Cinq Semaines En Ballon

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Cinq Semaines En Ballon Page 4

by Jules Verne


  —Brave garcon!

  —D'ailleurs, vous venez avec nous, reprit Joe.

  —Sans doute! fit Kennedy; c'est-a-dire je vous accompagne pour empecher jusqu'au dernier moment Samuel de commettre une pareille folie! Je le suivrai meme jusqu'a Zanzibar, afin que la encore la main d'un ami l'arrete dans son projet insense.

  —Vous n'arreterez rien du tout, monsieur Kennedy, sauf votre respect. Mon maetre n'est point un cerveau brule; il medite longuement ce qu'il veut entreprendre, et quand sa resolution est prise, le diable serait bien qui l'en ferait demordre.

  —C'est ce que nous verrons!

  —Ne vous flattez pas de cet espoir. D'ailleurs, l'important est que vous veniez. Pour un chasseur comme vous, l'Afrique est un pays merveilleux. Ainsi, de toute facon, vous ne regretterez point votre voyage.

  —Non, certes, je ne le regretterai pas, surtout si cet entete se rend enfin a l'evidence.

  —A propos, dit Joe, vous savez que c'est aujourd'hui le pesage.

  —Comment, le pesage?

  —Sans doute, mon maetre, vous et moi, nous allons tous trois nous peser.

  —Comme des jockeys!

  —Comme des jockeys. Seulement, rassurez-vous, on ne vous fera pas maigrir si vous etes trop lourd. On vous prendra comme vous serez.

  —Je ne me laisserai certainement pas peser, dit l'Ecossais avec fermete.

  —Mais, Monsieur, il paraet que c'est necessaire pour sa machine

  —Eh bien! sa machine s'en passera

  —Par exemple! et si, faute de calculs exacts, nous n'allions pas pouvoir monter!

  —Eh parbleu! je ne demande que cela!

  —Voyons, monsieur Kennedy, mon maetre va venir a l'instant nous chercher

  —Je n'irai pas.

  —Vous ne voudrez pas lui faire cette peine.

  —Je la lui ferai.

  —Bon! fit Joe en riant, vous parlez ainsi parce qu'il n'est pas la; mais quand il vous dira face a face: " Dick (sauf votre respect), Dick, j'ai besoin de connaetre exactement ton poids, " vous irez, je vous en reponds.

  —Je n'irai pas.

  En ce moment le docteur rentra dans son cabinet de travail ou se tenait cette conversation; il regarda Kennedy, qui ne se sentit pas trop a son aise.

  " Dick, dit le docteur, viens avec Joe; j'ai besoin de savoir ce que vous pesez tous les deux.

  —Mais...

  —Tu pourras garder ton chapeau sur ta tete. Viens. "

  Et Kennedy y alla.

  Ils se rendirent tous les trois a l'atelier de MM. Mittchell, ou l'une de ces balances dites romaines avait ete preparee. Il fallait effectivement que le docteur connut le poids de ses compagnons pour etablir l'equilibre de son aerostat. Il fit donc monter Dick sur la plate-forme de la balance; celui-ci, sans faire de resistance, disait a mi-voix:

  " C'est bon! c'est bon! cela n'engage a rien.

  —Cent cinquante-trois livres, dit le docteur, en inscrivant ce nombre sur son carnet.

  —Suis-je trop lourd?

  —Mais non, monsieur Kennedy, repliqua Joe; d'ailleurs, je suis leger, cela fera compensation. "

  Et ce disant, Joe prit avec enthousiasme la place du chasseur; il faillit meme renverser la balance dans son emportement; il se posa dans l'attitude du Wellington qui singe Achille a l'entree d'Hyde-Park, et fut magnifique; sans bouclier.

  " Cent vingt livres, inscrivit le docteur..

  —Eh! eh! " fit Joe avec un sourire de satisfaction. Pourquoi souriait-il? Il n'eut jamais pu le dire.

  " A mon tour, dit Fergusson.

  Et il inscrivit cent trente-cinq livres pour son propre compte.

  " A nous trois, dit-il, nous ne pesons pas plus de quatre cents livres.

  —Mais, mon maetre, reprit Joe, si cela etait necessaire pour votre expedition, je pourrais bien me faire maigrir d'une vingtaine de livres en ne mangeant pas.

  —C'est inutile, mon garcon, repondit le docteur; tu peux manger a ton aise, et voila une demi-couronne pour te lester a ta fantaisie. "

  CHAPITRE VII

  Details geometriques.—Calcul de la capacite du ballon. L'aerostat double.—L'enveloppe.—La nacelle.—L'appareil mysterieux.—Les vivres.—L'addition finale.

  Le docteur Fergusson s'etait preoccupe depuis longtemps des details de son expedition. On comprend que le ballon, ce merveilleux vehicule destine a le transporter par air, fut l'objet de sa constante sollicitude.

  Tout d'abord, et pour ne pas donner de trop grandes dimensions a l'aerostat, il resolut de le gonfler avec du gaz hydrogene, qui est quatorze fois et demie plus leger que l'air. La production de ce gaz est facile, et c'est celui qui a donne les meilleurs resultats dans les experiences aerostatiques.

  Le docteur, d'apres des calculs tres-exacts, trouva que, pour les objets indispensables a son voyage et pour son appareil, il devait emporter un poids de quatre mille livres; il fallut donc rechercher quelle serait la force ascensionnelle capable d'enlever ce poids, et, par consequent, quelle en serait la capacite.

  Un poids de quatre mille livres est represente par un deplacement d'air de quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes [1,661 metres cubes.], ce qui revient a dire que quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes d'air pesent quatre mille livres environ.

  En donnant au ballon cette capacite de quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes et en le remplissant, au lieu d'air, de gaz hydrogene, qui, quatorze fois et demie plus leger, ne pese que deux cent soixante seize livres, il reste une rupture d'equilibre, soit une difference de trois mille sept cent vingt-quatre livres. C'est cette difference entre le poids du gaz contenu dans le ballon et le poids de l'air environnant qui constitue la force ascensionnelle de l'aerostat.

  Toutefois, si l'on introduisait dans le ballon les quarante-quatre mille huit cent quarante pieds cubes de gaz dont nous parlons, il serait entierement rempli; or cela ne doit pas etre, car a mesure que le ballon monte dans les couches moins denses de l'air, le gaz qu'il renferme tend a se dilater et ne tarderait pas a crever l'enveloppe. On ne remplit donc generalement les ballons qu'aux deux tiers.

  Mais le docteur, par suite de certain projet connu de lui seul, resolut de ne remplir son aerostat qu'a moitie, et puisqu'il lui fallait emporter quarante-quatre mille huit cent quarante-sept pieds cubes d'hydrogene, de donner a son ballon une capacite a peu pres double.

  Il le disposa suivant cette forme allongee que l'on sait etre preferable; le diametre horizontal fut de cinquante pieds et le diametre vertical de soixante-quinze [Cette dimension n'a rien d'extraordinaire: en 1784, a Lyon, M. Montgolfier construisit un aerostat dont la capacite etait de 340,000 pieds cubes, ou 20,000 metres cubes, et il pouvait enlever un poids de 20 tonnes, soit 20,000 kilogrammes]; il obtint ainsi un spheroide dont la capacite s'elevait en chiffres ronds a quatre-vingt-dix mille pieds cubes.

  Si le docteur Fergusson avait pu employer deux ballons, ses chances de reussite se seraient accrues; en effet, au cas ou l'un vient a se rompre dans l'air, on peut en jetant du lest se soutenir au moyen de l'autre. Mais la maneuvre de deux aerostats devient fort difficile, lorsqu'il s'agit de leur conserver une force d'ascension egale.

  Apres avoir longuement reflechi, Fergusson, par une disposition ingenieuse, reunit les avantages de deux ballons sans en avoir les inconvenients; il en construisit deux d'inegale grandeur et les renferma l'un dans l'autre. Son ballon exterieur, auquel il conserva les dimensions que nous avons donnees plus haut, en contint un plus petit, de meme forme, qui n'eut que quarante-cinq pieds de diametre horizontal et soixante-huit pieds de diametre vertical. La capacite de ce ballon interieur n'etait donc que de soixante-sept mille pieds cubes; il devait nager dans le fluide qui l'entourait; une soupape s'ouvrait d'un ballon a l'autre et permettait au besoin de les faire communiquer entre eux.

  Cette disposition presentait cet avantage que, s'il fallait donner issue au gaz pour descendre, on laisserait echapper d'abord celui du grand ballon; dut-on meme le vider entierement, le petit resterait intact; on pouvait alors se debarrasser de l'enveloppe exterieure, co
mme d'un poids incommode, et le second aerostat, demeure seul, n'offrait pas au vent la prise que donnent les ballons a demi degonfles.

  De plus, dans le cas d'un accident, d'une dechirure arrivee au ballon exterieur, l'autre avait l'avantage d'etre preserve.

  Les deux aerostats furent construits avec un taffetas croise de Lyon enduit de: gutta-percha. Cette substance gommo-resineuse jouit d'une impermeabilite absolue; elle est entierement inattaquable aux acides et aux gaz. Le taffetas fut juxtapose en double au pole superieur du globe, ou se fait presque tout l'effort.

  Cette enveloppe pouvait retenir le fluide pendant un temps illimite. Elle pesait une demi-livre par neuf pieds carres. Or, la surface du ballon exterieur etant d'environ onze mille six cents pieds carres, son enveloppe pesa six cent cinquante livres. L'enveloppe du second ayant neuf mille deux cents pieds carres de surface ne pesait que cinq cent dix livres: soit donc, en tout, onze cent soixante livres.

  Le filet destine a supporter la nacelle fut fait en corde de chanvre d'une tres grande solidite; les deux soupapes devinrent l'objet de soins minutieux, comme l'eut ete le gouvernail d'un navire.

  La nacelle, de forme circulaire et d'un diametre de quinze pieds, etait construite en osier, renforcee par une legere armure de fer, et revetue a la partie inferieure de ressorts elastiques destines a amortir les chocs. Son poids et celui du filet ne depassaient pas deux cent quatre vingt livres.

  Le docteur fit construire, en outre, quatre caisses de tole de deux lignes d'epaisseur; elles etaient reunies entre elles par des tuyaux munis de robinets; il y joignit un serpentin de deux pouces de diametre environ qui se terminait par deux branches droites d'inegale longueur, mais dont la plus grande mesurait vingt-cinq pieds de haut, et la plus courte quinze pieds seulement.

  Les caisses de tole s'emboetaient dans la nacelle de facon a occuper le moins d'espace possible; le serpentin, qui ne devait s'ajuster que plus tard, fut emballe separement, ainsi qu'une tres forte pile electrique de Buntzen. Cet appareil avait ete si ingenieusement combine qu'il ne pesait pas plus de sept cents livres, en y comprenant meme vingt-cinq gallons d'eau contenus dans une caisse speciale.

  Les instruments destines au voyage consisterent en deux barometres, deux thermometres, deux boussoles, un sextant, deux chronometres, un horizon artificiel et un altazimuth pour relever les objets lointains et inaccessibles. L'Observatoire de Greenwich s'etait mis a la disposition du docteur. Celui-ci d'ailleurs ne se proposait pas de faire des experiences de physique; il voulait seulement reconnaetre sa direction, et determiner la position des principales rivieres, montagnes et villes.

  Il se munit de trois ancres en fer bien eprouvees, ainsi que d'une echelle de soie legere et resistante, longue d'une cinquantaine de pieds.

  Il calcula egalement le poids exact de ses vivres; ils consisterent en the, en cafe, en biscuits, en viande salee et en pemmican, preparation qui, sous un mince volume, renferme beaucoup d'elements nutritifs. Indepen-damment d'une suffisante reserve d'eau-de-vie, il disposa deux caisses a eau qui contenaient chacune vingt-deux gallons [Cent litres a peu pres. Le gallon, qui contient 8 pintes, vaut 4 litres 453].

  La consommation de ces divers aliments devait peu a peu diminuer le poids enleve par l'aerostat. Car il faut savoir que l'equilibre d'un ballon dans l'atmosphere est d'une extreme sensibilite. La perte d'un poids presque insignifiant suffit pour produire un deplacement tres appreciable.

  Le docteur n'oublia ni une tente qui devait recouvrir une partie de la nacelle, ni les couvertures qui composaient toute la literie de voyage, ni les fusils du chasseur, ni ses provisions de poudre et de balles.

  Voici le resume de ses differents calculs:

  Fergusson. 135 livres. Kennedy... 153 — Joe 120 — Poids du premier ballon... 650 — Poids du second ballon 510 — Nacelle et filet. 280 — Ancres, instruments, Fusils, couvertures, 190 — Tente, ustensiles divers, Viande, pemmican, Biscuits, the, 386 — Cafe, eau-de-vie, Eau... 400 — Appareil 700 — Poids de l'hydrogene. 276 — Lest 200 — ——————- Total. 4000 livres

  Tel etait le decompte des quatre mille livres que le docteur Fergusson se proposait d'enlever; il n'emportait que deux cents livres de lest, pour " les cas imprevus seulement, " disait-il, car il comptait bien n'en pas user, grace a son appareil.

  CHAPITRE VIII

  Importance de Joe.—Le commandant de la Resolute.—L'arsenal de Kennedy.—Amenagements.—Le dener d'adieu.—Le depart du 21 fevrier.—Seances scientifiques du docteur.—Duveyrier, Livingstone.—Details du voyage aerien.—Kennedy reduit au silence.

  Vers le 10 fevrier, les preparatifs touchaient a la fin, les aerostats renfermes l'un dans l'autre etaient entierement termines; ils avaient subi une forte pression d'air refoule dans leurs flancs; cette epreuve donnait bonne opinion de leur solidite, et temoignait des soins apportes a leur construction.

  Joe ne se sentait pas de joie; il allait incessamment de Greek street aux ateliers de MM. Mittchell, toujours affaire, mais toujours epanoui, donnant volontiers des details sur l'affaire aux gens qui ne lui en demandaient point, fier entre toutes choses d'accompagner son maetre. Je crois meme qu'a montrer l'aerostat, a developper les idees et les plans du docteur, a laisser apercevoir celui-ci par une fenetre entr'ouverte, ou a son passage dans les rues, le digne garcon gagna quelques demi-couronnes; il ne faut pas lui en vouloir; il avait bien le droit de speculer un peu sur l'admiration et la curiosite de ses contemporains.

  Le 16 fevrier, le Resolute vint jeter l'ancre devant Greenwich. C'etait un navire a helice du port de huit cents tonneaux, bon marcheur, et qui fut charge de ravitailler la derniere expedition de sir James Ross aux regions polaires. Le commandant Pennet passait pour un aimable homme, il s'interessait particulierement au voyage du docteur, qu'il appreciait de longue date. Ce Pennet faisait plutot un savant qu'un soldat, cela n'empechait pas son batiment de porter quatre caronades, qui n'avaient jamais fait de mal a personne, et servaient seulement a produire les bruits les plus pacifiques du monde.

  La cale du Resolute fut amenagee de maniere a loger l'aerostat; il y fut transporte avec les plus grandes precautions dans la journee du 18 fevrier; on l'emmagasina au fond du navire, de maniere a prevenir tout accident; la nacelle et ses accessoires, les ancres, les cordes, les vivres, les caisses a eau que l'on devait remplir a l'arrivee, tout fut arrime sous les yeux de Fergusson.

  On embarqua dix tonneaux d'acide sulfurique et dix tonneaux de vieille ferraille pour la production du gaz hydrogene. Cette quantite etait plus que suffisante, mais il fallait parer aux pertes possibles. L'appareil destine a developper le gaz, et compose d'une trentaine de barils, fut mis a fond de cale.

  Ces divers preparatifs se terminerent le 18 fevrier au soir. Deux cabines confortablement disposees attendaient le docteur Fergusson et son ami Kennedy. Ce dernier, tout en jurant qu'il ne partirait pas, se rendit a bord avec un veritable arsenal de chasse, deux excellents fusil a deux coups, se chargeant par la culasse, et une carabine a toute epreuve de la fabrique de Purdey Moore et Dickson d'Edimbourg; avec une pareille arme le chasseur n'etait pas embarrasse de loger a deux mille pas de distance une balle dans l'eil d'un chamois; il y joignit deux revolvers Colt a six coups pour les besoins imprevus; sa poudriere, son sac a cartouches, son plomb et ses balles, en quantite suffisante, ne depassaient pas les limites de poids assignees par le docteur.

  Les trois voyageurs s'installerent a bord dans la journee du 19 fevrier; ils furent recus avec une grande distinction par le capitaine et ses officiers, le docteur toujours assez froid, uniquement preoccupe de son expedition, Dick emu sans trop vouloir le paraetre, Joe bondissant, eclatant en propos burlesques; il devint promptement le loustic du poste des maetres, ou un cadre lui avait: ete reserve.

  Le 20, un grand dener d'adieu fut donne au docteur Fergusson et a Kennedy par la Societe Royale de Geographie. Le commandant Pennet et ses officiers assistaient a ce repas, qui fut tres anime et tres fourni en libations flatteuses; les santes y furent portees en assez grand nombre pour assurer a tous les convives une existence de centenaires. Sir Fr
ancis M... presidait avec une emotion contenue, mais pleine de dignite.

  A sa grande confusion; Dick Kennedy eut une large part dans les felicitations bachiques. Apres avoir bu " a l'intrepide Fergusson, la gloire de " l'Angleterre, " on dut boire " au non moins courageux Kennedy, son audacieux compagnon. "

  Dick rougit beaucoup, ce qui passa pour de la modestie: les applaudissements redoublerent Dick rougit encore davantage.

  Un message de la reine arriva au dessert; elle presentait ses compliments aux deux voyageurs et faisait des veux pour la reussite de l'entreprise.

  Ce qui necessita de nouveau toasts " a Sa Tres Gracieuse Majeste. "

  A minuit, apres des adieux emouvants et de chaleureuses poignees de mains, les convives se separerent.

  Les embarcations du Resolute attendaient au pont de Westminster; le commandant y prit place en compagnie de ses passagers et de ses officiers, et le courant rapide de la Tamise les porta vers Greenwich,

  A une heure, chacun dormait a bord.

  Le lendemain, 21 fevrier, a trois heures du matin, les fourneaux ronflaient; a cinq heures, on levait l'ancre, et sous l'impulsion de son helice, le Resolute fila vers l'embouchure de la Tamise.

  Nous n'avons pas besoin de dire que les conversations du bord roulerent uniquement sur l'expedition du docteur Fergusson. A le voir comme a l'entendre, il inspirait une telle confiance bientot, sauf l'Ecossais, personne ne mit en question le succes de son entreprise.

  Pendant les longues heures inoccupees du voyage docteur faisait un veritable cours de geographie dans le carre des officiers. Ces jeunes gens se passionnaient pour les decouvertes faites depuis quarante ans en Afrique; il leur raconta les explorations de Barth, de Burton, de Speke, de Grant, il leur depeignit cette mysterieuse contree livree de toutes part aux investigations de la science. Dans le nord, le jeune Duveyrier explorait le Sahara et ramenait a Paris les chefs Touaregs. Sous l'inspiration du gouvernement francais, deux expeditions se preparaient, qui, descendant du nord et venant a l'ouest, se croiseraient a Tembouctou. Au sud, l'infatigable Livingstone s'avancait toujours vers l'equateur, et depuis mars 1862, il remontait, en compagnie de Mackensie, la riviere Rovoonia. Le dix-neuvieme siecle ne se passerait certainement pas sans que l'Afrique n'eut revele les secrets enfouis dans son sein depuis six mille ans.

 

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