The Complete Poetry of Aimé Césaire

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The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 24

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  with your red hair with your red feet

  light the reddened bank fire with your reddened sex

  bombaya*

  bombaya

  (He faints).

  mettez mettez le feu

  mettez le feu de vos membres rouges

  de vos cheveux rouges de vos pieds rouges

  mettez le feu à la berge rouge de vos sexes rouges

  bombaïa

  bombaïa

  (Il tombe évanoui).

  SEMI-CHORUS

  his back is up against the days

  LE DEMI-CHŒUR

  son dos appuie contre les jours

  SEMI-CHORUS

  his back is up against the nights

  LE DEMI-CHŒUR

  son dos appuie contre les nuits

  SEMI-CHORUS

  I recall the evenings, dusk was a blue-green hummingbird taking pleasure in the red hibiscus.

  LE DEMI-CHŒUR

  Je me souviens des soirs, le crépuscule était un colibri bleu-vert jouissant dans l’hibiscus rouge.

  SEMI-CHORUS

  Dusk hesitated shivering and frail among the scrap-iron-mending locusts.

  LE DEMI-CHŒUR

  Le crépuscule hésitait frissonnant et fragile parmi les criquets rapiéceurs de ferraille.

  NARRATRESS

  May he sleep.

  LA RÉCITANTE

  Qu’il dorme.

  NARRATOR

  Let him sleep.

  LE RÉCITANT

  Laissez-le dormir.

  CHORUS

  Mornes*, tunics with river-girded loins.

  LE CHŒUR

  Mornes, tuniques aux reins ceints de rivières.

  NARRATRESS

  May he sleep.

  LA RÉCITANTE

  Qu’il dorme.

  NARRATOR

  Let him sleep.

  LE RÉCITANT

  Laissez-le dormir.

  CHORUS

  April mango tree, drawn swords, islands.

  LE CHŒUR

  Manguier d’avril, armes claires, îles.

  NARRATOR

  let him ripen in the beautiful pod of sleep.

  LE RÉCITANT

  laissez-le mûrir dans la belle gousse du sommeil.

  NARRATRESS

  Let him sleep,

  in his sleep there are islands, islands like the sun, islands like a long bread loaf on the water, islands like a woman’s breast, islands like a well-made bed, islands as warm as a hand, islands with a champagne and woman lining. . . Ah, let him sleep . . . sleep. . .

  LA RÉCITANTE

  Laissez-le dormir,

  dans son sommeil il y a des îles, des îles comme le soleil, des îles comme un pain long sur l’eau, des îles comme un sein de femme, des îles comme un lit bien fait, des îles tièdes comme la main, des îles à doublure de champagne et de femme… Ah, laissez-le dormir… dormir…

  THE REBEL (trying to rise then falling back).

  And let me, let me cry out to my heart’s content the good drunken cry of revolt, I want to be alone in my skin,

  I recognize nobody’s right to inhabit me,

  do I not have the right to be alone between the wall of my bones?

  LE REBELLE (tâchant de se relever puis tombant).

  Et laissez-moi, laissez-moi crier à ma suffisance le bon cri saoul de la révolte, je veux être seul dans ma peau,

  je ne reconnais à personne le droit de m’habiter,

  est-ce que je n’ai pas le droit d’être seul entre la paroi de mes os ?

  and I protest and I want no guest, it’s terrible,

  I cannot take a step without being seized

  From the ravine, from the mountain, from the bayahonde*, chewing cane stalks, sucking on ciruelas*. . .

  et je proteste et je ne veux pas d’hôte, c’est terrible,

  je ne peux faire un pas sans que je sois agrippé

  Du ravin, de la montagne, du bayahonde, mâchant de la canne, suçant des cirouelles…

  The statue we are trying to erect, comrades, the most beautiful of statues. It is for absolute hearts bearing it its arms our greatest despair from so much trembling, in air heavy and emptied of birds, the most beautiful of statues, the only one on which the nettle does not sprout: solitude

  La statue que nous sommes en train d’ériger, camarades, la plus belle des statues. C’est pour les cœurs absolus avec sur les bras notre très grand désespoir à force de frémir, dans l’air lourd et dégagé d’oiseaux, la plus belle des statues, la seule où ne pousse pas l’ortie : la solitude

  SECOND MADWOMAN

  Quiet, dog; die then. enough, enough.

  DEUXIÈME FOLLE

  Tou-coi, chien ; meurs donc. assez, assez.

  NARRATRESS

  May he sleep. Let the sandy porpoises advance among the high shards of the storm toward the young and cavalier foam. . .

  LA RÉCITANTE

  Qu’il dorme. Laissez les marsouins sablonneux s’avancer entre les hauts tessons de l’orage vers la mousse jeune et cavalière…

  NARRATOR

  A horse . . . empty stirrups strike its flanks.

  LE RÉCITANT

  Un cheval… contre ses flancs battent les étriers vides.

  NARRATRESS

  However much I open my eyes, my path shows no tracks, my eye no rut, the brotherhood is so great: a dusk of arum lilies full of hungers of pollen and of avian delirium.

  LA RÉCITANTE

  J’ai beau ouvrir les yeux, mon chemin est sans empreinte, mon œil sans ornière, la fraternité est si grande : un crépuscule d’arum plein de faims de pollen et de délires d’oiseaux.

  NARRATOR (confidentially)

  did I dream it? it was a clamored city paved with dolphin games and raffia apples whose sensitive breasts registered the least failings of love. . .

  LE RÉCITANT (confidentiel)

  l’ai-je rêvée ? c’était une ville clamée dont le pavé était des ébats de dauphins et des pommes de raphia dont la poitrine sensible marquait les moindres fléchissements de l’amour…

  NARRATRESS

  Oh, I never dream . . . and the air is lighter. And rumors will come to me deafened by several centuries. And I shall gather them in my breast of silence until the day when shall thrash at my feet this beautiful breathless fish in its luxuriant agony of a beast more golden and smooth than all other beasts . . . vengeance. . .

  LA RÉCITANTE

  Oh, je ne rêve jamais… et l’air s’est allégé. Et les bruits m’arriveront assourdis de plusieurs siècles. Et je les recueillerai sur ma poitrine de silence jusqu’à ce que vienne se débattre à mes pieds ce beau poisson essoufflé dans son agonie luxuriante de bête plus dorée et plus lisse que toutes les autres bêtes… la vengeance…

  CHORUS

  I am the sacred tambourine* player, the one who in the tentative light and musty odors with an assured gesture strikes his ligneous palm and the mallet, he is the king of dawns and gods, he is the red fisherman of things deep and black.

  LE CHŒUR

  je suis le tambourinaire sacré, il est celui qui dans l’éclairage tâtonnant et les relents lance d’un geste sûr sa paume ligneuse et le maillet, il est le roi des aubes et des dieux, il est le pêcheur roux des choses profondes et noires.

  SEMI-CHORUS (distractedly)

  . . .a sunspot ripened golden and rosy on the skin of the water.

  LE DEMI-CHŒUR (absent)

  … une tache de soleil mûrissait d’or et rose sur la peau de l’eau.

  SEMI-CHORUS (distractedly)

  Ho, ho, there was a salmon-colored bougainvillea and the long clear grey of a liana swollen with blue venom in the constrictor embrace of a palm tree.

  LE DEMI-CHŒUR (absent)

  Ho, ho, il y avait un bougainvillier saumon et le long gris clair d’un palmier l’embrassement constrictor d’une liane gorgée de venin bleu.

  CHORUS

  A just dawn was minting a smile

  A just dawn was minting hope


  A just dawn was minting simple words clearer than the moldboard of a plow

  LE CHŒUR

  Une aube juste battait sourire

  Une aube juste battait espoir

  Une aube juste battait de simples paroles plus claires que des socs de charrue…

  and it is always for us the season of rains

  and of venomous beasts

  and of women who collapse pregnant from hoping. . .

  et c’est toujours pour nous la saison des pluies

  et des bêtes venimeuses

  et des femmes qui s’écroulent enceintes d’avoir espéré…

  CHORUS

  Have you risen?

  LE CHŒUR

  T’es-tu levé ?

  THE REBEL

  I have risen.

  LE REBELLE

  Je me suis levé.

  CHORUS

  Have you risen according to custom?

  LE CHŒUR

  T’es-tu levé comme il convient ?

  THE REBEL

  According to custom

  LE REBELLE

  Comme il convient

  CHORUS

  And it is true; a thousand times true hail dead leaf

  LE CHŒUR

  Et c’est vrai ; c’est mille fois vrai salut feuille morte

  THE REBEL

  Shadows of the dungeon I hail you

  LE REBELLE

  Ténèbres du cachot je vous salue.

  A JAILOR (to the audience)

  Look at him, a perfect cartoon, the crestfallen expression, the mushy face, the timid hands, hypocritical and cunning leader of a people of savages, pathetic guide of a race of demons, cunning calculator lost among the frenzied

  UN GEÔLIER (au public)

  Regardez-le, caricatural à souhait, la mine déconfite, la face blette, les mains frileuses, chef hypocrite et sournois d’un peuple de sauvages, triste conducteur d’une race de démons, calculateur sournois égaré parmi des frénétiques

  THE REBEL

  Bound like an ensign at the high end of the country, I do not sob, I appeal.

  LE REBELLE

  Attaché comme une enseigne au haut bout du pays, je ne sanglote pas, j’appelle.

  JAILOR

  We have mined the echo, your words shall burn like turds.

  LE GEÔLIER

  Nous avons miné l’écho, tes paroles brûleront comme des excréments.

  THE REBEL

  I acclimated a tree of sulphur and lava for a vanquished people

  The race of earth the race ground into the earth is known for its feet

  Congo and Mississipi2 flow with gold

  LE REBELLE

  J’ai acclimaté un arbre de soufre et de laves chez un peuple de vaincus

  La race de terre la race par terre est connue des pieds

  Congo et Mississipi coulez de l’or

  flow with blood

  the race of earth, the race of ashes is walking

  feet on the road explode from saltpeter chiggers

  coulez du sang

  la race de terre, la race de cendre marche

  les pieds de la route explosent de chiques de salpêtre

  JAILER

  Prisoner you shall expiate for hunger, for solitude, for despair

  LE GEÔLIER

  Tu expieras prisonnier de la faim, de la solitude, du désespoir

  THE REBEL

  No. The landscape poisons me with the aconites of its alphabet. Blind, I divine my eyes and the cloud at the head of the old black man I saw broken on the wheel in a public square, the lowering sky is an oven, the wind rolls burdens and sobs of sweaty skin, the wind is contaminated by whips and barrels and hanged men populate the sky with aceras* and there are bulldogs with bloody coats and ears . . . ears . . . boats made of severed ears gliding on the setting sun.

  Go away man, I am alone and the sea is a shackle on my galley slave foot.

  LE REBELLE

  Non. Le paysage m’empoisonne des aconits de son alphabet. Aveugle, je devine mes yeux et le nuage a la tête du vieux nègre que j’ai vu rouer vif sur une place, le ciel bas est un étouffoir, le vent roule des fardeaux et des sanglots de peau suante, le vent se contamine de fouets et de futailles et les pendus peuplent le ciel d’acéras et il y a des dogues le poil sanglant et des oreilles… des oreilles… des barques faites d’oreilles coupées qui glissent sur le couchant.

  Va-t’en homme, je suis seul et la mer est une manille à mon pied de forçat.

  CHORUS

  Pity, I ask for pity

  LE CHŒUR

  Pitié, je demande pitié

  THE REBEL

  Who said pity?

  who is trying with this incongruous word to wipe the black-and-fire board? who asks for pardon?

  Do I ask my blind eyes for pardon?

  do I not endure my irreparable visions?

  and I have no need of a harpoon. And I have no need of a poleaxe.

  No pardon.

  with my heart I brought up to the surface the ancient flint, the old amadou deposited by Africa in the depths of my being.

  LE REBELLE

  Qui a dit pitié ?

  qui essaie par ce mot incongru d’effacer le tableau noir et feu ? qui demande grâce ?

  Est-ce que je demande grâce à mes yeux aveuglés ?

  est-ce que je ne subis pas mes visions irréparables ?

  et je n’ai pas besoin de harpon. Et je n’ai pas besoin de merlin.

  Pas de pardon.

  j’ai remonté avec mon cœur l’antique silex, le vieil amadou déposé par l’Afrique au fond de moi-même.

  I hate you. I hate you all.

  And my hatred shall not die.

  As long as the obese sun shall mount the old nag of the Earth.

  And now the living past exfoliates itself

  the past shreds like a banana leaf.

  the cataclysm with its scalped head, its brain of cogwheels of larvae and of watches

  je te hais. Je vous hais.

  Et ma haine ne mourra pas.

  Aussi longtemps que le soleil obèse chevauchera la vieille rosse de la Terre.

  Et maintenant le passé se feuille vivant

  le passé se haillonne comme une feuille de bananier.

  le cataclysme à la tête de scalp, à la cervelle de rouages de larves et de montres

  according to the luck of fables,

  according to the luck of expiatory victims

  awaits

  its eyes capsized by magnetic palavers.

  Freedom, freedom,

  I shall dare to bear alone the light of this wounded head.

  (The messenger enters).

  au hasard des fables,

  au hasard des victimes expiatrices

  attend

  les yeux chavirés de palabres magnétiques.

  Liberté, liberté,

  j’oserai soutenir seul la lumière de cette tête blessée.

  (Entre le messager).

  CHORUS

  Ah, here is the worthy messenger of that greedy race.

  their pallid complexion has been woven from gold and silver.

  their bestial noses have been hooked by waiting for their prey

  their cold eyes harbor a steely gleam

  Ah, it is a velvetless race.

  Ah, voici le digne messager de cette race cupide.

  l’or et l’argent ont tissé leur teint pâle.

  l’attente de la proie a busqué leur nez fauve

  l’éclat de l’acier niche en leurs yeux froids

  Ah, c’est une race sans velours.

  MESSENGER

  Hail.

  LE MESSAGER

  Salut.

  THE REBEL

  O my limbs of botched walls

  you will not extinguish with fatigue and cold

  my smoking scream my intact scream of a trapped animal.

  LE REBELLE

  Ô mes membres de mur bousillé

  vous n’éteindrez pas de fatigue et de froid

>   mon cri fumant mon cri intact d’animal pris au piège.

  MESSENGER

  I said hail.

  LE MESSAGER

  J’ai dit salut.

  THE REBEL

  who calls me? I listen I listen not.

  in my head there is a river of mud of bleaks of disturbed green things, of dead birds, of yellow bellies,

  of crisscrossed meowings spurted right out of the gag

  LE REBELLE

  qui m’appelle ? j’écoute je n’écoute pas.

  il y a dans ma tête une rivière de boue d’ablettes de choses troubles et vertes, d’oiseaux morts, de ventres jaunes,

  des miaulements entre-croisés giclés très près du bâillon

  my convulsed years painted in fire

  turntables of swamps of craters of raped girls

  in my ears there is

  the firing squad in the caponiers of morning.

  mes années convulsées peintes en feu

  des plaques tournantes de marécages de cratères de fillettes violées

  il y a dans mes oreilles

  le peloton d’exécution dans les caponnières du matin.

  NARRATOR

  a warlike trumpet has rung through the air: it spat out dust and smoke.

  LE RÉCITANT

  une trompette guerrière a passé dans les airs : elle crachait de la poussière et de la fumée.

  NARRATOR

  monkeys were cavorting around the human-faced* lion.

  LE RÉCITANT

  des singes gambadaient autour du lion à face d’homme.

  THE REBEL

  I fear nothing my friends

  today is a day of complicity.

  LE REBELLE

  je ne crains rien mes amis

  aujourd’hui est un jour de connivence.

 

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