Bohemian Flats

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Bohemian Flats Page 37

by Mary Relindes Ellis


  Quelqu’un entre, pose un bol sur le bureau, puis ressort. Sa mère lui caresse les cheveux et chante tout bas. Il ne sait pas depuis combien de temps il pleure, seulement qu’il a la tête lourde et qu’il est épuisé. Il sent une main froide sous son menton, puis le contact d’un linge humide sur ses joues et ses yeux.

  — Peux-tu te redresser ?

  Il recule, cherchant à tâtons les bras de son fauteuil, et parvient à s’asseoir.

  — Enlève ton manteau, ordonne-t-elle.

  Il obéit. Ensuite, elle va jusqu’à la porte, l’ouvre et tend le manteau à quelqu’un qu’il ne peut pas voir – une religieuse, certainement. Elle referme la porte, revient vers le bureau et mouille de nouveau le linge dans le bol d’eau glacée.

  — Applique ceci sur tes yeux. Je vais t’emmener dans une autre pièce pour que tu te laves et mettes des vêtements propres. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Tu ne dois pas tarder à quitter Augsbourg.

  — Qu’allez-vous faire d’Eberhard ?

  — Dans quelques heures, je vais prévenir le prêtre. Frau Richter lui dira qu’Eberhard est son petit-neveu, qu’il a été libéré par l’armée allemande et qu’il se dirigeait vers Augsbourg pour lui rendre visite lorsqu’il a été abattu par le Freikorps. Il dira qu’ils ont laissé son corps devant leur porte. Il sera enterré sous le nom de jeune fille de Frau Richter. Tu comprends pourquoi on ne peut pas l’enterrer sous le nom de Kaufmann ou de Richter ?

  Il hoche la tête. Il va lui falloir se concerter avec Ernst. La version des faits qu’ils voulaient proposer est en contradiction avec celle que Frau Richter va fournir. Il leur faudra se débarrasser des corps restés dans la maison, au lieu de les y laisser.

  — Et le prêtre le croira ?

  — Oui, surtout quand il verra combien Eberhard ressemble à Magdalena et à Frau Richter. Ah, comme j’aurais aimé le voir grandir !

  En écartant le linge de son front, Raymond s’aperçoit que le calme apparent de sa mère n’est qu’un masque. Le noir et le blanc de son habit ne sauraient altérer ni sanctifier la terrible douleur qui transparaît sur son visage.

  — Tu sais ce que j’ai fait.

  — Oui.

  — Je suis désolé de t’avoir causé de la souffrance.

  C’est tout ce qu’il trouve à dire. Il n’est pas désolé d’avoir tué Otto et il sait avec certitude que les remords ne viendront jamais. Mais Otto et lui avaient la même mère, et c’est un fait qu’il doit respecter.

  — C’était inévitable. Aucun d’entre vous ne m’a fait autant souffrir qu’Otto. Même s’il n’y avait pas eu de guerre, Otto serait encore celui qu’il a toujours été. Depuis son enfance, je sais que ton frère aîné possédait en lui les germes du mal. Il n’a jamais eu de conscience, malgré tous mes efforts pour tenter de lui en insuffler une. Il a nui à beaucoup de monde.

  — Tu oublies que papa a eu une grande influence sur lui.

  — Ton père a fait de mauvaises choses, des choses blessantes, mais il avait tout de même un niveau de conscience élémentaire. Il était parfois sans cœur avec les autres, surtout envers son frère Günter. Pourtant, il aurait protégé Günter. Il ne l’aurait pas tué. Après la mort de ton père, je me suis aperçue que son mépris à propos du suicide de Günter était en fait de la culpabilité. D’après moi, il avait le sentiment d’avoir entraîné son frère vers sa propre mort.

  Ils finissent par se taire. Dans quelques heures l’état de faiblesse de Raimund évoluera. Il recommencera à pleurer, jusqu’à l’épuisement. Il ne sait pas combien de temps cela durera. Il ne supporte pas l’idée d’avoir du sang sur les mains le jour où il retrouve sa mère.

  C’est elle qui brise le silence :

  — Je ne veux pas que tu traverses l’existence en te croyant mauvais à cause de tes actes. Durant cette guerre, ma foi a été mise à l’épreuve. Je me suis demandé où était Dieu et pourquoi Il laissait se poursuivre un tel massacre. Je Lui ai demandé de pardonner à Otto et de l’empêcher en même temps de faire le mal. Il l’en a certes empêché, mais pas suffisamment tôt. Je sais que tu ne crois pas en Dieu, Raimund. Mais aucune autorité n’aurait fait passer Otto en jugement ici-bas. Il y a encore des gens à Augsbourg qui croient à la légitimité de cette guerre. Otto en faisait partie : il recrutait des hommes pour tuer. Otto était un instrument du diable. Moi, je crois que tu as été choisi pour être un instrument de Dieu.

  Avant qu’il n’ait le temps de répondre, on frappe à la porte. Sa mère se lève pour aller ouvrir. Quand elle revient, elle lui tend un objet.

  — Qu’est-ce que c’est ?

  — En déshabillant Eberhard, sœur Barbara a trouvé ceci. Il était accroché sous sa ceinture ; Eberhard devait le garder sur lui.

  Et elle soulève un chapelet brisé, tout en argent.

  Raymond trouve étrange qu’Eberhard ait porté un chapelet.

  — Tu ne le reconnais pas, si ? C’était celui de ma grand-mère. Je l’avais offert à Magdalena juste avant qu’elle ne quitte le pays. Elle a dû le donner à Eberhard.

  Elle cherche la main de Raymond et dépose le chapelet dans sa paume.

  — Emporte-le pour le donner à Magdalena.

  — Je vais d’abord le faire réparer.

  — Non, laisse-le tel quel. Magdalena ne voudrait pas qu’on le fasse réparer.

  Une demi-heure plus tard, tous se retrouvent dans la cuisine. Les religieuses ont vêtu Eberhard d’un costume apporté par les Richter. Sa mère les congédie. Il ne reste maintenant plus que les Richter, Ernst, Raymond et sa mère.

  — Je parlerai à Albert et Magdalena, dit Raymond. Je ne veux pas que tu leur écrives maintenant. Je sais que ce que je demande ici est très pénible. Mais la situation est plus compliquée. Eberhard a déserté et nous savons qu’il l’a fait avec de bonnes intentions. Je dois faire en sorte que son souvenir ne soit pas entaché de déshonneur.

  — Raimund, il faut que j’écrive à Magdalena, répond Frau Richter.

  — Nous le ferons, dit Richter en s’avançant pour empêcher Raimund de parler. Mais nous devons attendre que Raimund nous dise quand.

  Dans une heure, le jour sera levé. Raymond ne peut prendre le risque de rester pour assister à la messe et aux funérailles. Ernst et lui se retrouvent dans la ruelle derrière le cloître.

  — Nous avons un problème, dit Raymond.

  Et il lui raconte le récit que Frau Richter a décidé faire au prêtre.

  — Alors il faut incendier la maison, répond Ernst. Ou encore mieux, la faire exploser. Ça, je peux m’en charger.

  — Non, tu ne peux pas. Il faut que ce soit moi. Je m’en vais, alors que toi, tu habites encore ici. Tu as des explosifs ? Et un détonateur ?

  — Oui. Mais tu sais comment t’y prendre ?

  — J’ai appris ça pendant l’entraînement de base au Canada. J’étais doué, curieusement. Et Louis ? J’ai pensé l’emmener, pour le faire sortir d’Allemagne.

  Tout d’abord, Ernst ne dit rien. Sous le faible éclairage de la ruelle, son visage est sombre.

  — Louis est mort, dit-il enfin. En ramenant le chariot, je l’ai trouvé pendu dans l’écurie.

  Ils n’auraient jamais dû le laisser seul.

  — Tu veux qu’on ramène le corps au couvent ? demande-t-il.

  — Non. C’est un suicide. Ça signifie qu’il faudrait expliquer au prêtre ce qui l’a poussé à un tel acte, ce qu’il faisait pour gagner sa vie. De toute façon, il ne sera pas enterré au cimetière. Voilà pourquoi je dois faire exploser la maison. Je vais emmener Louis là-bas et l’abandonner dans le salon, avec les autres.

  — Ernst…

  — Otto achetait beaucoup de dynamite au marché noir et j’imagine qu’il la gardait en réserve quelque part à la ferme. On pourra croire qu’il a fait exploser la maison du Lech, y compris les hommes qui se trouvaient à l’intérieur. Et qu’ensuite, un autre membre du Freikorps s’est vengé en le tuant.

  — Ça devrait marcher.

  — Oui, mais seulement si j’arrive là-bas tout d
e suite. J’ai fait tes bagages et il y a un cheval qui t’attend. Maintenant, tu dois partir.

  *

  * *

  Quelques semaines après Noël, tandis qu’elle sort de la grange et se dirige vers la maison, un seau de lait à la main, Magdalena est prise d’un étourdissement. Elle pose le seau par terre et se penche pour retrouver son souffle ; son cœur bat très fort et elle a la nausée. Puis elle se relève lentement et regarde en direction de la maison. Mais elle ne la voit pas. À la place, elle voit la falaise qui se dresse derrière les Flats. Elle est dans le massif de bouleaux, les yeux tournés vers le Mississippi. Brusquement, son estomac se contracte et elle ferme les paupières sous l’effet de la douleur. Quand elle les rouvre, la maison est de nouveau là. Elle ramasse le seau, poursuit son chemin et réussit à rentrer chez elle. Une fois dans la cuisine, elle prend un crayon et fait un petit trait sur le calendrier accroché au mur. On est le 12 janvier.

  Le 23 janvier, à quatre heures du matin, on cogne à la porte. Un cavalier solitaire venu de la ville et qu’ils reconnaissent vaguement leur tend une lettre de Raymond, ainsi qu’un télégramme. Ils ouvrent le télégramme en premier.

  Eberhard a rejoint les grands-parents Richter

  auprès de Dieu.

  Ils se regardent.

  — « Auprès de Dieu » ? demande Albert.

  Magdalena ouvre la lettre et la lit à voix haute. Le message de Raymond est bref : Eberhard a été abattu par un membre du Freikorps alors qu’il montait la garde à son poste de Coblence. « Ce n’est pas le Freikorps des guerres napoléoniennes, écrit-il. Ce sont des bandes d’anciens soldats allemands qui sont contre l’armistice et qui agissent comme des miliciens prêts à se faire recruter. » Raymond a obtenu qu’on lui remette le corps d’Eberhard et l’a emporté à Augsbourg pour qu’il soit inhumé dans le caveau familial des Richter. Il conclut sa lettre en disant qu’il passera les voir à la ferme vers la fin janvier, quand il rentrera à Minneapolis.

  Albert se dirige vers la table de la cuisine. Il tâte les murs et les chaises comme s’il était soudain devenu aveugle. Il s’assied et s’enfouit le visage entre les mains. Magdalena, toujours près de la porte, relit maintes et maintes fois le télégramme. Ils savent que l’Allemagne est plongée dans le chaos, qu’il y a des émeutes. Lorsqu’ils avaient appris qu’Eberhard n’était pas mort au combat, leur unique motif d’inquiétude avait été de savoir si les parents et les sœurs de Magdalena trouvaient à manger, et de même qu’ils ne croyaient pas que les soldats alliés occupant l’Allemagne puissent encourir un danger, ils ne peuvent comprendre que leur fils ait survécu à la guerre pour mourir juste au moment où la paix était déclarée.

  Leur silence est rompu par un bruit de ressorts, à l’étage.

  — Albert, dit-elle en s’approchant de la table. Il va falloir que tu parles à Hilda. Elle prendra mieux la nouvelle si c’est toi qui la lui annonces.

  Albert monte l’escalier et, quelques secondes plus tard, Magdalena entend sa fille gémir dans son lit, puis Albert qui sanglote. Le reste de la journée est chaotique. Le choc de la nouvelle devient de plus en plus insupportable à mesure que s’écoulent les heures. Albert travaille au-dehors, il fend du bois à la hache de manière obsessionnelle. Quant à Hilda, elle pleure et refuse de manger. À l’heure du dîner, Magdalena finit par lui donner deux grands verres d’une épaisse bière blonde et du pain grillé. Moins d’une heure plus tard, Hilda s’est endormie. Magdalena dispose ensuite cinq autres bouteilles de bière sur la table devant Albert, dont le visage est tout gercé par le froid. Elle en débouche une et prend une gorgée.

  — Vas-y, dit-elle. Bois autant que tu veux. En tout cas, moi, c’est ce que je vais faire.

  *

  * *

  À la fin du mois, Raymond n’est toujours pas rentré. Ils reçoivent une lettre du capitaine Kell, qui leur explique que Raymond a été malade et qu’il est hospitalisé, mais leur assure qu’il n’est pas en danger et que, au bout d’un mois ou deux de convalescence, il rentrera très probablement chez lui avec le reste des troupes américaines, en avril ou en mai.

  — Il n’a peut-être pas envie de rentrer, dit Albert.

  Il replie la lettre et la rend à Magdalena.

  — Je ne lui en veux pas. Je suis sûr qu’il sait combien son engagement dans l’armée m’avait mis en colère.

  — Ça, je ne crois pas, répond-elle. On en sait si peu sur ce que Raymond a traversé. Il se peut qu’il ait été blessé. Il a besoin d’avoir de tes nouvelles, Albert. Il a besoin de savoir que tu as envie de le voir rentrer. Surtout quand on pense aux lettres qu’on a reçues de ta mère et de mes parents.

  Dans ces deux lettres, ils disaient leur amour pour Eberhard, mêlé à un profond chagrin, tout en s’efforçant de leur procurer autant de réconfort que possible. Ils exprimaient aussi leur gratitude envers Raymond, qui était intervenu pour empêcher qu’Eberhard soit enterré dans un champ de bataille comme tant d’autres victimes de la guerre. Ces missives avaient un ton curieusement protecteur envers Raymond. « Raimund a fait de son mieux pour veiller sur son neveu. Je vous en prie, sachez-le, avait écrit Frau Richter. Il souffre autant que vous deux. »

  Durant les deux semaines qui ont suivi l’arrivée du télégramme et de la lettre, Albert n’a pas quitté son lit. Le couple de Norvégiens qui louait la maison des Weir a accompli toutes les corvées de la ferme. Marjaana est venue leur rendre visite en insistant pour que Magdalena se repose, elle aussi. Elle a fait la cuisine et s’est occupée de Hilda. Au terme de ces deux semaines, Magdalena et Albert ont été forcés de dépasser la torpeur causée par leur chagrin : la ferme l’exigeait, ils avaient encore un enfant chez eux – une fillette qui, aux prises avec la même douleur, avait besoin du soutien de ses parents. D’autres avaient souffert également : Frank leur a appris que Marek, le fils de Honza, avait trouvé la mort dans la bataille de l’Argonne. L’un des fils Chosa, de Fox Lake, a péri dans l’Argonne lui aussi. En revanche, Mika Two Knives a survécu. D’après Ilmarinen, il est dans la 32e division mais son unité occupe la Rhénanie, au sud de Coblence. Il rentrera en mai.

  L’hiver est rude, mais un beau matin ils découvrent que le printemps est là. Au chagrin succède la rage, surtout pour Albert. Si la guerre avait changé sa façon de penser en le rendant plus sensible, il retrouve à l’issue du conflit son réalisme et son détachement d’homme instruit. Cependant jamais il ne parviendra à trouver de sens ni de logique à cet épisode historique. Non seulement l’Allemagne ne leur avait offert aucune perspective, à Raymond ni à lui-même, ni aucune liberté de choix sinon celui d’émigrer, mais il apparaît maintenant qu’elle a tué son fils aîné.

  Pour Magdalena, la Grande Guerre ressemble à la morale d’un conte de Grimm : en échange de la vie qu’elle a choisie en Amérique, son ancienne patrie a réclamé son fils. Elle reconsidère chacun des mots figurant dans les lettres d’Eberhard, les soupèse pour deviner l’humeur qui était la sienne ou bien ce qu’il ne disait pas. La lettre qui paraissait le plus lui ressembler était celle qu’ils avaient reçue trois mois après son départ pour la France. Magdalena lit et relit la description qu’il faisait du vin, et du pain qu’il avait mangé, ainsi que des soldats qu’il avait rencontrés. Elle éprouve une amère ironie à l’idée de pleurer son fils alors même qu’elle est entourée de l’odeur riche et minérale de la boue printanière et qu’elle entend l’appel des rouges-gorges, des cardinaux ou encore des merles.

  Au bout d’un mois de discussions, Albert et elle décident de devenir américains de la manière la plus complète possible. Il y a beaucoup de choses dans leur culture d’origine auxquelles ils ne peuvent renoncer, tant certaines de ses traditions les plus joyeuses sont ancrées en eux. Mais ils cessent de parler dans leur langue maternelle en public et empêchent Hilda de s’exprimer en allemand. La langue étant selon eux la partie la plus profonde de leur identité, c’est en délaissant celle-là qu’ils pourront maîtriser celle-ci.

  Hilda ne tient pas particulièrement à parler allemand, su
rtout depuis leur premier séjour sur les Flats. D’ailleurs, elle comprend l’allemand plus qu’elle ne le parle. Sa première langue est l’anglais, celle de l’école. L’Allemagne des histoires soigneusement choisies par ses parents ne signifie pour elle que cela : des histoires. Elle n’a aucune notion ni connaissance en matière de politique, elle ne peut comprendre l’immense portée de la guerre qui a tué son frère. Pour elle, ce n’est pas la Grande Guerre, mais le Grand Mystère. Le frère adoré qu’elle n’a pas vu depuis trois ans a pénétré dans un abîme d’où il n’est jamais revenu. Elle s’est renfermée sur elle-même. Elle mange très peu et parle rarement. Elle va toujours à l’école, mais fait ses devoirs avec peu d’enthousiasme. Inquiets, Albert et Magdalena essaient de l’amadouer en la suppliant de dire le bénédicité quand ils sont à table. Elle refuse. Magdalena offre à Hilda le chapelet que lui avait donné sa mère et lui propose d’aller à la messe du samedi en plus de celle du dimanche, chose pour laquelle elle les avait harcelés avant l’automne. La jeune fille tâte le chapelet, mais le lui rend.

  — Non, dit Hilda. Le chapelet que tu as donné à Eberhard ne l’a pas protégé.

  Elle ne reprend vie que vers la fin du mois d’avril, et plus exactement le jour ou c’est son tour d’apporter des pierres pour la leçon de géologie du père Boland. Depuis la maison, Albert et Magdalena la regardent arpenter la rive du fleuve et remplir à tel point son cartable qu’il lui faut ensuite le traîner derrière elle. Quand elle rentre ce soir-là, le cartable est vide, mais sa robe est couverte de boue et l’une de ses manches est déchirée. Elle passe devant eux sans mot dire et ne s’arrête que pour leur remettre une enveloppe.

  — Normalement, ce serait sœur Augusta qui vous entretiendrait de cette affaire, mais il se trouve que j’ai été directement témoin de l’incident, commence le prêtre.

  Ils sont assis dans le bureau du presbytère. Ilmarinen est lui aussi présent, mais sans sa femme, restée à la maison avec leur petite fille de trois mois. Le père Boland leur parle d’abord du tas de pierres dans un coin de la cour, où chaque élève doit déposer les spécimens pour la leçon. Puis il leur raconte ce qu’il s’est passé cet après-midi-là, pendant la récréation. Hilda traînait son cartable afin d’ajouter ses pierres à d’autres montagnes de spécimens lorsqu’elle a vu Seppo Stone à terre, les mains sur la figure, qui se défendait face à un garçon de deux ans son aîné.

 

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