur du treizième de leur ère
sur Lisbonne fumante Kant froidement penché
rêver en générations de chênes et oublier son père
ses yeux s’il portait la moustache
s’il était bon de quoi il est mort
on n’en est pas moins mangé sans appétit
par le mauvais temps et par le pire
enfermé chez soi enfermé chez eux
Dieppe
encore le dernier reflux
le galet mort
le demi-tour puis les pas
vers les vieilles lumières
Dieppe
again the last ebb
the dead shingle
the turning then the steps
towards the lights of old
Rue de Vaugirard
à mi-hauteur
je débraye et béant de candeur
expose la plaque aux lumières et aux ombres
puis repars fortifié
d’un négatif irrécusable
Arènes de Lutèce
De là où nous sommes assis plus haut que les gradins
je nous vois entrer du côté de la Rue des Arènes,
hésiter, regarder en l’air, puis pesamment
venir vers nous à travers le sable sombre,
de plus en plus laids, aussi laids que les autres,
mais muets. Un petit chien vert
entre en courant du côté de la Rue Monge,
elle s’arrête, elle le suit des yeux,
il traverse l’arène, il disparait
derrière le socle du savant Gabriel de Mortillet.
Elle se retourne, je suis parti, je gravis seul
les marches rustiques, je touche de ma main gauche
la rampe rustique, elle est en béton. Elle hésite,
fait un pas vers la sortie de la Rue Monge, puis me suit.
J’ai un frisson, c’est moi qui me rejoins,
c’est avec d’autres yeux que maintenant je regarde
le sable, les flaques d’eau sous la bruine,
une petite fille traînant derrière elle un cerceau,
un couple, qui sait des amoureux, la main dans la main,
les gradins vides, les hautes maisons, le ciel
qui nous éclaire trop tard.
Je me retourne, je suis étonné
de trouver là son triste visage.
Saint-Lô
Vire will wind in other shadows
unborn through the bright ways tremble
and the old mind ghost-forsaken
sink into its havoc
[Poems in French, 1947–1949]
bon bon il est un pays
où l’oubli où pèse l’oubli
doucement sur les mondes innommés
là la tête on la tait la tête est muette
et on sait non on ne sait rien
le chant des bouches mortes meurt
sur la grève il a fait le voyage
il n’y a rien à pleurer
ma solitude je la connais allez je la connais mal
j’ai le temps c’est ce que je me dis j’ai le temps
mais quel temps os affamé le temps du chien
du ciel pâlissant sans cesse mon grain de ciel
du rayon qui grimpe ocellé tremblant
des microns des années ténèbres
vous voulez que j’aille d’A à B je ne peux pas
je ne peux pas sortir je suis dans un pays sans traces
oui oui c’est une belle chose que vous avez là une bien belle chose
qu’est-ce que c’est ne me posez plus de questions
spirale poussière d’instants qu’est-ce que c’est le même
le calme l’amour la haine le calme le calme
Mort de A.D.
et là être là encore là
pressé contre ma vieille planche vérolée du noir
des jours et nuits broyés aveuglément
à être là à ne pas fuir et fuir et être là
courbé vers l’aveu du temps mourant
d’avoir été ce qu’il fut fait ce qu’il fit
de moi de mon ami mort hier l’oeil luisant
les dents longues haletant dans sa barbe dévorant
la vie des saints une vie par jour de vie
revivant dans la nuit ses noirs péchés
mort hier pendant que je vivais
et être là buvant plus haut que l’orage
la coulpe du temps irrémissible
agrippé au vieux bois témoin des départs
témoin des retours
vive morte ma seule saison
lis blancs chrysanthèmes
nids vifs abandonnés
boue des feuilles d’avril
beaux jours gris de givre
je suis ce cours de sable qui glisse
entre le galet et la dune
la pluie d’été pleut sur ma vie
sur moi ma vie qui me fuit me poursuit
et finira le jour de son commencement
cher instant je te vois
dans ce rideau de brume qui recule
où je n’aurai plus à fouler ces longs seuils mouvants
et vivrai le temps d’une porte
qui s’ouvre et se referme
my way is in the sand flowing
between the shingle and the dune
the summer rain rains on my life
on me my life harrying fleeing
to its beginning to its end
my peace is there in the receding mist
when I may cease from treading these long shifting thresholds
and live the space of a door
that opens and shuts
que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions
où être ne dure qu’un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l’oubli d’avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensemble s’engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures
haletant furieux vers le secours vers l’amour
sans ce ciel qui s’élève
sur la poussière de ses lests
que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd’hui
regardant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à virer loin de toute vie
dans un espace pantin
sa
ns voix parmi les voix
enfermées avec moi
what would I do without this world faceless incurious
where to be lasts but an instant where every instant
spills in the void the ignorance of having been
without this wave where in the end
body and shadow together are engulfed
what would I do without this silence where the murmurs die
the pantings the frenzies towards succour towards love
without this sky that soars
above its ballast dust
what would I do what I did yesterday and the day before
peering out of my deadlight looking for another
wandering like me eddying far from all the living
in a convulsive space
among the voices voiceless
that throng my hiddenness
je voudrais que mon amour meure
qu’il pleuve sur le cimetière
et les ruelles où je vais
pleurant celle qui crut m’aimer
I would like my love to die
and the rain to be raining on the graveyard
and on me walking the streets
mourning her who thought she loved me
Song
Age is when to a man
Huddled o’er the ingle
Shivering for the hag
To put the pan in the bed
And bring the toddy
She comes in the ashes
Who loved could not be won
Or won not loved
Or some other trouble
Comes in the ashes
Like in that old light
The face in the ashes
That old starlight
On the earth again.
hors crâne seul dedans
quelque part quelquefois
comme quelque chose
crâne abri dernier
pris dans le dehors
tel Bocca dans la glace
l’oeil à l’alarme infime
s’ouvre bée se rescelle
n’y ayant plus rien
ainsi quelquefois
comme quelque chose
de la vie pas forcément
Something there
something there
where
out there
out where
outside
what
the head what else
something there somewhere outside
the head
at the faint sound so brief
it is gone and the whole globe
not yet bare
the eye
opens wide
wide
till in the end
nothing more
shutters it again
so the odd time
out there
somewhere out there
like as if
as if
something
not life
necessarily
dread nay
head fast
in out as dead
till rending
long still
faint stir
unseal the eye
till still again
seal again
head sphere
ashen smooth
one eye
no hint when to
then glare
cyclop no
one side
eerily
on face
of out spread
vast in
the highmost
snow white
sheeting all
asylum head
sole blot
faster than where
in hellice eyes
stream till
frozen to
jaws rail
gnaw gnash
teeth with stork
clack chatter
come through
no sense and gone
while eye
shocked wide
with white
still to bare
stir dread
nay to nought
sudden in
ashen smooth
aghast
glittering rent
till sudden
smooth again
stir so past
never been
at ray
in latibule
long dark
stir of dread
till breach
long sealed
dark again
still again
so ere
long still
long nought
rent so
so stir
long past
head fast
in out as dead
Roundelay
on all that strand
at end of day
steps sole sound
long sole sound
until unbidden stay
then no sound
on all that strand
long no sound
until unbidden go
steps sole sound
long sole sound
on all that strand
at end of day
mirlitonnades
en face
le pire
jusqu’à ce
qu’il fasse rire
rentrer
à la nuit
au logis
allumer
éteindre voir
la nuit voir
collé à la vitre
le visage
somme toute
tout compte fait
un quart de milliasse
de quarts d’heure
sans compter
les temps morts
fin fond du néant
au bout de quelle guette
l’œil crut entrevoir
remuer faiblement
la tête le calma disant
ce ne fut que dans ta tête
silence tel que ce qui fut
avant jamais ne sera plus
par le murmure déchiré
d’une parole sans passé
d’avoir trop dit n’en pouvant plus
jurant de ne se taire plus
écoute-les
s’ajouter
les mots
aux mots
sans mot
les pas
aux pas
un à
un
lueurs lisières
de la navette
plus qu’un pas s’éteignent
demi-tour remiroitent
halte plutôt
loin des deux
chez soi sans soi
ni eux
imagine si ceci
un jour ceci
un beau jour
imagine
si un jour
un beau jour ceci
cessait
imagine
d’abord
à plat sur du dur
la droite
ou la gauche
n’importe
ensuite
à plat sur la droite
ou la gauche
la gauche
ou la droite
enfin
à plat sur la gauche
ou la droite
n’importe
sur le tout
la tête
flux cause
que toute chose
tout en étant
toute chose
donc celle-là
même celle-là
tout en étant
n’est pas
parlons-en
samedi répit
plus rire
depuis minuit
jusqu’à minuit
pas pleurer
chaque jour envie
d’être un jour en vie
non certes sans regret
un jour d’être né
nuit qui fais tant
implorer l�
�aube
nuit de grâce
tombe
rien nul
n’aura été
pour rien
tant été
rien
nul
à peine à bien mené
le dernier pas le pied
repose en attendant
comme le veut l’usage
que l’autre en fasse autant
comme le veut l’usage
et porte ainsi le faix
encore de l’avant
comme le veut l’usage
enfin jusqu’à présent
ce qu’ont les yeux
mal vu de bien
les doigts laissé
de bien filer
serre-les bien
les doigts les yeux
le bien revient
en mieux
ce qu’a de pis
le cœur connu
la tête pu
de pis se dire
fais-les
ressusciter
le pis revient
en pire
ne manquez pas à Tanger
le cimetière Saint-André
morts sous un fouillis
de fleurs surensevelis
banc à la mémoire
d’Arthur Keyser
de cœur avec lui
restes dessus assis
plus loin un autre commémore
Caroline Hay Taylor
fidèle à sa philosophie
qu’espoir il y a tant qu’il y a vie
d’Irlande elle s’enfuit aux cieux