COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE

Home > Other > COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE > Page 29
COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE Page 29

by KLASKY


  Avant de me poser d’autres questions existentielles en matière de sentiment, je sors mon sac de mon bureau. Je me jette un coup d’œil dans le miroir de mon poudrier pour contrôler l’état de mon maquillage. J’ajoute un soupçon de rouge à lèvres et je vérifie qu’aucun corps étranger ne s’est immiscé entre mes dents… Pour finir, je me fourre un bonbon mentholé dans la bouche et je me dirige vers la porte de la bibliothèque.

  A ce propos, j’aimerais dire une chose sur mon travail à Peabridge. Le salaire n’est peut-être pas mirobolant, mais en ce qui concerne ma vie privée, je suis totalement libre. Ce matin, j’ai signalé à Evelyn que j’avais un rendez-vous pour le déjeuner, et elle s’est contentée de hocher la tête, en me disant de rattraper les heures quand je voudrais.

  Il se trouve que Jason Templeton vaut largement la peine de faire quelques heures sup.

  Je souris en pensant à mon rendez-vous galant. Je peux très bien utiliser ce terme, lui ne s’est pas gêné pour le faire.

  J’examine la tenue que j’ai mis un temps fou à choisir ce matin : jupe noire de laine, pull de cachemire très près du corps (noir, naturellement !), collant noir et chaussures à hauts talons. Avec en prime un collier de grosses perles vertes qui, je le sais, font ressortir la couleur de mes yeux. J’essaie de ne pas penser à la pile de vêtements qui jonchent mon lit, le rebut de mon marathon de ce matin. Pas grave, je n’ai qu’à les remettre sur leurs cintres!

  J’essaie de ne pas penser non plus à mon costume colonial, fourré à la hâte dans une housse étalée sur la chaise de mon bureau. Après déjeuner, il faudra que je me change avant de reprendre le boulot. Evelyn pourrait me regarder de travers si elle me voyait sans mon uniforme.

  Je presse le pas pour retrouver l’air frais de l’automne.

  — Vous êtes très belle, aujourd'hui !

  Manquait plus que lui !

  — Merci, Harold.

  Moi qui espérais me glisser dehors sans rencontrer mon crapaud mort d’amour ! Mais il me tient la porte avec la solennité d’un garde de Buckingham Palace. Je m’arrange pour que les feuilles mortes amassées sur le seuil n’entrent pas dans la bibliothèque, poussées par le vent.

  Harold me lance :

  — Il semblerait que vous ayez une réunion importante, non ?

  — Un rendez-vous p…

  Je stoppe net. J’ai déjà été assez cruelle comme ça avec ce pauvre homme en lui jetant ce maudit sort! Inutile de lui remuer le couteau dans la plaie en lui disant où je vais et pourquoi. Je réfléchis à toute allure pour trouver un mot qui commence par un p pour remplacer le mot personnel.

  — Un rendez-vous… pour mon contrôle annuel chez le dentiste !

  — Cette perspective semble vous enchanter.

  Il ne croit pas si bien dire.

  — Pas vraiment. C'est juste parce que j’avais peur de l’oublier, alors je l’avais noté depuis des mois sur mon agenda, vous comprenez. Depuis la dernière séance, en fait. J’ai rempli leur petit carton, et ils me l’ont envoyé comme pense-bête. Mais je dois toujours déplacer mes rendez-vous !

  Je m’entends débiter mes explications idiotes pour justifier mon enthousiasme. Et plus je parle, plus je m’enfonce !

  — Je déteste le dentifrice au fluor, sauf quand j’ai une nouvelle brosse à dents. Là, j’adore! La dernière fois, ils n’avaient plus que des brosses à dents orange, j’ai bien été obligée d’en prendre une, mais cette fois, je prendrai une couleur qui me plaît. Le violet, par exemple. J’adore le violet, c’est ma couleur préférée.

  Mon Dieu! Je suis devenue folle… Me voilà en train de faire une conférence sur les brosses à dents violettes là, sur le seuil de la bibliothèque Peabridge !

  — La mienne est bleue.

  — Bleue ? C'est une couleur super pour une brosse à dents, ma préférée après le violet ! Bon, il faut que je file. Je n’ai pas envie de faire attendre mon dentiste!

  Que quelqu’un me tire dessus tout de suite, qu’on en finisse !

  Lorsque j’arrive enfin au restaurant, Jason est déjà là. Il a réussi à nous trouver une table dans un coin, au fond de la salle. Je suis un peu déçue. Je me voyais déjà assise derrière les rideaux en dentelle du restaurant, à observer la circulation sur Pennsylvania Avenue. En espérant que quelqu’un nous voie, quelqu’un que je connais qui me ferait un petit signe et qui sourirait en découvrant que je suis accompagnée. Et qui me donnerait un coup de fil dans l’après-midi pour me poser des questions sur ce mec absolument fabuleux qui mangeait avec moi, cet homme si souriant aux boucles blondes qui paraissait suspendu à mes lèvres.

  Mais comme je ne suis pas assise près de la fenêtre, personne ne me verra!

  Ceci dit, dès que je prends place à la table réservée, je m’aperçois que Jason a fait le bon choix. Dans notre petite niche, nous avons l’impression d’être les seuls clients de tout le restaurant. Seuls au monde.

  Tout en jouant avec les perles de mon collier, je lui dis :

  — Désolée d’être en retard.

  — Des problèmes de circulation, j’imagine.

  — Surtout à l’heure du déjeuner.

  Génial… Quelle brillante conversation! C'est comme si je n’avais jamais vu Jason auparavant, comme si nous ne nous étions jamais adressé la parole.

  Le serveur s’approche de nous pour prendre notre commande de boissons.

  Jason s’exclame :

  — Je prendrai un verre de chianti !

  Il se tourne vers moi comme s’il éprouvait le besoin de se justifier.

  — C'est qu’il fait froid, aujourd’hui…

  Je m’empresse d’emboîter le pas à mon Petit Ami Virtuel.

  — La même chose pour moi.

  Je m’en veux aussitôt d’avoir pensé à Jason en ces termes. Il n’est plus virtuel. Il m’a invitée à déjeuner, et en plus, il m’a apporté d’adorables petits cadeaux (les marshmallows sont toujours dans le tiroir de mon bureau) !

  Troublée par le glissement quasi sismique de notre relation, je fais semblant d’être absorbée par la lecture de la carte. J’en fais même un peu trop ! Les entrées sont bien trop lourdes pour un déjeuner, les salades ne m’emballent pas. Il ne reste donc que les pâtes, mais attention ! Pas les longues. Si jamais je faisais tomber des linguine sur moi (sans parler de la facture du teinturier pour mon pull en cachemire), Melissa ne me le pardonnerait pas.

  Bon, alors ce sera des tortellini. De la taille d’une bouchée, donc pas de problème pour les manger. Aucun piège!

  Jason me demande :

  — Souhaitez-vous commencer par un peu de pain à l’ail et au fromage ?

  Mon cœur explose dans ma poitrine. Du pain à l’ail et au fromage… On ne commande ce genre de truc que si l’on connaît très bien la personne avec qui on déjeune, si on a confiance en elle. Un Premier Rendez-Vous ne se hasarderait pas à ce genre d’initiative, mais un Petit Ami, si !

  — Avec plaisir !

  Le serveur revient vers nous avec le nectar de la vigne, et prend la commande des plats (Jason opte pour les lasagne al forno) avant de disparaître.

  — Bien.

  — Parfait.

  Une ambulance passe devant le restaurant, toutes sirènes hurlantes. Je bois une gorgée de vin et je me lance.

  — Vous n’imaginez pas le week-end que j’ai passé!

  Je lui parle de ma visite au Museum d’Histoire Naturelle avec Mamie et de son malaise. Je me débrouille pour en faire une histoire drôle, en insistant sur des épisodes qui ne m’ont pas paru spécialement hilarants sur le moment. Par exemple, la façon dont le Bon Samaritain a réagi en voyant les portes de l’ascenseur se fermer, ou la course folle de l’ambulance qui tanguait sur la chaussée. Je lui raconte que Melissa est venue à l’hôpital avec ses Délices au Caramel, et que ma grand-mère est devenue la patiente la plus populaire de son étage.

  Naturellement, j’occulte certains épisodes. Je ne lui dis pas que je suis brouillée avec ma propre mère biologique. Je ne lui parle pas de ma séance de formation
sur les cristaux, tard dans la nuit, avec David et Neko. Je ne lui dis pas que j’ai créé une amulette de guérison dans l’intimité de mon salon, et je ne juge pas utile de lui annoncer qu’apparemment, mes affinités avec les cristaux sont au moins aussi grandes que ma capacité à faire des incantations.

  J’omets aussi de lui dire que ma grand-mère semble réceptive aux pouvoirs de la magie… tout comme Clara. Et moi.

  Mais Jason a l’air d’aimer mes histoires. Je dirais même qu’il a l’air intrigué, tout en mordant avec gourmandise dans son pain à l’ail. Tant de choses ont changé, selon lui, depuis l’époque de George Chesterton. La façon de traiter les problèmes de santé, par exemple. Un vrai cauchemar : on n’utilisait que des teintures et des onguents. Naturellement, j’opine du bonnet. Je vais même jusqu’à me porter volontaire pour faire des recherches sur le traitement du typhus et en savoir plus sur la façon dont le fils de Chesterton a été soigné de cette maladie incurable. Après tout, je suis bibliothécaire… alors si je peux mettre mes talents au service de mon Petit Ami…

  Scott, lui, ne m’a jamais demandé de l’aider.

  Lorsque les pâtes arrivent, je suis déjà beaucoup plus détendue. Je demande à Jason des nouvelles de son travail, je lui pose des questions sur le semestre en cours et sur ses classes. Il me raconte que, d’après l’un de ses étudiants, les colons auraient dû acheter leurs armes au marché noir à l’Union Soviétique, ce qui leur aurait permis d’écraser les Britanniques bien plus tôt. Bien entendu, je m’empresse de rire. Mais j’ajoute, un brin incrédule :

  — A l’Union Soviétique ?

  — Il savait que l’Union Soviétique avait été ce qu’on appelle aujourd’hui la Russie.

  — On se demande vraiment ce qu’on leur apprend dans les lycées, aujourd'hui !

  — C'est une question que je me pose chaque jour que Dieu fait. J’envisage d’ailleurs de mettre au point un nouveau projet pour le prochain semestre. Vous ne me croirez peut-être pas, mais c’est Peabridge qui m’a donné cette idée.

  — Ah oui ?

  Je sens une onde de fierté me parcourir. A moins que ce ne soit l’effet du deuxième verre de vin.

  — Lorsque vous avez commencé à porter votre costume, tout a changé pour moi. Mes cours ont commencé à prendre vie, c’est comme si l’histoire se déroulait là, sous mes yeux. J’avais l’impression que George Chesterton pouvait apparaître à n’importe quel moment sur le seuil de la porte…

  Zut ! Evelyn avait raison.

  Jason poursuit son discours.

  — J’envisage de demander à mes étudiants de revoir leurs tenues. D’utiliser des plumes d’oie, de faire un peu de lessive comme à l’époque coloniale. Bref, de vivre comme autrefois pour comprendre à quel point les choses étaient différentes il y a deux cents ans.

  — Vous ne croyez pas que c’est un peu… indigne d’étudiants de faculté?

  Il me sourit.

  — Et vous ? Est-ce ainsi que vous le concevez ?

  — Eh bien, je…

  J’essaie d’imaginer une classe entière de filles portant des cerceaux, des jupons et des sacs en guise de robe. J’imagine Ekaterina, la Danseuse sur Glace avec une charlotte sur la tête, corrigeant ses dissertations avec une plume d’oie trempée dans l’encre rouge.

  — Croyez-vous que vos étudiants joueraient le jeu ? Je n’ai rencontré Ekaterina qu’une seule fois, mais je ne crois pas qu’elle soit du genre à faire ça…

  Jason a l’air surpris.

  — Ekaterina ?

  De toute évidence, il n’a pas suffisamment réfléchi à l’application de son grand projet.

  Il hausse les épaules.

  — Elle n’aurait pas besoin de s’y mettre. Sa spécialité, c’est le dix-neuvième siècle et les premiers mouvements en faveur du droit de vote.

  — Mais bien sûr !

  Je suis surprise de m’entendre parler aussi fort. Ça doit être l’effet du chianti. Mais je me suis dit qu’Ekaterina était une garce de féministe, la première fois que j’ai rencontré la Reine de la Glace russe. Je l’ai su au moment même où j’ai posé les yeux sur son front parfait.

  Jason tique un peu, puis sourit d’un air espiègle.

  — Ce n’est pas à Ekaterina que je pensais lorsque cette idée m’est venue.

  Soudain intimidée, je fais rouler entre mes doigts le pied de mon verre de vin.

  — Ah non... ?

  — C'est à vous que je pensais.

  Il se penche en avant et pose sa main sur la mienne.

  — Jane, je dois avouer que ça me fait quelque chose de vous voir vêtue de cette façon.

  Je tente de rire, mais aucun son ne sort de ma bouche.

  — Je parie que vous dites ça à toutes les filles qui essaient de vous empoisonner avec une soupe aux cacahuètes.

  — Je parle sérieusement, Jane.

  Je n’arrive pas à y croire. Jason – mon Petit Ami – me trouve attirante lorsque je porte mon costume colonial. C'est sûrement à cause de la formule magique que j’ai prononcée en lisant le texte du grimoire.

  Il poursuit.

  — Vous allez peut-être me prendre pour un fou, mais lorsque je lève le nez de mes bouquins et que je vous vois assise à votre bureau, avec ce corset à baleines et ce corsage en dentelle…

  Mon Dieu !

  Le serveur arrive pour débarrasser la table.

  — Un dessert ? Un café ?

  Jason me regarde, et je réussis tant bien que mal à faire non de la tête.

  Il se tourne vers le serveur.

  — Juste l’addition, s’il vous plaît.

  C'est à mon tour de parler. Il faut que je dise quelque chose, n’importe quoi.

  — Il arrive que la dentelle me démange…

  Alors là, chapeau ! C'est géant. Jason vient de prononcer les mots les plus sexy qui soient depuis la toute première fois où Scott Randall m’a dit ce qu’il voulait faire dans ma chambre rose Barbie. Et tout ce que je trouve à répondre, c’est que la dentelle me démange ! Je mériterais de rester seule jusqu’à mon dernier soupir.

  — Je vous ai fait rougir.

  — C'est juste que je ne vois pas ce qu’un jupon matelassé peut avoir de sexy!

  — Lorsque vous en portez un, c’est le cas !

  Le serveur revient avec l’addition avant que je puisse bredouiller quoi que ce soit. Jason sort son portefeuille et pose un billet sur la table. Je commence à fouiller dans mon sac, mais il m’arrête d’un geste. Lorsque le serveur revient, Jason demande :

  — Les toilettes sont en bas ?

  — Oui, signore.

  Je reconnais le sourire de Jason. C'était la façon de sourire de Scott il y a des années de ça, à l’époque où il était encore intéressé par de longs après-midi romantiques.

  C'est alors que, par miracle, je parviens à répondre au sourire de Jason par un sourire de mon cru.

  Prétextant le besoin soudain de faire une retouche de maquillage, je suis Jason dans l’escalier étroit, au fond du restaurant.

  Melissa ne va jamais me croire! Comment pourrait-elle croire que j’ai partagé un pain à l’ail et au fromage avec mon Petit Ami à notre premier rendez-vous officiel ? Elle ne croira pas non plus que le Petit Ami en question a trouvé ma tenue coloniale sexy. Et il est absolument, complètement, totalement hors de question qu’elle gobe que j’ai suivi mon Petit Ami dans l’escalier qui mène aux toilettes, comme si j’allais me glisser dans une alcôve là, en bas de ces marches !

  J’ai déjà beaucoup de mal à croire que ça m’arrive à moi !

  Jusqu’à ce que je sente la main de Jason derrière mon cou. Et que ses lèvres se posent sur les miennes.

  Est-ce cela que j’ai raté l’autre soir ? Le baiser que j’ai réussi à laisser passer tellement j’étais obsédée par mon dîner gâché. Quelle idiote !

  Bon, d’accord! Ce n’est pas le baiser du siècle. Comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs ? Nous sommes là, debout dans un coin à peine éclairé, sous l’escalier d�
�un restaurant italien à l’heure de pointe du déjeuner. Je ne m’implique sans doute pas assez, je devrais peut-être me coller à lui un peu plus… mais j’ai peur que mes pieds ne glissent sur le lino.

  Ceci dit, Jason réussit à me faire oublier les imperfections du décor. Il me caresse doucement le dos, puis glisse les doigts sous mon pull, passant sa main sous les bretelles de mon soutien-gorge de dentelle noire. Celui que j’ai agrafé ce matin en me reprochant de prendre mes rêves pour des réalités.

  Une porte s’ouvre derrière nous. J’entends le claquement de talons d’une femme qui émet une sorte de bref hoquet en nous voyant.

  — Ça, par exemple!

  Chère madame, si je vous disais que c’est une grande première, pour moi. Et si vous voulez tout savoir, sachez que je remettrais volontiers le couvert !

  Jason, lui, fait un pas en arrière. Et tandis que le bruit de talons de la femme résonne dans l’escalier, il murmure :

  — Je suis désolé.

  — Ne le soyez pas !

  Il repousse une mèche de mon visage.

  — Je n’aurais pas dû faire ça. Vous devez me prendre pour une vraie bête.

  — Je me suis juste dit que c’était bien…

  J’espère que mon sourire lui fait comprendre très exactement ce que je pense de lui.

  Des gens commencent à circuler dans l’escalier. Une deuxième femme descend les marches. Ma parole, on se croirait dans un hall de gare, ici ! J’essaie de me donner une contenance au moment où elle passe près de nous. Je regarde ma montre.

  — Aïe ! Il faut que je retourne au boulot !

  — Déjà?

  — Evelyn me croit en rendez-vous d’affaires. Il faut que je retourne au bureau d’information des clients.

  Je pousse un soupir à fendre l’âme, frustrée d’avoir été interrompue et de devoir reprendre le chemin des écoliers.

  — Je m’incline. Allez-y.

  Il laisse traîner un doigt le long de ma joue, et j’ai l’impression de me dissoudre dans une mare aux senteurs d’ail.

  Dès que je suis en état de reprendre ma respiration, je lance à Jason :

  — Je dois changer de tenue.

  Pauvre cloche ! Tu as encore raté une belle occasion de te taire ! Mais contre toute attente, Jason me décoche un de ces sourires dont il a le secret.

 

‹ Prev