Cinq Semaines En Ballon

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Cinq Semaines En Ballon Page 22

by Jules Verne


  CHAPITRE XXXV

  L'histoire de Joe.—L'ele des Biddiomahs.—L'adoration.—L'ele engloutie.—Les rives du lac.—L'arbre aux serpents.—Voyage a pied.—Souffrances.—Moustiques et fourmis.—La faim.—Passage du Victoria.—Disparition du Victoria.—Desespoir.—Le marais.—Un dernier cri.

  Qu'etait devenu Joe pendant les vaines recherches de son maetre?

  Lorsqu'il se fut precipite dans le lac, son premier mouvement a la surface fut de lever les yeux en l'air; il vit le Victoria, deja fort eleve au-dessus du lac, remonter avec rapidite, diminuer peu a peu, et, pris bientot par un courant rapide, disparaetre vers le nord. Son maetre, ses amis etaient sauves.

  " Il est heureux, se dit-il, que j'aie eu cette pensee de me jeter dans le Tchad; elle n'eut pas manque de venir a l'esprit de M. Kennedy, et certes il n'aurait pas hesite a faire comme moi, car il est bien naturel qu'un homme se sacrifie pour en sauver deux autres. C'est mathematique."

  Rassure sur ce point, Joe se mit a songer a lui; il etait au milieu d'un lac immense, entoure de peuplades inconnues, et probablement feroces. Raison de plus pour se tirer d'affaire en ne comptant que sur lui; il ne s'effraya donc pas autrement.

  Avant l'attaque des oiseaux de proie, qui, selon lui, s'etaient conduits comme de vrais gypaetes, il avait avise une ele a l'horizon; il resolut donc de se diriger vers elle, et se mit a deployer toutes ses connaissances dans l'art de la natation, apres s'etre debarrasse de la partie la plus genante de ses vetements; il ne s'embarrassait guere d'une promenade de cinq ou six milles; aussi, tant qu'il fut en plein lac, il ne songea qu'a nager vigoureusement et directement.

  Au bout d'une heure et demie, la distance quile separait de l'ele se trouvait fort diminuee.

  Mais a mesure qu'il s'approchait de terre, une pensee d'abord fugitive, tenace alors, s'empara de son esprit. Il savait que les rives du lac sont hantees par d'enormes alligators, et il connaissait la voracite de ces animaux.

  Quelle que fut sa manie de trouver tout naturel en ce monde, le digne garcon se sentait invinciblement emu; il craignait que la chair blanche ne fut particulierement du gout des crocodiles, et il ne s'avanca donc qu'avec une extreme precaution, l'eil aux aguets. Il n'etait plus qu'a une centaine de brasses d'un rivage ombrage d'arbres verts, quand une bouffee d'air charge de l'odeur penetrante du musc arriva jusqu'a lui.

  " Bon, se dit-il! voila ce que je craignais! le caiman n'est pas loin. "

  Et il plongea rapidement, mais pas assez pour eviter le contact d'un corps enorme dont l'epiderme ecailleux l'ecorcha au passage; il se crut perdu, et se mit a nager avec une vitesse desesperee; il revint a la surface de l'eau, respira et disparut de nouveau. Il eut la un quart d heure d'une indicible angoisse que toute sa philosophie ne put surmonter, et croyait entendre derriere lui le bruit de cette vaste machoire prete a le happer. Il filait alors entre deux eaux, le plus doucement possible, quand il se sentit saisir par un bras, puis par le milieu du corps.

  Pauvre Joe! il eut une derniere pensee pour son maetre, et se prit a lutter avec desespoir, en se sentant attire non vers le fond du lac, ainsi que les crocodiles ont l'habitude de faire pour devorer leur proie, mais a la surface meme.

  A peine eut-il pu respirer et ouvrir les yeux, qu'il se vit entre deux negres d'un noir d'ebene; ces Africains le tenaient vigoureusement et poussaient des cris etranges.

  " Tiens! ne put s'empecher de s'ecrier Joe! des negres au lieu de caimans! Ma foi, j'aime encore mieux cela! Mais comment ces gaillards-la osent-ils se baigner dans ces parages! "

  Joe ignorait que les habitants des eles du Tchad, comme beaucoup de noirs, plongent impunement dans les eaux infestees d'alligators, sans se preoccuper de leur presence; les amphibies de ce lac ont particulierement une reputation assez merite de sauriens inoffensifs.

  Mais Joe n'avait-il evite un danger que pour tomber dans un autre? C'est ce qu'il donna aux evenements a decider, et puisqu'il ne pouvait faire autrement, il se laissa conduire jusqu'au rivage sans montrer aucune crainte.

  " Evidemment, se disait-il, ces gens-la ont vu le Victoria raser les eaux du lac comme un monstre des airs; ils ont ete les temoins eloignes de ma chute, et ils ne peuvent manquer d'avoir des egards pour un homme tombe du ciel! Laissons-les faire! "

  Joe en etait la de ses reflexions, quand il prit terre au milieu d'une foule hurlante, de tout sexe, de tout age, mais non de toutes couleurs. Il se trouvait au milieu d'une tribu de Biddiomahs d'un noir superbe. Il n'eut meme pas a rougir de la legerete de son costume; il se trouvait " deshabille " a la derniere mode du pays.

  Mais avant qu'il eut le temps de se rendre compte de sa situation, il ne put se meprendre aux adorations dont il devint l'objet. Cela ne laissa pas de le rassurer, bien que l'histoire de Kazeh lui revint a la memoire.

  " Je pressens que je vais redevenir un dieu, un fils de la Lune quelconque! Eh bien, autant ce metier-la qu'un autre quand on n'a pas le choix. Ce qu'il importe, c'est de gagner du temps. Si le Victoria vient a repasser, je profiterai de ma nouvelle position pour donner a mes adorateurs le spectacle d'une ascension miraculeuse. "

  Pendant que Joe reflechissait de la sorte, la foule se resserrait autour de lui; elle se prosternait, elle hurlait, elle le palpait, elle devenait familiere; mais, au moins, elle eut la pensee de lui offrir un festin magnifique, compose de lait aigre avec du riz pile dans du miel, le digne garcon, prenant son parti de toutes choses, fit alors un des meilleurs repas de sa vie et donna a son peuple une haute idee de la facon dont les dieux devorent dans les grandes occasions.

  Lorsque le soir fut arrive, les sorciers de l'ele le prirent respectueusement par la main, et le conduisirent a une espece de case entouree de talismans; avant d'y penetrer, Joe jeta un regard assez inquiet sur des monceaux d'ossements qui s'elevaient autour de ce sanctuaire; il eut d'ailleurs tout le temps de reflechir a sa position quand il fut enferme dans sa cabane.

  Pendant la soiree et une partie de la nuit, il entendit des chants de fete, les retentissements d'une espece de tambour et un bruit de ferraille bien doux pour des oreilles africaines; des cheurs hurles accompagnerent d'interminables danses qui enlacaient la cabane sacree de leurs contorsions et de leurs grimaces.

  Joe pouvait saisir cet ensemble assourdissant a travers les murailles de boue et de roseau de la case; peut-etre, en toute autre circonstance, eut-il pris un plaisir assez vif a ces etranges ceremonies; mais son esprit fut bientot tourmente d'une idee fort deplaisante. Tout en prenant les choses de leur bon cote, il trouvait stupide et meme triste d'etre perdu dans cette contree sauvage, au milieu de pareilles peuplades. Peu de voyageurs avaient revu leur patrie, de ceux qui oserent s'aventurer jusqu'a ces contrees. D'ailleurs pouvait-il se fier aux adorations dont il se voyait l'objet! Il avait de bonnes raisons de croire a la vanite des grandeurs humaines! Il se demanda si, dans ce pays, l'adoration n'allait pas jusqu'a manger l'adore!

  Malgre cette facheuse perspective, apres quelques heures de reflexion, la fatigue l'emporta sur les idees noires, et Joe tomba dans un sommeil assez profond, qui se fut prolonge sans doute jusqu'au lever du jour, si une humidite inattendue n'eut reveille le dormeur.

  Bientot cette humidite se fit eau, et cette eau monta si bien que Joe en eut jusqu'a mi-corps.

  " Qu'est-ce la? dit-il, une inondation! une trombe! un nouveau supplice de ces negres! Ma foi, je n'attendrai pas d'en avoir jusqu'au cou! "

  Et ce disant, il enfonca la muraille d'un coup d'epaule et se trouva ou? en plein lac! D'ele, il n'y en avait plus! Submergee pendant la nuit! A sa place l'immensite du Tchad!

  " Triste pays pour les proprietaires! " se dit Joe, et il reprit avec vigueur l'exercice de ses facultes natatoires.

  Un de ces phenomenes assez frequents sur le lac Tchad avait delivre le brave garcon; plus d'une ele a disparu ainsi, qui paraissait avoir la solidite du roc, et souvent les populations riveraines durent recueillir les malheureux echappes a ces terribles catastrophes.

  Joe ignorait cette particularite, mais il ne se fit pas faute d'en profiter. Il avisa une barque errante et l'accosta rapidement. C'etait u
ne sorte de tronc d'arbre grossierement creuse une paire de pagaies s'y trouvait heureusement, et Joe, profitant d'un courant assez rapide, se laissa deriver.

  " Orientons-nous, dit-il. L'etoile polaire, qui fait honnetement son metier d'indiquer la route du nord a tout le monde, voudra bien me venir en aide. "

  Il reconnut avec satisfaction que le courant le portait vers la rive septentrionale du Tchad, et il le laissa faire. Vers deux heures du matin, il prenait pied sur un promontoire couvert de roseaux epineux qui parurent fort importuns, meme a un philosophe; mais un arbre poussait la tout expres pour lui offrir un lit dans ses branches. Joe y grimpa pour plus de surete, et attendit la, sans trop dormir, les premiers rayons du jour.

  Le matin venu avec cette rapidite particuliere aux regions equatoriales, Joe jeta un coup d'eil sur l'arbre qui l'avait abrite pendant la nuit; un spectacle assez inattendu le terrifia. Les branches de cet arbre etaient litteralement couvertes de serpents et de cameleons; le feuillage disparaissait sous leurs entrelacements; on eut dit un arbre d'une nouvelle espece qui produisait des reptiles; sous les premiers rayons du soleil, tout cela rampait et se tordait. Joe eprouva un vif sentiment de terreur mele de degout, et s'elanca a terre au milieu des sifflements de la bande.

  " Voila une chose qu'on ne voudra jamais croire, " dit-il.

  Il ne savait pas que les dernieres lettres du docteur Vogel avaient fait connaetre cette singularite des rives du Tchad, ou les reptiles sont plus nombreux qu'en aucun pays du monde. Apres ce qu'il venait de voir, Joe resolut d'etre plus circonspect a l'avenir, et, s'orientant sur le soleil, il se mit en marche en se dirigeant vers le nord-est. Il evitait avec le plus grand soin cabanes, cases, huttes, tanieres, en un mot tout ce qui peut servir de receptacle a la race humaine.

  Que de fois ses regards se porterent en l'air! Il esperait apercevoir le Victoria, et bien qu'il l'eut vainement cherche pendant toute cette journee de marche, cela ne diminua pas sa confiance en son maetre; il lui fallait une grande energie de caractere pour prendre si philosophiquement sa situation. La faim se joignait a la fatigue, car a le nourrir de racines, de moelle d'arbustes, tels que le " mele, " ou des fruits du palmier doum, on ne refait pas un homme; et cependant, suivant son estime, il s'avanca d'une trentaine de milles vers l'ouest. Son corps portait en vingt endroits les traces des milliers d'epines dont les roseaux du lac, les acacias et les mimosas sont herisses, et ses pieds ensanglantes rendaient sa marche extremement douloureuse. Mais enfin il put reagir contre ses souffrances, et, le soir venu, il resolut de passer la nuit sur les rives du Tchad.

  La, il eut a subir les atroces piqures de myriades d'insectes: mouches, moustiques, fourmis longues d'un demi-pouce y couvrent litteralement la terre. Au bout de deux heures, il ne restait pas a Joe un lambeau du peu de vetements qui le couvraient; les insectes avaient tout devore! Ce fut une nuit terrible, qui ne donna pas une heure de sommeil au voyageur fatigue; pendant ce temps, les sangliers, les buffles sauvages, l'ajoub, sorte de lamentin assez dangereux faisaient rage dans les buissons et sous les eaux du lac; le concert des betes feroces retentissait au milieu de la nuit. Joe n'osa remuer. Sa resignation et sa patience eurent de la peine a tenir contre une pareille situation.

  Enfin le jour revint; Joe se releva precipitamment, et que l'on juge du degout qu'il ressentit en voyant quel animal immonde avait partage sa couche: un crapaud! mais un crapaud de cinq pouces de large, une bete monstrueuse, repoussante, qui le regardait avec des yeux ronds. Joe sentit son ceur se soulever, et, reprenant quelque force dans sa repugnance, il courut a grands pas se plonger dans les eaux du lac. Ce bain calma un peu les demangeaisons qui le torturaient, et, apres avoir mache quelques feuilles, il reprit sa route avec une obstination, un entetement dont il ne pouvait se rendre compte; il n'avait plus le sentiment de ses actes, et neanmoins il sentait. en lui une puissance superieure au desespoir.

  Cependant une faim terrible le torturait; son estomac, moins resigne que lui, se plaignait; il fut oblige de serrer fortement une liane autour de son corps; heureusement, sa soif pouvait s'etancher a chaque pas, et, en se rappelant les souffrances du desert, il trouvait un bonheur relatif a ne pas subir les tourments de cet imperieux besoin.

  " Ou peut etre le Victoria? se demandait-il... Le vent souffle du nord! Il devrait revenir sur le lac! Sans doute M. Samuel aura procede a une nouvelle installation pour retablir l'equilibre; mais la journee d'hier a du suffire a ces travaux; il ne serait donc pas impossible qu'aujourd'hui... Mais agissons comme si je ne devais jamais le revoir. Apres tout, si je parvenais a gagner une des grandes villes du lac, je me trouverais dans la position des voyageurs dont mon maetre nous a parle. Pourquoi ne me tirerais-je pas d'affaire comme eux? Il y en a qui en sont revenus, que diable!... Allons! courage! "

  Or, en parlant ainsi et en marchant toujours, l'intrepide Joe tomba en pleine foret au milieu d'un attroupement de sauvages; il s'arreta a temps et ne fut pas vu. Les negres s'occupaient a empoisonner leurs fleches avec le suc de l'euphorbe, grande occupation des peuplades de ces contrees, et qui se fait avec une sorte de ceremonie solennelle.

  Joe, immobile, retenant son souffle, se cachait au milieu d'un fourre, lorsqu'en levant les yeux, par une eclaircie du feuillage, il apercut le Victoria, le Victoria lui-meme, se dirigeant vers le lac, a cent pieds a peine au-dessus de lui. Impossible de se faire entendre! impossible de se faire voir!

  Une larme lui vint aux yeux, non de desespoir, mais de reconnaissance: son maetre etait a sa recherche! son maetre ne l'abandonnait pas! Il lui fallut attendre le depart des noirs; il put alors quitter sa retraite et courir vers les bords du Tchad.

  Mais alors le Victoria se perdait au loin dans le ciel. Joe resolut de l'attendre: il repasserait certainement! Il repassa, en effet, mais plus a l'est. Joe courut, gesticula, cria... Ce fut en vain! Un vent violent en-traenait le ballon avec une irresistible vitesse!

  Pour la premiere fois, l'energie, l'esperance manquerent au ceur de l'infortune; il se vit perdu; il crut son maetre parti sans retour; il n'osait plus penser, il ne voulait plus reflechir.

  Comme un fou, les pieds en sang, le corps meurtri, il marcha pendant toute cette journee et une partie de la nuit. Il se traenait, tantot sur les genoux, tantot sur les mains; il voyait venir le moment ou la force lui manquerait et ou il faudrait mourir.

  En avancant ainsi, il finit par se trouver en face d'un marais, ou plutot de ce qu'il sut bientot etre un marais, car la nuit etait venue depuis quelques heures; il tomba inopinement dans une boue tenace; malgre ses efforts, malgre sa resistance desesperee, il se sentit enfoncer peu a peu au milieu de ce terrain vaseux; quelques minutes plus tard il en avait jusqu'a mi-corps.

  " Voila donc la mort! se dit-il; et quelle mort!... "

  Il se debattit avec rage; mais ces efforts ne servaient qu'a l'ensevelir davantage dans cette tombe que le malheureux se creusait lui-meme. Pas un morceau de bois qui put l'arreter, pas un roseau pour le retenir!.. Il comprit que c'en etait fait de lui!... Ses yeux se fermerent.

  " Mon maetre! mon maetre! a moi!... " s'ecria-t-il.

  Et cette voix desesperee, isolee, etouffee deja, se perdit dans la nuit.

  CHAPITRE XXXVI

  Un rassemblement a l'horizon.—Une troupe d'arabes.—La poursuite.—C'est lui!—Chute de cheval.—L'Arabe etrangle.—Une balle de Kennedy.—Maneuvre.—Enlevement au vol.—Joe sauve.

  Depuis que Kennedy avait repris son poste d'observation sur le devant de la nacelle, il ne cessait d'observer l'horizon avec une grande attention.

  Au bout de quelque temps, il se retourna vers le docteur et dit:

  " Si je ne me trompe, voici la-bas une troupe en mouvement, hommes ou animaux; il est encore impossible de les distinguer. En tout cas, ils s'agitent violemment, car ils soulevent un nuage de poussiere.

  —Ne serait-ce pas encore un vent contraire, dit Samuel, une trombe qui viendrait nous repousser au nord? "

  Il se leva pour examiner l'horizon.

  " Je ne crois pas, Samuel, repondit Kennedy; c'est un troupeau de gazelles ou de beufs sauvages.

 
; —Peut-etre, Dick; mais ce rassemblement est au moins a neuf ou dix milles de nous, et pour mon compte, meme avec la lunette, je n'y puis rien reconnaetre.

  —En tout cas, je ne le perdrai pas de vue; il y a la quelque chose d'extraordinaire qui m'intrigue; on dirait parfois comme une maneuvre de cavalerie. Eh! je ne me trompe pas! ce sont bien des cavaliers! regarde! "

  Le docteur observa avec attention le groupe indique.

  " Je crois que tu as raison, dit-il, c'est un detachement d'Arabes ou de Tibbous; ils s'enfuient dans la meme direction que nous; mais nous avons plus de vitesse et nous les gagnons facilement. Dans une demi-heure, nous serons a portee de voir et de juger ce qu'il faudra faire. "

  Kennedy avait repris sa lunette et lorgnait attentivement. La masse des cavaliers se faisait plus visible; quelques-uns d'entre eux s'isolaient.

  " C'est evidemment, reprit Kennedy, une maneuvre ou une chasse.

  —On dirait que ces gens-la poursuivent quelque chose. Je voudrais bien savoir ce qui en est.

  —Patience, Dick. Dans peu de temps nous les rattraperons et nous les depasserons meme, s'ils continuent de suivre cette route; nous marchons avec une rapidite de vingt milles a l'heure, et il n'y a pas de chevaux qui puissent soutenir un pareil train. "

  Kennedy reprit son observation, et, quelques minutes apres, il dit:

  " Ce sont des Arabes lances a toute vitesse. Je les distingue parfaitement. Ils sont une cinquantaine. Je vois leurs burnous qui se gonflent contre le vent. C'est un exercice de cavalerie; leur chef les precede a cent pas, et ils se precipitent sur ses traces.

  —Quels qu'ils soient, Dick, ils ne sont pas a redouter, et, si cela est necessaire, je m'eleverai.

  —Attends! attends encore, Samuel!

  —C'est singulier, ajouta Dick apres un nouvel examen, il y a quelque chose dont je ne me rends pas compte; a leurs efforts et a l'irregularite de leur ligne, ces Arabes ont plutot l'air de poursuivre que de suivre.

 

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