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The Penguin Book of French Poetry

Page 46

by Various


  Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’année

  Avec tes amis tu te promènes en barque

  L’un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques

  Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs

  Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur

  Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague

  Tu te sens tout heureux une rose est sur la table

  Et tu observes au lieu d’écrire ton conte en prose

  La cétoine qui dort dans le coeur de la rose

  Surrounded by fervent flames Our Lady gazed on me in Chartres The blood of your Sacred-Heart flooded me in Montmartre I am sick from hearing the blessed words The love from which I suffer is a shameful disease And the image that possesses you keeps you alive in insomnia and in anguish It is always at your side this passing image

  Now you are on the Mediterranean shore Under the lemon trees that flower all year long With your friends you go sailing One is from Nice one from Menton and two from La Turbic We look down in terror at the octopuses in the depths And among the seaweed swim fish the emblems of the Saviour

  You are in the garden of an inn on the outskirts of Prague You feel entirely happy a rose is on the table And instead of writing your prose story you watch The rose-chafer asleep in the heart of the rose

  Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit

  Tu étais triste à mourir le jour où tu t’y vis

  Tu ressembles au Lazare affolé par le jour

  Les aiguilles de l’horloge du quartier juif vont à rebours

  Et tu recules aussi dans ta vie lentement

  En montant au Hradchin et le soir en écoutant

  Dans les tavernes chanter des chansons tchèques

  Te voici à Marseille au milieu des pastèques

  Te voici à Coblence à l’hôtel du Gèant

  Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon

  Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide

  Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde

  On y loue des chambres en latin Cubicula locanda

  Je m’en souviens j’y ai passé trois jours et autant à Gouda

  With alarm you see yourself depicted in the agates of Saint Vitus You were sad enough to die the day you saw yourself in them You look like Lazarus panic-stricken by the daylight The hands of the clock in the Jewish quarter go backwards And you move back slowly too within your life Climbing up to the Hradcany1 and listening in the evening To the singing of Czech songs in the taverns

  Here you are in Marseilles among the watermelons

  Here you are in Coblenz at the Giant’s Hotel

  Here you are in Rome sitting under a Japanese medlar tree

  Here you are in Amsterdam with a girl you find beautiful and who is ugly She is to marry a student from Leyden There they let rooms in Latin Cubicula locanda I remember it I spent three days there and as many at Gouda

  Tu es à Paris chez le juge d’instruction

  Comme un criminel on te met en état d’arrestation

  Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages

  Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge

  Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans

  J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps

  Tu n’oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter

  Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a épouvanté

  You are in Paris with the examining magistrate They place you under arrest like a criminal

  You made painful and joyful journeys Before you perceived falsehood and age You suffered love at twenty and at thirty I have lived like a madman and wasted my time You no longer dare look at your hands and every moment I feel like sobbing For you for her that I love for all that has terrified you

  Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants

  Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants

  Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare

  Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages

  Ils espèrent gagner de l’argent dans l’Argentine

  Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune

  Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre coeur

  Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels

  Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent

  Rue des Rosiers ou rue des Ecouffes dans des bouges

  Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue

  Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs

  Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque

  Elles restent assises exsangues au fond des boutiques

  Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux

  Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

  Tu es la nuit dans un grand restaurant

  With your tear-filled eyes you watch those poor emigrants They believe in God they pray the women suckle children They fill with their odour the hall of the Gare Saint-Lazare They have faith in their star like the Magi They hope to prosper in Argentina And return with fortunes made to their homeland One family carries a red eiderdown as you carry your heart That eiderdown and our dreams are equally unreal Some of those emigrants stay here and lodge In hovels in the Rue des Rosiers or the Rue des Ecouffes I have often seen them in the evening taking the air in the street And moving rarely like chess pieces Above all there are Jews their wives wear wigs And remain sitting bloodlessly in the backs of shops

  You are standing at the counter of a filthy bar Drinking cheap coffee among the wretched

  At night you are in a spacious restaurant

  Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant

  Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant

  Elle est la fille d’un sergent de ville de Jersey

  Ses mains que je n’avais pas vues sont dures et gercées

  J’ai une pitié immense pour les coutures de son ventre

  J’humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche

  Tu es seul le matin va venir

  Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues

  La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive

  C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive

  Et tu bois cet alcool bruÛlant comme ta vie

  Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

  Those women are not wicked yet they still have their worries All of them even the ugliest has made her lover suffer

  She is the daughter of a police constable in Jersey

  Her hands which I had not seen are hard and chapped

  I have immense pity for the scars on her belly

  I now humble my mouth to a poor whore with a horrible laugh

  You are alone morning is on its way The milkmen are rattling their churns in the streets

  Night departs like a lovely half-caste woman It’s deceitful Ferdine or watchful Leah

  And you drink this liquor that burns like your life Your life that you drink like brandy

  Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied

  Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée

  Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance

  Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances

  Adieu Adieu

  Soleil cou coupé

  You are walking towards Auteuil you want to go home on foot To sleep among your South Sea and Guinea fetishes They are Christs of another form and creed They are the lowly Christs of obscure hopes

  Farewell Farewell

  Sun severed neck

  Le pont Mirabeau

  Sous le pont Mirabeau coule la Seine

  Et nos amours

  Faut-il qu’il m�
��en souvienne

  La joie venait toujours après la peine

  Vienne la nuit sonne l’heure

  Les jours s’en vont je demeure

  The Pont Mirabeau

  Under the Pont Mirabeau the Seine flows on And our loves Must I remember it Joy always followed pain

  Let night come let the hour chime The days pass away I remain

  Les mains dans les mains restons face à face

  Tandis que sous

  Le pont de nos bras passe

  Des éternels regards l’onde si lasse

  Vienne la nuit sonne l’heure

  Les jours s’en vont je demeure

  L’amour s’en va comme cette eau courante

  L’amour s’en va

  Comme la vie est lente

  Et comme l’Espérance est violente

  Vienne la nuit sonne l’heure

  Les jours s’en vont je demeure

  Passent les jours et passent les semaines

  Ni temps passé

  Ni les amours reviennent

  Sous le pont Mirabeau coule la Seine

  Hands in hands let us stand here face to face While under The bridge of our arms pass The weary waters of eternal gazing

  Let night come let the hour chime The days pass away I remain

  Love passes away like this running water Love passes away How slow life is And how violent Hope

  Let night come let the hour chime The days pass away I remain

  Let the days pass and the weeks pass Neither time past Nor loves come back again Under the Pont Mirabeau the Seine flows on

  Vienne la nuit sonne l’heure

  Les jours s’en vont je demeure

  Let night come let the hour chime The days pass away I remain

  L’Emigrant de Landor Road

  A André Billy

  Le chapeau à la main il entra du pied droit

  Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi

  Ce commerçant venait de couper quelques têtes

  De mannequins vêtus comme il faut qu’on se vête

  La foule en tous les sens remuait en mêlant

  Des ombres sans amour qui se traînaient par terre

  Et des mains vers le ciel plein de lacs de lumière

  S’envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs

  The Landor Road Emigrant

  for André Billy

  Hat in hand he stepped right foot first Into a very smart tailor’s shop by appointment to the king That tradesman had just beheaded several Dummies dressed in the conventional way

  The crowd stirred in all directions mingling Loveless shadows that dragged along the ground And hands from time to time took flight like white birds Towards the sky filled with lakes of light

  Mon bateau partira demain pour l’Amérique

  Et je ne reviendrai jamais

  Avec l’argent gagné dans les prairies lyriques

  Guider mon ombre aveugle en ces rues que j’aimais

  Car revenir c’est bon pour un soldat des Indes

  Les boursiers ont vendu tous mes crachats d’or fin

  Mais habillé de neuf je veux dormir enfin

  Sous des arbres pleins d’oiseaux muets et de singes

  Les mannequins pour lui s’étant déshabillés

  Battirent leurs habits puis les lui essayèrent

  Le vêtement d’un lord mort sans avoir payé

  Au rabais l’habilla comme un millionnaire

  Au-dehors les années

  Regardaient la vitrine

  Les mannequins victimes

  Et passaient enchaînées

  My ship will leave for America tomorrow And I shall never come back With the money carned on the lyrical prairies To steer my blind shadow through these streets that I loved

  For homecoming is good for a soldier from the Indies The brokers have sold all my fine golden gongs1 But newly kitted out I want to sleep at last Under trees full of monkeys and silent birds

  Having undressed for him the dummies Dusted off their garments then tried them on him The clothing of a lord dead with his bill unpaid Dressed him like a millionaire at a discount price

  On the outside the years Looked at the window At the victim dummies And passed by chained together

  Intercalées dans l’an c’étaient les journées veuves

  Les vendredis sanglants et lents d’enterrements

  De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent

  Quand la femme du diable a battu son amant

  Puis dans un port d’automne aux feuilles indécises

  Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi

  Sur le pont du vaisseau il posa sa valise

  Et s’assit

  Les vents de l’Ocèn en soufflant leurs menaces

  Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés

  Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses

  Et d’autres en pleurant s’étaient agenouillés

  Il regarda longtemps les rives qui moururent

  Seuls des bateaux d’enfant tremblaient à l’horizon

  Un tout petit bouquet flottant à l’aventure

  Couvrit l’Océan d’une immense floraison

  Interspersed in the year were the widowed days The slow bleeding Fridays of burials Of whites and blacks defeated of the skies that rain When the devil’s wife has been beating her lover

  Then in an autumn harbour amid indeterminate leaves When the hands of the crowd also fluttered like leaves On the deck of the ship he put down his suitcase And sat

  The Ocean winds blowing their threats Left long moist kisses in his hair Emigrants stretched out listless hands towards the harbour And others had knelt in tears

  For a long time he watched the shores that died Only toy ships shimmered on the horizon A tiny bouquet floating haphazardly Covered the Ocean with a vast flowering

  Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire

  Jouer dans d’autres mers parmi tous les dauphins

  Et l’on tissait dans sa mémoire

  Une tapisserie sans fin

  Qui figurait son histoire

  Mais pour noyer changées en poux

  Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent

  Il se maria comme un doge

  Aux cris d’une sirène moderne sans époux

  Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales

  Jusqu’à l’aube ont guetté de loin avidement

  Des cadavres de jours rongés par les étoiles

  Parmi le bruit des flots et les derniers serments

  It would have wished that bouquet as for glory To play on other seas among all the dolphins And in the memory an endless tapestry was woven To represent its story

  But to drown those stubborn weaving women Changed into lice who keep on questioning He was married like a doge Amid the cries of a modern siren with no mate

  Swell towards the night O Sea The eyes of the sharks Until dawn have watched greedily from afar For the corpses of the days gnawed by the stars Amid the sound of the waves and the final oaths

  Le brasier

  A Paul-Napoléon Roinard

  J’ai jeté dans le noble feu

  Que je transporte et que j’adore

  De vives mains et même feu

  Ce Passé ces têtes de morts

  Flamme je fais ce que tu veux

  Le galop soudain des étoiles

  N’étant que ce qui deviendra

  Se mêle au hennissement mâle

  Des centaures dans leurs haras

  Et des grand’plaintes végétales

  Où sont ces têtes que j’avais

  Où est le Dieu de ma jeunesse

  L’amour est devenu mauvais

  Qu’au brasier les flammes renaissent

  Mon âme au soleil se dévêt

  The Furnace

  For Paul-Napoléon Roinard

  I have cast into the noble fire Which I convey and which I worship Hands that are living and even deceased This Past th
ese death’s heads Flame I do what you wish

  The sudden galloping of the stars Being only what will become Mingles with the virile neighing Of the centaurs at stud And great vegetal lamentations

  Where are those heads that I possessed Where is the God of my youth Love has turned nasty May the flames be reborn in the furnace My soul divests itself in the sunlight

  Dans la plaine ont poussé des flammes

  Nos coeurs pendent aux citronniers

  Les têtes coupées qui m’acclament

  Et les astres qui ont saigné

  Ne sont que des têtes de femmes

  Le fleuve épinglé sur la ville

  T’y fixe comme un vêtement

  Partant à l’amphion docile

  Tu subis tous les tons charmants

  Qui rendent les pierres agiles

  Je flambe dans le brasier à l’ardeur adorable

  Et les mains des croyants m’y rejettent multiple innombrablement

  Les membres des intercis flambent auprès de moi

  Eloignez du brasier les ossements

  Je suffis pour l’éternité à entretenir le feu de mes délices

  Et des oiseaux protègent de leurs ailes ma face et le soleil

  On the plain flames have sprung up Our hearts hang on the lemon trees The severed heads that acclaim me And the stars that have bled Are only women’s heads

  The river pinned on the city Fastens you there like a garment And thus as a submissive Amphion1 You undergo all the enchanting tones That enliven the stones

  I am blazing in the furnace with its exquisite intensity And the hands of the believers cast me in again countlessly multiplied The limbs of dismembered martyrs are flaming beside me Remove the bones from the furnace I am sufficient for all eternity to sustain the fire of my delight And birds protect with their wings my countenance and the sun

 

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