No longer to be an ear for hearing!
No longer to be the wheelbarrow for clearing
the scenery!
No longer to be a machine for stripping sensations
bare!
mais moi homme ! rien qu’homme !
Ah ! ne plus voir avec les yeux.
N’être plus une oreille à entendre !
N’être plus la brouette à évacuer le
décor !
N’être plus une machine à déménager
les sensations !
I want the sole, the pure treasure,
the one that endlessly generates all others.
Man!
But this debut makes me less than man!
What torpor! My head stupidly lolls.
My gnawed head is swallowed by my body.
my eye dives straight down into the thing
no longer observed but observing.
Je veux le seul, le pur trésor,
celui qui fait largesse des autres.
Homme !
Mais ce début me fait moins qu’homme !
Quelle torpeur ! ma tête stupidement
ballotte.
Ma tête rongée est déglutie par mon
corps.
Mon œil coule à pic dans la chose
non plus regardée mais regardante.
Man!
And behold the violet deafening
that my terrestrial memory officiates,
my yearning knocks at simple states
I dream of a beak drunk on hibiscus
Homme !
Et voici l’assourdissement violet
qu’officie ma mémoire terrestre,
mon désir frappe aux états simples
je rêve d’un bec étourdi d’hibiscus
and of virginal violet maxims
growing heavy with sun-swallowing lizards
the hour beats like a remorse
the snow of a caruncular
sun, its leg lifted, bursts
the world. . .
et de vierges sentences violettes
s’alourdissant aux lézards avaleurs
de soleil
l’heure bat comme un remords
la neige d’un soleil
aux caroncules crève la patte levée
le monde…
It’s all over. Achieved. As ruthless
death strikes. It does not reap.
It does not burst. It strikes silently
flush with the blood, flush with
the heart, like a resentment,
like a stroke.
Plop
Ça y est. Atteint. Comme frappe
la mort brutale. Elle ne fauche pas.
Elle n’éclate pas. Elle frappe silencieusement
au ras du sang, au ras
du cœur, comme un ressentiment,
comme un retour de sang.
Floc
Medullarily
Médullairement
That’s fine
I want a more brilliant sun and purer stars
I shake myself in a mobility of images
of neritic memories of suspended
possibles, of larva-tendencies,
of obscure becomings;
C’est bon.
Je veux un soleil plus brillant et de plus pures étoiles
Je m’ébroue en une mouvance d’images
de souvenirs néritiques de possibles
en suspension, de tendances-larves,
d’obscurs devenirs ;
habits create for the liquid slime
drifting seaweed—wickedly,
flowers shatter.
Plop
les habitudes font à la vase liquide
de traînantes algues – mauvaisement,
des fleurs éclatent.
Floc
One sinks, one sinks into
a music.
Radiolarians.
We drift through your sacrifice
On enfonce, on enfonce comme dans
une musique.
Radiolaires.
Nous dérivons à travers votre sacrifice
with a wavelike doddling, I leap
ancestral into the branches of my
vegetation.
I stray through fruitful
complications.
I swim to the vessels
I plunge to the locks.
d’un dodelinement de vague, je saute
ancestral aux branches de ma
végétation.
Je m’égare aux complications
fructueuses.
Je nage aux vaisseaux
Je plonge aux écluses.
Where, where, where hum the bedunged
hyenas of despair?
No. Here words always
torrentially cascade.
Où, où, où vrombissent les hyènes
fienteuses du désespoir ?
Non. Toujours ici torrentueuses
cascadent les paroles.
Silence
Silence beyond the blood-tinged
ramps
Silence
Silence par delà les rampes
sanguinolentes
through this grisaille and this
unheard-of calcination.
At last, this,
this wind of flattenings, happiness,
silence
par cette grisaille et cette
calcination inouïe.
Enfin, lui,
ce vent des méplats, bonheur,
le silence
my brain dies in an incandescence
with smoking aigrettes of fulvous gold
a tepid fold of circumvolution streaked
by a sneer of palm trees
melts
a downy titillation swims swims swims
twigs forest lake
aerial a doe
mon cerveau meurt dans une illumination
avec de fumantes aigrettes d’or fauve
un bourrelet tiédi de circonvolution par
un ricanement de palmes strié
fond
une titillation duvetée nage nage nage
brindilles forêt lac
aérienne une biche
Oh an emptiness of conflagration Tortures
Where, where, where
hum the bedunged hyenas of despair?
Oh un vide d’incendie Tortures
Où où où
vombrissent les hyènes fienteuses du désespoir ?
Overturned on my weariness,
through the gauze, tepid puffs
irradiate my fluid non-existence
a flavor dies on my lip
an arrow flies I know not.
Renversé sur ma lassitude,
à travers la gaze, des bouffées tièdes
irradient mon inexistence fluide
une saveur meurt à ma lèvre
une flèche file je ne sais pas.
Shudder. All one has lived sputters on and off.
Noises join hands and embrace
above me.
I wait. No longer wait.
Delirium.
Frisson. Tout le vécu pétarade avec des reprises.
Les bruits se donnent la main et s’embrassent
par-dessus moi.
J’attends. Je n’attends plus.
Délire.
Nothingness of day
Nothingness of night
a sweet enticement
to the very flesh of things
spatters.
Néant de jour
Néant de nuit
une attirance douce
à la chair même des choses
éclabousse.
Nocturnal day
diurnal night
exuded by
Plenitude
Jour nocturne
nuit diurne
qu’exsude
la Plénitude
Ah
The last of the last suns falls.
Where w
ill it set if not in Me?
Ah
Le dernier des derniers soleils tombe.
Où se couchera-t-il sinon en Moi ?
As everything was dying,
I grew, I grew larger—like the world—
and my consciousness broader than the sea!
Last sun.
I explode. I am fire, I am sea. The
world is dissolving. But I am the world
À mesure que se mourait toute chose,
Je me suis, je me suis élargi – comme le monde –
et ma conscience plus large que la mer !
Dernier soleil.
J’éclate. Je suis le feu, je suis la mer. Le
monde se défait. Mais je suis le monde
The end, the end as we said.
What nonsense. A peace proliferating
with obscure powers. Operculum gills,
palms syrinx quills. There grow
all over my body, invisible and instantaneous,
secretly required, senses,
La fin, la fin disions-nous.
Quelle sottise Une paix proliférante
d’obscures puissances. Branchies opacules,
palmes syrinx pennes. Il me pousse
invisibles et instants par tout le corps,
secrètement exigés, des sens,
and behold we are caught up in the sacred
whirling primordial streaming
at the renewal of everything.
et nous voici pris dans le sacré
tourbillonnant ruissellement primordial
au recommencement de tout.
Serenity carves expectation into prodigious
cacti.
All possibility ready at hand.
Nothing excluded.
La sérénité découpe l’attente en prodigieux
cactus.
Tout le possible sous la main.
Rien d’exclu.
and I grow, me, the seated
steatopygous Man
in my eyes reflections of swamps, of shame,
of acquiescence
—not a fold of air rippling in the
notches of his limbs—
on age-old thorns
et je pousse, moi, l’Homme
stéatopyge assis
en mes yeux des reflets de marais, de honte,
d’acquiescement
– pas un pli d’air ne bougeant aux
échancrures de ses membres –
sur les épines séculaires
I grow, like a plant
remorseless and unwarped
toward the unknotted hours of day
pure and confident as a plant
uncrucified
toward the unknotted hours of evening
Je pousse, comme une plante
sans remords et sans gauchissement
vers les heures dénouées du jour
pur et sûr comme une plante
sans crucifiement
vers les heures dénouées du soir
The end!
My feet follow the wormy meandering
plant
my woody limbs circulate strange saps
plant plant
La fin !
Mes pieds vont le vermineux cheminement
plante
mes membres ligneux conduisent d’étranges sèves
plante plante
and I speak
and my word is peace
and I speak and my word is earth
and I speak
and
Joy
et je dis
et ma parole est paix
et je dis et ma parole est terre
et je dis
et
la Joie
bursts forth in a new sun
and I speak:
through knowing grasses time glides
branches pecked at a green-flame peace
and the earth breathed beneath the gauze of mists
éclate dans le soleil nouveau
et je dis :
par de savantes herbes le temps glisse
les branches picoraient une paix de flammes vertes
et la terre respira sous la gaze des brumes
and the earth stretched. There was a cracking
in its knotted shoulders. There was in its veins
a crackling of fire.
Its sleep peeled off like a guava tree in August
et la terre s’étira. Il y eut un craquement
à ses épaules nouées. Il y eut dans ses veines
un pétillement de feu.
Son sommeil pelait comme un goyavier d’août
on virginal islands thirsty for light
and squatting in its hair
of living water
at the backs of its eyes the earth awaited
the stars.
sur de vierges îles assoiffées de lumière
et la terre accroupie dans ses cheveux
d’eau vive
au fond de ses yeux attendit les
étoiles.
“sleep, my cruelty,” thought I
ear pressed to the ground, I heard
Tomorrow pass.
« dors, ma cruauté », pensai-je
l’oreille collée au sol, j’entendis
passer Demain.
Have no Mercy for Me
N’ayez point pitié de moi
Keep smoking swamp
the rupestral images of the unknown
turn toward me the silent dusk
of their laughter
Fumez marais
les images rupestres de l’inconnu
vers moi détournent le silencieux crépuscule
de leur rire
Keep smoking oh swamp sea urchin heart
dead stars calmed by marvelous hands spurt
from the pulp of my eyes.
Fumez ô marais cœur d’oursin
les étoiles mortes apaisées par des mains merveilleuses jaillissent
de la pulpe de mes yeux.
Smoke smoke
the fragile obscurity of my voice crackles with blazing
cities
and the irresistible purity of my hand summons
from afar, from very far, from an inherited patrimony
the victorious zeal of the acid in the flesh
of life—swamp—
Fumez fumez
l’obscurité fragile de ma voix craque de cités
flamboyantes
et la pureté irrésistible de ma main appelle
de loin, de très loin, du patrimoine héréditaire
le zèle victorieux de l’acide dans la chair
de la vie – marais –
like a viper born from the blonde force of
resplendence.
telle une vipère née de la force blonde de
l’éblouissement.
Serpent Sun
Soleil serpent
Serpent sun eye bewitching my eye
and the sea verminous with islands cracking in the fingers of flamethrower
roses and my intact thunderstruck body
Soleil serpent œil fascinant mon œil
et la mer pouilleuse d’îles craquant aux doigts des roses
lance-flamme et mon corps intact de foudroyé
the water raises the carcasses of light lost in the pompless corridor
whirlwinds of ice floes halo the steaming hearts of crows
our hearts
l’eau exhausse les carcasses de lumière perdues dans le couloir sans pompe
des tourbillons de glaçons auréolent le cœur fumant des corbeaux
nos cœurs
it is the voice of tamed thunderbolts turning on their crevice hinges
a transmission of anolis to the landscape of broken glasses
it is the vampire flowers rising to the relief of orchids
c’est la voix des foudres apprivoisées tournant sur leurs gonds de lézarde
transmission d’anolis au paysage de
verres cassés
c’est les fleurs vampires montant à la relève des orchidées
elixir of the central fire
fire just fire night mango tree covered with bees
my desire a luck of tigers surprised in the sulphurs
élixir du feu central
feu juste feu manguier de nuit couvert d’abeilles
mon désir un hasard de tigres surpris aux soufres
but the stannous awakening gilds itself with childish deposits
and my pebble body eating fish eating
doves and slumbers
the sugar of the word Brazil at the bottom of the marsh.
mon désir un hasard de tigres surpris aux soufres
mais l’éveil stanneux se dore des gisements enfantins
et mon corps de galet mangeant poison mangeant
colombes et sommeils
le sucre du mot Brésil au fond du marécage.
Phrase
Phrase
And why not the hedge of geysers the obelisks of hours the smooth cry of clouds the quartered sea pale green bedunged by good-for-nothing birds and hope playing marbles on the beams and for-the-time-beings of houses and the sea bream rips of banana tree suckers
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 11