Bohemian Flats

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Bohemian Flats Page 25

by Mary Relindes Ellis


  — C’est moi qui en ai fait la demande. En partie pour des motifs égoïstes. Selon certaines hypothèses, le terrain qui entoure le lac Supérieur contiendrait une roche parmi les plus anciennes au monde.

  Il ferme les yeux et prend une profonde inspiration.

  — C’est si beau, ici. Je ne regrette pas ma décision. On m’a décrit les Chippewa comme des gens à la fois infantiles et sauvages. J’ai dit à l’évêque que les Anglais décrivent les Irlandais à peu près de la même façon. Il m’a répondu que j’étais jeune, que j’apprendrais une fois sur place.

  — Et qu’apprenez-vous ?

  — Ils me donnent une leçon d’humilité. Par tout ce qu’ils sont obligés de faire pour survivre. Par ce qu’ils savent de leur histoire. Par ce qu’ils ont perdu. Ils sont loin d’être infantiles ou sauvages, bien qu’ils aient connu un passé effroyable, avec toutes les guerres contre les Dakota et les Iroquois.

  Le prêtre parle avec une telle sincérité que Magdalena se rappelle soudain une mise en garde de son père.

  — Surtout, veillez à ne pas les idéaliser. Mon père n’a pas passé beaucoup de temps aux États-Unis, mais il a tout de même vécu un moment en Amérique du Sud et il a voyagé au Congo. D’après lui, idéaliser un peuple ou sa culture est une forme de condescendance : cela crée des illusions et pour finir engendre le mépris, car ceux que l’on idéalise ne peuvent jamais être à la hauteur des illusions qu’ils n’ont d’ailleurs jamais prétendu inspirer.

  Elle s’interrompt brusquement. Elle se sent mal à l’aise de pontifier ainsi. Mais il y a si longtemps qu’elle n’a pas eu quelqu’un d’une telle envergure intellectuelle avec qui parler, hormis Albert.

  — Et qu’avez-vous appris, Albert et vous, depuis que vous habitez ici ?

  — Qu’ils ont leur manière à eux de faire les choses. Qu’ils ont leurs faiblesses et leurs qualités. Leurs ambiguïtés. Fox Lake ressemble à n’importe quelle autre communauté. Il y a des gens bien, des gens moins bien, et d’autres qui se situent quelque part entre les deux. Exactement comme nous. Ils travaillent dur, mais de façon différente, avec un autre rapport au temps. Cela contrarie Albert, ajoute-t-elle avec regret, mais pas au point que cela pose problème.

  Elle regarde les adultes et les enfants qui mangent sur des couvertures, près de la maison. Un mélange d’hommes, de femmes et d’enfants, indiens, allemands, polonais. Même Jacob, Marie et leur petite fille sont présents. Elle voudrait tellement qu’Aino, Kyle, Raymond, ses parents et ses sœurs soient là. Et Alžběta aussi. Elle n’a jamais pensé que les Flats lui manqueraient autant.

  — Nous voulions élever nos enfants parmi des gens d’une autre culture, ajoute-t-elle.

  — Vous faites preuve d’une tolérance exceptionnelle.

  Croyant qu’il se moque d’elle, elle le scrute avec attention. Mais il demeure imperturbable.

  — Je sais ce que c’est d’être considéré comme différent, quand on vous juge et pense qu’il faut vous convertir. Je ne crois pas entièrement à la religion catholique, mon père. Ni à aucune religion.

  Elle chasse le souvenir du mormon aux paupières parsemées de croûtes et se tourne pour faire face au prêtre.

  — Je ne prétends pas vous faire la leçon. Je veux que vous réussissiez ici.

  Lorsqu’il ouvre la bouche pour lui répondre, elle l’interrompt d’un geste de la main.

  — N’essayez pas de les convertir. Vous échouerez et, pire, ils vous retireront leur confiance. Je sais que vous ne pouvez dire du mal d’un autre prêtre mais moi, si. Le père Fitzgerald était moyenâgeux dans ses croyances. Il était superstitieux, ignorant et brutal. Beaucoup avaient foi en son autorité, mais pas Albert et moi.

  Puis elle fait un signe de tête en direction de la réserve.

  — Et eux non plus. Ils ignoraient le père Fitzgerald, et lui s’en trouvait agacé. Je crois que vous, vous avez de bons instincts. Ce que vous faites depuis votre arrivée constitue la meilleure façon de s’y prendre. Pas seulement avec eux, mais aussi avec les fermiers et les autres habitants de Chippewa. Ilmarinen et son père vous respectent et ça, c’est un sacré compliment.

  — Albert et vous, vous connaissez Ilmarinen et sa famille depuis longtemps ?

  — Depuis le printemps qui a suivi notre arrivée.

  — Ilmarinen est très intelligent, presque raffiné, à sa manière. J’ai été surpris d’apprendre que sa mère a assuré son instruction chez eux, dans la réserve. Comment la traite-t-on en ville, en tant que femme blanche vivant à Fox Lake ? Est-ce qu’on la reçoit ?

  — Non, ou du moins pas comme vous croyez. On la respecte : elle est sage-femme et guérisseuse, et c’est pour cela qu’on l’envoie chercher, mais les femmes de la ville ne l’invitent pas aux réceptions. Elle ne va pas à l’église, bien qu’elle ait été élevée dans la foi luthérienne, surtout par sa mère. Son père était fidèle à d’autres croyances – le Kalevala. Connaissez-vous le Kalevala ?

  — En partie. J’ai lu quelque part que les érudits finlandais accusaient Longfellow d’avoir volé la séquence rythmique et le mètre du Kalevala pour écrire Le Chant de Hiawatha.

  — J’ai une amie, Aino, qui chante les poèmes du Kalevala. C’est très beau à entendre. Nous les avons connus, son mari et elle, du temps où nous vivions à Minneapolis. Maintenant, ils sont dans le nord du Minnesota et nous, nous sommes ici.

  Elle s’arrête et repense à la question du père Boland.

  — Quant à être invitée aux réceptions, je ne crois pas que Marjaana s’en soucie.

  — Vous non plus, dit le prêtre.

  Ses yeux bleus sont rivés sur elle.

  *

  * *

  Le visage du bébé change bel et bien, et ce n’est que pour mieux confirmer sa ressemblance avec celui de son défunt grand-père. Magdalena s’était persuadée que le lien qu’elle n’avait pas ressenti entre sa fille et elle à la naissance devait s’établir en moins d’un mois. C’était, selon elle, une conséquence naturelle résultant de son expérience, et non un principe qu’elle avait posé.

  Mais Magdalena sèvre sa fille alors qu’elle n’a que cinq mois. À Marjaana et aux voisins ou amis qui, surpris, lui expriment leur désapprobation, elle répond que Hilda grandit vite et, après avoir non sans mal ouvert la petite bouche résistante, elle leur montre la dent qui pointe de sa gencive supérieure. Albert refuse de la croire : il sait que Magdalena a allaité leurs deux fils bien au-delà de l’âge de quinze mois, et tous les deux avaient aussi des dents. Il soulève la question un jour, puis renonce à comprendre. Sa femme est sans doute la mieux placée pour juger.

  La dent n’est qu’un prétexte. Magdalena n’arrive pas à lui dire ce qu’elle ressent en voyant les yeux bleus du bébé. Ils lui rappellent trop ceux de son beau-père dans leur expression figée et glaciale, presque hostile ; elle n’arrive pas non plus à lui parler de cette petite bouche vorace qui tire péniblement sur son mamelon comme pour se débarrasser dès que possible de la corvée consistant à se nourrir.

  Elle écrit à Aino, qui a donné naissance à des jumelles trois semaines après son propre accouchement :

  « Je ne me sens pas comme avant. Je ne comprends pas pourquoi, si ce n’est qu’elle ressemble au père d’Albert et qu’elle a même son obstination. Ici, la sage-femme (qui est finlandaise !) l’a vu tout de suite, mais elle a fait preuve de tact. C’est comme si je l’avais mise au monde mais que je n’étais pas sa mère. Ou plutôt comme si elle ne voulait pas de moi pour mère. Une telle chose est-elle possible ? »

  Lorsque Hilda a un an, Magdalena a maintenant la certitude que la distance initiale qu’elle a éprouvée à l’égard de sa fille est un tort et que le préjudice est irréversible : Hilda refuse de prendre la main de Magdalena quand elle commence à marcher et préfère s’avancer tant bien que mal vers son père et ses frères. Albert ne tarde pas à s’apercevoir de la situation.

  — Je ne comprends pas pourquoi, dit-il, un soir qu’ils sont couchés.

  Magdalena ne répond pas.
Elle observe son profil indistinct dans la pénombre ; elle sait ce qu’il pense, ce qu’il se rappelle. Combien elle est proche de sa mère, mais aussi de sa belle-mère, avec qui elle échange des lettres en permanence. Combien il désire la même proximité entre ses enfants et combien il avait espéré une fille qui ressemblerait à son épouse ou à sa propre mère.

  Albert soupire. Il repense à leur bébé, du temps où ils étaient sur les Flats ; ce bébé ressemblait indéniablement à Magdalena. Mais Hilda a hérité du côté paternel : les boucles blondes qui vont devenir dorées et non couleur châtain au fil du temps, les lèvres pincées et désapprobatrices, si différentes des boutons de rose de sa petite fille disparue. Hilda a les yeux de son grand-père : une nuance de bleu qui rappelle l’Atlantique Nord par un jour de soleil, océan dont la teinte dissimule les traîtresses profondeurs. L’enfant a en outre hérité de l’inflexible volonté de Heinrich : c’est elle qui décide si, et à quel moment, Magdalena peut la prendre dans ses bras pour la couvrir de baisers. Enfin, il arrive que Hilda regarde sa mère avec rien de moins que du mépris. Albert en est d’autant plus troublé qu’avec les garçons et lui, le comportement de Hilda est tout à fait différent : dans leurs bras, elle se montre affectueuse et pleine d’adoration, docile et facile à vivre. Mais quand c’est sa mère qui tente de la bercer ou de la prendre dans ses bras, elle la repousse une fois sur deux, tant et si bien que Magdalena a fini par cesser de témoigner son affection : elle préfère attendre que Hilda vienne à elle. Tout en lui expliquant qu’il ne lui reproche rien, Albert lui fait comprendre qu’il n’est pas normal qu’une fille rejette sa mère. Pour Magdalena, ce qui n’est pas normal, c’est qu’une mère éprouve de tels sentiments envers son enfant.

  Il lui vient alors à l’esprit que c’est peut-être son enfant qui n’est pas normale.

  *

  * *

  Cinq ans après leur arrivée, ils vont enfin avoir une vraie maison. Ils la commandent sur le catalogue Sears & Roebuck. Elle comprend un étage et demi, une lucarne en losange juste au-dessous du toit en pente, quatre chambres, un salon, une grande cuisine et une vaste salle à manger. Quand elle est livrée, au début du mois de juin, ils s’émerveillent de ce monde moderne qui leur permet de recevoir ainsi une maison prête à monter. Jacob travaille dans le Michigan, mais Ilmarinen fait venir des hommes de Fox Lake et le père Boland participe quand il peut, tout comme Roman. Cependant, des tensions surgissent au sujet d’un problème qui n’est pas nouveau.

  Cet « autre rapport au temps » qui contrarie Albert et, à l’occasion, Magdalena, c’est ce que Roman Zelinski avait évoqué lors de leur arrivée en parlant d’« heure indienne », sauf qu’à l’époque ils n’avaient pas compris de quoi il retournait. Même au bout de cinq ans, cette « heure indienne » met parfois à rude épreuve l’amitié unissant Albert et Ilmarinen, ou les autres hommes de Fox Lake. Ces derniers ne respectent pas la pendule – d’ailleurs, ils n’ont pas de pendule – mais se contentent de vagues indications : c’est le matin, l’après-midi ou le soir qu’ils peuvent pêcher, chasser ou travailler. Albert veut que la maison soit montée le plus rapidement possible, ce qui signifie quelques jours consécutifs de travail. Mais Ilmarinen et les hommes de Fox Lake peuvent venir un jour, mais ne pas se présenter le lendemain, si bien que la construction traîne pendant un mois. La famille s’installe avant même que la maison ne soit achevée. Il reste deux pièces dont le sol doit être recouvert d’un plancher en chêne.

  — Comment arrivent-ils à faire quoi que ce soit ? demande Albert un jour qu’Ilmarinen, censé venir le matin, s’est présenté à deux heures de l’après-midi.

  Après avoir ôté son chapeau, il se met à table. Dans sa frustration, il se frotte le visage et se passe la main dans les cheveux.

  — Et pourtant, ils y arrivent, répond Magdalena.

  Mais elle le comprend : ses journées aussi ont une organisation – dont elle-même décide, puisque la plupart du temps elle travaille seule. Elle pose un verre d’eau froide devant Albert.

  — Ilmarinen n’est pas Raymond, ce n’est pas un frère cadet à qui tu peux donner des ordres. Il propose souvent son aide et nous l’acceptons. Certes, nous les payons, les autres et lui, mais cela ne nous donne pas le droit d’exiger. Eux aussi ont leur vie. Il y a ce qu’ils sont et ce que nous sommes.

  Elle lui rappelle que les Allemands sont réputés pour leur obsession de l’heure et leur amour de l’ordre. Raymond et lui ne se rebiffaient-ils pas contre la rigidité des programmes établis par leur père ?

  — Mon propre père n’était peut-être pas aussi zélé que le tien, mais il insistait sur la ponctualité.

  Elle songe à Roman : il se plaint qu’on embauche des hommes de la réserve (« Un jour, ils sont là et le lendemain, personne ») ; elle songe aux allusions faites par d’autres, aux préjugés que l’on entretient toujours davantage en ville, à la scierie, dans les tavernes et à l’épicerie de Fishbach. Les terres en friche que possèdent les Indiens devraient être cultivées ; les Indiens sont foncièrement paresseux, idiots et alcooliques. Le préjugé concernant l’alcoolisme ne vaut que pour une poignée d’individus. Albert a d’ailleurs fait remarquer à Roman qu’il y a exactement autant de Blancs, sinon plus, qui sont des ivrognes. Il a toutefois eu la délicatesse de ne pas mentionner les beuveries de Roman en fin de semaine, à la taverne.

  Magdalena n’arrive pas à se faire une opinion car, dans un contexte différent, ce pourraient être d’eux que l’on médit : dans ses lettres, Herr Richter évoque le sentiment antiallemand qui ne fait que s’accroître en Grande-Bretagne et en France. Il leur a également envoyé un dessin humoristique découpé dans le London Times et qui représente le Kaiser assis sur une horloge gigantesque, levant haut son épée d’un air satisfait. Il y avait une autre caricature anglaise du temps de leur jeunesse, sur laquelle un Bismarck grassouillet déjeunait de bretzels arrosés de bière dans un Biergarten pendant que Disraeli et d’autres dirigeants étrangers le regardaient, perchés dans un arbre. Petite fille, lors de ses voyages à Paris et à Londres, Magdalena avait fait l’expérience de ces jugements négatifs que l’on portait sur les Allemands : on les disait ambitieux, grossiers, brutaux, bruyants, agressifs et arrogants. Elle repense à Ernst Hasse, fondateur de l’Alldeutscher, Verband – la Ligue pangermaniste – et à ses propos parus dans un journal d’Augsbourg en 1891 : « Nous voulons des territoires, même s’ils appartiennent à des étrangers, pour pouvoir façonner l’avenir en fonction de nos besoins. » Sa mère avait été horrifiée et son père, écœuré.

  — Comment veux-tu qu’on voyage en Europe avec une telle menace au-dessus de nos têtes ? avait dit sa mère, angoissée. Saviez-vous que la Ligue pangermanique distribue des affiches juste en bas de la rue ? Ernst Geringer m’en a montré une, qui disait : « Le monde appartient à l’Allemagne. » Ernst a refusé de mettre ça sur sa vitrine. Il l’a brûlée.

  — Un point pour lui, avait répondu son père. Si un homme sans instruction mais intelligent peut comprendre la folie qu’il y a là-dedans, on ne peut qu’espérer qu’il y en ait d’autres.

  Après la mort de Heinrich, Otto avait rejoint la Ligue et Albert en avait éprouvé un sentiment de dégoût.

  Le fait que deux jours plutôt Eberhard et Frank aient mentionné le mépris pour la ponctualité de leurs amis de Fox Lake afin de justifier leur grasse matinée – puisqu’il était selon eux contre nature de se réveiller dans le noir – n’a fait qu’irriter encore plus Albert, qui s’est empressé de contredire l’argument.

  — Il peut y avoir deux coutumes qui coexistent. Pour eux, ça marche. Mais nous, nous suivons notre propre rythme. Donc sortez de là et montez à la grange, a-t-il dit en tirant les garçons de leur lit.

  Tout en repensant à la scène, Magdalena s’assied à la nouvelle table, dans sa gigantesque cuisine envahie par la lumière du sud.

  — Tu as envie d’être comme les Weir ? demande-t-elle à Albert.

  Elle fait allusion à leurs voisins, une famille de Blancs qui vivent sur le t
errain adjacent à leur ferme.

  — Mon Dieu, non, répond-il. Ce bonhomme est si opiniâtre, si fichtrement arrogant et ignare. Il ne s’entend avec personne. J’ai cru qu’il allait me tirer dessus, l’autre jour. Tu te souviens ?

  Ils ne voient pratiquement jamais Joseph et Hannah Weir ; ils connaissent l’existence de leur ribambelle d’enfants, turbulents et parfois mal nourris, uniquement parce que ceux-ci vagabondent à travers les bois avoisinants et les surfaces cultivées. On ne peut pas confondre les enfants Weir avec d’autres, car ils se ressemblent tous : cheveux blond-blanc, pommettes larges et plates, et une peau si claire que l’on dirait presque des fantômes quand ils se cachent pour regarder à travers les buissons ou les arbres. Lorsqu’ils passent chez un voisin pour réclamer à manger, ils ne disent jamais « S’il vous plaît » ou « Merci », mais attendent tout bonnement qu’on leur donne quelque chose à grignoter ou à boire avant de s’enfuir à toutes jambes. Leur père, Joseph Weir, un homme ambitieux, avait acheté cent soixante acres de terre. Comme beaucoup d’autres, il croyait savoir comment les cultiver et pensait qu’il pourrait embaucher des gens pour l’aider à déboiser une si vaste surface. Lorsqu’il apparut clairement qu’il n’y connaissait rien et qu’il ne faisait que s’endetter, Albert alla le voir pour lui proposer son aide. Il fut brutalement éconduit : Weir lui hurla en allemand de se mêler de ses affaires.

  Quand Albert raconta cet épisode le soir même au dîner, la réaction de la petite Hilda choqua toute la famille :

  — Alors ils mourront, déclara-t-elle.

  — Ne dis jamais cela !

  Magdalena avait parlé avec tant de véhémence qu’Albert et les garçons en furent effrayés. Dans le silence qui suivit, elle ressentit une profonde horreur. Elle venait de prononcer les mêmes paroles que sa mère ; la même angoisse se répétait.

  Depuis, c’est plus fort qu’elle : elle observe sa fille, toujours à l’affût de ces signes que redoutait tant sa propre mère.

 

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