Les chasseurs de mammouths

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Les chasseurs de mammouths Page 30

by Jean M. Auel


  — C’est vrai... Mais, Nezzie, comment sais-tu qu’ils voudront bien rester avec nous ?

  Talut s’était recouché.

  — Je ne le sais pas, mais tu peux toujours le leur demander, non ?

  La matinée s’avançait déjà quand Talut sortit de l’abri. Il vit Jondalar et Ayla qui emmenaient les chevaux. Il n’y avait pas de neige, mais le givre du petit matin s’attardait encore par endroits en blanches plaques de cristal. A chaque respiration, une brume enveloppait les têtes des jeunes gens. De l’électricité statique crépitait dans l’air sec et glacial. L’homme et la femme avaient revêtu, contre le froid, des pelisses de fourrure dont le capuchon relevé encadrait étroitement leur visage et des jambières, de fourrure elles aussi, enfoncées dans des sortes de bottes serrées par des liens sur les jambes.

  — Jondalar ! Ayla ! Vous partez ? cria le chef. Il se hâta pour les rejoindre.

  Ayla hocha affirmativement la tête, et, du coup, Talut perdit son sourire. Mais Jondalar expliqua :

  — Nous allons simplement faire faire un peu d’exercice aux chevaux. Nous serons de retour après midi.

  Il négligea de préciser qu’ils recherchaient aussi un peu d’intimité, un endroit où ils se retrouveraient seuls un moment, pour décider, sans risquer d’être interrompus, s’ils devaient regagner la vallée d’Ayla. Ou plutôt, dans la pensée de Jondalar, pour ôter à Ayla tout désir d’y retourner.

  — C’est bon. Je voudrais organiser quelques séances d’entraînement avec ces lance-sagaies, quand le temps sera meilleur. J’aimerais bien voir comment ils fonctionnent, et ce que je pourrais faire avec, dit Talut.

  — Tu pourrais bien avoir une surprise, je crois, fit Jondalar en souriant, quand tu verras ce qu’ils peuvent faire.

  — Pas tout seuls. Je ne doute pas qu’ils fonctionnent parfaitement pour vous deux, mais il y faut de l’habileté, et nous n’aurons peut-être pas beaucoup de temps pour nous exercer avant le printemps.

  Talut s’interrompit pour réfléchir.

  Ayla attendait, une main posée sur le garrot de la jument, juste au-dessous de sa crinière courte et raide. Une épaisse moufle de fourrure pendait au bout d’une corde qui passait dans la manche de sa pelisse. La corde s’enfilait dans une boucle fixée par-derrière à l’encolure et descendait le long de l’autre manche pour retenir la seconde moufle. Si l’on avait besoin de la dextérité d’une main nue, on pouvait ainsi ôter rapidement ses moufles sans craindre de les perdre. Dans une contrée où le froid était si cruel, les vents si violents, une moufle perdue pouvait signifier une main perdue, ou même une vie. Le poulain s’ébrouait et dansait, dans son impatience. Il se cognait à Jondalar. Tous semblaient pressés de reprendre leur chemin. S’ils attendaient la fin de ses propos, c’était par pure courtoisie, Talut le savait. Il décida de prendre le risque.

  — Nezzie m’a parlé, hier au soir, et, ce matin, j’ai abordé le sujet avec d’autres. Ce serait une bonne chose d’avoir quelqu’un ici pour nous montrer comment nous servir de ces lance-sagaies.

  — Ton hospitalité a été plus que généreuse. Je serais heureux, tu le sais, de montrer à n’importe qui comment on s’en sert. Ce serait un bien modeste remerciement pour tout ce que tu as fait pour nous.

  Talut hocha la tête mais poursuivit néanmoins :

  — Wymez me dit que tu es un très bon tailleur de pierre, Jondalar. Les Mamutoï ont toujours besoin d’un artisan capable de fabriquer de bons outils. Ayla, elle aussi, possède de nombreux talents qui rendraient grand service au Camp. Non seulement elle est très habile au lance-sagaies et à la fronde, mais tu avais raison...

  Il abandonna Jondalar pour se tourner vers Ayla.

  — ... c’est une guérisseuse. Nous aimerions que vous restiez chez nous.

  — J’espérais que nous pourrions passer l’hiver chez toi, Talut, et je te remercie de ton offre mais je ne sais ce qu’en pense Ayla, répondit Jondalar.

  Il souriait : pour lui, la proposition de Talut n’aurait pu se présenter à un meilleur moment. Comment pourrait-elle partir, à présent ? L’offre de Talut avait sûrement plus d’importance que les réflexions désobligeantes de Frébec.

  Talut s’adressa alors directement à la jeune femme.

  — Ayla, tu n’as plus de peuple, et Jondalar habite très loin d’ici, à une distance beaucoup plus grande qu’il ne souhaite couvrir s’il peut s’installer ici. Nous aimerions que vous restiez chez nous tous les deux, pas seulement pour l’hiver mais définitivement. Je vous invite à devenir membres de notre Camp et je ne parle pas seulement pour mon propre compte. Tulie et Barzec seraient tout prêts à adopter Jondalar au Foyer de l’Aurochs. Nezzie et moi, nous voulons faire de toi une fille du Foyer du Lion. Je suis l’Homme Qui Ordonne, et Tulie la Femme Qui Ordonne. Vous auriez ainsi une position très enviable parmi les Mamutoï.

  — Veux-tu dire que vous désirez nous adopter ? Vous souhaitez que nous devenions des Mamutoï ? fit malgré lui Jondalar, abasourdi, rouge de surprise.

  — Tu veux moi ? Tu veux adopter moi ? demanda Ayla.

  Elle avait écouté toute la conversation, le front plissé d’attention, sans être bien sûre de pouvoir croire ce qu’elle entendait.

  — Tu veux changer Ayla de Nulle Part pour Ayla des Mamutoï ?

  Le géant sourit.

  — Oui.

  Jondalar ne savait plus que dire. L’hospitalité envers les invités pouvait être une question de tradition, de fierté, mais aucun peuple n’avait coutume de demander à des étrangers de se joindre à une tribu, à une famille sans y avoir mûrement réfléchi.

  — Je... euh... je ne sais pas... quoi te répondre, dit-il. Je suis très honoré. Il est très flatteur de s’entendre faire une telle offre.

  — Tu as besoin de temps pour y penser, je le sais. L’un et l’autre, déclara Talut. Le contraire m’étonnerait. Nous n’en avons pas parlé à tout le monde, et le Camp tout entier doit être d’accord, mais cela ne devrait pas poser de problème, avec tout ce que vous nous apporteriez et avec notre recommandation, à Tulie et à moi. J’ai voulu d’abord vous poser la question. Si vous acceptez, je convoquerai l’assemblée.

  En silence, le couple regarda s’éloigner le géant. Ils étaient partis à la recherche d’un endroit où ils pourraient discuter, dans l’espoir de résoudre les difficultés qui, de leur avis à tous deux, commençaient à se dresser entre eux. L’invitation inattendue apportait une dimension entièrement nouvelle à leurs pensées, aux décisions qu’ils devaient prendre et jusqu’à leurs vies. Sans un mot, Ayla enfourcha Whinney, et Jondalar monta derrière elle. Perdus dans leurs réflexions, ils gravirent la pente, abordèrent le vaste plateau. Rapide suivait docilement.

  L’offre de Talut avait profondément ému Ayla. Du temps où elle vivait avec le Clan, elle s’était souvent sentie tenue à l’écart, mais ce n’était rien en comparaison du vide douloureux, de la solitude désespérée qu’elle avait connus sans eux. Elle n’appartenait plus à personne, elle n’avait plus de foyer, plus de famille, plus de peuple, et elle ne reverrait jamais son clan, elle le savait. Après le tremblement de terre qui l’avait laissée orpheline, le cataclysme du jour où elle avait été chassée donnait à la séparation un sens d’irrévocabilité. Sous-jacente à ce sentiment se cachait une peur profonde, élémentaire, la combinaison de la terreur primitive éprouvée en sentant la terre se soulever et du chagrin d’une petite fille qui avait tout perdu, jusqu’au souvenir de ceux auxquels elle avait appartenu. Ayla ne redoutait rien autant que les déchirements convulsifs de la terre. Ils semblaient toujours apporter le signal de changements dans sa vie, aussi violents, aussi brutaux que ceux qu’ils apportaient au paysage. On eût dit que la terre elle-même l’avertissait de ce qui l’attendait... ou qu’elle frémissait en témoignage de sympathie.

  Mais, après la première fois où elle avait tout perdu, le Clan était devenu son peuple. A présent, si elle le désirait, elle avait la possibilité d’en retrouver un. Elle pouvait devenir mamutoï. Elle ne serait plus seule.

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bsp; Mais que ferait Jondalar ? Comment pourrait-elle choisir un peuple autre que le sien ? Consentirait-il à rester, à devenir un Mamutoï ? Elle en doutait. Ce qu’il désirait, elle en était convaincue, c’était rentrer chez lui. Mais il avait craint de voir tous les Autres se comporter avec elle comme Frébec. Il ne voulait pas qu’elle parlât du Clan. Que se passerait-il, si elle partait avec lui, et si son peuple ne voulait pas d’elle ? Peut-être ces gens-là étaient-ils tous comme Frébec. Elle se refusait à s’abstenir de parler du Clan, comme si Iza, Creb, Brun, son propre fils étaient des êtres dont elle dût avoir honte. Elle ne voulait pas avoir honte de ceux qu’elle aimait !

  Avait-elle envie de suivre Jondalar, au risque d’être traitée par son peuple comme un animal ? Ou bien préférait-elle rester en ces lieux où on l’acceptait, où l’on désirait sa présence ? Le Camp du Lion avait même accueilli un enfant d’esprits mêlés, un garçon, semblable à son propre fils. Une idée se présenta soudain à son esprit. S’ils en avaient accepté un, peut-être en accepteraient-ils un autre ? Un enfant qui n’était pas faible, malade ? Un garçon capable d’apprendre à parler ? Le territoire des Mamutoï s’étendait jusqu’à la mer de Beran. Talut n’avait-il pas dit qu’il existait là-bas un Camp du Saule ? La péninsule où vivait le Clan n’était pas bien loin de là. Si elle devenait mamutoï, peut-être pourrait-elle un jour... Mais Jondalar ? S’il s’en allait ? A cette seule pensée, Ayla éprouva une vive douleur au creux de l’estomac. Pourrait-elle endurer de vivre sans Jondalar ? se demanda-t-elle. Elle avait peine à s’y retrouver dans le désordre de ses sentiments.

  Jondalar, lui aussi, se débattait entre des aspirations contraires. L’offre qui venait de lui être faite lui importait peu, il tenait seulement à trouver à son refus un prétexte qui n’offenserait ni Talut ni les Mamutoï. Il était Jondalar des Zelandonii, et son frère avait eu raison, il le savait : jamais il ne pourrait être autre chose. Il avait envie de rentrer chez lui, mais c’était une douleur sourde, latente, plutôt qu’un besoin urgent. Il était impossible d’y penser autrement. Son peuple vivait si loin de là qu’il faudrait bien une année pour couvrir la distance.

  Le grand tourment de son esprit, c’était Ayla. Jamais il n’avait manqué de partenaires toutes disposées à lui plaire, et la plupart d’entre elles auraient volontiers accepté de former avec lui un lien plus durable. Mais jamais il n’avait rencontré de femme qu’il désirât comme il désirait Ayla. Aucune des femmes de son propre peuple, aucune des femmes qu’il avait connues au cours de ses voyages, n’avait réussi à susciter en lui les émotions qu’il avait constatées chez d’autres hommes sans les avoir jamais éprouvées lui-même, jusqu’au jour où il avait rencontré Ayla. Il l’aimait plus qu’il ne l’aurait cru possible. Elle était tout ce qu’il avait toujours recherché chez une femme, et plus encore. Il ne supportait pas l’idée de vivre sans elle.

  Mais il savait ce que c’était que d’attirer le déshonneur sur soi-même. Les qualités même qui l’attiraient – ce mélange d’innocence et de sagesse, de franchise et de mystère, d’assurance et de vulnérabilité – résultaient de circonstances qui pourraient lui valoir, à lui, de connaître de nouveau la souffrance de la disgrâce et de l’exil.

  Ayla avait été élevée par le Clan, un peuple différent des autres de bien des manières inexplicables. Pour la plupart des gens de sa connaissance, ceux qu’Ayla appelait le Clan n’étaient pas des êtres humains. C’étaient des animaux, mais ils ne ressemblaient pas à ceux qu’avait formés la Mère pour les besoins de Ses créatures. Même si l’on se refusait à l’admettre, les similitudes avec les Autres étaient reconnues, mais les évidentes caractéristiques humaines du Clan n’entraînaient pas un étroit sentiment de fraternité. Bien au contraire, on y voyait une menace et l’on insistait sur les différences. Par les gens comme Jondalar, le Clan était considéré comme une espèce abominablement bestiale, pas même cataloguée dans le panthéon des créations de la Grande Terre Mère, comme si elle avait été engendrée par quelque mystérieux esprit malin. Mais, à la manière des meutes de loups qui se répartissent un territoire où chacune défend sa part contre les autres meutes et non contre les autres créatures, qu’il s’agisse de proies ou de prédateurs, de même, entre les Clans et les Autres, l’acceptation des frontières du territoire de chacun représentait une tacite reconnaissance du fait qu’ils étaient de la même espèce.

  Jondalar en était venu à comprendre, à peu près en même temps qu’il prenait conscience de son amour pour Ayla, que toute vie était une création de la Grande Terre Mère, même les Têtes Plates. Mais il avait beau aimer la jeune femme, il restait convaincu que, chez lui, elle serait tenue à l’écart. Ce ne serait pas seulement ses liens avec le Clan qui la feraient traiter en paria. On verrait en elle un monstre, condamné par la Mère, parce qu’elle avait mis au monde un enfant d’esprits mêlés, mi-animal, mi-humain.

  Ce tabou était communément répandu. Tous les peuples que Jondalar avait rencontrés au cours de ses voyages adhéraient à cette croyance, certains avec plus de conviction que d’autres. Il se trouvait des gens pour ne pas même vouloir admettre l’existence de tels bâtards ; d’autres y voyaient une plaisanterie de mauvais goût. Voilà pourquoi il avait été scandalisé en découvrant Rydag au Camp du Lion. Sa présence, il en était convaincu, n’avait pas dû rendre la vie facile à Nezzie : à la vérité, elle avait eu à endurer le poids des critiques cruelles et des préjugés. Seule, une femme dotée d’une sereine assurance et forte de sa position avait pu affronter ainsi ses détracteurs, mais, en fin de compte, sa profonde compassion, son humanité avaient prévalu. Mais Nezzie elle-même, lorsqu’elle avait essayé de persuader les autres d’accepter Ayla parmi eux, n’avait pas fait mention du fils dont la jeune femme lui avait parlé.

  Ayla ne mesurait pas la profondeur de la souffrance de Jondalar quand Frébec l’avait tournée en ridicule, même s’il s’était attendu à une réaction plus violente encore. Cette souffrance, néanmoins, ne tenait pas seulement au fait qu’il s’était mis à la place d’Ayla. L’affrontement lui avait remis en mémoire une autre circonstance où ses émotions l’avaient égaré. Il avait réveillé une blessure enfouie au plus profond de lui-même. Mais, pis encore, il y avait eu sa propre réaction inattendue. C’était ce qui causait maintenant son angoisse. Jondalar rougissait encore de honte parce que, l’espace d’un instant, il s’était senti mortifié de son association avec la jeune femme, pendant que Frébec lançait ses invectives. Comment pouvait-il aimer une femme et, en même temps, avoir honte d’elle ?

  Depuis le terrible événement qui datait du temps de sa jeunesse, Jondalar s’était toujours efforcé de garder la tête froide mais, cette fois, il était apparemment incapable de maîtriser les conflits qui le déchiraient. Il désirait ramener Ayla chez lui. Il désirait lui faire connaître Dalanar, les habitants de sa caverne, sa mère, Marthona, son frère aîné, sa jeune sœur, ses cousins, tous les Zelandonii. Il voulait la voir bien accueillie, il voulait fonder un foyer avec elle, partager un lieu où elle pourrait avoir des enfants qui naîtraient peut-être de son propre esprit. Il ne désirait personne d’autre au monde, ce qui ne l’empêchait pas de frémir à l’idée du mépris qui pourrait s’abattre sur lui s’il introduisait chez lui une telle femme. Il hésitait aussi à l’exposer, elle, à ce mépris.

  Surtout si ce n’était pas nécessaire. Si seulement elle s’abstenait de parler du Clan, personne ne saurait rien. Toutefois, que pourrait-elle dire, quand quelqu’un l’interrogerait sur son peuple ? Lui demanderait d’où elle venait ? Les créatures qui l’avaient élevée représentaient la seule famille qu’elle connaissait... à moins qu’elle n’acceptât la proposition de Talut. Elle pourrait alors se dire Ayla des Mamutoï, comme si elle était née parmi eux. Sa façon particulière de prononcer certains mots passerait simplement pour un accent. Et qui sait ? se disait-il. Peut-être est-elle bel et bien mamutoï. Ses parents auraient pu l’être. Elle ignorait qui ils étaient.

  Mais, si elle devenait mamutoï,
elle pourrait décider de rester. Et alors, que faire ? Serai-je capable de me fixer ? Pourrai-je apprendre à considérer ce peuple comme le mien ? Thonolan l’a fait. Aimait-il Jetamio plus que je n’aime Ayla ? Mais les Sharamudoï étaient le peuple de Jetamio. Elle était née, elle avait été élevée parmi eux. Les Mamutoï ne sont pas le peuple d’Ayla, pas plus qu’ils ne sont le mien.

  Si elle peut être heureuse ici, elle peut tout aussi bien l’être avec les Zelandonii. Si elle devient l’une d’entre eux, elle ne voudra peut-être pas m’accompagner chez moi. Elle n’aura aucune peine à trouver quelqu’un d’autre ici... Ranec, j’en suis sûr, y serait tout disposé.

  Ayla sentit ses bras se refermer étroitement sur elle et se demanda ce qui avait causé cette réaction. Elle remarqua, un peu plus loin devant eux, une ligne de broussailles. Sans doute, pensa-t-elle, indiquait-elle la présence d’une petite rivière. Elle poussa Whinney dans cette direction. Les chevaux décelèrent la proximité de l’eau et ne se firent pas prier. Parvenus au cours d’eau, Ayla et Jondalar mirent pied à terre et cherchèrent un endroit abrité pour s’asseoir.

  Ils remarquèrent, près des berges, un certain épaississement. Ce n’était, ils le savaient, qu’un commencement. La bordure blanche qui s’était formée, couche après couche, à partir des eaux sombres encore tourbillonnantes au milieu du courant allait s’élargir à mesure que s’avancerait la saison. Elle se refermerait sur le flot turbulent, l’immobiliserait, le retiendrait en suspens, jusqu’au moment où le cycle se renouvellerait. Les eaux, alors, jailliraient de nouveau, dans un élan de liberté.

  Ayla ouvrit une petite sacoche faite de cuir brut et raide, dans laquelle elle avait mis de quoi les nourrir tous les deux : de la viande séchée, sans doute de l’aurochs, une petite corbeille de mûres, séchées elles aussi, et des prunelles acides. Elle en sortit aussi un nodule de pyrite de fer, d’un gris un peu cuivré, et un morceau de silex ; elle allait ainsi pouvoir allumer un petit feu, pour faire bouillir l’eau d’une infusion. Cette fois encore, Jondalar s’émerveilla de la facilité avec laquelle on créait des flammes, avec la pierre à feu. C’était magique, miraculeux. Jamais il n’avait rien vu de semblable avant sa rencontre avec Ayla.

 

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