by Jean M. Auel
Mais malgré ses craintes, ses peurs et ses angoisses, elle trouvait encore le temps de penser à Jondalar. Elle redécouvrait le plaisir d’être en sa compagnie. Elle avait tant rêvé de chevaucher côte à côte avec lui, escortée de Loup ! Pendant leur halte, elle l’observait à la dérobée, avec toute l’habileté des femmes du Clan qui apprennent très tôt à dissimuler leur curiosité. Le regarder la réconfortait et elle mourait d’envie de se lover dans ses bras. Mais sa récente interprétation de l’inexplicable comportement de Jondalar, et la hantise d’être rejetée l’incitaient à cacher ses sentiments. Puisqu’elle ne l’intéressait pas, il ne l’intéressait pas non plus, ou du moins s’efforcerait-elle de le prétendre.
De son côté, Jondalar observait Ayla, cherchant un moyen de lui parler, de lui dire combien il l’aimait, de regagner son amour. Mais elle semblait l’éviter et il n’arrivait pas à croiser son regard. Il comprenait son inquiétude pour Rydag, qu’il partageait d’ailleurs, et n’osait pas s’imposer. Il hésitait à étaler ses sentiments dans un moment aussi pénible, et après l’avoir évitée tout l’hiver il ne savait plus comment l’aborder. Il échafaudait les plans les plus fous : poursuivre leur route sans s’arrêter au Camp du Loup, et la conduire jusqu’à chez lui. Il savait pertinemment que c’était impossible, que Rydag avait besoin d’elle, et qu’elle s’était Promise à Ranec. Elle avait décidé de s’unir au sculpteur à la peau foncée, alors pourquoi le suivrait-elle ?
Ils ne s’attardèrent pas. Dès qu’Ayla décida que les chevaux étaient assez reposés, ils repartirent. Ils n’avaient pas beaucoup progressé quand ils virent un homme accourir. Il leur fit signe de loin, et en s’approchant ils reconnurent Ludeg, le messager qui leur avait annoncé le nouvel emplacement de la Réunion d’Été.
— Ah, Ayla ! s’exclama-t-il en les rejoignant. C’est toi que je voulais voir. Nezzie m’a envoyé te chercher. J’ai de mauvaises nouvelles : Rydag est malade... Mais... mais où sont les autres ? fit-il en regardant autour de lui.
— Ils nous suivent, expliqua Ayla. Nous sommes partis en avant dès que nous avons su.
— Mais comment l’avez-vous su ? On n’a pas envoyé d’autre courrier que moi.
— En effet, dit Jondalar. Mais tu oublies que les loups sont encore plus rapides que les humains.
Ludeg remarqua alors la présence de Loup.
— Il n’était pas à la chasse avec vous. Que fait-il ici ?
— Je crois que Rydag l’a envoyé me chercher, dit Ayla. Il nous a trouvés de l’autre côté des marais.
— Heureusement, renchérit Jondalar. Tu aurais pu rater les chasseurs. Ils ont décidé de contourner les marais. Chargés comme ils sont, ils se déplaceront mieux sur terrain sec.
— Ah ! Ils rapportent de la viande de mammouth ! Les Mamutoï seront contents. Dépêche-toi, Ayla. Heureusement que tu n’es plus très loin du Camp.
Ayla blêmit.
— Veux-tu que je te ramène sur Rapide ? proposa Jondalar. Nous pouvons monter à deux.
— Non. Je vous retarderais. Vous m’avez déjà évité une longue course, je peux rentrer à pied.
Ayla fit galoper Whinney d’une traite et sauta de cheval en arrivant à la Réunion d’Été. Elle était déjà sous la tente avant qu’on apprenne son retour.
— Ayla ! Te voilà enfin ! s’écria Nezzie. J’avais peur que tu n’arrives pas à temps. Ludeg a dû courir vite.
— Ludeg n’y est pour rien, c’est Loup qui nous a trouvés, dit Ayla en ôtant sa pelisse et en se précipitant près de la couche de Rydag.
Elle reçut un choc en le voyant. Ses mâchoires crispées et les rides de son front étaient plus éloquentes qu’un long discours. Rydag souffrait beaucoup. Il était pâle, les yeux cernés, pommettes et arcades sourcilières saillaient sous la peau tendue, et il respirait avec difficulté. Retenant à peine ses larmes, Ayla interrogea Nezzie qui se tenait à côté du lit.
— Qu’est-il arrivé ?
— Si je savais ! Il allait bien, et tout d’un coup les douleurs l’ont pris. J’ai essayé tout ce que tu m’avais recommandé, je lui ai donné son remède, mais rien ne le soulage.
Ayla sentit qu’on lui effleurait le bras.
— Content toi venue, fit Rydag par geste.
La scène lui en rappelait une autre, laquelle ? Où avait-elle vu ces efforts pour obliger un corps trop faible à se mouvoir ? Iza ! Elle était morte de cette manière. Ayla rentrait d’une longue randonnée, et d’un long séjour au Rassemblement du Clan. Cette fois, elle s’était seulement absentée le temps d’une chasse. Qu’était-il arrivé à Rydag ? Il était tombé malade si vite ! A moins que la maladie ait couvé depuis longtemps ?
— C’est toi qui as envoyé Loup me chercher, n’est-ce pas ?
— Moi savoir lui te trouve, fit l’enfant. Loup intelligent.
Épuisé, Rydag ferma les yeux. Ayla détourna la tête. Elle ne pouvait pas le voir souffrir, lutter à chaque respiration.
— Quand as-tu pris ton dernier remède ? demanda Ayla lorsqu’il rouvrit les yeux.
— Remède soulage pas Rydag. Rien soulage, fit-il d’un air triste.
— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’es pas guérisseuse, comment sais-tu que cela ne te soigne pas ? C’est moi qui sais, fais-moi confiance, dit-elle d’une voix ferme.
— Non, Ayla. Je sais, insista-t-il.
— Bon, je vais t’examiner, mais je vais d’abord te chercher un remède, expliqua-t-elle en luttant contre les larmes.
Il toucha sa main avant qu’elle ne parte.
— Toi pas partir, réussit-il à signifier entre deux respirations qui lui arrachèrent des grimaces de douleur. Loup ici ? demanda-t-il alors. Ayla siffla et celui qui empêchait Loup de rentrer sous la tente ne put le contenir. L’animal était là, il bondit sur le lit de Rydag et lui lécha le visage. Rydag sourit. Ah, ce sourire sur un visage du Clan ! Ayla ne put en supporter davantage. Elle ordonna à l’animal exubérant de descendre, craignant qu’il n’étouffât le jeune garçon.
— Moi envoyé Loup. Moi veux Ayla, fit Rydag. Moi vouloir... Il ne semblait pas connaître les mots qu’il cherchait.
— Que veux-tu, Rydag ? l’encouragea Ayla.
— Il a essayé de me le dire, intervint Nezzie. Mais je n’ai pas compris. J’espère que tu réussiras, cela semble tellement important pour lui.
Ayla regardait le jeune garçon intensément. Il faisait de gros efforts pour se souvenir.
— Durc chance. Lui... accepté. Ayla, moi vouloir... mog-ur.
Ayla aurait bien voulu l’aider mais elle ne comprenait pas.
— Mog-ur ? fit-elle par gestes. Tu veux sans doute dire l’homme qui règne sur le monde des esprits ? reprit-elle tout haut.
Rydag approuva d’un signe de tête. Mais le visage de Nezzie reflétait une expression insondable.
— C’est cela qu’il veut ? demanda-t-elle.
— Oui, je le crois, confirma Ayla. Ça t’aide à comprendre ?
Nezzie eut un geste de découragement, puis un éclair de colère brilla dans ses yeux.
— Je sais ! fit-elle. Il ne veut pas être un animal. Il veut marcher dans le monde des esprits. Il veut qu’on l’ensevelisse... comme un être humain.
Rydag approuvait vigoureusement.
— Mais c’est un être humain ! assura Ayla, perplexe.
— Non, fit Nezzie. Il n’a jamais compté parmi les Mamutoï, ils ne l’accepteraient pas. Ils ont dit que c’était un animal.
— Alors, il ne sera pas enseveli ? Il ne pourra pas rejoindre le monde des esprits ? Qui a décidé cela ? s’écria Ayla, furieuse.
— Ceux du Foyer du Mammouth, expliqua Nezzie. Ils n’autoriseront pas les funérailles.
— Ne suis-je pas la fille du Foyer du Mammouth ? Moi, je l’autorise annonça-t-elle.
— C’est inutile, Ayla. Mamut serait d’accord, lui aussi. Mais le Foyer du Mammouth doit approuver, et il refuse.
Rydag avait écouté plein d’espoir, mais en comprenant qu’il n’aurait pas de funérailles il parut abatt
u. En voyant la tristesse inconsolable de l’enfant, Ayla entra dans une rage indignée.
— Nous nous passerons de l’accord de ceux du Foyer du Mammouth, ce n’est pas à eux de décider si Rydag est humain. C’est un être humain, qu’ils le veuillent ou non. Autant que mon fils l’était. Qu’ils gardent leurs funérailles, Rydag n’en a pas besoin. Quand le moment sera venu, je lui donnerai une sépulture à la manière du Clan, comme je l’ai fait pour Creb, le mog-ur. Rydag marchera dans le monde des esprits, vous pouvez me croire !
Nezzie lança un regard vers Rydag. Il s’était calmé. Ou plutôt, apaisé. Les rides, la tension s’étaient effacées et son visage témoignait de sa sérénité. Il toucha le bras d’Ayla.
— Je ne suis pas un animal, fit-il par signes.
Il allait poursuivre, mais Ayla s’aperçut que la douleur qui déformait son visage avait disparu avec son dernier souffle. Ses souffrances étaient terminées.
Pas celles d’Ayla. Elle leva la tête et vit Jondalar, qui avait autant de chagrin qu’elle, ou que Nezzie. Ils tombèrent tous trois dans les bras les uns des autres.
Ils n’étaient pas les seuls à montrer leur peine. Du sol s’éleva un couinement, suivi de quelques jappements qui se prolongèrent en un long hurlement plaintif. Loup reprit son souffle et hurla à la mort. Des Mamutoï s’étaient rassemblés autour de la tente mais hésitaient à entrer. Même Ayla, Jondalar et Nezzie cessèrent de pleurer et écoutèrent en frissonnant la plainte du loup. Nul n’aurait pu rêver d’élégie plus poignante.
Après avoir séché ses larmes, Ayla s’assit, immobile, près du petit corps chétif. Les yeux rougis, elle revoyait sa vie dans le Clan, son fils, et sa première rencontre avec Rydag. Elle aimait Rydag. Il avait fini par occuper la place de Durc. On lui avait retiré son enfant, mais grâce à Rydag, elle pouvait imaginer comment il grandirait, à quoi il ressemblerait et comment il penserait. Quand une tendre repartie de Rydag la faisait sourire, ou quand elle se réjouissait de son intelligence, elle imaginait Durc avec les mêmes qualités, la même compréhension. Avec Rydag, le lien ténu qui la rattachait encore à Durc disparaissait. Et elle pleurait ses deux enfants.
Nezzie avait autant de peine, mais elle devait songer aux vivants. Rugie grimpa sur ses genoux, déçue que son compagnon de jeu, son ami, son frère refusât de jouer avec elle. Il ne faisait même plus de mots avec ses mains. Danug était allongé sur sa couche, et pleurait, la tête cachée sous une fourrure. On envoya prévenir Latie.
— Ayla ? finit par dire Nezzie. Que doit-on faire pour l’ensevelir dans les règles du Clan ? Il faut commencer à le préparer.
Perdue dans ses souvenirs, Ayla ne comprit pas tout de suite qu’on s’adressait à elle.
— Comment ?
— Il faut le préparer, répéta Nezzie. Mais que doit-on faire ? Je ne connais pas les coutumes du Clan.
Bien sûr ! Les Mamutoï ne pouvaient pas les connaître, se disait Ayla. Surtout ceux du Foyer du Mammouth. Mais elle les connaissait, elle. Elle récapitula les funérailles auxquelles elle avait assisté, et réfléchit à ce qui conviendrait le mieux pour Rydag. Avant d’être enterré selon les coutumes du Clan, il devait être introduit dans le Clan. Donc, avant tout lui trouver un nom, et lui faire une amulette contenant un morceau d’ocre rouge. Ayla se leva précipitamment et sortit.
Jondalar la suivit.
— Où vas-tu, Ayla ?
— Si Rydag doit rejoindre le Clan, il faut que je lui fasse une amulette, expliqua-t-elle.
Avec une rage contenue, elle traversa le campement d’un air digne, passa devant le Foyer du Mammouth sans un regard, et se dirigea tout droit vers l’aire des tailleurs de silex. Jondalar la suivait, se doutant de ce qu’elle voulait faire. Ayla demanda un nodule de silex, que personne n’osa lui refuser, jeta un regard circulaire, aperçut le percuteur qu’elle cherchait et nettoya un endroit pour se mettre au travail.
La voyant préparer un silex selon les méthodes du Clan, les tailleurs de pierre, intrigués, s’approchèrent le plus discrètement possible. Ils craignaient de déclencher ses foudres, mais ne voulaient pas gâcher la chance qui s’offrait. Après que les origines d’Ayla avaient été dévoilées, Jondalar avait essayé de leur montrer les techniques du Clan, mais il manquait de pratique. Et lorsqu’il parvenait à tailler un silex à la façon du Clan, les Mamutoï mettaient sa réussite sur le compte de son adresse personnelle. Ils ne comprenaient pas qu’il utilisait une technique différente.
Ayla décida de fabriquer deux outils, un couteau et un poinçon, et de les rapporter au Camp de la Massette pour y coudre l’amulette. Elle réussit à tailler un couteau tranchant, mais tremblante de colère et d’émotion, elle éprouva les pires difficultés à façonner le poinçon. Elle rata son premier essai et le nombre de curieux qui l’observaient accentua sa nervosité. Elle sentait que les tailleurs de pierre évaluaient les techniques du Clan et elle se reprochait d’être une piètre ambassadrice de leur savoir et elle s’en voulait de tenir compte de l’opinion des Mamutoï. A sa deuxième tentative, elle brisa encore la pierre. Elle en pleurait de rage. Entre deux sanglots, elle vit Jondalar agenouillé à ses pieds.
— Est-ce cela que tu veux ? demanda-t-il en lui tendant le perçoir qu’elle avait fabriqué à l’occasion de la Fête du Printemps.
— Mais c’est un outil du Clan ! Où l’as-tu trouvé ?... Ah, je sais. C’est celui que j’ai fabriqué !
— Oui, j’étais allé le rechercher. Tu ne m’en veux pas ? Ayla était déroutée, surprise et contente à la fois.
— Non, bien sûr. Mais pourquoi l’as-tu récupéré ?
— Je... je voulais l’examiner.
Il n’osait pas lui avouer qu’il l’avait gardé en souvenir, au cas où il repartirait sans elle, ce dont il était de plus en plus convaincu. Il ne le souhaitait pourtant pas.
Elle rapporta les outils au Camp de la Massette, et demanda à Nezzie un morceau de cuir souple. Après le lui avoir donné, Nezzie la regarda coudre la bourse de cuir.
— Ces outils ont l’air grossiers, mais ils sont très efficaces, remarqua Nezzie. A quoi servira la bourse ?
— C’est l’amulette de Rydag. J’en avais fabriqué une pour la Fête du Printemps. J’y glisserai un morceau d’ocre rouge et je nommerai Rydag selon les règles du Clan. Il lui faudra aussi un totem pour le protéger et l’aider à trouver son chemin dans le monde des esprits. J’ignore comment Creb découvrait le totem des gens, mais il ne se trompait jamais... peut-être pourrais-je partager le mien avec Rydag. Le Lion des Cavernes est un totem très puissant, difficile, mais excellent protecteur. Rydag a besoin d’être bien protégé.
— Puis-je faire quelque chose ? demanda Nezzie. A-t-il besoin d’être préparé ? Habillé ?
— Moi aussi, je voudrais me rendre utile, fit Latie qui apparut sur le seuil accompagnée de Tulie.
— Moi aussi, dit Mamut.
Ayla s’aperçut que tout le Camp du Lion s’était réuni sous la tente et offrait son aide. Seuls les chasseurs manquaient à l’appel. Elle se sentit pleine de reconnaissance pour ce peuple qui avait recueilli un étrange orphelin et l’avait accepté comme l’un des siens. Et une colère froide la révolta en pensant à ceux du Foyer du Mammouth qui n’accordaient même pas des funérailles convenables au jeune garçon.
— Que quelqu’un me rapporte de l’ocre rouge pilé, celui que Nezzie utilise pour teindre le cuir, et qu’il le mélange dans de la graisse pour obtenir un baume. Il faudra lui en enduire le corps. En principe, on devrait utiliser de la graisse d’ours des cavernes. C’est l’animal sacré du Clan.
— Nous n’avons pas de graisse d’ours des cavernes, déplora Tornec. Il n’y a pas beaucoup d’ours des cavernes dans cette région, expliqua Manuv.
— Pourquoi ne pas utiliser de la graisse de mammouth ? suggéra Mamut. Rydag ne faisait pas seulement partie du Clan, il était moitié mamutoï, moitié Clan. Et le mammouth est sacré chez les Mamutoï.
— Tu as raison. Rydag était aussi mamutoï, nous ne devons pas l’oublier.
—
Doit-on l’habiller, Ayla ? insista Nezzie. Il n’a jamais porté les nouveaux vêtements que je lui avais faits cette année.
Ayla réfléchit, et donna son accord.
— Pourquoi pas ? Quand on l’aura enduit d’ocre rouge, comme on fait dans le Clan, on l’habillera avec ses plus beaux vêtements comme pour un Mamutoï. Tu as eu une bonne idée, Nezzie.
— Je n’aurais jamais pensé que ceux du Clan utilisaient l’ocre rouge pour leurs morts, avoua Frébec.
— Je ne savais même pas qu’ils enterraient leurs morts, renchérit Crozie.
— Ceux du Foyer du Mammouth l’ignorent aussi, dit Tulie avec une moue de mépris. Ils vont être surpris.
Ayla demanda à Deegie l’un des bols en bois qu’elle lui avait offerts comme cadeau d’adoption. Il était taillé à la façon du Clan, et elle voulait y mélanger la graisse de mammouth et l’ocre rouge. Ce furent Nezzie, Crozie et Tulie, les trois anciennes, qui enduisirent le corps de Rydag de baume, et qui l’habillèrent ensuite. Ayla mit de côté une noix de baume, et glissa un morceau d’ocre rouge dans la bourse qu’elle venait de confectionner.
— Et pour le linceul ? fit Nezzie.
— Un linceul ? Qu’est-ce que c’est ? demanda Ayla.
— Chez les Mamutoï, pour transporter le corps nous l’enveloppons dans une peau de bête, ou dans une fourrure. Et il reste enveloppé quand on le met en terre.
Ayla craignit, qu’en parant Rydag de beaux habits et de bijoux, les funérailles fussent plus mamutoï que Clan. Les trois femmes attendaient anxieusement sa réponse. Ayla les regarda tour à tour. Oui, Nezzie avait raison, il était bon de l’envelopper dans une fourrure ou dans une peau. Elle dévisagea alors Crozie.
Elle se souvint d’un coup d’un objet auquel elle n’avait plus pensé depuis longtemps : la couverture de Durc, celle dont elle se servait pour le porter quand il était bébé. C’était le seul objet inutile qu’elle avait emporté en quittant le Clan. Pendant de nombreuses nuits, lorsqu’elle s’était retrouvée seule, la couverture de Durc avait été son unique lien avec un passé rassurant et avec ceux qu’elle avait aimés. Combien de fois s’était-elle endormie avec cette couverture ? Combien de fois la couverture avait-elle séché ses pleurs ? C’était le seul souvenir qu’elle gardait de son fils, et elle refusait de s’en séparer. Mais allait-elle conserver cette couverture toute sa vie ?