Les refuges de pierre

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Les refuges de pierre Page 94

by Jean M. Auel


  Les fosses extérieures semblaient moins touchées et on y gardait les vivres au frais le plus longtemps possible. Quand le gel menaçait d’en détruire la qualité, on les rentrait dans l’abri. Une fois gelés, les légumes n’étaient plus consommés qu’après cuisson, comme la plupart des aliments séchés.

  Ayla était passée par une période où elle débordait d’énergie, puis elle s’était sentie de plus en plus lourde, mal à l’aise, sombrant dans des crises de larmes qui consternaient Jondalar. Le bébé remuant la réveillait parfois la nuit. A l’approche du terme, sa peur croissait, mais ces derniers temps elle devenait si impatiente d’avoir son bébé qu’elle était prête à affronter l’accouchement.

  Certaine que c’était pour bientôt, Zelandoni lui avait déclaré :

  — La Grande Terre Mère, dans sa sagesse, a rendu délibérément les derniers jours de la grossesse très inconfortables afin que les femmes surmontent leur peur d’accoucher dans le seul but d’en avoir terminé.

  Ayla avait fini de ranger une fois de plus les affaires du bébé et le reste de son habitation. Elle décida de préparer un bon repas à Jondalar et l’envoya chercher les légumes et la viande dont elle avait besoin. Quand il revint, elle n’avait pas bougé, et son visage avait adopté une expression étrange, mélange de joie et de frayeur.

  — Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il en posant son panier.

  — Je crois que le bébé est prêt à naître.

  — Là, tout de suite ? Allonge-toi, je vais chercher Zelandoni. Ma mère aussi, peut-être. Ne fais rien avant que je revienne avec Zelandoni, ajouta-t-il, soudain inquiet.

  — Non, pas tout de suite. Calme-toi, Jondalar. Il ne viendra pas avant un moment. Attendons d’être sûrs avant d’appeler Zelandoni.

  Elle prit les légumes, les porta près du foyer, commença à les tirer du panier.

  — Laisse-moi m’en occuper, conseilla Jondalar. Repose-toi, plutôt. Tu ne veux vraiment pas que j’aille chercher Zelandoni ?

  — Jondalar, tu as déjà vu des bébés naître, non ? Tu n’as pas à t’inquiéter.

  — Qui dit que je m’inquiète ? répondit-il en tâchant d’avoir l’air serein.

  Elle se figea, posa une main sur son ventre.

  — Ayla, tu ne crois pas qu’il vaut mieux que j’aille prévenir Zelandoni ?

  — D’accord. Mais seulement si tu promets de lui dire que je n’en suis qu’au début. Rien ne presse.

  Jondalar sortit en trombe et revint en tirant quasiment la doniate derrière lui.

  — Je t’avais dit que rien ne pressait, lui reprocha-t-elle. Zelandoni, je suis désolée qu’il t’ait appelée si tôt. Cela vient à peine de commencer.

  — Jondalar pourrait aller passer un moment chez Joharran et avertir Proleva que j’aurai peut-être besoin d’elle plus tard. Je n’ai rien d’important à faire, je reste pour te tenir compagnie, Ayla. Aurais-tu une infusion à m’offrir ?

  — Je peux en préparer une. Zelandoni a raison, Jondalar. Va donc chez Joharran.

  — En passant, préviens aussi Marthona, mais ne la ramène pas ici, dit la Première.

  Après le départ de Jondalar, elle ajouta :

  — A la naissance de Folara, il a assisté à l’accouchement avec le plus grand calme. Mais c’est toujours différent quand c’est la compagne qui enfante.

  Ayla se figea de nouveau, attendit que la contraction passe puis commença à préparer l’infusion. Zelandoni l’avait observée en notant le temps pendant lequel elle était restée immobile. Puis la doniate s’assit sur un large tabouret qu’Ayla lui réservait, sachant qu’elle n’aimait pas s’installer par terre ou sur des coussins si elle pouvait l’éviter. Ayla l’utilisait aussi ces derniers temps.

  Après avoir bu une infusion et bavardé pendant qu’Ayla avait d’autres contractions, Zelandoni suggéra à la jeune femme de s’étendre pour qu’elle puisse l’examiner. Ayla s’exécuta. La Première attendit la contraction suivante, palpa le ventre et annonça :

  — Ce ne sera peut-être pas si long, finalement.

  Ayla se leva de sa couche, fit un pas pour aller s’asseoir sur un coussin, changea d’avis et retourna près du foyer, but une gorgée d’infusion, sentit une autre contraction. Elle se demanda si elle devait retourner sur sa couche : tout se passait plus vite qu’elle n’avait cru. Zelandoni l’examina de nouveau puis la regarda dans les yeux.

  — Ce n’est pas ton premier bébé, n’est-ce pas ?

  Ayla attendit la fin d’un nouveau spasme pour répondre.

  — Non. J’ai eu un fils.

  La doniate se demanda pourquoi l’enfant n’était pas auprès d’elle. N’avait-il pas survécu ? S’il était mort-né ou s’il avait succombé peu après la naissance, c’était important à savoir.

  — Qu’est-il devenu ?

  — J’ai dû le laisser. Je l’ai confié à ma sœur, Uba. Il vit encore avec le Clan, du moins je l’espère.

  — L’accouchement avait été très difficile ?

  — Oui. J’ai failli mourir en lui donnant le jour. Ayla parlait d’une voix neutre en tâchant de ne montrer aucune émotion, mais la Première décela de la peur dans ses yeux.

  — Quel âge a-t-il ? Ou plutôt quel âge avais-tu quand tu as accouché ?

  — Je ne comptais pas encore douze ans.

  Une autre contraction la fit grimacer. Elles se succédaient plus vite, à présent.

  — Et maintenant ? demanda Zelandoni quand la contraction fut passée.

  — J’en compterai vingt après cet hiver. C’est vieux pour avoir un bébé.

  — Non, mais tu étais très jeune quand tu as eu le premier. Trop jeune. Pas étonnant que l’accouchement ait été aussi difficile. Tu dis que tu l’as laissé avec ton Clan...

  La doniate s’interrompit, réfléchit à la façon de formuler sa question et finit par demander :

  — Ton fils, c’est un esprit mêlé ?

  Ayla ne répondit pas immédiatement. Elle regarda Zelandoni puis se plia soudain de douleur.

  — Oui, murmura-t-elle, effrayée, quand la contraction fut passée.

  — Je crois que cela aussi a contribué à rendre l’accouchement difficile. Les enfants d’esprit mêlé posent des problèmes à cause de leur tête. Elle est trop grosse, elle a une forme différente. Elle passe moins bien. Cette fois, ce ne sera peut-être pas aussi douloureux pour toi. Tu te débrouilles très bien, tu sais.

  Zelandoni avait senti la tension d’Ayla croître avec le dernier spasme. Si elle se crispe, cela ne fera qu’aggraver les choses, pensa-t-elle, mais je crains qu’elle garde un terrible souvenir de son premier accouchement. Elle aurait dû m’en parler, j’aurais peut-être pu faire quelque chose. Je regrette de ne pas avoir appelé Marthona tout de suite. Ayla a besoin de quelqu’un auprès d’elle pour la rassurer mais je voudrais lui préparer une infusion pour l’aider à se calmer. Évoquer son fils lui fera peut-être oublier sa peur.

  — Tu veux me parler de lui ?

  — D’abord ils l’ont trouvé difforme, ils ont dit qu’il serait un fardeau pour le Clan. Au début, il n’arrivait même pas à tenir sa tête droite, puis il est devenu fort. Tout le monde a fini par l’aimer. Grod lui a même fabriqué un épieu, juste à sa taille. Et il courait très vite malgré son jeune âge.

  Les larmes aux yeux, Ayla souriait à ce souvenir, et la doniate comprit tout à coup que la jeune femme avait aimé cet enfant, qu’elle avait été fière de lui, esprit mêlé ou non. Certains Zelandonia se souvenaient encore de la grand-mère de Brukeval et, sans jamais l’admettre publiquement, la plupart d’entre eux étaient sûrs que la fille dont elle avait accouché était un esprit mêlé. Personne n’avait vraiment voulu d’elle après la mort de sa mère, et Brukeval avait connu un sort identique. Il avait les mêmes traits que sa mère, moins marqués, peut-être, mais c’était un mélange, lui aussi, Zelandoni en était persuadée. Elle ne l’aurait cependant pas reconnu devant quiconque, encore moins devant lui.

  Se pouvait-il qu’Ayla eût tendance à attirer leurs es
prits parce qu’elle avait été élevée par eux ? Ce bébé était-il aussi un mélange ? Et dans ce cas, que faire ? Le plus sage serait peut-être de mettre discrètement fin à sa vie avant qu’elle ne commence vraiment. Ce serait facile, et personne ne saurait qu’il n’était pas mort-né. Cela épargnerait des souffrances à tout le monde, y compris au bébé. Ce serait regrettable que la Caverne compte un enfant non désiré et mal aimé de plus, comme Brukeval et sa mère.

  Mais si Ayla aimait son premier bébé, n’aimera-t-elle pas également celui-ci ? raisonna la Première. C’est étonnant de la voir avec Echozar, j’ai l’impression qu’elle se sent à l’aise avec lui. Cela pourrait aller si Jondalar...

  — Jondalar m’a dit que le travail avait commencé, lança Marthona en pénétrant dans l’habitation. Il a pris soin de préciser que ce n’était que le début, que je ne devais pas me presser, mais il m’a quasiment poussée hors de chez moi tant il était impatient.

  — C’est aussi bien que tu sois là, répondit Zelandoni. Je voudrais lui préparer quelque chose.

  — Pour hâter l’accouchement ? Les premiers bébés peuvent être longs à venir, dit la mère de Jondalar en souriant à Ayla.

  — Non, répondit Zelandoni.

  Elle marqua une pause, indécise, puis reprit :

  — Quelque chose pour l’aider à se détendre. Cela progresse bien, plus vite que je ne l’aurais cru, mais elle est pleine d’appréhension.

  Ayla remarqua que la doniate n’avait pas détrompé Marthona quand celle-ci avait parlé d’un premier bébé. Dès le début, Ayla avait senti que Zelandoni connaissait beaucoup de choses, beaucoup de secrets qu’elle gardait pour elle. Il valait peut-être mieux que la doniate fût la seule à savoir qu’elle avait un fils.

  On frappa à l’entrée et Proleva apparut sans attendre.

  — Jondalar dit qu’Ayla est en travail. Je peux vous aider ? La compagne de Joharran portait un nouveau-né sur son dos, dans une couverture.

  — Bien sûr, répondit la Première.

  Elle s’était arrogée le droit d’accorder ou de refuser l’accès à l’habitation et Ayla lui en était reconnaissante. Savoir qui devait ou non se trouver là était bien la dernière chose à laquelle elle avait envie de réfléchir entre ses contractions. La doniate remarqua qu’Ayla s’était raidie pour lutter contre la douleur et s’empêcher de crier.

  — Tiens compagnie à Ayla pendant que Marthona fait bouillir de l’eau, dit-elle à Proleva. Je dois aller chercher un remède.

  Zelandoni sortit d’un pas vif. Elle était capable de se déplacer rapidement malgré sa corpulence. Folara approcha de l’habitation au moment où la doniate laissait le rideau retomber derrière elle.

  — Je peux entrer, Zelandoni ?

  La Première réfléchit le temps d’un battement de cour.

  — Oui, vas-y. Tu aideras Proleva à rassurer Ayla.

  Au retour de la doniate, Ayla s’agitait dans les affres d’une nouvelle contraction mais ne criait toujours pas. Marthona et Proleva se tenaient de part et d’autre de la couche, inquiètes. Folara ajouta une autre pierre brûlante à l’eau, et son expression reflétait celle de sa mère. Il y avait de la peur dans le regard d’Ayla.

  Zelandoni s’approcha d’elle :

  — Tout ira bien. Il faut simplement que tu te calmes un peu. Je vais te préparer quelque chose pour t’aider à te sentir mieux.

  — Qu’est-ce que c’est ? demanda Ayla quand la douleur s’estompa.

  La Première la dévisagea, comprit que ce n’était pas la peur mais l’intérêt qui motivait sa question. Si cela pouvait la détourner un moment de ses craintes...

  — De l’écorce de saule et des feuilles de framboisier, pour l’essentiel, répondit-elle en jetant un coup d’œil vers le foyer pour voir si l’eau bouillait. Plus quelques fleurs de tilleul et un tout petit peu de pomme épineuse.

  Ayla hocha la tête.

  — L’écorce de saule est un léger calmant contre la douleur, la feuille de framboisier aide à se détendre pendant le travail, les fleurs de tilleul donnent un goût sucré et la pomme épineuse – qu’on appelle datura, je crois – supprime la douleur et fait dormir mais peut aussi arrêter les contractions. Une petite quantité serait utile, cependant.

  — C’est ce que j’ai pensé, dit la doniate.

  En se hâtant d’ajouter les plantes et l’écorce à l’eau dont Folara s’occupait, Zelandoni songea que le fait de laisser Ayla s’intéresser au traitement pouvait l’apaiser autant que les remèdes eux-mêmes. Pendant que le mélange infusait, Ayla eut plusieurs autres contractions et, lorsque Zelandoni le lui porta enfin, la compagne de Jondalar était plus que prête à l’avaler. Elle se redressa, but une première gorgée, ferma les yeux, hocha la tête.

  — Plus de feuilles de framboisier que d’écorce de saule, et juste assez de tilleul pour couvrir le goût amer du datura... de la pomme épineuse.

  Elle but le reste et se rallongea pour attendre le nouvel accès de douleur.

  Une repartie sarcastique traversa l’esprit de Zelandoni : « Alors, tu approuves le traitement ? » Elle la garda néanmoins pour elle et s’étonna même d’y avoir songé. Elle n’avait pas l’habitude qu’on émette des commentaires sur ses remèdes, mais à la place d’Ayla n’aurait-elle pas fait de même ? Ayla ne la critiquait pas, elle mettait simplement ses propres connaissances à l’épreuve. La doniate sourit, certaine de savoir ce qu’Ayla était en train de faire, parce qu’elle l’aurait fait elle-même. Elle utilisait son corps pour vérifier l’efficacité de la médecine, elle guettait ses réactions, cherchait à savoir combien il faudrait de temps au remède pour agir et quel effet il aurait. Comme Zelandoni l’avait supposé, cela détachait son esprit de sa peur et l’aidait à se détendre.

  Elles attendaient toutes, parlant à voix basse. L’épreuve semblait se dérouler un peu mieux. La Première ignorait si c’était à cause du remède ou d’un allégement des craintes d’Ayla – probablement les deux – mais la future mère ne s’agitait plus. Ayla se concentrait au contraire sur ce qu’elle éprouvait, comparait mentalement cette naissance avec la précédente et concluait que celle-ci semblait plus facile. Elle suivait la progression qu’elle avait observée chez d’autres femmes ayant un accouchement normal. Elle avait assisté à celui de Proleva et elle sourit en la voyant allaiter sa petite fille.

  — Marthona, tu sais où est sa couverture d’enfantement ? questionna Zelandoni. Je crois que ce ne sera plus long.

  — Déjà ? fit Proleva, reposant son bébé. Je ne pensais pas que cela irait si vite, d’autant qu’Ayla avait beaucoup de difficultés au début.

  — Elle se maîtrise bien, maintenant, dit Marthona. Je vais chercher la couverture. Elle est toujours à l’endroit que tu m’as montré, Ayla ?

  — Oui, haleta la jeune femme, qui sentait venir une autre contraction.

  Ensuite, Zelandoni demanda à Proleva et à Folara d’étendre sur le sol la couverture de cuir, ornée de dessins et de symboles, puis adressa un signe à Marthona.

  — Il faut l’aider, maintenant. Ayla, tu dois te lever et laisser la Grande Terre Mère tirer pour aider le bébé à sortir. Tu pourras ?

  — Oui, répondit Ayla, pantelante. Je crois.

  Elle avait poussé fort à chaque douleur et avait envie de pousser encore mais essayait de se retenir. Les trois femmes l’obligèrent à se lever, la menèrent à la couverture. Proleva lui indiqua la position accroupie qu’elle devait prendre puis se plaça à sa gauche pour la soutenir, Folara faisant de même à sa droite. Marthona s’installa devant et lui apporta le soutien moral de son sourire. Zelandoni se tint derrière Ayla et, l’entourant de ses bras, la pressa contre sa poitrine plantureuse.

  Ayla se sentit enveloppée par la douceur et la chaleur de l’énorme femme. C’était réconfortant de se laisser aller contre elle. Zelandoni était comme la Mère, comme toutes les mères réunies en une seule, comme le sein moelleux de la Terre. Il y avait autre chose, aussi. Une force gigantesque se cachait sous les montagnes de chair. Ayla songea
it que cette femme pouvait passer par toutes les humeurs de la Grande Terre Mère Elle-Même, de la douceur d’un soir d’été à la fureur du blizzard. Selon ses sentiments, elle pouvait frapper avec la puissance dévastatrice de l’orage ou réconforter et nourrir comme une bruine.

  — A la prochaine douleur, je veux que tu pousses, dit-elle.

  — Je la sens venir, murmura Ayla.

  — Alors pousse !

  Ayla prit une longue inspiration, poussa de toutes ses forces. Elle sentit la doniate l’aider, pousser le bébé avec elle. De l’eau tiède inonda la couverture.

  — Bien, fit Zelandoni.

  — Je me demandais quand elle allait rompre les eaux, dit Proleva. Je perds les miennes si tôt que je suis presque sèche quand vient le bébé. Là, c’est mieux.

  — Encore une fois, Ayla, dit Zelandoni.

  Ayla poussa de nouveau, sentit un mouvement.

  — Je vois la tête, dit Marthona. Je suis prête à attraper le bébé.

  Elle s’agenouilla plus près de la compagne de son fils au moment où une autre contraction commençait. Ayla inspira à fond, poussa.

  — Le voilà ! dit Marthona.

  Ayla sentit passer la tête et le reste fut facile. Quand le bébé glissa hors de sa mère, Marthona le recueillit dans ses mains.

  Ayla baissa les yeux, vit le nouveau-né mouillé dans les bras de Marthona et sourit. Zelandoni sourit à son tour.

  — Une dernière fois, pour faire sortir l’après-naissance.

  Une masse spongieuse et sanguinolente tomba sur la couverture.

  Zelandoni lâcha Ayla, passa devant. Proleva et Folara soutinrent l’accouchée pendant que la Première prenait le bébé, le retournait et tapotait le petit dos. Il y eut quelques bruits de hoquet. La doniate frappa sur les pieds du nouveau-né, le regarda ouvrir la bouche en réaction et aspirer sa première bouffée d’air. Il émit un petit cri, à peine plus qu’un miaulement au début, mais qui s’amplifia à mesure que les poumons prenaient leur rythme pour affronter la vie.

  Marthona garda l’enfant dans ses bras tandis que la doniate lavait sommairement la mère, essuyant le sang et l’eau, puis Proleva et Folara aidèrent Ayla à retourner à sa couche. Zelandoni noua un morceau de nerf autour du cordon ombilical – à la demande d’Ayla, il avait été teint en rouge avec de l’ocre – pour empêcher que le sang coule par le tube encore engorgé. Avec une lame de silex tranchante, elle coupa le cordon entre le nœud et le placenta, séparant le nouveau-né du tissu qui l’avait nourri et abrité pendant qu’il se développait. L’enfant d’Ayla était devenu une entité distincte, un être humain unique et singulier.

 

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