Short Stories in French

Home > Other > Short Stories in French > Page 3
Short Stories in French Page 3

by Richard Coward


  Ce sont les endroits où l’on ne va pas, dont l’on ne sait rien. Les endroits où l’on se perd.

  La ville est grande, si grande qu’on n’en voit jamais la fin. Peut-être qu’on pourrait marcher des jours et des jours le long de la même avenue, et la nuit viendrait, et le soleil se lèverait, et on marcherait toujours le long des murs, on traverserait des rues, des parkings, des esplanades, et on verrait toujours miroiter à l’horizon, comme un mirage, les glaces et les phares des autos.

  C’est cela, partir pour ne jamais revenir. Le cœur de David se serre un peu, parce qu’il se souvient des paroles de son frère Édouard, avant qu’il ne parte: «Un jour, je m’en irai, et jamais plus vous ne me reverrez.» Il avait dit cela sans forfanterie, mais avec le regard si plein de sombre désespoir que David était allé se cacher dans l’alcôve pour pleurer. C’est toujours terrible de dire les choses, et puis de les faire.

  Aujourd’hui, ça n’est pas un jour comme un autre. La lumière de l’été est venue, pour la première fois, sur les façades des maisons, sur les carrosseries des voitures. Elle fait des étoiles partout, brûlantes pour les yeux, et malgré sa crainte et ses doutes, David se sent tout de même content d’être dans la rue. C’est pour cela qu’il est parti de l’appartement, très tôt, dès que sa mère a refermé la porte pour aller travailler, il est sorti sans même manger le bout de pain beurré qu’elle avait laissé sur la table, il a dévalé les escaliers, et il est sorti, en courant, avec la clé qui battait sur sa poitrine. C’est pour cela, et aussi à cause de son frère Édouard, parce qu’il y a pensé toute la nuit, enfin, une bonne partie de la nuit, avant de dormir.

  «Je m’en irai très loin, et je ne reviendrai jamais.» C’est ce que son frère Édouard avait dit, mais il avait attendu presque un an avant de le faire. Sa mère croyait qu’il n’y pensait plus, et tout le monde – enfin, ceux qui l’avaient entendu dire cela – pensait la même chose, mais David, lui, n’avait pas oublié. Il y pensait tous les jours, et la nuit aussi, mais il ne disait rien. D’ailleurs cela n’aurait servi à rien de dire: «Quand est-ce que tu vas partir pour toujours?» parce que son frère Édouard aurait sûrement haussé les épaules sans répondre. Peut-être qu’il n’en savait rien à ce moment-là.

  C’était un jour comme aujourd’hui, David s’en souvient très bien. Il y avait le même soleil dans le ciel bleu, et les rues de la vieille ville étaient propres et vides, comme après la pluie, parce que l’arroseur public venait de passer. Mais c’était très vide et très effrayant, et la lumière qui brillait sur les fenêtres, en haut des maisons, et les roucoulements des pigeons, et les voix des enfants qu’on entendait, qui s’appelaient d’une maison à l’autre, dans le dédale des ruelles encore obscures, et même le calme et le silence du matin étaient terribles, parce que David et sa mère n’avaient pas dormi cette nuit-là, à attendre qu’il revienne, à guetter les coups qu’il frappait à la porte, toujours les mêmes coups: tap-tap-tap, tap-tap. Ensuite, comme c’était un dimanche et que sa mère n’allait pas travailler, il y avait tellement d’angoisse dans le petit appartement que David n’avait pas pu le supporter, et il était sorti tout le jour, marchant à travers les rues, allant de maison en maison, pour chercher un signe, entendre une voix, jusque dans les jardins publics, jusque sur la plage. Les mouettes s’étaient envolées tandis qu’il marchait le long du rivage, se reposant un peu plus loin, piaillant parce qu’elles n’aimaient pas qu’on les dérange.

  Mais David ne veut pas trop penser à ce jour-là, parce qu’il sait que l’angoisse va peut-être revenir, et il pense alors à sa mère, assise sur la chaise devant la fenêtre, attendant aussi immobile et lourde qu’une statue. Il s’assoit sur un banc de la placette, il regarde les gens qui commencent à bouger, et les enfants qui courent en criant, avant l’ouverture de l’école.

  C’est dur d’être seul quand on est petit. David pense à son frère Édouard, il se souvient de lui maintenant avec netteté, comme s’il était parti avant-hier. Lui avait quatorze ans, il venait d’avoir quatorze ans quand c’est arrivé, tandis que David a à peine neuf ans. C’est trop petit pour partir, c’est peut-être pour cela que son frère Édouard n’a pas voulu de lui. A neuf ans, est-ce qu’on sait courir, est-ce qu’on sait se battre, gagner sa vie, est-ce qu’on sait ne pas se? perdre? Pourtant, un jour ils s’étaient battus dans l’appartement, à propos de quoi? Il ne sait plus, mais ils s’étaient battus pour de vrai, et avant de l’immobiliser avec une clé au cou, son frère Édouard était tombé, c’était David qui l’avait fait tomber en lui faisant un croc-en-jambe, et son frère avait dit, en soufflant un peu: «Tu sais bien te battre, toi, pour un petit.» David s’en souvient très bien.

  Où est-il maintenant? David pense si fort à lui qu’il sent son cœur cogner à grands coups dans sa poitrine. Est-il possible qu’il ne l’entende pas, là où il est, qu’il ne sente pas sur lui le regard qui l’appelle? Mais il est peut-être au bout de la ville, plus loin encore, au-delà des boulevards et des avenues qui font comme des fossés infranchissables, de l’autre côté des falaises blanches des grands immeubles, perdu, abandonné. C’est à cause de l’argent qu’il est parti, parce que sa mère ne voulait rien lui donner, parce qu’elle lui prenait ses gains d’apprenti-mécanicien, et qu’il n’y avait jamais d’argent pour aller au cinéma, pour jouer au football, pour acheter des glaces ou jouer aux billards électriques dans les cafés.

  L’argent est sale, David le déteste, et il déteste son frère Édouard d’être parti à cause de cela. L’argent est laid, et David le méprise. L’autre jour, devant son ami Hoceddine, David a jeté une pièce de monnaie dans un trou du trottoir, comme cela, pour le plaisir. Mais Hoceddine lui a dit qu’il était fou, et il a cherché à repêcher la pièce avec une baguette, sans y arriver. Quand il aura de l’argent David pense qu’il le jettera par terre, ou dans la mer, pour que personne ne le trouve. Lui, il n’a besoin de rien. Quand il a faim, dans la rue, il rôde autour des épiceries, et il prend ce qu’il peut, une pomme, ou une tomate, et il se sauve très vite à travers les ruelles. Comme il est petit, il peut entrer dans des tas de cachettes, des soupirails, des dessous d’escaliers, des réduits de poubelle, des coins de porte. Personne ne peut le prendre. Il se sauve très loin, et il mange le fruit lentement, sans se salir. Il jette les peaux et les graines dans un caniveau. Il aime surtout les tomates, ça a toujours étonné son frère Édouard, c’est même comme ça qu’il l’avait surnommé, autrefois, «Tomate», mais sans méchanceté, peut-être même que dans le fond il l’admirait pour ça, c’était la seule chose qu’il ne pouvait pas faire.

  Si, il aimait bien son nom, aussi, ce nom de David. C’était le nom de leur père, avant qu’il soit mort dans un accident de camion, il s’appelait David Mathis, mais lui était si jeune qu’il ne s’en souvenait même plus. Et leur mère ne voulait jamais leur parler de leur père, sauf pour dire quelquefois qu’il était mort sans rien lui laisser, parce qu’elle avait été obligée alors de commencer ce travail de femme de ménage pour nourrir ses deux enfants. Mais son frère Édouard devait se souvenir de lui, parce qu’il avait six ou sept ans quand son père était mort, alors peut-être pour cela, quelquefois, il avait une drôle de voix, et son regard était troublé, quand il répétait son nom: «David … David …»

  Quand il avance dans la grande avenue, le bruit des voitures et des camions est tout d’un coup terrible, insupportable. Le soleil brille fort dans le ciel, jetant des éclairs sur les carrosseries, éclairant les hautes façades des immeubles blancs. Il y a des gens qui marchent sur le trottoir, mais ce ne sont pas des gens pauvres comme dans la vieille ville, arabes, juifs, étrangers vêtus de vieux vêtements gris et bleus, ici ce sont des gens que David ne connaît pas, très grands, très forts. David est content d’être petit, parce que personne ne semble le voir, personne ne peut remarquer ses pieds nus dans des chaussures de caoutchouc, ni son pantalon élimé aux genoux, ni surtout son visage maigre et pâle, ses yeux sombres. Pendant un instant, il veut retourner en arrière pendant qu’il en est
encore temps, et sa main machinalement serre la clé qui pend autour de son cou.

  Mais toujours, quand il a peur de quelque chose, il pense à l’histoire que sa mère lui a racontée, celle du jeune berger qui avait tué un géant, d’une seule pierre ronde lancée avec sa fronde, quand tous les soldats, et même le grand roi étaient terrifiés.1 David aime cette histoire, et son frère Édouard l’aime aussi, et c’est pour cela peut-être qu’il répétait comme cela son nom, comme s’il y avait quelque chose de surnaturel dans les syllabes du nom. Autrefois, avec lui, il n’aurait pas eu peur de marcher ici, dans cette rue dont on ne voit pas la fin. Mais aujourd’hui, ça n’est pas pareil, parce qu’il sait que son frère Édouard a marché ici, avant de disparaître. Il le sait au fond de lui-même, mieux que s’il voyait ses traces sur le ciment du trottoir. Par là, il est venu, puis il a disparu, pour toujours. David voudrait oublier le sens de ces mots «pour toujours», parce qu’ils lui font mal, ils rongent l’intérieur de son corps, de son ventre.

  Mais il faut faire attention aux gens, aux passants, qui avancent, avancent aveuglément. Le soleil est haut dans le ciel sans nuage, les immeubles blancs resplendissent. Jamais David n’avait vu tant de gens, tous inconnus, et des vitrines, des restaurants, des cafés. Son frère Édouard est venu par là, parce que c’était l’argent qu’il voulait, il voulait conquérir l’argent. Dans les rues sombres, dans l’appartement, dans les couloirs humides, sans lumière, la pauvreté est comme un drap mouillé sur la peau, ou pire, comme une peau sale et moite qu’on ne peut enlever. Mais ici, la lumière et le bruit brûlent la peau, brûlent les yeux, les grondements des moteurs arrachent les souvenirs. David fait des efforts désespérés pour ne pas oublier tout cela, il veut se souvenir toujours. Son frère Édouard lui a dit qu’il valait mieux mourir en prison que de continuer à vivre là, dans l’appartement obscur. Mais quand David a répété cela à sa mère, elle s’est mise en colère, et elle a menacé de l’enfermer en maison de correction, très loin, longtemps. Elle a dit qu’il serait un voleur, un assassin, et d’autres choses encore que David n’a pas bien comprises, mais son frère Édouard était très pâle, et il écoutait, et il y avait une lueur dans ses yeux sombres que David n’aimait pas voir, et aujourd’hui encore, quand il s’en souvient, son cœur se met à bondir comme s’il avait peur.

  «Lâche, sale dégonflé, cafard, salaud», c’est ce qu’a dit son frère Édouard le lendemain, et il l’a battu de toutes ses forces, en lui cognant même sur la figure à coups de poing, jusqu’à ce que David pleure. C’est pour cela qu’il est parti, donc, pour toujours, parce que David avait parlé à sa mère, avait dit qu’il valait mieux mourir en prison.

  Alors David se sent bien fatigué, tout d’un coup. Il regarde en arrière, et il voit l’étendue de l’avenue qu’il a parcourue, les immeubles, les autos, les camions, tout cela pareil à ce qui est devant lui. Où aller? Il va à un arrêt d’autobus, il s’assoit sur le petit banc en plastique. Par terre, il y a des tickets usagés, jetés par les gens. David en ramasse un, et quand l’autobus arrive, il fait signe, et il monte dedans, et il poinçonne l’extrémité intacte du ticket. Il va s’asseoir au fond, si un contrôleur monte, c’est plus facile de descendre avant qu’il n’arrive. Autrefois, son frère Édouard l’emmenait au stade comme cela, le dimanche, et avec l’argent de l’autobus, ils achetaient de la gomme. David préférait acheter un morceau de pain chaud dans une boulangerie. Mais aujourd’hui, il n’a même pas une pièce pour acheter du pain. Il pense à la pièce qu’il a jetée dans le trou du trottoir, peut-être qu’il aurait dû essayer de la repêcher, aujourd’hui?

  L’autobus longe le lit du rio sec, là où il y a de grandes esplanades couvertes de voitures immobiles et des terrains vagues sans herbe. Il y a maintenant de grandes murailles debout au bord du fleuve, avec des milliers de fenêtres toutes identiques, où brille la lumière du soleil, comme si elle ne devait jamais s’arrêter. Loin, loin, mais où est la ville? Où est la mer, où sont les ruelles obscures, les escaliers, les toits où roucoulent les pigeons? Là, il semble qu’il n’y ait jamais rien eu d’autre, jamais rien que ces murailles et ces esplanades, et les terrains vagues où l’herbe ne pousse pas.

  Quand l’autobus arrive à son terminus, David recommence à marcher sur l’avenue, le long du rio sec. Puis, voyant un escalier, il descend jusqu’au lit du fleuve, et il s’assoit sur les galets. Le soleil de l’après-midi brûle fort, il dessèche tout. Sur le lit du fleuve, parmi les tas de galets, il y a des branches mortes, des débris de caisse, même un vieux matelas aux ressorts rouillés. David se met à marcher sur les galets entre les débris, comme s’il cherchait quelque chose. C’est bien, ici, on n’entend presque plus les voitures et les camions, sauf de temps en temps un crissement aigu de freins, ou bien un long coup de klaxon qui semble aboyer au-delà des murailles des immeubles. C’est un endroit pour les rats et pour les chiens errants, et David n’a pas peur d’eux. Tout de même, il choisit sur la plage une belle pierre, bien polie et ronde, comme le berger de l’histoire qu’il aime, et il la met dans sa poche. Avec la pierre, il se sent plus rassuré.

  Il reste longtemps sur le lit du rio sec. Ici, pour la première fois, il se sent bien, loin de la ville, loin des autos et des camions. La lumière du soleil est moins vive déjà, le ciel se voile de brume. De chaque côté du fleuve, les immeubles se dressent, montagnes de ciment aux fenêtres minuscules pareilles à des trous de serpent. Le ciel est vaste, et David pense aux nuages qu’il aimait regarder autrefois, couché sur le dos dans les jardins, ou bien sur les cailloux de la plage. Alors on voyait la forme des anges, le reflet jaune du soleil sur les plumes de leurs ailes. Il n’en parlait à personne, parce qu’il ne faut parler des anges à personne.

  Aujourd’hui, maintenant, peut-être qu’ils vont revenir, parce qu’il le faudra bien. David se couche sur le lit du fleuve, comme autrefois, et il regarde le ciel éblouissant entre ses paupières serrées. Il regarde, il attend, il veut voir passer quelque chose, quelqu’un, fût-ce un oiseau, pour le suivre du regard, essayer de partir avec lui. Mais le ciel est tout à fait vide, pâle et brillant, il étend son vide qui fait mal à l’intérieur du corps.

  Il y a si longtemps que David n’a pas ressenti cela: comme un tourbillon qui grandit au fond de lui, qui écarte toutes les limites, comme si l’on était alors un moucheron minuscule voletant devant un phare allumé. David se souvient maintenant du jour où il avait cherché son frère Édouard, à travers toutes les ruelles, sur les places, au fond des cours, même en l’appelant. C’était un dimanche, il faisait froid, parce que c’était encore le plein hiver. Le ciel était gris, et il y avait du vent. Mais en lui il y avait une inquiétude qui grandissait, à n’en plus pouvoir tenir dans son corps, et son cœur battait, parce que sa mère attendait seule à la maison, immobile et froide sur la chaise, les yeux fixés sur la porte. A la plage il l’avait trouvé, avec d’autres garçons de son âge. Ils étaient assis en rond, protégés des regards et du vent froid par le mur de soutènement de la chaussée. Quand David s’était approché, un des garçons, le plus jeune, qui s’appelait Corto, s’était retourné et il avait dit quelque chose, et les autres étaient restés immobiles, mais son frère Édouard était venu vers lui, et il avait dit d’une voix dure: «Qu’est-ce que tu veux?» Et il avait des yeux étranges et brillants, comme de fièvre, qui faisaient peur. Comme David restait sans répondre, il avait ajouté, de sa voix brutale d’étranger: «C’est elle qui t’envoie pour m’espionner? Fous le camp d’ici, rentre à la maison.» Alors Corto était venu, et c’était un garçon étrange qui avait un visage de fille, et un corps long et mince comme celui d’une fille, mais une voix grave pour son âge, et il avait dit: « Laisse-le. Peut-être qu’il veut jouer au ballon avec nous? »2 Son frère Édouard était resté immobile, comme s’il ne comprenait pas. Corto avait dit à David, cette fois, avec un sourire bizarre: «Viens, petit, on fait une belle partie de ballon.» Alors machinalement, David avait suivi Corto jusque-là où ils étaient assis en cercle sur les cailloux et il avait vu pa
r terre, au milieu, sur un sac en plastique, un tube de dissolution bouché, et il y avait aussi une feuille de papier buvard pliée en deux, que les garçons se passaient de main en main, et à tour de rôle ils mettaient leur figure dans la feuille et ils respiraient en fermant les yeux, et ils toussaient un peu. Alors Corto avait tendu la feuille pliée à David, et il lui avait dit: «Vas-y, respire un bon coup, tu vas voir les étoiles.» Et dans la feuille de buvard il y avait une grande tache de colle visqueuse, et quand David avait reniflé, l’odeur était entrée au fond de lui d’un seul coup, et lui avait tourné la tête, et il s’était mis à trembler, puis à pleurer, à cause du vide qu’il y avait là, sur la plage, près du mur sale, avec Édouard qui n’était pas rentré à la maison depuis le matin.

  Ensuite il s’était passé quelque chose d’étrange, David s’en souvient très bien. Son frère Édouard avait mis le bras autour de lui, et il l’avait aidé à se lever, et à marcher sur la plage, et il avait marché avec lui à travers les rues de la vieille ville, et il était entré dans l’appartement, et sa mère n’avait rien osé dire, ni crier, pourtant il était resté dehors tout le jour sans rentrer même déjeuner, mais il l’avait conduit jusqu’au lit, dans l’alcôve, et il l’avait aidé à se coucher, et après il s’était couché à son tour. Mais ce n’était pas pour dormir, parce que David avait vu ses yeux ouverts qui le regardaient jusqu’au moment où il avait sombré dans le sommeil.

  Maintenant, c’est comme cela, le tourbillon revient, creuse son vide dans la tête et dans le corps, et l’on bascule comme si on tombait dans un trou profond. C’est le silence et la solitude qui en sont la cause. David regarde autour de lui, l’étendue de galets poussiéreux, les débris qui jonchent le lit du fleuve, et il sent le poids du silence. Le ciel est très clair, un peu jaune à cause du soleil qui se couche. Personne ne vient, par ici, personne jamais. C’est un endroit seulement pour les rats, et pour les mouches plates qui cherchent leur nourriture parmi les détritus que les hommes ont laissés sur le lit du fleuve.

 

‹ Prev