Elle se lève de table pour couper une miche de pain en tranches.
— Sinon, tu ne feras que souffrir et causer du chagrin. Tu aimes trop les femmes pour t’installer avec une seule.
— Tu en es sûre ?
— Oui.
— Parbleu ! Alžběta m’a dit la même chose. Mais vous pourriez toutes les deux vous tromper.
Il apparaît bientôt à Magdalena que Raymond leur a menti sur autre chose.
— Tu ne m’as jamais rien dit sur Alžběta, si ce n’est qu’elle enseignait l’anglais.
— Elle enseigne l’anglais, répond-il sur un ton évasif. Elle enseigne beaucoup de choses, en fait.
— Tu veux dire qu’elle est voyante, rétorque Magdalena avec virulence.
Elle évite d’employer le mot sorcière, mais comment ira-t-elle faire son pain et ses gâteaux hebdomadaires si elle doit se méfier de la vieille femme. En effet, elle va souvent chez Alžběta pour utiliser son four.
— Il n’y a aucun mal à cela, répond-il. En fait, ça lui vaut même un certain respect. Il faut dire qu’ici, ce n’est pas pareil, Magdalena.
Raymond a raison : ce n’est pas pareil. Cependant, quand d’autres femmes viennent rendre visite à Alžběta, Magdalena se cache dans la grande pièce attenante à la cuisine. Là, parmi les plantes suspendues la tête en bas à des clous ou des cordes à linge, elle reconnaît la menthe poivrée, la lavande, le romarin et la camomille. Alžběta lui en fait découvrir d’autres : l’herbe de la Saint-Jean, la verveine hastée, la bergamote, la partenelle, la véronique de Virginie et la sauge des prairies. Assise dans un coin de la pièce à raccommoder des vêtements ou à aligner sur un fil des gousses d’ail et des champignons, Magdalena écoute Alžběta lire l’avenir à ces femmes dans des feuilles de thé et du marc de café répandus sur des soucoupes.
Elles viennent la voir pour se confier ou s’entretenir de leurs problèmes. Elles posent des questions. Comment s’y prendre avec un ivrogne plein de bonne volonté mais incapable de garder un travail ? Un coureur de jupons ? Ou un enfant qui a des ennuis ? Elles demandent : « Il m’a frappée, est-ce que je n’ai pas eu raison de lui fracasser le crâne avec une poêle à frire ? » Ou bien : « Le coq se pavane en ville, mais c’est une poule mouillée à la maison. Qu’est-ce que je peux faire ? » Elles posent des questions sur les enfants, quand elles n’en ont pas ou qu’elles en ont trop : « Pourquoi je n’ai que des garçons et pas de fille ? » Ou, au contraire : « Pourquoi je n’ai que des filles et pas de garçon ? » Parfois, elles baissent la voix et chuchotent : « Je ne peux pas garder ce bébé. Où est-ce que je peux aller ? » Elles s’enquièrent de l’avenir de leurs enfants : « Fera-t-elle un bon mariage ? », « Aura-t-il un bon métier ? », « Seront-ils pingres ou généreux ? », « S’occuperont-ils de moi quand je serai vieille ? » Celles qui ont économisé assez d’argent voudraient savoir si elles ne feraient pas mieux de quitter les Flats pour aller vivre dans une maison plus belle, là-haut, en ville. Si Alžběta répond oui, elles sont inquiètes : elles auront en échange un meilleur logement, mais non de meilleurs voisins, ni personne à qui faire la causette par-dessus la haie ou la corde à linge et, évidemment, elles ne seront plus à proximité du fleuve. Quand Alžběta répond non, elles soupirent, réfléchissent, puis retrouvent leur entrain et se mettent à envisager de nouvelles et différentes façons de remettre leur maison en état.
Alžběta reçoit aussi la visite de quelques hommes, mais le plus souvent une fois la nuit tombée, quand personne ne peut les voir entrer et sortir discrètement de chez elle. En voyant Zalman gravir les marches de la maison d’Alžběta, l’autre soir, Magdalena savait que le tissu enroulé autour de son bras n’était qu’un subterfuge pour aller voir la vieille femme.
Alžběta se fait payer en nature. Ainsi, Mme Karitish lui donne du lait, de la crème et du beurre ; Else Janikowski se charge de son repassage et Larissa Zacharov lui fait sa couture, tout comme Zalman. Quant aux hommes qui veulent la remercier de ses conseils, ils lui réparent sa maison.
Un jour, en rentrant de l’épicerie, Magdalena lui demande si elle tire les cartes. Alžběta, vexée, lui répond avec véhémence.
— Les cartes ! Pour qui tu me prends ? Une artiste de cirque ?
— En tout cas, vous êtes catholique. Vous allez à la messe. Qu’en pense le père Hughes ?
— Je ne sais pas, répond-elle en ouvrant la porte de sa maison. Je ne lui ai jamais demandé.
Elle fait entrer Magdalena et toutes deux s’assoient pour prendre le café. Les garçons passent la tête dans l’embrasure de la porte ; elle leur donne à chacun une part de koláč avant de les refouler dehors, et ils repartent à toutes jambes en mangeant leur gâteau encore chaud. Alžběta reste quelques minutes à la fenêtre pour les regarder.
— Tu es perturbée par ce que je fais, dit-elle après qu’ils ont disparu.
— Pas perturbée. Ce n’est pas commun, voilà tout.
Elle sait que la vieille femme voit au-delà de ce mensonge.
— Laisse-moi te raconter ce que me disait ma grand-mère, commence Alžběta. D’après elle, ce don venait de Dieu et il existe chez ceux qui sont persécutés. Les Irlandais, par exemple. Ils appellent ça la « double vue » ; Lily O’Brien, qui habitait de l’autre côté du pont, dans le temps, elle l’avait. Pour ma grand-mère, c’était la manière dont Dieu réparait la situation qu’il avait déclenchée avec Caïn et Abel. Si Abel avait pu sentir la haine de son frère au lieu d’être aveuglé par l’amour, Caïn ne l’aurait pas tué. Sauf que, d’habitude, ce sont les femmes qui l’ont, pas les hommes.
Magdalena fait tourner sa tasse de café sur sa soucoupe. Assise en face d’elle, Alžběta lui prend la main avant de poursuivre :
— Le silence est souvent une arme nécessaire. Malheureusement, avec le temps, cette arme devient plus lourde que ce qu’elle protège. Tu es ici, maintenant. Je respecte les raisons pour lesquelles tu veux garder secret un tel don. Mais ne le nie pas en toi. Il te jouera des tours. Les Américains l’appellent « instinct viscéral ». Moi, je me fiche du nom qu’on lui donne. C’est ta meilleure boussole pour distinguer le bien du mal. Pas seulement chez les gens, mais ici même.
Et elle désigne d’un ample geste tout le paysage entourant sa maison : le fleuve, les arbres, le ciel.
En janvier, la surface du fleuve gèle et les hommes créent une patinoire, dont ils délimitent le périmètre à l’aide de piquets plantés dans la glace. Raymond déniche des patins d’occasion pour Frank et Eberhard. Magdalena, quant à elle, a de plus en plus de mal à se concentrer : certains jours, elle ne peut s’empêcher de les surveiller au lieu de faire la lessive ou la cuisine. À d’autres moments, le regard perdu dans le vide, elle pleure sans raison aucune.
— Sors une heure par jour. Va te promener, c’est tout. Je vais surveiller les petits. Va, maintenant, lui recommande Alžběta.
Magdalena revêt alors son lourd manteau d’hiver et ses épaisses mitaines en tricot. Elle enroule une écharpe de laine autour de sa tête et de sa bouche, puis elle sort de la maison et se dirige vers le pont de Washington Avenue.
La vie est faite de verre, songe-t-elle un jour en observant les gens sur le pont, juste au-dessus. Certains sont robustes et d’autres, fragiles comme de la porcelaine. Un homme, parfois une femme, regarde vers le bas, non sans glisser la main sur le haut du parapet. Magdalena sent que, pendant qu’ils scrutent la surface gelée du fleuve, ils flirtent avec l’idée du suicide et cherchent un endroit où la glace, peu épaisse, ne résistera pas au poids d’un corps qui s’y précipitera de lui-même. Elle reste là et les regarde fixement jusqu’à ce qu’ils s’aperçoivent de sa présence. Elle lève la main et leur fait signe. Je vous vois, articule-t-elle en silence. Je vous vois. Ce petit geste suffit. Au bout de quelques instants, ils retirent la main du parapet, la lèvent et lui font timidement signe en retour : quelqu’un a remarqué qu’ils existaient en ce monde.
Quelques jours plus tard, elle se rend à l’épicerie et regarde Procházka lécher ses doigts tach�
�s d’encre tandis qu’il compte les billets qu’elle vient de lui donner. Il machônne un bout de cigare tout humide de salive dont la couleur, la forme et l’humidité lui rappellent ce que les chiens laissent derrière eux, humide et fumant dans la neige.
Le lundi suivant, elle découvre Ivan Zacharov étendu, ivre mort, sur une congère ; des filets de glace lui pendent du nez. Elle s’empresse d’aller chercher Aino ; à deux, elles soulèvent le vieil homme, puis l’allongent sur une brouette afin de le ramener chez lui. Durant tout le chemin, ses bras et ses jambes traînent par terre. Magdalena regarde son visage : il mourra dans un an, peut-être moins.
Une autre fois, elle accompagne Mme Karatish dans sa tournée de distribution de lait, de beurre et de crème. M. Karatish, son mari, travaille à l’usine et leur fils fait du patin à glace sur le fleuve en compagnie des autres garçons. Le chariot de lait est tiré par une vieille vache qui a passé l’âge de porter des veaux, mais qui peut encore faire ce travail et, tout en distribuant le lait, les deux femmes discutent des bagarres du dimanche soir et du danger qu’elles représentent.
— Vous auriez dû voir la bagarre au printemps dernier, pendant la Morena, dit Mme Karatish. Raymond s’en est mêlé.
Ce jour-là, dix hommes de la ville s’étaient placés à l’extrémité ouest du pont de Washington Avenue ; ils avaient déboutonné leur braguette et fait jaillir de longs jets d’urine sur les Flats, en contrebas. Raymond avait entendu Alžběta crier, il avait vu le filet de liquide jaune atteindre la vieille dame et, levant les yeux, il avait aperçu les hommes qui se moquaient d’eux. Avec dix-neuf autres hommes des Flats, ils avaient décidé de riposter : ils s’étaient faufilés parmi les arbres à l’entrée du pont, ils avaient gravi l’escalier et, d’un bond, ils avaient attaqué les délinquants par surprise. La bagarre tourna vite court. Ils traînèrent les coupables par les pieds jusqu’en bas de l’escalier, leur tête cognant contre chaque marche.
— Tu peux pas attendre jusqu’à dimanche, hein ? dit Honza en toisant les hommes couverts de contusions.
Il ouvrit sa braguette.
— Eh bien, la voilà, ta bière !
Ses compagnons firent de même ; ils urinèrent le reste de la bière tchèque qu’ils venaient d’ingérer sur les hommes étendus au bas des marches, à moitié inconscients. Soudain, un cri retentit : plusieurs policiers du Troisième District descendaient l’escalier dans un bruit de tonnerre pour mettre un terme à la vengeance. Honza entraîna Raymond loin de la bagarre après que ce dernier eut reçu quelques coups de matraque, et tous deux coururent se cacher dans les falaises.
Le dernier vendredi de juin, Magdalena se rend à pied dans le plus proche quartier de la ville, connu sous le nom de Seven Corners, pour faire des emplettes et découvrir un peu mieux les lieux. À sa grande contrariété, elle est presque tout de suite accostée par une femme, mais il lui suffit de la fixer avec insistance pour interrompre son discours de propagande religieuse. Cette rencontre est aussitôt suivie d’une deuxième : cette fois, il s’agit d’un mormon aux habits sombres qui l’implore de se convertir à son Église. L’homme, d’environ son âge, a des croûtes sur les paupières.
— Ma fille, laissez-moi vous guider vers la foi véritable.
— Je ne suis pas votre fille, répond-elle sèchement.
Puis elle sort son chapelet de son corsage et le laisse tomber pour qu’il le voie. Ce geste ne fait qu’aggraver les choses : apparemment, une papiste aurait plus besoin de se convertir qu’une Tzigane ou une juive. Il la suit tout le temps qu’elle longe deux immeubles, jusqu’à ce qu’elle avise un policier au coin de la rue.
Elle fait une troisième rencontre ce jour-là. Dans le magasin de tissu tout près de l’église Sainte-Élisabeth, une femme s’approche d’elle furtivement pour lui demander si elle dit la bonne aventure.
— J’ignore de quoi vous parlez, répond-elle. Je ne fais rien de semblable.
Zalman aussi lui a posé la question, un mois après leur arrivée sur les Flats : « Quand vous êtes-vous convertie ? » Elle s’étonne de ce que les gens voient en elle quand ils la regardent, de leur manière d’interpréter son aspect physique. Pourquoi ne la prend-on pas pour une Française, une Espagnole ou une Italienne ?
Au début du mois de février, durant l’une de ses promenades quotidiennes, elle aperçoit Aino, debout près du fleuve, qui regarde patiner les enfants. Elle s’est encapuchonnée dans un grand foulard noir ; son long manteau gris est si peu élégant qu’il en paraît presque monacal. Magdalena hésite, puis elle s’avance pour rejoindre sa voisine.
— Il y a des fois où l’hiver ici me rend triste, dit Aino sans la regarder. Trop de monde. Ça me manque, de ne pas pouvoir me promener là où il n’y a personne. Comme vous, j’ai besoin de sortir de chez moi.
Elle relève légèrement la tête pour contempler la falaise, à l’est.
— Mais au moins, il y a le fleuve. J’ai besoin de vivre près de l’eau. Et ça aide, de regarder les enfants.
L’un d’eux l’appelle en agitant la main. Plusieurs autres l’imitent. Aino leur fait alors signe à son tour.
— Nous avons eu des enfants. Trois bébés. Deux filles et un garçon. Nous avions une ferme. Kyle était scieur, mais rien n’allait jamais. La sécheresse une année, de mauvaises récoltes l’année suivante. On a perdu un terrain boisé dans un incendie. Le premier bébé est mort de fièvre. Mon lait s’est tari trop tôt pour le deuxième, qui ne supportait pas le lait de vache. On a déménagé à Helsinki avec le troisième et Kyle a trouvé du travail comme pêcheur. On pensait que ce serait plus facile, puisque les médecins n’étaient pas loin, mais non. Notre fils est mort du choléra. C’est lui qui aura vécu le plus longtemps. Deux ans et demi. On l’a emmené à l’endroit de la forêt où on avait enterré ses sœurs. Et ensuite, comme on n’avait plus d’enfants, Kyle risquait d’être enrôlé de force dans l’armée russe. On a donc décidé d’emprunter de l’argent à nos deux familles et on a quitté la Finlande.
— Aino…
Mais Aino ne tolère aucune compassion ni pitié. Elle prend Magdalena par le bras, puis elles font demi-tour et se dirigent vers leurs maisons respectives.
— Alžběta me dit que j’ai des raisons d’espérer. Les choses vont donc aller mieux.
Elle termine sa phrase en effleurant la courbe du ventre de Magdalena.
Même si ces sorties quotidiennes lui font du bien, Magdalena n’a pas le souvenir de s’être sentie aussi vide quand elle était enceinte d’Eberhard et de Frank, ni perdue dans ses pensées au point de ne pouvoir suivre le fil du temps qui passe.
— Quel jour sommes-nous, aujourd’hui ? demande-t-elle à Eberhard,
L’enfant lève les yeux de son dessin.
— Samedi. Samedi 21.
— Où est ton frère ?
— Chez Aino et Kyle.
— Va le chercher. Je dois commencer à préparer le dîner.
— Je ne veux pas aller jusqu’à là-bas dans le noir.
Elle observe son fils aîné ; c’est un enfant précoce.
— Eberhard ! D’habitude tu vas jusqu’à là-bas dans le noir tout seul.
— Aujourd’hui, je ne veux pas. Mais j’irai si tu viens avec moi.
Elle lui touche le front et pousse un soupir.
— D’accord. Mais nous devons faire vite. Ton père et ton oncle vont rentrer d’une minute à l’autre.
Lorsqu’ils arrivent à la porte de la maison des Takelo, Eberhard frappe deux coups, puis réitère ce bref staccato. Frank lui ouvre ; derrière lui se tiennent Aino, Kyle, Alžběta, Albert et Raymond.
— Bon anniversaire, maman ! s’écrie Eberhard.
Frank prend sa mère par la main et l’entraîne à l’intérieur de la maison.
— Tu as oublié ton anniversaire ! dit-il en pouffant de rire, puis en la guidant vers la table du dîner.
Kyle a négocié avec l’épicier l’achat d’une truite mouchetée à fumer ; sa chair est délicate et sa saveur, sublime. Le plat est accompagné de pommes de terre bouillies
agrémentées de beurre et d’aneth, de soupe de pois appelée hernekeitto, de rouleaux de chou, des särmä, ainsi que de galettes ; pour le dessert, Aino a préparé des brioches aromatisées à la graine de cardamome, qu’on appelle pulla. Aino ouvre un précieux bocal : de la confiture de mûres envoyée par des parents de Finlande. Quant à Kyle, il sort une bouteille de vodka de son pays.
La conversation est très variée. On raconte des histoires drôles, on parle politique, puis l’on évoque les futures terres. Aino, qui sirote un verre de vodka, prend Frank sur ses genoux. Eberhard, lui, est assis tout près d’Alžběta sur un petit banc et pose la tête sur son épaule. Il réclame une histoire.
— Aino, dit Raymond. Racontez-nous l’histoire de votre nom. En anglais.
Elle hésite ; ses yeux verts brillent d’un éclat chatoyant à la lumière de la bougie. Voyant que Kyle hoche la tête et allume sa pipe, elle se lance. Avec ses inflexions et sa cadence, sa voix semble osciller entre la psalmodie et le chant.
On m’a donné le nom de la fille qui s’est jetée à l’eau, puis transformée en saumon pour échapper à un mariage dont elle ne voulait pas. C’est son frère aîné Joukahainen qui en fut la cause. Il avait défié le dieu Väinämöinen lors d’un duel de chants incantatoires, non sans savoir que, s’il perdait, Väinämöinen le tuerait. Joukahainen perdit bel et bien. Pour échapper à la mort, il promit sa sœur en mariage à Väinämöinen. Il rentra chez lui humilié et bouleversé, conscient de ce qu’il avait fait. Il dit à sa mère en pleurant :
J’ai donné ma sœur, Aino,
Et promis que l’enfant de ma mère
Prendrait soin de Väinämöinen,
Serait une compagne pour celui qui chante,
Un refuge pour l’homme épuisé,
Un abri pour celui qui cherche où se cacher.
Mais sa mère était heureuse, car Väinämöinen était un dieu, et le compter parmi les siens signifiait que plus jamais elle ne souffrirait de la faim. Elle dit à sa fille en larmes qu’avoir un tel époux était une grande chose : jamais elle ne manquerait de nourriture, elle aurait de beaux habits et une belle maison. Mais Aino savait qu’aucune jeune femme ne voulait être l’épouse de Väinämöinen. Elle mit sa mère en garde : si on la forçait à épouser le dieu, elle deviendrait sœur du poisson blanc et frère des poissons. Sa mère ne l’écouta point. Aino quitta alors la maison et voyagea trois jours durant, jusqu’à ce qu’elle arrive au bord de la mer. Trois sirènes assises sur un rocher non loin du rivage lui firent signe de les rejoindre. Avant de plonger dans l’eau, et pendant que les animaux de la clairière ne regardaient pas, Aino retira tout ce qu’elle portait et qui avait été fabriqué par des humains :
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