Collected Poetical Works of Charles Baudelaire

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Collected Poetical Works of Charles Baudelaire Page 23

by Charles Baudelaire


  Ah ! Seigneur ! donnez-moi la force et le courage

  De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !

  Cependant, nous devons l’avouer, ces inconséquences, presque fatales, sont assez rares dans le livre de M. Baudelaire. L’artiste, vigilant et d’une persévérance inouïe dans la fixe contemplation de son idée, n’a pas été trop vaincu.

  III

  Cette idée, nous l’avons dit déjà par tout ce qui précède c’est le pessimisme le plus achevé. La littérature satanique, qui date d’assez loin déjà, mais qui avait un côté romanesque et faux, n’a produit que des contes pour faire frémir ou des bégayements d’enfançon, en comparaison de ces réalités effrayantes et de ces poésies nettement articulées où l’érudition du mal en toutes choses se mêle à la science des mots et du rhythme. Car pour M. Charles Baudelaire, appeler un art sa savante manière d’écrire en vers ne dirait point assez. C’est presque un artifice. Esprit d’une laborieuse recherche, l’auteur des Fleurs du mal est un retors en littérature, et son talent, qui est incontestable, travaillé, ouvragé, compliqué avec une patience de Chinois, est lui-même une fleur du mal venue dans les serres chaudes d’une Décadence. Par la langue et le faire, M. Baudelaire, qui salue, à la tête de son recueil, M. Théophile Gautier pour son maître, est de cette école qui croit que tout est perdu, et même l’honneur, à la première rime faible, dans la poésie la plus élancée et la plus vigoureuse. C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guère qu’une perfection, — la perfection matérielle, et — qui savent parfois la réaliser ; mais par l’inspiration il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. Sensualiste, mais le plus profond des sensualistes, et enragé de n’être que cela, l’auteur des Fleurs du mal va dans la sensation jusqu’à l’extrême limite, jusqu’à cette mystérieuse porte de l’Infini à laquelle il se heurte, mais qu’il ne sait pas ouvrir, et de rage il se replie sur la langue et passe ses fureurs sur elle. Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures ; figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux, et ceux-là les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme, et vous avez la poésie de M. Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir. Cela est, dans sa férocité intime, d’un ton inconnu en littérature. Si à quelques places, comme dans la pièce la Géante ou dans Don Juan aux enfers, — un groupe en marbre blanc et noir, — une poésie de pierre, di sasso, comme le commandeur, — M. Baudelaire rappelle la forme de M. Victor Hugo, mais condensée et surtout purifiée ; si à quelques autres, comme la Charogne, la seule poésie spiritualiste du recueil, dans laquelle le poëte se venge de la pourriture abhorrée par l’immortalité d’un cher souvenir :

  Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine

  Qui vous mangera de baisers,

  Que j’ai gardé la forme et l’essence divine

  De mes amours décomposés !

  on se souvient de M. Auguste Barbier, partout ailleurs l’auteur des Fleurs du mal est lui-même et tranche fièrement sur tous les talents de ce temps. Un critique le disait l’autre jour (M. Ed. Thierry, du Moniteur), dans une appréciation supérieure : pour trouver quelque parenté à cette poésie implacable, à ce vers brutal, condensé et sonore, ce vers d’airain qui sue du sang, il faut remonter jusqu’au Dante, Magnus Parens ! C’est l’honneur de M. Charles Baudelaire d’avoir pu évoquer, dans un esprit délicat et juste, un si grand souvenir !

  Il y a du Dante, en effet, dans l’auteur des Fleurs du mal, mais c’est du Dante d’une époque déchue, c’est du Dante athée et moderne, du Dante venu après Voltaire, dans un temps qui n’aura point de saint Thomas. Le poëte de ces fleurs, qui ulcèrent le sein sur lequel elles reposent, n’a pas la grande mine de son majestueux devancier, et ce n’est pas sa faute. Il appartient à une époque troublée, sceptique, railleuse, nerveuse, qui se tortille dans les ridicules espérances des transformations et des métempsycoses ; il n’a pas la foi du grand poëte catholique qui lui donnait le calme auguste de la sécurité dans toutes les douleurs de la vie. Le caractère de la poésie des Fleurs du mal, à l’exception de quelques rares morceaux que le désespoir a fini par glacer, c’est le trouble, c’est la furie, c’est le regard convulsé, et non pas le regard sombrement clair et limpide du Visionnaire de Florence. La muse du Dante a rêveusement vu l’enfer, celle des Fleurs du mal le respire d’une narine crispée comme celle du cheval qui hume l’obus ! L’une vient de l’enfer, l’autre y va. Si la première est plus auguste, l’autre est peut-être plus émouvante. Elle n’a pas le merveilleux épique qui enlève si haut l’imagination et calme ses terreurs dans la sérénité dont les génies tout à fait exceptionnels savent revêtir leurs œuvres les plus passionnées. Elle a, au contraire, d’horribles réalités que nous connaissons et qui dégoûtent trop pour permettre même l’accablante sérénité du mépris. M. Baudelaire n’a pas voulu être dans son livre des Fleurs du mal un poëte satirique, et il l’est pourtant, sinon de conclusion et d’enseignement, au moins de soulèvement d’âme, d’imprécations et de cris. Il est le misanthrophe de la vie coupable, et souvent on s’imagine, en lisant, que si Timon d’Athènes avait eu le génie d’Archiloque, il aurait pu écrire ainsi sur la nature humaine et l’insulter en la racontant !

  IV

  Nous ne pouvons ni ne voulons rien citer du recueil de poésies en question, et voici pourquoi : une pièce citée n’aurait que sa valeur individuelle, et il ne faut pas s’y méprendre, dans le livre de M. Baudelaire, chaque poésie a, de plus que la réussite des détails ou la fortune de la pensée, une valeur très importante d’ensemble et de situation qu’il ne faut pas lui faire perdre en la détachant. Les artistes qui voient les lignes sous le luxe et l’efflorescence de la couleur percevront très bien qu’il y a ici une architecture secrète, un plan calculé par le poëte, méditatif et volontaire. Les Fleurs du mal ne sont pas à la suite les unes des autres comme tant de morceaux lyriques, dispersés par l’inspiration et ramassés dans un recueil sans d’autre raison que de les réunir. Elles sont moins des poésies qu’une œuvre poétique de la plus forte unité. Au point de vue de l’art et de la sensation esthétique, elles perdraient donc beaucoup à n’être pas lues dans l’ordre où le poëte, qui sait ce qu’il fait, les a rangées. Mais elles perdraient bien davantage au point de vue de l’effet moral que nous avons signalé au commencement de cet article.

  Cet effet, sur lequel il importe beaucoup de revenir, gardons-nous bien de l’énerver. Ce qui empêchera le désastre de ce poison, servi dans cette coupe, c’est sa force ! L’esprit des hommes, qu’il bouleverserait en atomes, n’est pas capable de l’absorber dans de telles proportions, sans le revomir, et une telle contraction donnée à l’esprit de ce temps, affadi et débilité, peut le sauver en l’arrachant par l’horreur à sa lâche faiblesse. Les solitaires ont auprès d’eux des têtes de mort quand ils dorment. Voici un Rancé, sans la foi, qui a coupé la tête à l’idole matérielle de sa vie ; qui, comme Caligula, a cherché dedans ce qu’il aimait et qui crie du néant de tout, en la regardant ! Croyez-vous donc que ce ne soit pas là quelque chose de pathétique et de salutaire ?… Quand un homme et une poésie en sont descendus jusque-là, — quand ils ont dévalé si bas, dans la conscience de l’incurable malheur qui est au fond de toutes les voluptés de l’existence, poésie et homme ne peuvent plus que remonter. M. Charles Baudelaire n’est pas un de ces po
ëtes qui n’ont qu’un livre dans le cerveau et qui vont le rebâchant toujours. Mais qu’il ait desséché sa veine poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une éponge pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, car il a dit les mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage. Après les Fleurs du mal, il n’y a plus que deux partis à prendre pour le poëte qui les fit éclore : ou se brûler la cervelle… ou se faire chrétien !

  J. Barbey d’Aurevilly.

  I

  Les poésies de Charles Baudelaire étaient depuis longtemps attendues du public, j’entends de ce public qui s’intéresse encore à l’art et pour qui c’est encore quelque chose que l’avénement d’un poëte.

  Et, à ce sujet, ne calomnions pas trop la société actuelle. Il est difficile que quelque chose de beau ou de bon se produise sans que cette société, qu’on dit si matérielle et si endormie, n’en reçoive quelque agitation. Je vais plus loin. Je suis étonné de sa bonne volonté à faire des succès et à se laisser duper par le mot d’ordre de ceux qu’elle investit de la fonction de l’éclairer. On lui sert des tragédies vulgaires, sans invention et sans style ; on lui dit : C’est du Corneille ; elle y va, et elle applaudit. Un peintre étale au beau milieu d’un salon une toile ambitieuse, d’un dessin douteux et d’une couleur équivoque, on dit au public ; C’est du Véronèse ; il s’y rue, et il applaudit. Combien de fois n’avons-nous pas vu dans ces dernières années la foule se porter en masse et en hâte dans les théâtres, dans les ateliers, chez les libraires, sur l’avis trompeur d’un farceur ou d’un intéressé ; et là, en présence du chef-d’œuvre, s’écarquiller les oreilles et les yeux, le cou tendu, la poitrine contenue, ne demandant qu’à se laisser violer dans son indifférence ! Est-ce sa faute si l’enthousiasme ne lui vient pas, et si le lendemain ses bras laissent tomber le pavois qu’ils avaient élevé la veille ? A-t-elle manqué à Félicien David, à Daubigny, à Jean-François Millet, à Victor de Laprade ? Ne fait-elle pas fête chaque soir à Weber, qu’on vient de lui rendre ? Tout récemment encore, n’a-t-elle pas fait accueil à Gustave Flaubert ?

  Ce qui manque aujourd’hui aux hommes d’un vrai mérite, aux artistes graves et convaincus, ce n’est donc pas le bon vouloir du public ; le public ne demande qu’à faire des succès, parce qu’il veut jouir. Ce qui leur manque, c’est le concours loyal, désintéressé de ceux à qui le public, trop occupé et trop affairé, a dévolu la charge de l’éclairer et de l’avertir, de faire pour lui le dépouillement des réputations, et qui, à force de lui crier au loup pour des ombres, finissent par l’endormir dans son indifférence.

  Longtemps avant que les Revues eussent publié des vers de M. Baudelaire, on savait qu’il existait quelque part, dans les entrailles fécondes de cette ville qui contiennent tant de germes pour l’avenir, un poëte original, un esprit bien trempé, trop poëte ou trop artiste selon quelques-uns, mais dont les qualités vivaces et surabondantes devaient faire diversion à l’ennui et à la médiocrité générale. Le public, nous en sommes témoins, s’est entretenu dix ans dans cette attente. Les extraits donnés par les journaux ont soutenu cette réputation naissante.

  Nous n’avons pas voulu, pour apprécier le talent de M. Baudelaire, attendre l’impression du public. Sans doute on criera à l’exagération. Mais est-ce dans ces temps de médiocrité prolixe de la poésie officielle, de la poésie des salons et des académies, est-ce bien d’une surabondance de sève que nous avons à nous plaindre ? N’est-il pas vrai qu’il en est aujourd’hui de la poésie comme de la peinture ? Tout le monde peint bien, dit l’un, tout le monde fait bien les vers, répond l’autre. Oui, si par bien peindre et être bon poëte, on peut entendre ne manquer ostensiblement à aucune règle convenue, s’exprimer couramment dans le langage de tout le monde et savoir relier habilement par des procédés connus des phrases apprises et des poncis. Tout le monde peint bien parce que tout le monde a été à l’école, a visité les musées et a la tête meublée de souvenirs. Or la mémoire est une faculté calme qui ne fait pas trembler la main comme l’imagination. Nos artistes mettent sur leur palette du Rubens, du Rembrandt, du Guyp, du Van Ostade, etc., etc. Ils s’entourent de gravures. Comment, avec cela, en y ajoutant un peu de goût et les traditions de l’école, ne réussiraient-ils pas auprès de la foule ? Mais regardez d’un peu près les œuvres de ces habiles peintres, appliquez-leur la méthode de jugement qui résulte de l’étude des maîtres, et vous découvrirez qu’ils n’ont ni unité, ni science, ni sincérité, ni idéal, ni bonne foi, ni art de composition, rien, en un mot, de ce qui constitue, non pas le grand peintre, mais le peintre. Tout le monde écrit bien parce que tout le monde sait lire, et que, depuis trois cents ans que l’on imprime, bon nombre de sentiments et de nuances de sentiments ont été exprimés par de grands écrivains. N’est-ce pas le sublime du genre scolastique et académique que d’emprunter la pompe à Bossuet, la concision à La Bruyère, la profondeur à Pascal, l’ironie à Voltaire, la passion à Rousseau, etc., etc. ? De sorte qu’à force d’exprimer ses propres sentiments avec le langage des maîtres, on arrive à penser à leurs frais et finalement à ne plus penser du tout. Disons-le franchement, depuis Louis XIV la poésie française se meurt de correction. Et lorsque, au commencement de ce siècle, l’auteur des Orientales et de Hernani est venu régénérer la langue poétique en lui rendant tout ce qu’elle avait perdu en 1660, le pittoresque, la propriété, le grotesque, on l’a traité de barbare et de Topinambou. Que penseront nos neveux lorsqu’ils trouveront dans les journaux du temps, à l’adresse du plus grand inventeur de rhythmes que la France ait eus depuis Ronsard, les épithètes de sauvage et d’Iroquois ? Que penseront-ils surtout dans cette plaisanterie, banale alors, du mot coupé par l’hémistiche, appliquée au versificateur le plus sévère de l’époque ? Comme il n’est pas de brevet pour l’invention poétique, il n’est aujourd’hui fils de bonne maison, pourvu du grade de bachelier ès lettres, et ayant un peu de lecture, qui ne parvienne à coudre convenablement ensemble quelques hémistiches de nos poëtes modernes. C’est le même procédé que ci-dessus, pour la prose : on exprime sa mélancolie aux dépens de Lamartine, son ironie avec de Musset, son indignation avec Barbier, son scepticisme avec Théophile Gautier. Chacun a fait son petit Lac, son petit Pas d’armes du roi Jean, son petit Iambe, sa petite Comédie de la Mort, sa petite Ballade à la lune. On emprunte les pensées avec le langage ; ou plutôt on se sert d’une langue riche pour déguiser le néant de sa pensée et la nullité de son tempérament. À part quatre ou cinq noms que je me dispense de citer, mais que chacun connaît, je demande si, dans les essais poétiques qui se sont manifestés dans ces dernières années, il est possible de voir autre chose que réminiscences et pastiches. N’est-ce pas toujours la mélancolie de Lamartine, la rêverie de Laprade, la mysticité de Sainte-Beuve, l’ironie de de Musset, la sérénité de Théodore de Banville ? Eh bien, je le déclare, en présence d’une moutonnerie si persistante, le poëte qui met la main sur mon cœur, dût-il l’égratigner un peu, irriter mes nerfs et me faire sauter sur mon siège, me semblera toujours préférable à cette poésie, irréprochable sans doute, mais insipide, sans parfum et sans couleur, et qui vous coule entre les mains comme de l’eau.

  Je ne ferai donc point le procès à M. Baudelaire pour ses exagérations. Tous les tempéraments excessifs, tous les talents volontaires impliquent certains défauts auxquels les meilleurs conseils ne sauraient remédier. Il faut en pareil cas supprimer le poëte ou garder les défauts. Les défauts de M. Delacroix sautent aux yeux : le premier venu peut apercevoir dans sa peinture des audaces, des négligences, la laideur des visages ; mais il a fallu vingt ans pour faire comprendre sa tonalité savante et l’intensité de ses compositions. Je préfère, à propos de M. Charles Baudelaire, m’occuper de signaler et d’expliquer ce que je vois de beau et de rare dans son talent, plutôt que de perdre mon temps à relever des taches qu’on verra bien sa
ns que je m’en mêle, et que la charité de tels de nos confrères saura merveilleusement faire valoir. J’ai d’ailleurs, pour agir ainsi, une excuse excellente, l’exemple du recueil même qui me prend aujourd’hui pour organe. Lorsque la Revue des Deux Mondes publia, l’an dernier, quelques-unes des poésies de M. Baudelaire, elle les fit précéder d’une note un peu prude, et dans tous les cas fort maladroite. La Revue française s’est conduite plus franchement : elle a choisi, c’était son droit ; mais, son choix fait, elle l’a publié sans commentaire.

  II

  Le livre des Fleurs du mal contient tout au juste cent pièces, parmi lesquelles un assez grand nombre de sonnets, et dont la plus longue excède à peine cent vers. Si je m’arrête tout d’abord à ce résultat, c’est qu’en s’ajoutant à d’autres observations, elle confirme une opinion que j’ai depuis longtemps sur l’avenir de la poésie. Cette opinion, qui n’est point une simple conjecture, mais une induction tirée du développement de l’histoire, est qu’à mesure que le nombre des lecteurs augmente, à mesure que le livre imprimé, en se répandant, convertit les auditeurs impressionnables, passionnables, en lecteurs méditatifs et réfléchis, la poésie doit concentrer son essence et restreindre son développement. Je ne prétends pas, — ce qu’on ne manquerait pas de me faire dire si je ne revenais sur mon assertion, — que la poésie doive devenir un art purement plastique. Mais du moins elle doit resserrer ses moyens plastiques comme son inspiration. La poésie à grandes proportions, la poésie épique, est celle des peuples, non pas barbares, mais peu liseurs, ou qui ne savent pas encore lire et qui sont naturellement plus saisissables par la passion que par la réflexion ; c’est la poésie des époques héroïques ; c’est aussi la poésie des peuples opprimés ou asservis, et c’est pour cela peut-être que la France n’a pas de poëme épique. — Le poëme didactique est un jeu de rhétoricien qui ne peut être poétique qu’épisodiquement. — Quant au poëme démonstratif ou persuasif, à la poésie de propagande, au poëme-sermon, au poëme-pamphlet, ne sont-ils pas devenus ridicules aujourd’hui qu’un article de journal ou une simple brochure renseigne plus vite et plus nettement ? La philosophie ni la science n’ont affaire de la Muse.

 

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