Short Stories in French

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Short Stories in French Page 4

by Richard Coward


  David aussi a faim. Il pense qu’il n’a rien mangé depuis hier soir, rien bu non plus. Il a soif et faim, mais il ne veut pas retourner vers la vieille ville. Il marche sur les plages de galets jusqu’au cours d’eau qui serpente lentement. L’eau est froide et transparente, et David boit longuement, à genoux sur les galets, le visage tout près de l’eau. D’avoir bu comme cela, il se sent un peu mieux, et il a la force de remonter le lit du fleuve, jusqu’à une rampe d’accès un peu en amont. C’est là que les camions viennent décharger leurs bennes, des pierres, des gravats, de la boue.

  David quitte les bords du rio sec, il retourne au milieu des maisons, pour chercher à manger. Les immeubles blancs font une sorte de demi-cercle, encadrant une grande place couverte d’autos arrêtées. Au fond de la place, il y a un centre commercial, avec une large porte sombre. Déjà, les lumières brillent autour de la porte, pour faire croire que la nuit est venue.

  David aime bien la nuit. Il n’a pas peur d’elle, mais au contraire, il sait qu’il peut se cacher quand elle est là, comme s’il devenait invisible. Dans le supermarché, il y a beaucoup de lumières. Les gens vont et viennent avec leurs petits chariots de métal. David sait comment il doit faire. C’est son ami Lucas qui le lui a dit, la première fois. Il faut choisir des gens avec qui on va entrer, bien choisir des gens qui ont l’air convenable, avec un jeune enfant peut-être. Le mieux, c’est les grands-parents, qui poussent un chariot avec un bébé dedans. Ils marchent lentement, et ils ne font pas attention à ce qui les entoure, alors on peut entrer avec eux, et faire comme si on était avec eux, tantôt devant, tantôt derrière. Les surveillants ne surveillent pas les grands-parents avec des enfants.

  David attend un peu, dans un coin du parking. Il voit une grande voiture noire s’arrêter et en sortent un homme et une femme encore jeunes, accompagnés de toute leur famille, cinq enfants. Il y a trois filles et deux garçons, les filles sont grandes et belles, avec de longs cheveux blond foncé qui tombent en cascade sur leurs épaules, sauf la plus petite, qui a quatre ou cinq ans, et qui a des cheveux bruns. Les deux garçons ont entre douze et quinze ans, ils ressemblent à leur père, ils sont grands et minces, la peau bronzée par le soleil, et leurs cheveux sont châtain. Tous ensemble, ils vont vers la porte du Super. La petite fille s’est installée dans un chariot de métal, et c’est l’aînée qui la pousse, en riant aux éclats. La mère l’appelle, elle crie leurs noms: «Christiane! Isa!» Et les garçons courent après elles et arrêtent le chariot.

  David les suit, de loin d’abord, puis il entre avec eux à l’intérieur du Super. Il est si près d’eux qu’il les entend parler, il écoute tout ce qu’ils disent. Les enfants vont par groupes de deux, ils se réunissent, ils courent, ils reviennent, ils entourent même David, mais sans le voir, comme s’il n’était qu’une ombre. Ils entraînent leurs parents vers la pâtisserie, et David en profite pour prendre un pain qu’il mange sans se presser, tranche après tranche. Les filles sont belles, et David les regarde avec une attention presque douloureuse. La lumière électrique brille sur leurs cheveux blonds, sur leurs anoraks de plastique bleu ou rouge. La plus grande s’appelle Sonia, elle doit avoir seize ans, et c’est elle surtout que David regarde. Elle est si sûre d’elle, elle parle si bien, avec sa voix chantante, en écartant les mèches qui tombent sur ses joues, qui frôlent ses lèvres. David pense à son frère Édouard, à son visage sombre et dur, à ses yeux noirs qui brûlaient de fièvre, il pense à Corto aussi, sur la plage, à son regard trouble, à son teint pâle, aux cernes bruns qui salissaient son visage, il pense au vent froid sur la plage déserte. Les enfants tournent autour de lui, crient, rient, s’interpellent. David écoute avidement leurs noms qui résonnent: «Alain! Isa! Dino! Sonia! …» A un moment, les parents se retournent, ils regardent avec étonnement David qui mange ses tranches de pain, comme s’ils allaient lui dire quelque chose. Mais David se détourne, il s’arrête et les laisse partir, puis il recommence à les suivre, mais de loin. En passant devant le rayon des biscuits, il choisit un paquet de galettes au fromage, et il commence à les grignoter. Mais elles sont trop salées et elles lui donnent soif. Alors il repose le paquet entamé et il prend une boîte de biscuits à la figue, qu’il aime bien. La famille, devant lui, entasse beaucoup de choses sur le chariot, des biscuits, de l’eau minérale, du lait, des sacs de pommes de terre, des paquets de pâtes, du savon. Le chariot est si lourd que ce sont les deux garçons à présent qui le poussent, et la petite fille suce son pouce avec l’air de s’ennuyer.

  David pense qu’il aimerait bien les suivre comme ça toute sa vie, jusqu’au bout du monde, jusque chez eux. Le soir, ils rentreraient dans une belle maison claire, entourée d’un frais jardin rempli de fleurs et de saules, et ils mangeraient tous autour d’une grande table, comme celles qu’on voit au cinéma, où il y aurait toutes sortes de mets, et des fruits, et des glaces dans des coupes. Et leurs parents parleraient avec eux, et ils raconteraient tous des histoires, de longues histoires qui les feraient rire aux éclats, et ensuite ce serait l’heure de se coucher, d’abord la petite Christiane, et ils lui raconteraient une histoire pour l’endormir, chacun son tour, jusqu’à ce que ses yeux se ferment, puis ils iraient se coucher dans leur lit, chacun aurait un lit pour soi, avec des draps ornés de dessins comme on voit, et la chambre serait grande et peinte en bleu pâle. Et avant de dormir, Sonia viendrait en chemise de nuit, avec ses longs cheveux blonds qui roulent sur ses épaules, et elle lui donnerait un baiser, du bout des lèvres, et il sentirait la chaleur de son cou et le parfum de ses cheveux, juste avant d’entrer dans le sommeil. Ça serait juste comme ça, David peut le voir en fermant les yeux.

  Maintenant, ils passent tous devant le rayon des fruits, et ils s’arrêtent pour choisir. David revient au milieu d’eux, il veut tellement entendre encore leurs voix, sentir leur parfum. Il s’arrête juste à côté de Sonia, et pour elle il choisit une belle pomme rouge, et il la lui tend. Elle le regarde un peu étonnée, puis elle sourit gentiment et elle lui dit merci, mais elle ne la prend pas. Puis la famille s’éloigne de nouveau, et David mange la pomme lentement, les yeux un peu brouillés de larmes, sans comprendre pourquoi il a envie de pleurer. Il les regarde s’éloigner vers l’autre bout du grand magasin, tourner derrière une montagne de bouteilles de bière. Alors, sans se cacher, il sort du Super, en passant entre les caisses, et il va finir sa pomme dehors, en regardant la nuit qui s’est installée sur le parking.

  Il reste là longtemps, assis sur une borne de ciment, près de la sortie du parking, à regarder les voitures allumer leurs phares et partir. Les unes après les autres, elles font claquer leurs portes, et puis elles glissent au loin, elles disparaissent, avec leurs feux rouges et leurs clignotants. Malgré le froid de la nuit, David aime bien voir les autos s’en aller, comme cela, avec leurs lumières et les reflets sur leur carrosserie. Mais il faut faire attention aux policiers, et aux gardiens. Ils ont des voitures noires, parfois des vélomoteurs, et ils tournent lentement sur les parkings à la recherche des voleurs. Tout d’un coup, David voit quelqu’un qui le regarde. C’est un homme grand et fort, au visage brutal, qui est sorti du Super par une porte de service et qui a marché sans bruit sur la chaussée, derrière David. Maintenant, il est là, il le regarde, et à la lumière de la façade du Super ses yeux brillent bizarrement. Mais ce n’est pas un gardien, ni un policier. Il tient dans sa main un sac de pop-corn, et il appuie de temps en temps sa main sur sa bouche, pour avaler le maïs éclaté, sans cesser de regarder du côté de David, avec ses yeux noirs, très brillants. David le regarde de temps à autre du coin de l’œil, et il le voit qui s’approche, il entend le bruit que fait sa grosse main quand elle fouille dans le sac de pop-corn. Il est tout près, maintenant, et le cœur de David se met à battre très fort, parce qu’il se souvient des histoires qu’on raconte, à l’école, des types fous et obsédés qui enlèvent les enfants pour les tuer. En même temps, la peur l’empêche de bouger, et il reste assis sur la borne de ciment, à regarder droit devant lui le parking presque vide où la lumière des réverbères f
ait de grandes taches jaunes.

  «Tu veux du pop-corn?» Quand David entend la voix de l’homme, il a parlé doucement, mais avec quelque chose qui a tremblé un peu, comme s’il avait peur, lui aussi, David bondit de la borne et il se met à courir aussi vite qu’il peut vers l’entrée du parking, là où il y a encore des voitures arrêtées. Dès qu’il a passé une voiture, il s’arrête, il s’aplatit sur le sol et il rampe sous les voitures, passant de l’une à l’autre, puis il s’immobilise à nouveau, et il regarde autour de lui. L’homme est là, il a couru derrière lui, mais il est trop gros pour se baisser, il marche à grands pas le long des voitures. David voit ses jambes passer, s’éloigner. Il attend encore un peu, et il rampe en sens inverse. Quand il sort de dessous un camion arrêté, il voit la silhouette de l’homme, très loin qui s’éloigne en regardant autour de lui.

  Maintenant, David a moins peur, mais il n’ose plus marcher dans la nuit. La plate-forme du camion est recouverte d’une bâche, et David défait un côté, et il se glisse sous la bâche. La tôle est froide, couverte de poussière de ciment. Près de l’habitacle, David trouve de vieilles toiles, et il fait son lit avec elles. La faim, la peur, et toute cette journée passée dehors à marcher l’ont fatigué. Il se couche sur les toiles, et il s’endort en écoutant le bruit des moteurs qui passent sur la route, le long du rio sec. Il pense peut-être encore une fois à son frère Édouard, seul comme lui dans la nuit, ce soir.

  Quand l’aube se rompt, avant même qu’il fasse jour, David s’éveille. Le froid de la nuit l’a endolori, et aussi le dur plancher de la plate-forme du camion. Le vent fait claquer la bâche, l’écartant et la rabattant en laissant passer l’air froid et humide, et le gris de l’aube.

  David descend du camion, il marche à travers le parking. La grand-route est déserte, encore éclairée par les flaques jaunes des lampadaires. Mais David aime bien cette heure, si tôt que tous les habitants de la ville semblent avoir fui loin dans les collines. Peut-être qu’ils ne reviendront jamais, eux non plus?

  Sans se presser, il traverse la route et longe le quai. En bas le rio sec est vaste et silencieux. Le lit de galets s’étend à perte de vue en amont et en aval. Au centre, le mince filet d’eau coule inlassablement, encore sombre, couleur de nuit. David descend la rampe d’accès au fleuve, il marche sur les galets. Il a l’impression que le bruit de ses pas doit réveiller des animaux endormis, de grosses mouches plates, des taons, des rats. Quand il arrive près de l’eau, il s’assoit sur ses talons, il regarde le courant qui passe avec force, lançant ses tourbillons, creusant ses remous.

  Peu à peu, la lumière augmente, les galets gris commencent à briller, l’eau devient plus légère, transparente. Il y a une sorte de brume qui monte du lit du fleuve, de sorte qu’à présent David ne voit plus les berges, ni les lampadaires, ni les laides maisons aux fenêtres fermées. Il frissonne, et du bout de la main il touche l’eau, la prend dans ses doigts. Il ne sait pourquoi, il pense tout d’un coup à sa mère qui doit l’attendre dans l’appartement obscur, assise sur une chaise devant la porte. Il voulait revenir avec son frère Édouard, maintenant il sait que c’est pour cela qu’il est parti, et il sait aussi qu’il ne le trouvera pas. Il n’avait pas voulu y penser pour ne pas attirer le mauvais sort, mais il croyait que le hasard le guiderait à travers toutes ces rues, ces boulevards, au milieu de tous ces gens qui savent où ils vont, vers l’endroit qu’il ne savait pas. Il n’a rien trouvé, le hasard n’existe pas. Même s’il cherchait cent ans, il ne pourrait pas le trouver. Il sait cela à présent, sans désespoir, mais comme si quelque chose avait changé au fond de lui, et qu’il ne serait plus jamais le même.

  Alors il regarde la lumière venir peu à peu sur le lit du fleuve. Le ciel est pur et froid, la lumière est froide aussi, mais elle fait du bien à David, elle lui donne de la force. La brume de l’aube a disparu. Maintenant on voit à nouveau les immeubles géants, de chaque côté du fleuve. Le soleil éclaire en blanc leurs façades à l’est, fait briller les grandes vitres derrière lesquelles il n’y a personne.

  Quand il a faim, David retourne vers le Super. Il n’y a encore presque personne à cette heure, et la musique nasillarde des haut-parleurs semble résonner à l’intérieur d’une immense grotte vide. A l’intérieur du magasin, la lumière des barres de néon est dure et fixe, elle fait briller les choses et les couleurs. David ne se cache plus. Il n’y a pas de familles, ni d’enfants auxquels il puisse se mêler. Il y a seulement des gens affairés, des vendeurs en blouse blanche, les caissières derrière leurs caisses. David mange des fruits, debout devant l’étalage, une pomme jaune, une banane, du raisin noir. Personne ne fait attention à lui. Il se sent tout petit, presque invisible. Seulement à un moment, une jeune fille qui porte la blouse blanche du magasin le regarde manger, et elle a un drôle de sourire sur son visage, comme si elle le reconnaissait. Mais elle continue à ranger les rayons de nourriture, sans rien dire.

  C’est en sortant du Super que David a eu envie de prendre de l’argent. C’est venu comme cela, tout d’un coup, peut-être à cause des longues heures passées à attendre, peut-être à cause de la nuit, ou de la solitude sur les galets du rio sec. Soudain, David a compris pourquoi son frère Édouard ne revenait pas, pourquoi on ne pouvait pas le trouver. C’est devant le magasin de chaussures que cela s’est passé. David s’est souvenu du jour où avec sa mère, il est allé au commissariat de police, et ils ont attendu longtemps, longtemps, avant d’entrer dans le bureau de l’inspecteur. Sa mère ne disait rien, mais l’homme posait des questions avec sa voix douce, et de temps en temps il regardait David dans les yeux, et David s’efforçait de soutenir son regard avec le cœur battant la chamade. Peut-être sa mère savait quelque chose, quelque chose de terrible qu’elle ne voulait pas dire, quelque chose qui était arrivé à son frère Édouard. Elle était si pâle, et muette, et le regard de l’homme assis derrière le bureau de métal était brillant comme du jais, et il essayait de savoir, il posait ses questions avec sa voix douce.

  C’est pour cela que David s’est arrêté maintenant devant le grand magasin de chaussures, où il y a cette lumière blanche qui brille sur les dalles de plastique rouge. Il fait cela presque machinalement, comme s’il refaisait les gestes que quelqu’un d’autre aurait faits avant lui. Lentement, il longe les allées qui vont vers le bout du magasin. Il passe devant les rangées de chaussures sans les voir, mais il sent l’odeur âcre du cuir et du plastique. Les dalles rouges font une lumière enivrante, la musique douce qui descend du plafond l’écœure un peu. Il n’y a personne dans le grand magasin. Les employées sont debout près de la porte, elles parlent, sans regarder le petit garçon qui se dirige vers le fond du magasin.

  La musique douce fait des bruits de voix qui recouvrent tout, des:

  Ah ouh, ahwa, wahahou …

  comme des cris d’oiseaux dans la forêt. Mais David ne fait pas attention à ce qu’ils disent, il avance, en retenant son souffle, vers le bout du magasin, là où il y a la caisse. Personne ne le voit, personne ne pense à lui. Il marche sans faire de bruit entre les rayons de chaussures, bottes, tennis, bottines d’enfant, il avance vers la caisse en tenant serrée dans sa main gauche la pierre ronde qu’il a ramassée sur la plage du fleuve, hier soir. Son cœur bat très fort dans sa poitrine, si fort qu’il lui semble que les coups doivent résonner dans tout le magasin. La lumière des barres de néon est aveuglante, les miroirs sur les murs et sur les piliers renvoient des éclairs fixes. Le sol de plastique rouge est immense et désert, les pieds de David glissent dessus comme sur de la glace. Il pense aux gardiens qui tournent dans les magasins, et sur les parkings, dans leurs autos grises, il pense aux gens méchants qui guettent, avec leurs yeux brillants et féroces. Son cœur bat, bat, et la sueur mouille son front, les paumes de ses mains. Là-bas, au bout du magasin, il la voit bien, énorme et éclairée par ses lampes, la caisse est immobile, et il avance vers elle, vers l’endroit où il va enfin pouvoir savoir, rencontrer enfin son frère Édouard, l’endroit brûlant où est caché le message secret. Maintenant, il
le comprend, il le sait bien, c’est pour cela qu’il est parti de l’appartement hier matin, avec la clé attachée autour de son cou: pour arriver jusqu’ici, à l’endroit où il va pouvoir commencer à retrouver son frère. Il avance vers la caisse comme si elle le cachait vraiment, et qu’en approchant il allait voir apparaître sa silhouette mince et sombre, son beau visage aux yeux noirs, brillant de fièvre, ses cheveux bouclés emmêlés comme s’il avait marché dans le vent.

  Il serre fort la pierre ronde dans sa main, la pierre toute chaude et mouillée de sa sueur. C’est comme cela qu’on fait la guerre aux géants, tout seul dans l’immense vallée déserte, à la lumière aveuglante. On entend au loin les cris des animaux sauvages, les loups, les hyènes, les chacals. Ils gémissent dans le silence du vent. Et la voix du géant résonne, il rit, et il crie à l’enfant qui marche vers lui:

  «Viens! Je te donnerai à manger aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs. Viens! …» Et son rire fait courir des frissons sur la pierre ronde du lit du fleuve.

  Maintenant, David est au fond du grand magasin, devant le comptoir où est installée la caisse. La lumière blanche du plafond se réverbère sur les angles de métal, sur le plastique noir du comptoir, sur le sol rouge sang. David ne regarde rien d’autre que la caisse, il s’avance vers elle, il la touche du bout des doigts, il contourne le comptoir pour être plus près. La musique douce ne cesse pas ses soupirs, ses hululements lointains, et les coups du cœur de David se mêlent aux bruits lents de la musique. C’est une ivresse étrange, comme celle qui emplissait sa tête quand il respirait la feuille de papier buvard imprégnée de l’odeur poivrée de la dissolution. Peutêtre que le visage de son frère Édouard est là, tout près maintenant, sombre et hiératique comme le visage d’un indien aux pommettes hautes, en train d’attendre. Qui le tient prisonnier? Qui l’empêche de revenir? Mais le vide tourbillonnant, aveuglant, ne permet pas de comprendre.

 

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