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Unreconciled

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by Michel Houellebecq


  ‘À l’angle de la FNAC bouillonnait une foule’

  ‘Il faudrait traverser un univers lyrique’

  ‘Après-midi de fausse joie’

  ‘Les petits objets nettoyés’

  ‘Ce soir, en marchant dans Venise’

  ‘Tres Calle de Sant’Engracia’

  UNE SENSATION DE FROID

  ‘Pourquoi ne pouvons-nous jamais’

  DIFFÉRENCIATION RUE D’AVRON

  Vivre sans point d’appui, entouré par le vide

  ‘Vivre sans point d’appui, entouré par le vide’

  ‘La lumière a lui sur les eaux’

  ‘Chevauchement mou des collines’

  ‘Dans le train direct pour Dourdan’

  ‘Dans le métro à peu près vide’

  ‘La respiration des rondelles’

  ‘L’appartenance de mon corps’

  ‘Les antennes de télévision’

  ‘L’exercice de la réflexion’

  ‘La brume entourait la montagne’

  ‘Je flottais au-dessus du fleuve’

  ‘Un moment de pure innocence’

  ‘Les corps empilés sur le sable’

  ‘La peau est un objet limite’

  ‘Il est temps de faire une pause’

  LISEZ LA PRESSE BELGE!

  ATTEINDRE LA CREUSE

  LES NUAGES, LA NUIT

  ‘Les fantômes avaient lieu de leurs mains délétères’

  ‘Un végétal d’abolition’

  ‘J’étais parti en vacances avec mon fils’

  ‘Nous devons développer une attitude de non-résistance au monde’

  ‘Les insectes courent entre les pierres’

  ‘Avant, il y a eu l’amour, ou sa possibilité’

  DANS L’AIR LIMPIDE

  ‘Les hirondelles s’envolent’

  ABSENCES DE DURÉE LIMITÉE

  ‘Exister, percevoir’

  LOIN DU BONHEUR

  ‘L’univers a la forme d’un demi-cercle’

  ‘Par la mort du plus pur’

  ‘Disparue la croyance’

  ‘Je n’ai plus d’intérieur’

  SO LONG

  DERNIERS TEMPS

  Un triangle d’acier sectionne le paysage

  VARIATION 49: LE DERNIER VOYAGE

  ‘La première fois que j’ai fait l’amour c’était sur une plage’

  17–23

  ‘Mon ancienne obsession et ma ferveur nouvelle’

  ‘Dans le matin, chaste et tranquille’

  DJERBA ‘LA DOUCE’

  SÉJOUR-CLUB

  SÉJOUR-CLUB 2

  VACANCES

  ‘La lumière évolue à peu près dans les formes’

  ‘Nulle ombre ne répond’

  ‘Cette envie de ne plus rien faire et surtout ne plus rien éprouver’

  ‘Un matin de soleil rapide’

  ‘L’arc aboli de tristesse élancée’

  ‘L’épuisement central d’une nuit sans étoiles’

  LA MÉMOIRE DE LA MER

  ‘Elle vivait dans une bonbonnière’

  ‘Si calme, dans son coma’

  HMT

  Je suis dans un tunnel fait de roches compactes

  VOCATION RELIGIEUSE

  ‘J’ai toujours eu l’impression que nous étions proches’

  NOUVELLE DONNE

  ‘Quand il fait froid’

  ‘Traces de la nuit’

  ‘Comme un plant de maïs déplanté de sa terre’

  ‘Je suis comme un enfant qui n’a plus droit aux larmes’

  ‘Dehors il y a la nuit’

  ‘Doucement, nous glissions vers un palais fictif’

  ‘La texture fine et délicate des nuages’

  ‘Les informations se mélangent comme des aiguilles’

  ‘Je tournais en rond dans ma chambre’

  ‘Une gare dans les Yvelines’

  ‘Quand disparaît le sens des choses’

  ‘Avant, mais bien avant, il y a eu des êtres’

  ‘Les hommages à l’humanité’

  LA DISPARITION

  ‘Nous roulons protégés dans l’égale lumière’

  ‘C’est comme une veine qui court sous la peau’

  ‘Il est vrai que ce monde où nous respirons mal’

  LE SENS DU COMBAT

  La grâce immobile

  ‘La grâce immobile’

  ‘Le bloc énuméré’

  LES IMMATÉRIAUX

  LE NOYAU DU MAL D’ÊTRE

  ‘Sublime abstraction du paysage’

  ‘Le TGV Atlantique glissait dans la nuit’

  ‘Il faisait beau’

  MERCREDI. MAYENCE – VALLÉE DU RHIN – COBLENCE.

  ‘Je suis difficile à situer’

  NICE

  L’ART MODERNE

  LE JARDIN AUX FOUGÈRES

  LA FILLE

  VÉRONIQUE

  ‘Un champ d’intensité constante’

  UN ÉTÉ À DEUIL-LA-BARRE

  MAISON GRISE

  CRÉPUSCULE

  SOIR SANS BRUME

  ‘Quand la pluie tombait en rafales’

  ‘L’aube grandit dans la douceur’

  ‘Il existe un pays’

  LES OPÉRATEURS CONTRACTANTS

  LA LONGUE ROUTE DE CLIFDEN

  ‘Le maître enamouré en un défi fictif’

  PASSAGE

  ‘Montre-toi, mon ami, mon double’

  ‘Les couleurs de la déraison’

  ‘Les champs de betteraves surmontés de pylônes’

  ‘Nous avions pris la voie rapide’

  ‘Nous attendions, sereins, seuls sur la piste blanche’

  ‘Dans l’abrutissement qui me tient lieu de grâce’

  D’abord j’ai trébuché dans un congélateur

  HYPERMARCHÉ – NOVEMBRE

  D’abord j’ai trébuché dans un congélateur,

  J’me suis mis à pleurer et j’avais un peu peur

  Quelqu’un a grommelé que je cassais l’ambiance,

  Pour avoir l’air normal j’ai repris mon avance.

  Des banlieusards sapés et au regard brutal

  Se croisaient lentement près des eaux minérales;

  Une rumeur de cirque et de demi-débauche

  Montait des rayonnages. Ma démarche était gauche.

  Je me suis écroulé au rayon des fromages;

  Il y avait deux vieilles dames qui portaient des sardines.

  La première se retourne et dit à sa voisine:

  ‘C’est bien triste, quand même, un garçon de cet âge.’

  Et puis j’ai vu des pieds circonspects et très larges;

  Il y avait un vendeur qui prenait des mesures.

  Beaucoup semblaient surpris par mes nouvelles chaussures;

  Pour la dernière fois j’étais un peu en marge.

  APRÈS-MIDI BOULEVARD PASTEUR

  Je revois les yeux bleus des touristes allemands

  Qui parlaient société devant un formidable.

  Leurs ‘Ach so’ réfléchis, un peu nerveux pourtant,

  Se croisaient dans l’air vif; ils étaient plusieurs tables.

  Sur ma gauche causaient quelques amis chimistes:

  Nouvelles perspectives en synthèse organique!

  La chimie rend heureux, la poésie rend triste,

  Il faudrait arriver à une science unique.

  Structure moléculaire, philosophie du moi

  Et l’absurde destin des derniers architectes;

  La société pourrit, se décompose en sectes:

  Chantons l’alléluia pour le retour du roi!

  CHÔMAGE

  Je traverse la ville dont je n’attends plus rien

  Au milieu d’êtres humains toujours renouvelés

  Je le connais par cœur, ce métro aérien;

  Il s’écoule des jours sans que je puisse parler.

  Oh! ces après-midi, revenant du chômage

  Repensant au loyer, méditation morose

&nb
sp; On a beau ne pas vivre, on prend quand même de l’âge

  Et rien ne change à rien, ni l’été, ni les choses.

  Au bout de quelques mois on passe en fin de droits

  Et l’automne revient, lent comme une gangrène;

  L’argent devient la seule idée, la seule loi,

  On est vraiment tout seul. Et on traîne, et on traîne …

  Les autres continuent leur danse existentielle,

  Vous êtes protégé par un mur transparent,

  L’hiver est revenu; leur vie semble réelle.

  Peut-être, quelque part, l’avenir vous attend.

  Le jour monte et grandit, retombe sur la ville,

  Nous avons traversé la nuit sans délivrance

  J’entends les autobus et la rumeur subtile

  Des échanges sociaux. J’accède à la présence.

  Aujourd’hui aura lieu. La surface invisible

  Délimitant dans l’air nos êtres de souffrance

  Se forme et se durcit à une vitesse terrible;

  Le corps, le corps pourtant, est une appartenance.

  Nous avons traversé fatigues et désirs

  Sans retrouver le goût des rêves de l’enfance,

  Il n’y a plus grand-chose au fond de nos sourires,

  Nous sommes prisonniers de notre transparence.

  RÉPARTITION – CONSOMMATION

  I. J’entendais des moignons frotter,

  L’amputé du palier traverse

  La concierge avait des alliés

  Qui nettoyaient après l’averse

  Le sang des voisines éventrées,

  Il fallait que cela se passe

  Discussions sur la vérité,

  Mots d’amour qui laissent des traces.

  La voisine a quitté l’immeuble,

  La cuisinière est arrivée;

  J’aurais dû m’acheter des meubles,

  Tout aurait pu être évité.

  Puisqu’il fallait que tout arrive

  Jean a crevé les yeux du chat

  Monades isolées qui dérivent,

  Répartitions et entrechats.

  II. Au milieu des fours micro-ondes,

  Le destin des consommateurs

  S’établit à chaque seconde;

  Il n’y a pas de risque d’erreur.

  Sur mon agenda de demain,

  J’avais inscrit: ‘Liquide vaisselle’;

  Je suis pourtant un être humain:

  Promotion sur les sacs-poubelle!

  À tout instant ma vie bascule

  Dans l’hypermarché Continent

  Je m’élance et puis je recule,

  Séduit par les conditionnements.

  Le boucher avait des moustaches

  Et un sourire de carnassier,

  Son visage se couvrait de taches …

  Je me suis jeté à ses pieds!

  III. J’ai croisé un chat de gouttière,

  Son regard m’a tétanisé

  Le chat gisait dans la poussière,

  Des légions d’insectes en sortaient.

  Ton genou de jeune otarie

  Gainé dans un collant résille

  Se pliait sans le moindre bruit;

  Dans la nuit, les absents scintillent.

  J’ai croisé un vieux prolétaire

  Qui cherchait son fils disparu

  Dans la tour GAN, au cimetière

  Des révolutionnaires déçus.

  Tes yeux glissaient entre les tables

  Comme la tourelle d’un char;

  Tu étais peut-être désirable,

  Mais j’en avais tout à fait marre.

  L’AMOUR, L’AMOUR.

  Dans un ciné porno, des retraités poussifs

  Contemplaient, sans y croire,

  Les ébats mal filmés de deux couples lascifs;

  Il n’y avait pas d’histoire.

  Et voilà, me disais-je, le visage de l’amour,

  L’authentique visage;

  Certains sont séduisants; ils séduisent toujours,

  Et les autres surnagent.

  Il n’y a pas de destin ni de fidélité,

  Mais des corps qui s’attirent;

  Sans nul attachement et surtout sans pitié,

  On joue et on déchire.

  Certains sont séduisants et partant très aimés;

  Ils connaîtront l’orgasme.

  Mais tant d’autres sont las et n’ont rien à cacher,

  Même plus de fantasmes;

  Juste une solitude aggravée par la joie

  Impudique des femmes;

  Juste une certitude: ‘Cela n’est pas pour moi’,

  Un obscur petit drame.

  Ils mourront c’est certain un peu désabusés,

  Sans illusions lyriques;

  Ils pratiqueront à fond l’art de se mépriser,

  Ce sera mécanique.

  Je m’adresse à tous ceux qu’on n’a jamais aimés,

  Qui n’ont jamais su plaire;

  Je m’adresse aux absents du sexe libéré,

  Du plaisir ordinaire.

  Ne craignez rien, amis, votre perte est minime:

  Nulle part l’amour n’existe;

  C’est juste un jeu cruel dont vous êtes les victimes,

  Un jeu de spécialistes.

  MIDI

  La rue Surcouf s’étend, pluvieuse;

  Au loin, un charcutier-traiteur.

  Une Américaine amoureuse

  Écrit à l’élu de son cœur.

  La vie s’écoule à petits coups;

  Les humains sous leur parapluie

  Cherchent une porte de sortie

  Entre la panique et l’ennui

  (Mégots écrasés dans la boue).

  Existence à basse altitude,

  Mouvements lents d’un bulldozer;

  J’ai vécu un bref interlude

  Dans le café soudain désert.

  Comme un week-end en autobus,

  Comme un cancer à l’utérus,

  La succession des événements

  Obéit toujours à un plan.

  Toutefois, les serviettes humides,

  Le long des piscines insipides

  Détruisent la résignation

  Le cerveau se met en action

  Il envisage les conséquences

  De certaines amours de vacances,

  Il aimerait se détacher

  De la boîte crânienne tachée.

  On peut nettoyer sa cuisine,

  Dormir à la Mépronizine,

  La nuit n’est jamais assez noire

  Pour en finir avec l’histoire.

  JIM

  Tant que tu n’es pas là, je t’attends, je t’espère;

  C’est une traversée blanche et sans oxygène.

  Les passants égarés sont bizarrement verts;

  Au fond de l’autobus je sens craquer mes veines.

  Un ami de toujours m’indique l’arrêt Ségur.

  C’est un très bon garçon, il connaît mes problèmes;

  Je descends je vois Jim, il descend de voiture,

  Il porte à son blouson je ne sais quel emblème.

  Parfois Jim est méchant, il attend que j’aie mal;

  Je saigne sans effort; l’autoradio fredonne,

  Puis Jim sort ses outils; il n’y a plus personne,

  Le boulevard est désert. Pas besoin d’hôpital.

  J’aime les hôpitaux, asiles de souffrance

  Où les vieux oubliés se transforment en organes

  Sous les regards moqueurs et pleins d’indifférence

  Des internes qui se grattent en mangeant des bananes.

  Dans leurs chambres hygiéniques et cependant sordides

  On distingue très bien le néant qui les guette

  Surtout quand le matin ils se dressent, livides,

  Et réclament en geignant leur première cigarette.

  Les vieux savent pleurer avec un bruit minime,

  Ils oublient les pensées et ils oublient les gestes

  Ils ne rient
plus beaucoup, et tout ce qui leur reste

  Au bout de quelques mois, avant la phase ultime,

  Ce sont quelques paroles, presque toujours les mêmes:

  Merci je n’ai pas faim, mon fils viendra dimanche,

  Je sens mes intestins, mon fils viendra quand même.

  Et le fils n’est pas là, et leurs mains presque blanches.

  Tant de cœurs ont battu, déjà, sur cette terre

  Et les petits objets blottis dans leurs armoires

  Racontent la sinistre et lamentable histoire

  De ceux qui n’ont pas eu d’amour sur cette terre.

  La petite vaisselle des vieux célibataires

  Les couverts ébréchés de la veuve de guerre

  Mon Dieu! Et les mouchoirs des vieilles demoiselles

  L’intérieur des armoires, que la vie est cruelle!

  Les objets bien rangés et la vie toute vide

  Et les courses du soir, restes d’épicerie,

  Télé sans regarder, repas sans appétit

  Enfin la maladie, qui rend tout plus sordide,

  Et le corps fatigué qui se mêle à la terre,

  Le corps jamais aimé qui s’éteint sans mystère.

  La mort est difficile pour les vieilles dames trop riches

  Entourées de belles-filles qui les appellent ‘ma biche’,

  Pressent un mouchoir de lin sur leurs yeux magnifiques,

  Évaluent les tableaux et les meubles antiques.

  Je préfère la mort des vieux de HLM

  Qui s’imaginent encore jusqu’au bout qu’on les aime,

  Attendant la venue du fils hypothétique

  Qui paierait le cercueil en sapin authentique.

  Les vieilles dames trop riches finissent au cimetière

  Entourées de cyprès et d’arbustes en plastique

  C’est une promenade pour les sexagénaires,

  Les cyprès sentent bon et chassent les moustiques.

  Les vieux de HLM finissent au crématoire

  Dans un petit casier à l’étiquette blanche.

  Le bâtiment est calme: personne, même le dimanche,

  Ne dérange le sommeil du très vieux gardien noir.

  Mon père était un con solitaire et barbare;

  Ivre de déception, seul devant sa télé,

  Il ruminait des plans fragiles et très bizarres,

  Sa grande joie étant de les voir capoter.

  Il m’a toujours traité comme un rat qu’on pourchasse;

  La simple idée d’un fils, je crois, le révulsait,

 

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