The Complete Poetry of Aimé Césaire

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The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 32

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  For rainy days I have my curious eared seal hands that I shall not describe for that would be a sacrilege

  On feast days I have these sumptuous hands that the old emperor donned in Cuzco to greet the sun I have my hands that are mirrors for setting fire to my hands to serve as a scarecrow for the birds of the solstice

  Pour les jours de pluie j’ai mes curieuses mains d’otaries que je ne décrirai pas car ce serait un sacrilège

  Les jours de fête j’ai ces mains somptueuses que l’empereur ancien revêtait à Cuzco pour accueillir le soleil j’ai mes mains qui sont des miroirs à mettre le feu à mes mains à servir d’épouvantail aux oiseaux du solstice

  Dwelling I

  Demeure I

  Screw you jailer

  fever with its razzia dagger in its teeth fever with its torrential word in its teeth

  fever thoroughbred horse sweet falcon

  with its palanquin preceding me

  Dwelling made of defeats

  dwelling made of living keels

  Je t’emmerde geôlier

  la fièvre avec aux dents le poignard des razzias la fièvre avec aux dents la parole des torrents

  la fièvre cheval de race doux faucon

  de son palanquin me précède

  Demeure faite de défaites

  demeure faite de carènes vives

  dwelling made of passionflower

  dwelling made and remade a hundred times

  dwelling made of sharks’ teeth

  ah hallowed dwelling made of flashing hell and damnation

  of somber saps dozing in my massive ceibas

  the screaming curse upon me no longer exists

  demeure faite de passiflore

  demeure cent fois faite et défaite

  demeure faite de dents de requins

  ah sacrée demeure faite de tonnerres de dieu et de l’éclair

  des sombres sucs qui sommeillent dans mes grands ceibas

  le cri qui maudit n’existe plus sur moi

  the chain evil that checks our ankles

  the carcan evil that presses heavily on our shoulders

  all that has been dissipated stripped away like this kernel

  dissipated like the bay catching the light of fine weather in the noise bowl of the sea

  stripped bare like you Volcano who at the peak of your crime hurl yourself into suicide to rejoin in the sea’s depths your accomplices the pensive porpoises yet to be born and who wait

  le mal de chaîne qui arrête les chevilles

  le mal de carcan qui pèse sur nos épaules

  tout cela est dissipé dépouillé comme cet épi

  dissipé comme l’anse accroche la lumière du beau temps au bol de bruit de la mer

  dépouillé comme toi Volcan qui du sommet de ton crime te précipites dans le suicide pour rejoindre au fond de la mer tes complices à naître méditatifs marsouins et qui attendent

  The Sun’s Knife-Stab in the Back of the Surprised Cities

  Le coup de couteau du soleil dans le dos des villes surprises

  And I saw a first animal

  it had a crocodile body equine feet a dog’s head but when I looked more closely in place of buboes were scars left at different times by storms on a body long subjected to obscure ordeals

  Et je vis un premier animal

  il avait un corps de crocodile des pattes d’équidé une tête de chien mais lorsque je regardai de plus près à la place des bubons c’étaient des cicatrices laissées en des temps différents par les orages sur un corps longtemps soumis à d’obscures épreuves

  its head I told you was that of the hairless dogs one sees prowling around the volcanoes in cities that men have not dared to rebuild and that the souls of the departed haunt for all eternity

  sa tête je l’ai dit était des chiens pelés que l’on voit rôder autour des volcans dans les villes que les hommes n’ont pas osé rebâtir et que hantent éternellement les âmes des trépassés

  and I saw a second animal

  it was lying beneath a dragon tree from both sides of its musk-deer muzzle two pulp-enflamed rostra stood out like mustaches

  et je vis un second animal

  il était couché sous un bois de dragonnier des deux côtés de son museau de chevrotain comme des moustaches se détachaient deux rostres enflammés aux pulpes

  I saw a third animal that was an earthworm but a strange will animated the beast with a long narrowness and it stretched out on the ground ceaselessly losing and growing new rings that one would never have thought it strong enough to bear and that pushed life back and forth among them very fast like an obscene password

  Je vis un troisième animal qui était un ver de terre mais un vouloir étrange animait la bête d’une longue étroitesse et il s’étirait sur le sol perdant et repoussant sans cesse des anneaux qu’on ne lui aurait jamais cru la force de porter et qui se poussaient entre eux la vie très vite comme un mot de passe très obscène

  Then my word unfolded in a glade of pithy, velvet eyelids over which the fastest falling stars suckled their she-asses

  the medley of colors exploded surrendered by the veins of a nocturnal giantess

  Alors ma parole se déploya dans une clairière de paupières sommaires, velours sur lequel les étoiles les plus filantes allaitent leurs ânesses

  le bariolage sauta livré par les veines d’une géante nocturne

  oh the house built upon rock the woman a cold fish in bed the catastrophe lost like a needle in a bundle of hay

  a rain of onyx and of broken seals fell upon a hillock whose name has never been uttered by any priest of any religion and whose effect can only be compared to a star’s whiplashes on a planet’s rump

  ô la maison bâtie sur roc la femme glaçon du lit la catastrophe perdue comme une aiguille dans une botte de foin

  une pluie d’onyx tomba et de sceaux brisés sur un monticule dont aucun prêtre d’aucune religion n’a jamais cité le nom et dont l’effet ne peut se comparer qu’aux coups de fouet d’une étoile sur la croupe d’une planète

  on the left deserting the stars to arrange the vever* of their numbers the clouds to anchor in no sea their reefs the black heart nestled in the heart of the storm

  we built on tomorrow having pocketed the sun's very violent knife-stab in the back of the surprised cities

  sur la gauche délaissant les étoiles disposer le vever de leurs nombres les nuages ancrer dans nulle mer leurs récifs le cœur noir blotti dans le cœur de l’orage

  nous fondîmes sur demain avec dans nos poches le coup de couteau très violent du soleil dans le dos des villes surprises

  When In The Heat of the Day Naked Monks Descend the Himalayas

  À l’heure où dans la chaleur les moines nus descendent de l’Himalaya

  Very powerful pendant the mosquitoes equipped with maremma grapeshot-loaded volutes smooth talker of brutality with wild boar wallow darky feet

  Very powerful pendant the great rivers that verminously disconnect their really filthy thighs blue lips spurting a raw vaginal laugh

  Très fort pendant les moustiques montés des volutes chargées à mitraille des maremmes joli cœur de la brutalité à la patte moricaude des bouges de sangliers

  Très fort pendant les grands fleuves qui à la vermine débranchent leurs cuisses très immondes lèvres bleues giclant un rire cru de vagin

  Very powerful pendant the soft face of pollen getting ground up in the wind’s conspiracy and the smoking chimneys under the tunnel of the shoulders of carbuncular wild beasts with eyes tenderer than their grassy surroundings

  Très fort pendant la face molle des pollens s’écrasant dans la conspiration du vent et les cheminées qui fument sous le tunnel des épaules des fauves en escarboucles d’yeux plus tendres que leur alentour de graminées

  Very powerful monster against monster

  yours whose body is a statue of red wood sap

  whose spittle is fofa urine

  mine whose sweat is a gush of caiman bile
/>   let me dislodge them finally like a night rainy with howler monkey cries from my chest as tender as fly agaric

  Très fort monstre contre monstre

  le tien dont le corps est une statue de suc de bois rouge

  dont le crachat est un pissat de fofa

  le mien dont la sueur est un jet de bile de caïman

  que je les sorte enfin comme une nuit pluvieuse de cris d’alouates de ma poitrine si tendre de fausse oronge

  Indecent Behavior

  Attentat aux mœurs

  Hard night starless flag staff. I am on very bad terms with space. So what. Dirty rag night crazed tree I am on very bad terms with Time. So what? Farther than the mirror farther than all life revised in the accident where it surges very rapidly farther than forgotten cities farther than rites with forgotten meanings farther even than the ostrich that carries the letters I pretend not to write farther than my little horse that I jealously hide because it fled each and every race farther than the gold pieces that the sun’s brain scatters in the hovel’s thought farther than the tall white gloves that summits put on to greet the wind

  Nuit dure nuit gaule sans étoile. Je suis très mal avec l’espace. Qu’importe. Nuit sale haillon arbre fou je suis très mal avec le Temps. Qu’importe ? Plus loin que le miroir plus loin que toute la vie revue dans l’accident où elle afflue très vite plus loin que les cités oubliées plus loin que les rites au sens désappris plus loin même que l’autruche qui emporte les lettres que je feins de ne pas écrire plus loin que mon petit cheval que je cache jalousement parce qu’il s’est enfui de toutes les races plus loin que les pièces d’or que répand la cervelle du soleil dans la pensée du taudis plus loin que les hauts gants blancs que les sommets revêtent pour accueillir le vent

  your gaze plunge it, Monster, into the cogency of an abyss fed by a breeding ground for monsters

  I am on very bad terms with space very bad terms with time. So what. Across the journey frequented by a lofty fumigation of whiplashes on a pavement made of little shipwrecks thwarting towns where allerions vegetate enshrined like saints in the noble postures of paludism

  ton regard plonge-le, Monstre, dans le bien-fondé d’un abîme alimenté à un vivier de monstres

  Je suis très mal avec l’espace très mal avec le temps. Qu’importe. À travers le voyage que fréquente une haute fumigation de coups de fouet sur un pavé fait de petits naufrages à la traverse des bourgs où les alérions végètent enchâssés comme des saints dans les belles postures du paludisme

  stumbling—at his belt a clinking of keys that by way of doors open only that of the python corridor the same after all that opens to the bad weather inevitably in from the Atlantic—a beggar tolls in the street which as if indifferently encircles with rock salt the massive energy of darkness

  while compact masses of pirate icebergs tack toward Ostende

  trébuchant – à la ceinture un cliquetis de clés qui de portes n’ouvrent que celle du couloir aux pythons la même au demeurant qui donne sur le mauvais temps qui de l’Atlantique toujours vient – un mendiant sonne dans la rue qui comme avec indifférence encercle de sel gemme l’énergie massive des ténèbres

  cependant que les masses compactes des icebergs pirates tendent vers Ostende

  Son of Thunder

  Fils de la foudre

  And without her deigning to seduce the jailers

  at her bosom a bouquet of hummingbirds has exfoliated

  at her ears buds of atolls have sprouted

  Et sans qu’elle ait daigné séduire les geôliers

  à son corsage s’est délité un bouquet d’oiseaux-mouches

  à ses oreilles ont germé des bourgeons d’attolls

  she speaks a language to me so sweet that at first I do not understand but eventually I surmise she is assuring me that spring has come counter-current

  that all thirst is quenched that autumn is kindly disposed to us

  that the stars in the street have blossomed at high noon and dangle their fruits very low

  elle me parle une langue si douce que tout d’abord je ne comprends pas mais à la longue je devine qu’elle m’affirme que le printemps est arrivé à contre-courant

  que toute soif est étanchée que l’automne nous est concilié

  que les étoiles dans la rue ont fleuri en plein midi et très bas suspendent leurs fruits

  Permit

  Laissez passer

  Easy prolongation of deglutition by the obscene trismegistic mouth of a brown-bellied marsh

  sticky sundews of a happy muck listening in their lips what fraternal news their days are de rigueur in this world knotted by too much smoky breath masking the peppery verve of the storm

  Facile prolongement de la déglutition par la trismégiste bouche obscène d’un marais au ventre brun

  gluants droseras d’une gadoue heureuse écoutant dans leurs lèvres quelle nouvelle fraternelle leurs jours sont de rigueur sur ce monde noué de trop de fumées d’haleines masquant la verve de poivre de l’orage

  Lean lean on the abyss on vertigo

  lean lean on nothingness

  lean lean on the conflagration

  but even in midair I rediscover a thousand sharpened knives

  a thousand keys to lassos a thousand priestly crows

  Penche penche sur l’abîme sur le vertige

  penche penche sur le néant

  penche penche sur l’incendie

  mais même en plein ciel je retrouve mille couteaux effilés

  mille clés de lassos mille curés de corbeaux

  howl strike the rock and the earth I people it with fish

  let flags loom over the factories

  and sound your cohort sound your renewal in flames

  sound your silver dais

  sound your array and disarray

  hurle frappe le rocher et la terre je la peuple de poissons

  que surgissent sur les usines des drapeaux

  et sonne ta cohorte sonne ton renouveau de flammes

  sonne ton dais d’argent

  sonne l’arroi et le désarroi

  sound your lightning-rod spoons

  sound your onyx clogs

  sound your arachnoid horizon

  sound your cassolettes

  sound your little glasses twisted by disaster

  sonne tes cuillers de paratonnerre

  sonne tes sabots d’onyx

  sonne ton horizon d’araignée

  sonne tes cassolettes

  sonne tes petits verres tordus par le désastre

  sound your groanings

  sound your grenade shrapnel

  I bear along the meridians the deaf procession of opulent pilgrims made up of rabies-bitten forests

  perturbation

  sonne tes gémissements

  sonne tes éclats de grenade

  Je supporte le long des méridiens la marche sourde des opulents pèlerins que font les forêts mordues par la rage

  ébranlement

  Greenland

  hyenas disdainfully sniff me I am not in the desert! the air pauses I hear the grating of the poles on their axles the air drones I attend powerlessly the wilding of my mind the air brings me the Zambezi

  Bamboo stalks seem to be the multiple bones of an immense fish skeleton planted in some geological age in the guise of a totem by an extinct small tribe.

  Groenland

  hyènes dédaigneuses qui me flairez je ne suis pas au désert ! l’air s’arrête j’entends le grincement des pôles autour de leurs essieux l’air bruit j’assiste impuissant à l’ensauvagement de mon esprit l’air m’apporte le Zambèze

  Les bambous semblent aux multiples arêtes le squelette d’un immense poisson des âges géologiques planté en guise de totem par une peuplade disparue.

  Solid

  Solide

  holy shit they have secured the universe and everything weighs—everything—the plumb line of gravity having been installed at the facile bottom of solidity—the uranium deposits the ga
rden statues the perverse loves the street that merely pretends to be fluid the stream don’t mention it whose pace more sluggish than my feet there is nothing up to and including the sun that has not stopped its clouds forever fixed. Fixed is moreover the command that ceaselessly resounds from one end to the other along the entire front of this strange army of despair. The world is fixed. Stone is fixed. The immense false movement is fixed and tell me about the ways of your little mad girl circumscribed by the world that circumscribes a river where each couple is summoned to bathe twice and from where moreover the true cows of the debacle with its ranch of hooks and roots shall never rush forth.

  cré nom de Dieu ils ont assuré l’univers et tout pèse – tout – le fil à plomb de la gravité s’étant installé au fond facile de la solitude – les gisements d’uranium les statues des jardins les amours perverses la rue qui seulement feint d’être fluide la rivière n’en parlons pas dont les trains plus pesants que mes pieds il n’est pas jusqu’au soleil qui n’ait arrêté ses nuages à jamais fixes. Fixe c’est d’ailleurs le commandement qui sans cesse retentit d’un bout à l’autre sur tout le front de cette étrange armée du désespoir. Le monde se fixe. La pierre est fixe. L’immense faux mouvement est fixe et parle-moi de tes allures de petite folle que circonscrit le monde qui circonscrit un fleuve où chaque couple est sommé de se baigner deux fois et d’où d’ailleurs ne surgiront jamais les vraies vaches de la débâcle avec son ranch de crochets et de racines.

  I am a stone covered by ruins. I am an island falcon-hooded by guano. I am a pyramid planted by a dynasty vanished from all memory a herd of elephants a mosquito bite a small city aggrandized by crime unless it be the war in the Pacific or the Atlantic Charter. There are those who claim they can reconstruct a man from his smile. That’s why I am careful not to let my dental impression be molded in the putty of the air.

 

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