Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 230

by Gustave Flaubert


  Leurs goûts, leurs jugements étaient les mêmes.

  Souvent celui des deux qui écoutait l’autre s’écriait :

  — “Moi aussi !”

  Et l’autre à son tour reprenait : — “Moi aussi !”

  Puis c’étaient d’interminables plaintes sur la Providence :

  — “Pourquoi le ciel ne l’a-t-il pas voulu ! Si nous nous étions rencontrés !…”

  — “Ah ! si j’avais été plus jeune !” soupirait-elle.

  — “Non ! moi, un peu plus vieux.”

  Et ils s’imaginaient une vie exclusivement amoureuse, assez féconde pour remplir les plus vastes solitudes, excédant toutes joies, défiant toutes les misères, où les heures auraient disparu dans un continuel épanchement d’eux-mêmes, et qui aurait fait quelque chose de resplendissant et d’élevé comme la palpitation des étoiles.

  Presque toujours, ils se tenaient en plein air au haut de l’escalier ; des cimes d’arbres jaunies par l’automne se mamelonnaient devant eux, inégalement jusqu’au bord du ciel pâle ; ou bien ils allaient au bout de l’avenue, dans un pavillon ayant pour tout meuble un canapé de toile grise. Des points noirs tachaient la glace ; les murailles exhalaient une odeur de moisi ; — et ils restaient là, causant d’eux-mêmes, des autres, de n’importe quoi, avec ravissement. Quelquefois, les rayons du soleil, traversant la jalousie, tendaient depuis le plafond jusque sur les dalles comme les cordes d’une lyre, des brins de poussière tourbillonnaient dans ces barres lumineuses. Elle s’amusait à les fendre avec sa main ; — Frédéric la saisissait, doucement ; et il contemplait l’entrelacs de ses veines, les grains de sa peau, la forme de ses doigts. Chacun de ses doigts était, pour lui, plus qu’une chose, presque une personne.

  Elle lui donna ses gants, la semaine d’après son mouchoir. Elle l’appelait “Frédéric”, il l’appelait “Marie”, adorant ce nom-là, fait exprès, disait-il, pour être soupiré dans l’extase, et qui semblait contenir des nuages d’encens, des jonchées de roses.

  Ils arrivèrent à fixer d’avance le jour de ses visites et sortant comme par hasard, elle allait au-devant de lui, sur la route.

  Elle ne faisait rien pour exciter son amour, perdue dans cette insouciance qui caractérise les grands bonheurs. Pendant toute la saison, elle porta une robe de chambre en soie brune, bordée de velours pareil, vêtement large convenant à la mollesse de ses attitudes et de sa physionomie sérieuse. D’ailleurs, elle touchait au mois d’août des femmes, époque tout à la fois de réflexion et de tendresse, où la maturité qui commence colore le regard d’une flamme plus profonde, quand la force du cœur se mêle à l’expérience de la vie, et que, sur la fin de ses épanouissements, l’être complet déborde de richesses dans l’harmonie de sa beauté. Jamais elle n’avait eu plus de douceur, d’indulgence. Sûre de ne pas faillir, elle s’abandonnait à un sentiment qui lui semblait un droit conquis par ses chagrins. Cela était si bon, du reste, et si nouveau ! Quel abîme entre la grossièreté d’Arnoux et les adorations de Frédéric !

  Il tremblait de perdre par un mot tout ce qu’il croyait avoir gagné, se disant qu’on peut ressaisir une occasion et qu’on ne rattrape jamais une sottise. Il voulait qu’elle se donnât, et non la prendre. L’assurance de son amour le délectait comme un avant-goût de la possession, et puis le charme de sa personne lui troublait le cœur plus que les sens. C’était une béatitude indéfinie, un tel enivrement, qu’il en oubliait jusqu’à la possibilité d’un bonheur absolu. Loin d’elle, des convoitises furieuses le dévoraient.

  Bientôt il y eut dans leurs dialogues de grands intervalles de silence. Quelquefois, une sorte de pudeur sexuelle les faisait rougir l’un devant l’autre. Toutes les précautions pour cacher leur amour le dévoilaient ; plus il devenait fort, plus leurs manières étaient contenues. Par l’exercice d’un tel mensonge, leur sensibilité s’exaspéra, Ils jouissaient délicieusement de la senteur des feuilles humides, ils souffraient du vent d’est, ils avaient des irritations sans cause, des pressentiments funèbres ; un bruit de pas, le craquement d’une boiserie leur causaient des épouvantes comme s’ils avaient été coupables ; ils se sentaient poussés vers un abîme ; une atmosphère orageuse les enveloppait ; et, quand des doléances échappaient à Frédéric, elle s’accusait elle-même.

  — “Oui ! je fais mal ! j’ai l’air d’une coquette ! Ne venez donc plus !”

  Alors, il répétait les mêmes serments, — qu’elle écoutait chaque fois avec plaisir.

  Son retour à Paris et les embarras du jour de l’an suspendirent un peu leurs entrevues. Quand il revint, il avait, dans les allures, quelque chose de plus hardi. Elle sortait à chaque minute pour donner des ordres, et recevait, malgré ses prières, tous les bourgeois qui venaient la voir. On se livrait alors, à des conversations sur Léotade, M. Guizot, le Pape, l’insurrection de Palerme et le banquet du XIIe arrondissement lequel inspirait des inquiétudes. Frédéric se soulageait en déblatérant contre le Pouvoir ; car il souhaitait, comme Deslauriers, un bouleversement universel, tant il était maintenant aigri. Mme Arnoux, de son côté, devenait sombre.

  Son mari, prodiguant les extravagances, entretenait une ouvrière de la manufacture, celle qu’on appelait la Bordelaise. Mme Arnoux l’apprit elle-même à Frédéric. Il voulait tirer de là un argument “puisqu’on la trahissait.”

  — “Oh ! je ne m’en trouble guère !” dit-elle.

  Cette déclaration lui parut affermir complètement leur intimité. Arnoux s’en méfiait-il ?

  — “Non ! pas maintenant !”

  Elle lui conta qu’un soir, il les avait laissés en tête-à-tête, puis était revenu, avait écouté derrière la porte, et, comme tous deux parlaient de choses indifférentes, il vivait, depuis ce temps-là, dans une entière sécurité :

  — “Avec raison, n’est-ce pas ?” dit amèrement Frédéric.

  — “Oui, sans doute”

  Elle aurait fait mieux de ne pas risquer un pareil mot.

  Un jour, elle ne se trouva point chez elle, à l’heure où il avait coutume d’y venir. Ce fut, pour lui, comme une trahison.

  Il se fâcha ensuite de voir les fleurs qu’il apportait toujours plantées dans un verre d’eau.

  — “Où voulez-vous donc qu’elles soient ?”

  — “Oh ! pas là ! Du reste, elles y sont moins froidement que sur votre cœur.”

  Quelque temps après, il lui reprocha d’avoir été la veille aux Italiens, sans le prévenir. D’autres l’avaient vue, admirée, aimée peut-être ; Frédéric s’attachait à ses soupçons uniquement pour la quereller, la tourmenter ; car il commençait à la haïr, et c’était bien le moins qu’elle eût une part de ses souffrances !

  Une après-midi (vers le milieu de février), il la surprit fort émue. Eugène se plaignait de mal à la gorge. Le docteur avait dit pourtant que ce n’était rien, un gros rhume, la grippe. Frédéric fut étonné par l’air ivre de l’enfant. Il rassura sa mère néanmoins, cita en exemple plusieurs bambins de son âge qui venaient d’avoir des affections semblables et s’étaient vite guéris.

  — “Vraiment ?”

  — “Mais oui, bien sûr !”

  — “Oh ! comme vous êtes bon !”

  Et elle lui prit la main. Il l’étreignit dans la sienne.

  — “Oh ! laissez-la.”

  — “Qu’est-ce que cela fait, puisque c’est au consolateur que vous l’offrez !… Vous me croyez bien pour ces choses, et vous doutez de moi… quand je vous parle de mon amour !”

  — “Je n’en doute pas, mon pauvre ami !”

  — “Pourquoi cette défiance, comme si j’étais un misérable capable d’abuser !…”

  — “Oh ! non !…”

  — “Si j’avais seulement une preuve”

  — “Quelle Preuve ?”

  — “Celle qu’on donnerait au premier venu, celle que vous m’avez accordée à moi-même.”

  Et il lui rappela qu’une fois ils étaient sortis ensemble, par un crépuscule d’hiver, un temps de brouillard. Tout cela était bien
loin, maintenant ! Qui donc l’empêchait de se montrer à son bras, devant tout le monde, sans crainte de sa part, sans arrière-pensée de la sienne, n’ayant personne autour d’eux pour les importuner ?

  — “Soit !” dit-elle, avec une bravoure de décision qui stupéfia d’abord Frédéric.

  Mais il reprit vivement :

  — “Voulez-vous que je vous attende au coin de la rue Tronchet et de la rue de la Ferme ?”

  — “Mon Dieu ! mon ami…”, balbutiait Mme Arnoux.

  Sans lui donner le temps de réfléchir, il ajouta :

  — “Mardi prochain, je suppose ?”

  — “Mardi ?”

  — “Oui, entre deux et trois heures.”

  — “J’y serai !”

  Et elle détourna son visage, par un mouvement de honte. Frédéric lui posa ses lèvres sur la nuque.

  — “Oh ! ce n’est pas bien”, dit-elle. “Vous me feriez repentir.”

  Il s’écarta, redoutant la mobilité ordinaire des femmes. Puis, sur le seuil, murmura, doucement, comme une chose bien convenue

  — “A mardi !”

  Elle baissa ses beaux yeux d’une façon discrète et résignée.

  Frédéric avait un plan.

  Il espérait que, grâce à la pluie ou au soleil, il pourrait la faire s’arrêter sous une porte, et qu’une fois sous la porte, elle entrerait dans la maison. Le difficile était d’en découvrir une convenable.

  Il se mit donc en recherche, et, vers le milieu de la rue Tronchet, il lut de loin, sur une enseigne : Appartements meublés.

  Le garçon, comprenant son intention, lui montra tout de suite, à l’entresol, une chambre et un cabinet avec deux sorties. Frédéric la retint pour un mois et paya d’avance.

  Puis il alla dans trois magasins acheter la parfumerie la plus rare ; il se procura un morceau de fausse guipure pour remplacer l’affreux couvre-pieds de coton rouge, il choisit une paire de pantoufles en satin bleu ; la crainte seule de paraître grossier le modéra dans ses emplettes ; il revint avec elles et plus dévotement que ceux qui font des reposoirs, il changea les meubles de place, drapa lui-même les rideaux, mit des bruyères sur la cheminée, des violettes sur la commode ; il aurait voulu paver la chambre tout en or. “C’est demain”, se disait-il, “oui demain ! je ne rêve pas.” Et il sentait battre son cœur à grands coups sous le délire de son espérance ; puis, quand tout fut prêt, il emporta la clef dans sa poche, comme si le bonheur, qui dormait là, avait pu s’en envoler.

  Une lettre de sa mère l’attendait chez lui.

  “Pourquoi une si longue absence ? Ta conduite commence à paraître ridicule. Je comprends que, dans une certaine mesure, tu aies d’abord hésité devant cette union ; cependant, réfléchis !”

  Et elle précisait les choses : quarante-cinq mille livres de rente. Du reste, “on en causait” ; et M. Roque attendait une réponse définitive. Quant à la jeune personne, sa position véritablement était embarrassante. “Elle t’aime beaucoup.”

  Frédéric rejeta la lettre sans la finir, et en ouvrit une autre, un billet de Deslauriers.

  “Mon vieux,

  “La poire est mûre. Selon ta promesse, nous comptons sur toi. On se réunit demain au petit jour, place du Panthéon. Entre au café Soufflot. Il faut que je te parle avant la manifestation.”

  “Oh ! je les connais, leurs manifestations. Mille grâces ! j’ai un rendez-vous plus agréable.”

  Et, le lendemain, dès onze heures, Frédéric était sorti. Il voulait donner un dernier coup d’œil aux préparatifs ; puis, qui sait, elle pouvait, par un hasard quelconque, être en avance ? En débouchant de la rue Tronchet, il entendit derrière la Madeleine une grande clameur ; il s’avança ; et il aperçut au fond de la place, à gauche, des gens en blouse et des bourgeois.

  En effet, un manifeste publié dans les journaux avait convoqué à cet endroit tous les souscripteurs du banquet réformiste. Le Ministère, presque immédiatement, avait affiché une proclamation l’interdisant. La veille au soir, l’opposition parlementaire y avait renoncé ; mais les patriotes, qui ignoraient cette résolution des chefs, étaient venus au rendez-vous, suivis par un grand nombre de curieux. Une députation des écoles s’était portée tout à l’heure chez Odilon Barrot. Elle était maintenant aux Affaires-Etrangères ; et on ne savait pas si le banquet aurait lieu, si le Gouvernement exécuterait sa menace, si les gardes nationaux se présenteraient. On en voulait aux Députés comme au Pouvoir. La foule augmentait de plus en plus, quand tout à coup vibra dans les airs le refrain de la Marseillaise.

  C’était la colonne des étudiants qui arrivait. lis marchaient au pas, sur deux files, en bon ordre, l’aspect irrité, les mains nues, et tous criant par intervalles — “Vive la Réforme ! à bas Guizot !”

  Les amis de Frédéric étaient là, bien sûr. Ils allaient l’apercevoir et l’entraîner. Il se réfugia vivement dans la rue de l’Arcade.

  Quand les étudiants eurent fait deux fois le tour de la Madeleine, ils descendirent vers la place de la Concorde. Elle était remplie de monde ; et la foule tassée semblait, de loin, un champ d’épis noirs qui oscillaient.

  Au même moment, des soldats de la ligne se rangèrent en bataille, à gauche de l’église.

  Les groupes stationnaient, cependant. Pour en finir, des agents de police en bourgeois saisissaient les plus mutins et les emmenaient au poste, brutalement. Frédéric, malgré son indignation, resta muet ; on aurait pu le prendre avec les autres, et il aurait manqué Mme Arnoux.

  Peu de temps après, parurent les casques des municipaux. Ils frappaient autour d’eux, à coups de plat de sabre. Un cheval s’abattit ; on courut lui porter secours et, dès que le cavalier fut en selle, tous s’enfuirent.

  Alors, il y eut un grand silence. La pluie fine, qui avait mouillé l’asphalte, ne tombait plus. Des nuages s’en allaient, balayés mollement par le vent d’ouest.

  Frédéric se mit à parcourir la rue Tronchet, en regardant devant lui et derrière lui.

  Deux heures enfin sonnèrent. “Ah ! c’est maintenant !” se dit-il, “elle sort de sa maison, elle approche” ; et, une minute après : “Elle aurait eu le temps de venir.” Jusqu’à trois heures, il tâcha de se calmer. “Non, elle n’est pas en retard ; un peu de patience !”

  Et, par désœuvrement, il examinait les rares boutiques : un libraire, un sellier, un magasin de deuil. Bientôt il connut tous les noms des ouvrages, tous les harnais, toutes les étoffes. Les marchands, à force de le voir passer et repasser continuellement, furent étonnés d’abord, puis effrayés, et ils fermèrent leur devanture.

  Sans doute, elle avait un empêchement, et elle en souffrait aussi. Mais quelle joie tout à l’heure ! — Car elle allait venir, cela était certain ! “Elle me l’a bien promis !” Cependant, une angoisse intolérable le gagnait.

  Par un mouvement absurde, il rentra dans l’hôtel, comme si elle avait pu s’y trouver. A l’instant même, elle arrivait peut-être dans la rue. Il s’y jeta. Personne ? Et il se remit à battre le trottoir.

  Il considérait les fentes des pavés, la gueule des gouttières, les candélabres, les numéros au-dessus des portes. Les objets les plus minimes devenaient pour lui des compagnons, ou plutôt des spectateurs ironiques ; et les façades régulières des maisons lui semblaient impitoyables. Il souffrait du froid aux pieds. Il se sentait dissoudre d’accablement. La répercussion de ses pas lui secouait la cervelle.

  Quand il vit quatre heures à sa montre, il éprouva comme un vertige, une épouvante. Il tâcha de se répéter des vers, de calculer n’importe quoi, d’inventer une histoire. Impossible ! l’image de Mme Arnoux l’obsédait. Il avait envie de courir à sa rencontre. Mais quelle route prendre pour ne pas se croiser ?

  Il aborda un commissionnaire, lui mit dans la main cinq francs, et le chargea d’aller rue Paradis, chez Jacques Arnoux, pour s’enquérir près du portier “si Madame était chez elle” . Puis il se planta au coin de la rue de la Ferme et de la rue Tronchet, de manière à voir simultanément dans toutes les deux. Au fond de la perspe
ctive, sur le boulevard, des masses confuses glissaient. Il distinguait parfois l’aigrette d’un dragon, un chapeau de femme ; et il tendait ses prunelles pour la reconnaître. Un enfant déguenillé qui montrait une marmotte, dans une boîte, lui demanda l’aumône, en souriant.

  L’homme à la veste de velours reparut. “Le portier ne l’avait pas vue sortir.” Qui la retenait ? Si elle était malade, on l’aurait dit ! Etait-ce une visite ? Rien de plus facile que de ne pas recevoir. Il se frappa le front.

  “Ah ! je suis bête ! C’est l’émeute !” Cette explication naturelle le soulagea. Puis, tout à coup : “Mais son quartier est tranquille.” Et un doute abominable l’assaillit. “Si elle allait ne pas venir ? si sa promesse n’était qu’une parole pour m’évincer ? Non ! non !” Ce qui l’empêchait sans doute, c’était un hasard extraordinaire, un de ces événements qui déjouent toute prévoyance. Dans ce cas-là, elle aurait écrit. Et il envoya le garçon d’hôtel à son domicile, rue Rumford, pour savoir s’il n’y avait point de lettre ?

  On n’avait apporté aucune lettre. Cette absence de nouvelles le rassura.

  Du nombre des pièces de monnaie prises au hasard dans sa main, de la physionomie des passants, de la couleur des chevaux, il tirait des présages ; et, quand l’augure était contraire, il s’efforçait de ne pas y croire. Dans ses accès de fureur contre Mme Arnoux, il l’injuriait à demi-voix. Puis c’étaient des faiblesses à s’évanouir, et tout à coup des rebondissements d’espérance. Elle allait paraître. Elle était là, derrière son dos. Il se retournait : rien ! Une fois, il aperçut, à trente pas environ, une femme de même taille, avec la même robe. Il la rejoignit ; ce n’était pas elle ! Cinq heures arrivèrent ! cinq heures et demie ! six heures ! Le gaz s’allumait. Mme Arnoux n’était pas venue.

  Elle avait rêvé, la nuit précédente, qu’elle était sur le trottoir de la rue Tronchet depuis longtemps. Elle y attendait quelque chose d’indéterminé, de considérable néanmoins, et, sans savoir pourquoi, elle avait peur d’être aperçue. Mais un maudit petit chien, acharné contre elle, mordillait le bas de sa robe. Il revenait obstinément et aboyait toujours plus fort. Mme Arnoux se réveilla. L’aboiement du chien continuait. Elle tendit l’oreille. Cela partait de la chambre de son fils. Elle s’y précipita pieds nus. C’était l’enfant lui-même qui toussait. Il avait les mains brûlantes, la face rouge et la voix singulièrement rauque. L’embarras de sa respiration augmentait de minute en minute. Elle resta jusqu’au jour, penchée sur sa couverture, à l’observer.

 

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