C’est en mai 1975 que j’avais découvert les 115 Conférences, inédites, et, leur portée m’étant apparue cruciale pour la compréhension de Groddeck, dont j’étais habité depuis qu’en 1963 j’avais lu le Livre du ça, j’étais résolu à m’y consacrer sitôt que j’aurais terminé l’essai où je dégageais, en théorie, la fonction de la mort dans toute création; m’y lançant au printemps 1976, sans savoir comment faire pour restituer en français un texte qui, à chaque fois improvisé en état de concentration, était un simple procès verbal; et, désorienté dans l’immersion, je constituais, par l’exploration des impasses, du moins le labyrinthe où situer l’issue; dans le même temps relancé par un projet que j’avais eu, il y a 15 ans, alors que, commençant une licence en lettres, j’avais suivi, pour les abandonner après 6 mois, des cours de théâtre : monter Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée; maintenant attiré par la mise en scène; et si Anne-Lise — rencontrée à ces cours, elle m’avait passé les 2 chambres, dans la vieille ville, où j’habitais depuis 10 ans — restait la marquise, pour le comte je pensais à Neury, que je connaissais des Puces : collectionneur de vieux disques d’opéra, mon concurrent à Genève, il m’avait servi en ce domaine d’initiateur, de métier comédien.
Neury avait accepté, sans toutefois s’engager; et, lorsqu’il fallut, en mai, se décider, il se désista — lui-même voulant devenir assistant metteur en scène, il commençait un stage à la rentrée —, proposant pour le remplacer un de ses amis, que je ne connaissais pas, qui rentrait d’un séjour de 2 ans à Milan, où il avait travaillé avec Strehler; s’il était encore libre, le projet pourrait l’intéresser; et, sur-le-champ téléphonant, il me passa Moriaud : la conversation fut longue — j’étais tenu en haleine — et singulière — tout en acceptant d’emblée, il ne cessait de me répéter, en riant, qu’il devait s’agir d’une plaisanterie et que sans doute je voulais parler d’autre chose —, m’emplissant d’une légèreté qui n’était pas dissipée quand, quelques jours plus tard, je le rencontrai, alors fasciné par le ton d’une certaine lumière qu’il pouvait avoir; de sorte que, si les Conférences restaient en suspens, le Musset prit rapidement tournure : en juillet, après une entrevue avec l’équipe que nous formions, Anne-Lise, Moriaud et moi, le théâtre de Carouge accepta le projet, pour deux séries de représentations, en octobre et en mars; le soir de l’entrevue toutefois, une fièvre qui ressemblait à une électrisation m’assaillit, se condensant, au petit matin, en un refroidissement où le voile du palais était inconcevablement douloureux, et se résolut, après quelques jours, en un état de saturation dont je n’émergeai plus; cependant que, contrastant avec mon exaltation, Anne-Lise se gardait sans faille d’instinct; un fossé de la sorte se creusant, qui rendait une rupture avec elle, puisque j’étais acquis à Moriaud, inéluctable; au moment où, arrivé à la 29e conférence, du 7 mars — date de mon anniversaire —, au passage où Groddeck, à propos des Contes d’Hoffmann et du Dr Miraculus, pour la première fois explicitement, aborde le thème de la mort, le pouce droit déboîté, je m’étais arrêté.
Depuis 2 semaines maintenant des élancements, la nuit, irradiaient dans le poignet droit; et, le matin, j’avais des éblouissements; lorsque, le lundi 30 août, en fin d’après-midi, la crise éclata, atteignant au paroxysme — incapable de bouger, j’étais resté chez mes parents, étendu sur le canapé du salon, spectateur de la houle croissante dont je pantelais — : vers 1 heure soudain, j’eus à mes pieds la vision d’une nappe de feu qui allait me submerger et dont je mourrais si elle rejoignait le sommet du crâne; touchant par réflexe le parquet de la main droite pour dériver le courant, mais à l’instant où j’exécutais le mouvement, en un éclair qui se décharge, la nappe de feu avait atteint le sommet du crâne pour, en se refermant, se dissiper; alors calmé, mais sachant qu’il faudrait, ayant volé en éclats, que je me reconstitue morceau par morceau — le matin, genoux et poignets étaient gonflés, roides; et la main droite resta figée 3 mois, pièce à conviction du combat où j’avais dû lâcher prise —; Anne-Lise étant maintenant remplacée par Leyla, ex-femme de Moriaud, elle-même comédienne; et la pièce fut donnée, à la date fixée, dans le rythme initialement souhaité — sans le soupçon, alors, de ce qu’il impliquait —, non pas un lever de rideau mais une folie, improvisation issue d’une concentration où toutes les figures, prévues, prenaient corps dans une combinaison imprévue, rencontre de l’instant : par le Musset, j’avais trouvé ce qui, pour les Conférences, me manquait et que je cherchais sans pouvoir le saisir, puisque cela saisit — me permettant, dès janvier, sans plus m’occuper de théâtre, de m’y engager — : mouvement passant d’une voix s’ordonnant, le phrasé.
La voix m’avait parlé lorsque, la première fois que je l’avais vue — c’était en 1969, une fin d’après-midi de novembre, à Londres; elle rentrait d’une répétition de ballet —, Svetlana, en me souhaitant la bienvenue, avait imprégné mon nom d’une douceur qui m’était inconnue, me faisant souhaiter d’être ce moi, puisqu’il apparaissait qu’il pût y avoir là-dedans de la douceur; et sa voix me chercha dans les limbes, trois ans plus tard, lorsque je la revis à Londres — en juin, quand elle était venue à Genève, en tournée, danser The Lady and the fool, ballet sur des thèmes de Verdi, dont elle était l’étoile, je m’étais engagé à la retrouver — : toute la semaine que j’y passai, en août, prise par ses répétitions — on lui proposait aussi une pièce, qu’elle hésitait à accepter —, n’ayant pas eu le temps, le samedi elle me fixa rendez-vous à 18 h 30 au Kardomah, près de Knightsbridge — enfant, à Paris, le jeudi après-midi, trois années durant, je retrouvais ma mère au Kardomah, rue de Rivoli, pour lui raconter mon exploration du Louvre, où je m’arrêtais chaque fois devant « la Vierge aux Rochers », fasciné par le sourire de l’Ange —, m’y préparant tout le jour, pour arriver avec une demi-heure de retard — de Lancaster gate, en prenant le métro, j’avais automatiquement fait un détour par Holborn —, sans être étonné ni de mon retard ni de l’absence de Svetlana, et retourner, vers 21 heures, à l’hôtel, où je demandai qu’on me réveille à 6 heures — l’avion partait, dimanche 27 août, à 8 h 30 —; et je me couchai, ayant pris mon mélange habituel de somnifères, sombrant alors dans une inconscience dont me tira, à minuit et demie, le téléphone : Svetlana s’excusait de n’avoir pu venir — elle avait envoyé une amie m’avertir, mais personne ne correspondait à la description —; et, comme je répétais que j’étais seulement venu pour la voir, elle me proposa, puisqu’il restait la nuit, que je vienne maintenant; de sorte que, dans un état second, dix minutes plus tard, j’étais devant Svetlana, qui m’emmena visiter, à la lueur d’une bougie, l’appartement que, l’après-midi, elle s’était décidée d’acheter — c’est pourquoi elle n’était pas venue —; et, à l’aube, en la quittant, il était convenu que je reviendrais dans 3 semaines, quand elle aurait emménagé et commencé les répétitions d’Œdipus now, un montage de la trilogie de Sophocle où elle jouait le Sphinx, Jocaste, Antigone; de sorte que je retournai trois fois une semaine à Londres; car la quatrième fois, lorsque, de Paris, j’y retournai, pour repartir le lendemain, 12 décembre 1972, elle avait résolu de rompre — par un téléphone, elle me l’avait signifié, un dimanche après-midi de novembre à Genève, alors que j’écoutais les Noces —; ainsi se terminant aussi le Diderot dont, en 1967, sur un mot lancé — « Il n’y a pas d’édition des Œuvres complètes de Diderot, il faudrait en faire une » — « Alors faites-la » —, je m’étais chargé et qui, après 3 années d’astreinte — tous les 2 mois il fallait remettre un volume de 1 000 pages; il y en avait 15; et pour tout retard, passé un délai de 15 jours, il aurait fallu verser un dédommagement dont je n’avais pas la somme —, extrême qui, excluant tout relâchement, avait conduit au terme; et j’y avais mis fin exactement comme me l’avait prédit Duclos quand, attirée par la démesure précisément de la demande, elle s’y était engagée à son tour, me portant alors, faix en gestation de l’inhumain où, par une fascination dont je
tirais ma propre force, je fis l’expérience de ce qui, par la destruction des limites, humaines, ignorées, dans l’impossible permet l’accomplissement et que confère la passion, dans la mesure où, étrangère par essence à tout objet, à tout sujet, pour un inconcevable abolis, elle est visée du dépouillement : m’annonçant « Je sais, quand le Diderot sera fini, tu partiras », à quoi je n’avais rien répliqué, sachant que c’était vrai, même si je ne savais ni pourquoi ni comment; mais en octobre 1969, alors que le premier volume, paraissant, scellait l’engagement dans la folie à deux temporellement, acceptant de traduire les Mains du Dieu vivant, j’étais invité à Londres par Masud, qui était prince et l’éditeur du livre, rencontrant ainsi Svetlana — le dimanche 27 novembre, en échange d’une plume de cristal et d’un miroir miniature en argent, trouvés, le matin, dans la neige, aux Puces de Portobello, cadeaux d’adieu, je recevais, le soir, un caftan princier vert pâle; et, Masud ayant revêtu un caftan blanc, Svetlana, un caftan rouge, lorsque, pour la photo que devait prendre Sussu, le domestique espagnol, nous nous fûmes dans le grand canapé du salon assis tous trois, moi au milieu, le bras droit posé sur le dossier, un élan me traversant je pressai légèrement l’épaule de Svetlana dont, au milieu de la nuit, un cri inhumain me perça d’épouvante; partant le lundi, frissonnant de fièvre à mon arrivée à Paris, sans avoir revu Svetlana —, qui échappa, jusqu’au moment où, alors que ma part de travail dans le Diderot s’achevait, le 16 juin 1972, maintenant séparée de Masud, elle réapparut à Genève, donnant le sens de la rupture, qui restituait à chacun l’espace, situant juste l’être, de son transport.
Un mercredi d’octobre, aux Puces, Paulette Cohenoff — depuis 3 semaines, elle avait un lot, où j’avais trouvé toutes sortes de disques —, m’apercevant, de loin me demanda si je m’y connaissais et, prenant un disque sur le siège avant de sa fourgonnette, me le tendit : un G. & T. rouge de Saint-Pétersbourg; et le posa sur le pick-up à pile placé sur une chaise à côté de son banc, que je l’entende; pour 35 F me le laissant : la « Habanera » de Carmen par, assoluta du théâtre Marie, Medea Mei-Figner; d’une inflexion soudain, la grâce.
26–28 mai 1982
le lot d’une vie
LE 26 MAI 1982, vers 9 heures du soir, Jean-François, que je n’avais revu depuis qu’il était revenu, il y a une dizaine d’années, de Pékin, me téléphonait pour m’inviter à dîner : il y aurait, outre sa femme, un collègue seulement et son amie, Michèle, dont je supposais qu’elle allait se marier, si ce n’était déjà fait, maintenant qu’elle avait fini le livre sur Groddeck que je lui avais proposé d’écrire, en conformité avec une rencontre qui avait été déterminée par Groddeck, il y a 7 ans, alors que, de passage en mai à Paris, je sortais un matin de chez Gallimard, tenant encore la porte, que quelqu’un, que je n’identifiai pas d’abord — en 1969, alors que j’achevais mon second séjour au Pavillon Suisse, il y commençait le sien —, de la rue en me voyant s’exclama « Ça alors, ça tombe bien, c’est justement toi que je cherche »; car il venait, sans succès, de demander mon adresse — il fallait écrire, on ferait suivre — pour sa sœur, à ses côtés, qui, venant de Genève, de passage à Paris, médecin se spécialisant en psychiatrie, ayant lu mon essai sur Groddeck et le Royaume millénaire de Jérôme Bosch, voulait me rencontrer; alors frappé qu’à Genève, à deux pas de chez mes parents, chez qui j’allais tous les jours travailler, elle habitât la maison à l’angle de leur rue; me conduisant ainsi au lieu qui m’était assigné lorsque, m’engageant dans les Conférences par l’oblique du Musset, il me fut apparu qu’il fallait que je trouve l’appartement que, jusqu’alors, je n’avais pas eu la conviction de chercher : justement sa voisine, que je connaissais de vue depuis longtemps, intrigué par son visage — à qui Michèle avait procuré l’appartement sur son palier, au cinquième —, en mai s’était suicidée en se jetant de la fenêtre d’un cinquième, ailleurs en ville; de sorte que Michèle parla à sa propriétaire, dont elle avait l’oreille, et, en juillet, quand les scellés apposés sur la porte furent levés, je visitai l’appartement, dont je devins le locataire le 15 septembre — même si je n’y emménageai qu’après sa rénovation, en janvier 1977 —, l’étrennant, les deux mains figées, pour les répétitions du Musset.
La santé de ma mère, depuis qu’elle était rentrée de vacances, en août de cette année-là, se détériorait : elle avait eu, il y a exactement 20 ans, alors que nous habitions Vienne, une tumeur à la langue, dont on l’avait opérée, de justesse, par deux aiguilles de radium plantées dans la langue, qui avaient brûlé la tumeur; et si elle n’avait pas eu de rechute, elle en avait conservé un tourment qui, soudain, s’accrut : comme si, disait-elle, Badgastein — où je l’avais convaincue d’aller parce que, il y a 10 ans, nous y avions passé des vacances dont je gardais le souvenir —, par sa source radioactive avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase; cependant que pour moi, c’était comme si le débordement du Musset — au cours duquel l’antagonisme qui nous crispait s’était, d’un coup de baguette magique, aboli, dégageant en sa pureté l’intelligence qui nous liait —, par fascination l’avait contaminée; le spécialiste toutefois qu’elle avait consenti à consulter, d’abord en novembre puis en mars, les douleurs au lieu de s’estomper cycliquement s’amplifiant, malgré les antécédents n’avait rien décelé; quoiqu’elle ne cessât de maigrir — depuis, surtout, que, fin mai, la perte de son emploi, longtemps redoutée, était intervenue —; mais c’était comme si les médecins, que maintenant elle consultait, étaient interdits par une résolution qui, en septembre, à son retour d’une villégiature au Tessin, lorsque, l’attendant sur le quai de la gare, de la portière du train, les yeux exorbités, elle me héla, à l’évidence m’apparut irrévocable, contrairement à ce qui s’était passé il y a 20 ans quand mon père, par sa soudaine disparition deux mois durant — avant la découverte d’un trou qu’il avait fait en jouant au casino —, mobilisant son énergie de vie l’avait amenée à prendre en main la conduite de nos existences pour nous établir, comme pendant la guerre, rescapés, à Genève, où, quelques années, elle subvint seule à notre subsistance; de la sorte consentant au rôle manifestement dévolu à Michèle : le 8 décembre, en début d’après-midi, d’une cabine des Champs-Élysées — ma mère avait enfin accepté de se soumettre à de nouveaux examens, à l’hôpital cette fois; et, marquant le répit de la semaine, j’étais allé enregistrer une émission sur la Traviata —, l’appelant, elle me confirma : « C’est un cancer à la langue, inopérable, comme si on l’avait laissé proliférer 9 mois; il n’y a plus que des palliatifs. Ta mère, selon les médecins, a 6 semaines à vivre. »
Le 11 décembre, à 10 heures et demie, lorsque j’arrivai au café Méditerranée, en face de la gare, pour le tête-à-tête du dimanche matin, que ma mère avait maintenu — la veille au soir, à mon retour de Paris, elle dormait déjà; et j’avais proposé à mon père, si elle voulait, le rendez-vous habituel —, assise près de la porte, dans le manteau d’astrakan noir qu’elle avait acheté à une Vietnamienne 3 mois plus tôt, elle m’attendait, essayant de boire un verre de thé, disant simplement « ça ne va pas bien », pour répéter, comme j’insistai, « ça ne va pas bien »; mais, lorsque, sur le chemin du retour nous arrêtant, je lui montrai la rose chair qui, pendant mon absence, s’était éclose dans le froid comme jamais rose chez moi ne s’était épanouie, se tournant vers moi et me regardant, un sourire l’illumina « C’est de bon augure »; et, l’après-midi, me racontant sa peur d’avoir perdu la chevalière avec un petit diamant que je lui avais offerte, il y a quelques années, pour la fête des mères, et qu’elle ne portait plus depuis 2, 3 mois, elle la tira de son sac et la mit à son auriculaire gauche, et ne l’ôta plus; cependant que le mercredi à l’hôpital, quand Michèle vint lui rendre visite, le soir, elle lui confia d’un trait l’histoire de sa vie; la première chimiothérapie — les médecins avaient décidé une série de six — faisant, le lundi, cesser d’un coup, durablement, les douleurs; si bien que, ren
trée le 23 décembre à la maison, ma mère, dégagée de la pesanteur de son corps, s’ouvrit à la légèreté dont, jusqu’alors, elle se défendait; et, dans le cours du traitement, à l’incrédulité de tous, avec moi, puisqu’il fallait maintenant raisonnablement qu’elle fût accompagnée — le matin au café, après un contrôle à l’hôpital; l’après-midi en promenade, avant le passage de l’infirmière —, se livra à l’idylle; les médecins, devant l’imprévu de cette rémission, proposant alors une radiothérapie, qu’elle avait toujours refusée comme la source de son mal et que soudain elle accepta, fixant elle-même la date du traitement au 3 mars, surlendemain de son 70e anniversaire — ces dernières années, plusieurs fois, lors de nos tête-à-tête du dimanche matin, elle m’avait lancé qu’elle ne deviendrait pas vieille, elle le savait, 70 ans lui suffisaient — : ce jour-là les douleurs reprenant, pour ne plus cesser, dans une agonie à laquelle, le 27 août — le tremblement que, depuis 5 ans, il ne voulait pas qu’on stabilise soudain le terrassant —, mon père, en rompant l’organisation de la vie à trois, assigna un terme, me laissant, le temps nécessaire, seul avec ma mère, qui, lorsque je revins de Thônex où j’avais hospitalisé mon père, l’après-midi prit les choses en main : « J’ai réfléchi », m’écrivit-elle sur le bloc dont elle se servait depuis que sa langue était calcinée, « tu devrais offrir la bague à Michèle » — une bague avec six petits brillants que mon père et moi lui avions offerte, pour un anniversaire, il y a une dizaine d’années; une bague de fiançailles —; mais je m’y refusai; de sorte que le lendemain Michèle, qui lui rendait visite pendant que j’en profitais pour aller chez moi travailler, à son retour m’appela : « Je te signale que nous sommes fiancés; ta mère m’a donné la bague; mais en fait, je ne sais pas très bien avec qui je suis fiancée; si ce n’est pas plutôt avec ta mère »; 2 semaines après la mort de ma mère — le 27 octobre à Thônex, où, au début du mois, je l’avais reconduite à mon père —, comme si elle retrouvait sa liberté de mouvement, prenant un appartement à l’autre bout de la ville, où elle emménagea dès le 1er janvier 1979, la figure maintenant qui s’agençait l’excluant : mon père, chaque fois qu’elle l’appelait pour prendre de ses nouvelles, constatait « c’est curieux, je ne reconnais jamais sa voix »; aussi il était logique qu’à son tour, fin novembre 1979, quand, affolé par le flot d’un saignement de nez et ne voulant pas me déranger, il l’appela, elle ne répondît pas; le soir, comme je lui relatais l’incident, confirmant : « Oui, j’ai bien pensé que c’était lui, ce matin à 6 heures; c’est pourquoi je n’ai pas décroché »; de la sorte me mettant en état de trancher.
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