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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 123

by Gustave Flaubert


  D'abord il longea la face orientale de l'Acropole, passa ensuite par le Marché-aux-herbes, les galeries de Kinsido, le Faubourg-des- parfumeurs. Les rares lumières s'éteignaient, les rues plus larges se faisaient silencieuses, puis des ombres glissèrent dans les ténèbres. Elles le suivaient, d'autres survinrent, et toutes se dirigeaient comme lui du côté des Mappales.

  Le temple de Moloch était bâti au pied d'une gorge escarpée, dans un endroit sinistre. On n'apercevait d'en bas que de hautes murailles montant indéfiniment, telles que les parois d'un monstrueux tombeau. La nuit était sombre, un brouillard grisâtre semblait peser sur la mer. Elle battait contre la falaise avec un bruit de râles et de sanglots ; et des ombres peu à peu s'évanouissaient comme si elles eussent passé à travers les murs.

  Mais, sitôt qu'on avait franchi la porte, on se trouvait dans une vaste cour quadrangulaire, que bordaient des arcades. Au milieu, se levait une masse d'architecture à huit pans égaux. Des coupoles la surmontaient en se tassant autour d'un second étage qui supportait une manière de rotonde, d'où s'élançait un cône à courbe rentrante, terminé par une boule au sommet.

  Des feux brûlaient dans des cylindres en filigrane emmanchés à des perches que portaient des hommes. Ces lueurs vacillaient sous les bourrasques du vent et rougissaient les peignes d'or fixant à la nuque leurs cheveux tressés. Ils couraient, s'appelaient pour recevoir les Anciens.

  Sur les dalles, de place en place, étaient accroupis comme des sphinx des lions énormes, symboles vivants du Soleil dévorateur. Ils sommeillaient, les paupières entre-closes. Mais réveillés par les pas et par les voix, ils se levaient lentement, venaient vers les Anciens, qu'ils reconnaissaient à leur costume, se frottaient contre leurs cuisses en bombant le dos avec des bâillements sonores ; la vapeur de leur haleine passait sur la lumière des torches. L'agitation redoubla, des portes se fermèrent, tous les prêtres s'enfuirent, et les Anciens disparurent sous les colonnes qui faisaient autour du temple un vestibule profond.

  Elles étaient disposées de façon à reproduire par leurs rangs circulaires, compris les uns dans les autres, la période saturnienne contenant les années, les années les mois, les mois les jours, et se touchaient à la fin contre la muraille du sanctuaire.

  C'était là que les Anciens déposaient leurs bâtons en corne de narval, — car une loi toujours observée punissait de mort celui qui entrait à la séance avec une arme quelconque. Plusieurs portaient au bas de leur vêtement une déchirure arrêtée par un galon de pourpre, pour bien montrer qu'en pleurant la mort de leurs proches ils n'avaient point ménagé leurs habits, et ce témoignage d'affliction empêchait la fente de s'agrandir. D'autres gardaient leur barbe enfermée dans un petit sac de peau violette, que deux cordons attachaient aux oreilles. Tous s'abordèrent en s'embrassant poitrine contre poitrine. Ils entouraient Hamilcar, ils le félicitaient ; on aurait dit des frères qui revoient leur frère.

  Ces hommes étaient généralement trapus, avec des nez recourbés comme ceux des colosses assyriens. Quelques-uns cependant, par leurs pommettes plus saillantes, leur taille plus haute et leurs pieds plus étroits, trahissaient une origine africaine, des ancêtres nomades. Ceux qui vivaient continuellement au fond de leurs comptoirs avaient le visage pâle ; d'autres gardaient sur eux comme la sévérité du désert, et d'étranges joyaux scintillaient à tous les doigts de leurs mains, hâlés par les soleils inconnus. On distinguait des navigateurs au balancement de leur démarche, tandis que les hommes d'agriculture sentaient le pressoir, les herbes sèches et la sueur de mulet. Ces vieux pirates faisaient labourer des campagnes, ces ramasseurs d'argent équipaient des navires, ces propriétaires de culture nourrissaient des esclaves exerçant des métiers. Tous étaient savants dans les disciplines religieuses, experts en stratagèmes, impitoyables et riches. Ils avaient l'air fatigués par de longs soucis. Leurs yeux pleins de flammes regardaient avec défiance, et l'habitude des voyages et du mensonge, du trafic et du commandement, donnait à toute leur personne un aspect de ruse et de violence, une sorte de brutalité discrète et convulsive. D'ailleurs, l'influence du Dieu les assombrissait.

  Ils passèrent d'abord par une salle voûtée, qui avait la forme d'un oeuf. Sept portes, correspondant aux sept planètes, étalaient contre sa muraille sept carrés de couleur différente. Après une longue chambre, ils entrèrent dans une autre salle pareille.

  Un candélabre tout couvert de fleurs ciselées brûlait au fond, et chacune de ses huit branches en or portait dans un calice de diamants une mèche de byssus. Il était posé sur la dernière des longues marches qui allaient vers un grand autel, terminé aux angles par des cornes d'airain. Deux escaliers latéraux conduisaient à son sommet aplati ; on n'en voyait pas les pierres ; c'était comme une montagne de cendres accumulées, et quelque chose d'indistinct fumait dessus, lentement. Puis au-delà, plus haut que le candélabre, et bien plus haut que l'autel, se dressait le Moloch, tout en fer, avec sa poitrine d'homme où bâillaient des ouvertures. Ses ailes ouvertes s'étendaient sur le mur, ses mains allongées descendaient jusqu'à terre ; trois pierres noires, que bordait un cercle jaune, figuraient trois prunelles à son front, et, comme pour beugler, il levait dans un effort terrible sa tête de taureau.

  Autour de l'appartement étaient rangés des escabeaux d'ébène. Derrière chacun d'eux, une tige en bronze posant sur trois griffes supportait un flambeau. Toutes ces lumières se reflétaient dans les losanges de nacre qui pavaient la salle. Elle était si haute que la couleur rouge des murailles, en montant vers la voûte, se faisait noire, et les trois yeux de l'idole apparaissaient tout en haut, comme des étoiles à demi perdues dans la nuit.

  Les Anciens s'assirent sur les escabeaux d'ébène, ayant mis par-dessus leur tête la queue de leur robe. Ils restaient immobiles, les mains croisées dans leurs larges manches, et le dallage de nacre semblait un fleuve lumineux qui, ruisselant de l'autel vers la porte, coulait sous leurs pieds nus.

  Les quatre pontifes se tenaient au milieu, dos à dos, sur quatre sièges d'ivoire formant la croix, le grand-prêtre d'Eschmoûn en robe d'hyacinthe, le grand-prêtre de Tanit en robe de lin blanc, le grand-prêtre de Khamon en robe de laine fauve, et le grand-prêtre de Moloch en robe de pourpre.

  Hamilcar s'avança vers le candélabre. Il tourna tout autour, en considérant les mèches qui brûlaient, puis jeta sur elles une poudre parfumée ; des flammes violettes parurent à l'extrémité des branches.

  Alors une voix aiguë s'éleva, une autre y répondit ; et les cent Anciens, les quatre pontifes, et Hamilcar debout, tous à la fois, entonnèrent un hymne, et répétant toujours les mêmes syllabes et renforçant les sons, leurs voix montaient, éclatèrent, devinrent terribles, puis, d'un seul coup, se turent.

  On attendit quelque temps. Enfin Hamilcar tira de sa poitrine une petite statuette à trois têtes, bleue comme du saphir, et il la posa devant lui. C'était l'image de la vérité, le génie même de sa parole. Puis il la replaça dans son sein, et tous, comme saisis d'une colère soudaine, crièrent :

  — " Ce sont tes bons amis les Barbares ! Traître ! infâme ! Tu reviens pour nous voir périr, n'est-ce pas ? Laissez-le parler ! - " — " Non ! non ! "

  Ils se vengeaient de la contrainte où le cérémonial politique les avait tout à l'heure obligés ; : et bien qu'ils eussent souhaité le retour d'Hamilcar, ils s'indignaient maintenant de ce qu'il n'avait point prévenu leurs désastres ou plutôt ne les avait pas subis comme eux.

  Quand le tumulte fut calmé, le pontife de Moloch se leva.

  — " Nous te demandons pourquoi tu n'es pas revenu à Carthage ? "

  — " Que vous importe ! " répondit dédaigneusement le Suffète.

  Leurs cris redoublèrent.

  — " De quoi m'accusez-vous ! J'ai mal conduit la guerre, peut-être ? Vous avez vu l'ordonnance de mes batailles, vous autres qui laissez commodément à des Barbares... "

  — " Assez, assez ! "

  Il reprit, d'une voix basse, pour se faire mieux écouter :

  — " Oh ! cela est vrai ! Je me trouve, lumières
des Baals ; il en est parmi vous d'intrépides ! Giscon, lève-toi ! "

  " Et parcourant la marche de l'autel, les paupières à demi fermées, comme pour chercher quelqu'un, il répéta : " Lève-toi, Giscon ! tu peux m'accuser, ils te défendront ! Mais où est-il ? " Puis, comme se ravisant : " Ah ! dans sa maison, sans doute ? entouré de ses fils, commandant à ses esclaves, heureux, et comptant sur le mur les colliers d'honneur que la patrie lui a donnés ? "

  Ils s'agitaient avec des haussements d'épaules, comme flagellés par les lanières. — " Vous ne savez même pas s'il est vivant ou s'il est mort ! " Et sans se soucier de leurs clameurs, il disait qu'en abandonnant le Suffète, c'était la République qu'on avait abandonnée. De même la paix romaine, si avantageuse qu'elle leur parût, était plus funeste que vingt batailles. Quelques-uns applaudirent, les moins riches du Conseil, suspects d'incliner toujours vers le peuple ou vers la tyrannie. Leurs adversaires, chefs des Syssites et administrateurs, en triomphaient par le nombre ; les plus considérables s'étaient rangés près d'Hannon, qui siégeait à l'autre bout de la salle, devant la haute porte, fermée par une tapisserie d'hyacinthe.

  Il avait peint avec du fard les ulcères de sa figure. Mais la poudre d'or de ses cheveux lui était tombée sur les épaules, où elle faisait deux plaques brillantes, et ils paraissaient blanchâtres, fins et crépus comme de la laine. Des linges imbibés d'un parfum gras qui dégouttelait sur les dalles, enveloppaient ses mains, et sa maladie sans doute avait considérablement augmenté, car ses yeux disparaissaient sous les plis de ses paupières. Pour voir, il lui fallait se renverser la tête. Ses partisans l'engageaient à parler. Enfin, d'une voix rauque et hideuse :

  — " Moins d'arrogance, Barca ! Nous avons tous été vaincus ! Chacun supporte son malheur ! résigne-toi ! "

  — " Apprends-nous plutôt ", dit en souriant Hamilcar, " comment tu as conduit tes galères dans la flotte romaine ? "

  — " J'étais chassé par le vent ", répondit Hannon.

  — " Tu fais comme le rhinocéros qui piétine dans sa fiente : tu étales ta sottise ! tais-toi ! " Et ils commencèrent à s'incriminer sur la bataille des Iles Aegates.

  Hannon l'accusait de n'être pas venu à sa rencontre.

  — " Mais c'eût été dégarnir Eryx. Il fallait prendre le large ; qui t'empêchait ? Ah ! j'oubliais ! tous les éléphants ont peur de la mer ! "

  Les gens d'Hamilcar trouvèrent la plaisanterie si bonne qu'ils poussèrent de grands rires. La voûte en retentissait, comme si l'on eût frappé des tympanons.

  Hannon dénonça l'indignité d'un tel outrage ; cette maladie lui étant survenue par un refroidissement au siège d'Hécatompyle, et des pleurs coulaient sur sa face comme une pluie d'hiver sur une muraille en ruine.

  Hamilcar reprit :

  — " Si vous m'aviez aimé autant que celui-là, il y aurait maintenant une grande joie dans Carthage ! Combien de fois n'ai-je pas crié vers vous ! et toujours vous me refusiez de l'argent ! "

  — " Nous en avions besoin ", dirent les chefs des Syssites.

  — " Et quand mes affaires étaient désespérées, nous avons bu l'urine des mulets et mangé les courroies de nos sandales, — quand j'aurais voulu que les brins d'herbe fussent des soldats, et faire des bataillons avec la pourriture de nos morts, vous rappeliez chez vous ce qui me restait de vaisseaux ! "

  — " Nous ne pouvions pas tout risquer ", répondit Baat-Baal, possesseur de mines d'or dans la Gétulie-Darytienne.

  — " Que faisiez-vous cependant, ici, à Carthage, dans vos maisons, derrière vos murs ? Il y a des Gaulois sur l'Eridan qu'il fallait pousser, des Chananéens à Cyrène qui seraient venus, et tandis que les Romains envoient à Ptolémée des ambassadeurs... "

  — " Il nous vante les Romains, à présent ! " Quelqu'un lui cria : " Combien t'ont-ils payé pour les défendre ? "

  — " Demande-le aux plaines du Brutium, aux ruines de Locres, de Métaponte et d'Héraclée ! J'ai brûlé tous leurs arbres, j'ai pillé tous leurs temples, et jusqu'à la mort des petits-fils de leurs petits-fils... "

  — " Eh ! tu déclames comme un rhéteur ! " fit Kapouras, un marchand très illustre. " Que veux-tu donc ? "

  — " Je dis qu'il faut être plus ingénieux ou plus terrible ! Si l'Afrique entière rejette votre joug, c'est que vous ne savez pas, maîtres débiles, l'attacher à ses épaules ! Agathoclès, Régulus, Coepio, tous les hommes hardis n'ont qu'à débarquer pour la prendre ; et quand les Libyens qui sont à l'Orient s'entendront avec les Numides qui sont à l'Occident, et que les Nomades viendront du sud et les Romains du nord ... "

  Un cri d'horreur s'éleva. " Oh ! vous frapperez vos poitrines, vous vous roulerez dans la poussière et vous déchirerez vos manteaux ! N'importe ! il faudra s'en aller tourner la meule dans Suburre et faire la vendange sur les collines du Latium. "

  Ils se battaient la cuisse droite pour marquer leur scandale, et les manches de leur robe se levaient comme de grandes ailes d'oiseaux effarouchés. Hamilcar, emporté par un esprit, continuait, debout sur la plus haute marche de l'autel, frémissant, terrible ; il levait les bras, et les rayons du candélabre qui brûlait derrière lui passaient entre ses doigts comme des javelots d'or.

  — " Vous perdrez vos navires, vos campagnes, vos chariots, vos lits suspendus, et vos esclaves qui vous frottent les pieds ! Les chacals se coucheront dans vos palais, la charrue retournera vos tombeaux. Il n'y aura plus que le cri des aigles et l'amoncellement des ruines. Tu tomberas, Carthage ! "

  Les quatre pontifes étendirent leurs mains pour écarter l'anathème. Tous s'étaient levés. Mais le Suffète-de-la-mer, magistrat sacerdotal sous la protection du Soleil, était inviolable tant que l'assemblée des Riches ne l'avait pas jugé. Une épouvante s'attachait à l'autel. Ils reculèrent.

  Hamilcar ne parlait plus. L'oeil fixe et la face aussi pâle que les perles de sa tiare, il haletait, presque effrayé par lui-même et l'esprit perdu dans des visions funèbres. De la hauteur où il était, tous les flambeaux sur les tiges de bronze lui semblaient une vaste couronne de feux, posée à ras des dalles ; des fumées noires, s'en échappant, montaient dans les ténèbres de la voûte ; et le silence pendant quelques minutes fut tellement profond qu'on entendait au loin le bruit de la mer.

  Puis les Anciens se mirent à s'interroger. Leurs intérêts, leur existence se trouvait attaquée par les Barbares. Mais on ne pouvait les vaincre sans le secours du Suffète et cette considération, malgré leur orgueil, leur fit oublier toutes les autres. On prit à part ses amis.

  Il y eut des réconciliations intéressées, des sous-entendus et des promesses. Hamilcar ne voulait plus se mêler d'aucun gouvernement. Tous le conjurèrent. Ils le suppliaient : et comme le mot de trahison revenait dans leurs discours, il s'emporta. Le seul traître, c'était le Grand- Conseil, car l'engagement des soldats expirant avec la guerre, ils devenaient libres dès que la guerre était finie ; : il exalta même leur bravoure et tous les avantages qu'on en pourrait tirer en les intéressant à la République par des donations, des privilèges.

  Alors Magdassan un ancien Gouverneur de provinces, dit en roulant ses yeux jaunes :

  — " Vraiment, Barca, à force de voyager, tu es devenu un Grec ou un Latin, je ne sais quoi ! Que parles-tu de récompenses pour ces hommes ? Périssent dix mille Barbares plutôt qu'un seul d'entre nous ! "

  Les Anciens approuvaient de la tête en murmurant :

  — " Oui, faut-il tant se gêner ? On en trouve toujours ! "

  — " Et l'on s'en débarrasse commodément, n'est-ce pas ? On les abandonne, ainsi que vous avez fait en Sardaigne. On avertit l'ennemi du chemin qu'ils doivent prendre, comme pour ces Gaulois dans la Sicile, ou bien on les débarque au milieu de la mer. En revenant, j'ai vu le rocher tout blanc de leurs os ! "

  — " Quel malheur ! " fit impudemment Kapouras.

  — " Est-ce qu'ils n'ont pas cent fois tourné à l'ennemi ! " exclamaient les autres.

  Hamilcar s'écria :

  — " Pourquoi donc, malgré vos lois, les avez-vous rappelés à Carthage ? Et quand ils sont da
ns votre ville, pauvres et nombreux au milieu de toutes vos richesses, l'idée ne vous vient pas de les affaiblir par la moindre division ! Ensuite vous les congédiez avec leurs femmes et avec leurs enfants, tous, sans garder un seul otage ! Comptiez-vous qu'ils s'assassineraient pour vous épargner la douleur de tenir vos serments ? Vous les haïssez, parce qu'ils sont forts ! Vous me haïssez encore plus, moi, leur maître ! Oh ! je l'ai senti, tout à l'heure, quand vous me baisiez les mains, et que vous vous reteniez tous pour ne pas les mordre ! "

  Si les lions qui dormaient dans la cour fussent entrés en hurlant, la clameur n'eût pas été plus épouvantable. Mais le pontife d'Eschmoûn se leva, et, les deux genoux l'un contre l'autre, les coudes au corps, tout droit et les mains à demi ouvertes, il dit :

  — " Barca, Carthage a besoin que tu prennes contre les Mercenaires le commandement général des forces puniques ! "

  — " Je refuse ", répondit Hamilcar.

  — " Nous te donnerons pleine autorité ! - " crièrent les chefs des Syssites.

  — " Non ! "

  — " Sans aucun contrôle, sans partage, tout l'argent que tu voudras, tous les captifs, tout le butin, cinquante zerets de terre par cadavre d'ennemi. "

  — " Non ! non ! parce qu'il est impossible de vaincre avec vous ! "

  — " Il en a peur. "

  — " Parce que vous êtes lâches, avares, ingrats, pusillanimes et fous ! "

  — Il les ménage !

  — " Pour se mettre à leur tête ", dit quelqu'un.

  — " Et revenir sur nous ", dit un autre ; et du fond de la salle, Hannon hurla :

  — " Il veut se faire roi ! "

  Alors ils bondirent, en renversant les sièges et les flambeaux : leur foule s'élança vers l'autel ; ils brandissaient des poignards. Mais, fouillant sous ses manches, Hamilcar tira deux larges coutelas ; et à demi courbé, le pied gauche en avant, les yeux flamboyants, les dents serrées, il les défiait, immobile sous le candélabre d'or.

 

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