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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 280

by Gustave Flaubert


  Puis, comme autrefois, ils allèrent prendre le gloria sur le vigneau.

  La moisson venait de finir — et des meules au milieu des champs dressaient leurs masses noires sur la couleur de la nuit, bleuâtre et douce. Les fermes étaient tranquilles. On n'entendait même plus les grillons. Toute la campagne dormait. Ils digéraient en humant la brise qui rafraîchissait leurs pommettes.

  Le ciel très haut, était couvert d'étoiles ; les unes brillant par groupes, d'autres à la file, ou bien seules à des intervalles éloignés. Une zone de poussière lumineuse, allant du septentrion au midi, se bifurquait au-dessus de leurs têtes. Il y avait entre ces clartés, de grands espaces vides ; — et le firmament semblait une mer d'azur, avec des archipels et des îlots.

  — Quelle quantité ! s'écria Bouvard.

  — Nous ne voyons pas tout ! reprit Pécuchet. Derrière la voie lactée, ce sont les nébuleuses ; au delà des nébuleuses des étoiles encore ! La plus voisine est séparée de nous par trois cents billions de myriamètres ! Il avait regardé souvent dans le télescope de la place Vendôme et se rappelait les chiffres. Le Soleil est un million de fois plus gros que la Terre, Sirius a douze fois la grandeur du soleil, des comètes mesurent trente-quatre millions de lieues !

  — C'est à rendre fou dit Bouvard. Il déplora son ignorance et même regrettait de n'avoir pas été, dans sa jeunesse, à l'École Polytechnique.

  Alors Pécuchet le tournant vers la Grande Ourse, lui montra l'étoile polaire, puis Cassiopée dont la constellation forme un Y, Véga de la Lyre toute scintillante, et au bas de l'horizon, le rouge Aldebaran.

  Bouvard, la tête renversée, suivait péniblement les triangles, quadrilatères et pentagones qu'il faut imaginer pour se reconnaître dans le ciel.

  Pécuchet continua :

  — La vitesse de la lumière est de quatre-vingt mille lieues dans une seconde. Un rayon de la Voie lactée met six siècles à nous parvenir — si bien qu'une étoile, quand on l'observe, peut avoir disparu. Plusieurs sont intermittentes, d'autres ne reviennent jamais ; — et elles changent de position ; tout s'agite, tout passe.

  — Cependant, le Soleil est immobile ?

  — On le croyait autrefois. Mais les savants aujourd'hui, annoncent qu'il se précipite vers la constellation d'Hercule !

  Cela dérangeait les idées de Bouvard — et après une minute de réflexion :

  — La science est faite, suivant les données fournies par un coin de l'étendue. Peut-être ne convient-elle pas à tout le reste qu'on ignore, qui est beaucoup plus grand, et qu'on ne peut découvrir.

  Ils parlaient ainsi, debout sur le vigneau, à la lueur des astres — et leurs discours étaient coupés par de longs silences.

  Enfin ils se demandèrent s'il y avait des hommes dans les étoiles. Pourquoi pas ? Et comme la création est harmonique, les habitants de Sirius devaient être démesurés, ceux de Mars d'une taille moyenne, ceux de Vénus très petits. À moins que ce ne soit partout la même chose ? Il existe là-haut des commerçants, des gendarmes ; on y trafique, on s'y bat, on y détrône des rois !…

  Quelques étoiles filantes glissèrent tout à coup, décrivant sur le ciel comme la parabole d'une monstrueuse fusée.

  — Tiens ! dit Bouvard voilà des mondes qui disparaissent.

  Pécuchet reprit :

  — Si le nôtre, à son tour, faisait la cabriole, les citoyens des étoiles ne seraient pas plus émus que nous ne le sommes maintenant ! De pareilles idées vous renfoncent l'orgueil.

  — Quel est le but de tout cela ?

  — Peut-être qu'il n'y a pas de but ?

  — Cependant ! et Pécuchet répéta deux ou trois fois cependant sans trouver rien de plus à dire. — N'importe ! je voudrais bien savoir comment l'univers s'est fait !

  — Cela doit être dans Buffon ! répondit Bouvard, dont les yeux se fermaient. Je n'en peux plus ! je vais me coucher !

  Les Époques de la nature leur apprirent qu'une comète, en heurtant le soleil, en avait détaché une portion, qui devint la Terre. D'abord les pôles s'étaient refroidis. Toutes les eaux avaient enveloppé le globe. Elles s'étaient retirées dans les cavernes ; puis les continents se divisèrent, les animaux et l'homme parurent.

  La majesté de la création leur causa un ébahissement, infini comme elle. Leur tête s'élargissait. Ils étaient fiers de réfléchir sur de si grands objets.

  Les minéraux ne tardèrent pas à les fatiguer ; — et ils recoururent comme distraction, aux Harmonies de Bernardin de Saint-Pierre.

  Harmonies végétales et terrestres, aériennes, aquatiques, humaines, fraternelles et même conjugales, tout y passa — sans omettre les invocations à Vénus, aux Zéphyrs et aux Amours ! Ils s'étonnaient que les poissons eussent des nageoires, les oiseaux des ailes, les semences une enveloppe — pleins de cette philosophie qui découvre dans la Nature des intentions vertueuses et la considère comme une espèce de saint Vincent de Paul, toujours occupé à répandre des bienfaits !

  Ils admirèrent ensuite ses prodiges, les trombes, les volcans, les forêts vierges ; — et ils achetèrent l'ouvrage de M. Depping sur les Merveilles et beautés de la nature en France. Le Cantal en possède trois, l'Hérault cinq, la Bourgogne deux — pas davantage — tandis que le Dauphiné compte à lui seul jusqu'à quinze merveilles ! Mais bientôt, on n'en trouvera plus ! Les grottes à stalactites se bouchent, les montagnes ardentes s'éteignent, les glacières naturelles s'échauffent ; — et les vieux arbres dans lesquels on disait la messe tombent sous la cognée des niveleurs, ou sont en train de mourir.

  Puis leur curiosité se tourna vers les bêtes.

  Ils rouvrirent leur Buffon et s'extasièrent devant les goûts bizarres de certains animaux.

  Mais tous les livres ne valant pas une observation personnelle, ils entraient dans les cours, et demandaient aux laboureurs s'ils avaient vu des taureaux se joindre à des juments, les cochons rechercher les vaches, et les mâles des perdrix commettre entre eux des turpitudes.

  — Jamais de la vie ! On trouvait même ces questions un peu drôles pour des messieurs de leur âge.

  Ils voulurent tenter des alliances anormales.

  La moins difficile est celle du bouc et de la brebis. Leur fermier ne possédait pas de bouc. Une voisine prêta le sien ; et l'époque du rut étant venue, ils enfermèrent les deux bêtes dans le pressoir, en se cachant derrière les futailles, pour que l'événement pût s'accomplir en paix.

  Chacune, d'abord, mangea son petit tas de foin. Puis, elles ruminèrent, la brebis se coucha ; — et elle bêlait sans discontinuer, pendant que le bouc, d'aplomb sur ses jambes torses, avec sa grande barbe et ses oreilles pendantes, fixait sur eux ses prunelles, qui luisaient dans l'ombre.

  Enfin, le soir du troisième jour, ils jugèrent convenable de faciliter la nature. Mais le bouc se retournant contre Pécuchet, lui flanqua un coup de cornes au bas du ventre. La brebis, saisie de peur, se mit à tourner dans le pressoir comme dans un manège. Bouvard courut après, se jeta dessus pour la retenir, et tomba par terre avec des poignées de laine dans les deux mains.

  Ils renouvelèrent leurs tentatives sur des poules et un canard, sur un dogue et une truie, avec l'espoir qu'il en sortirait des monstres et ne comprenant rien à la question de l'espèce.

  Ce mot désigne un groupe d'individus dont les descendants se reproduisent. Mais des animaux classés comme d'espèces différentes peuvent se reproduire, et d'autres compris dans la même en ont perdu la faculté.

  Ils se flattèrent d'obtenir là-dessus des idées nettes, en étudiant le développement des germes ; et Pécuchet écrivit à Dumouchel, pour avoir un microscope.

  Tour à tour ils mirent sur la plaque de verre des cheveux, du tabac, des ongles, une patte de mouche. Mais ils avaient oublié la goutte d'eau, indispensable. C'était, d'autres fois, la petite lamelle ; — et ils se poussaient, dérangeaient l'instrument ; puis, n'apercevant que du brouillard accusaient l'opticien. Ils en arrivèrent à douter du microscope. Les découvertes qu'on lui attribue ne sont peut-être pas si positives.

  Dumo
uchel, en leur adressant la facture, les pria de recueillir à son intention des ammonites et des oursins, curiosités dont il était toujours amateur, et fréquentes dans leur pays. Pour les exciter à la géologie, il leur envoyait les Lettres de Bertrand avec le Discours de Cuvier sur les révolutions du globe.

  Après ces deux lectures, ils se figurèrent les choses suivantes.

  D'abord une immense nappe d'eau, d'où émergeaient des promontoires, tachetés par des lichens ; et pas un être vivant, pas un cri ; c'était un monde silencieux, immobile et nu. — Puis de longues plantes se balançaient dans un brouillard qui ressemblait à la vapeur d'une étuve. Un soleil tout rouge surchauffait l'atmosphère humide. Alors des volcans éclatèrent, les roches ignées jaillissaient des montagnes ; et la pâte des porphyres et des basaltes qui coulait, se figea. — Troisième tableau : dans des mers peu profondes, des îles de madrépores ont surgi ; un bouquet de palmiers, de place en place, les domine. Il y a des coquillages pareils à des roues de chariot, des tortues qui ont trois mètres, des lézards de soixante pieds. Des amphibies allongent entre les roseaux leur col d'autruche à mâchoire de crocodile. Des serpents ailés s'envolent. — Enfin, sur les grands continents, de grands mammifères parurent, les membres difformes comme des pièces de bois mal équarries, le cuir plus épais que des plaques de bronze, ou bien velus, lippus, avec des crinières, et des défenses contournées. Des troupeaux de mammouths broutaient les plaines où fut depuis l'Atlantique ; le paléothérium, moitié cheval moitié tapir, bouleversait de son groin les fourmilières de Montmartre, et le cervus giganteus tremblait sous les châtaigniers, à la voix de l'ours des cavernes, qui faisait japper dans sa tanière, le chien de Beaugency trois fois haut comme un loup.

  Toutes ces époques avaient été séparées les unes des autres par des cataclysmes, dont le dernier est notre déluge. C'était comme une féerie en plusieurs actes, ayant l'homme pour apothéose.

  Ils furent stupéfaits d'apprendre qu'il existait sur des pierres des empreintes de libellules, de pattes d'oiseaux, — et ayant feuilleté un des manuels Roret, ils cherchèrent des fossiles.

  Un après-midi, comme ils retournaient des silex au milieu de la grande route, M. le curé passa, et les abordant d'une voix pateline :

  — Ces messieurs s'occupent de géologie ? fort bien !

  Car il estimait cette science. Elle confirme l'autorité des Écritures, en prouvant le Déluge.

  Bouvard parla des coprolithes, lesquels sont des excréments de bêtes, pétrifiés.

  L'abbé Jeufroy parut surpris du fait ; après tout, s'il avait lieu, c'était une raison de plus, d'admirer la Providence.

  Pécuchet avoua que leurs enquêtes jusqu'alors n'avaient pas été fructueuses, — et cependant les environs de Falaise, comme tous les terrains jurassiques, devaient abonder en débris d'animaux.

  — J'ai entendu dire répliqua l'abbé Jeufroy qu'autrefois on avait trouvé

  à Villers la mâchoire d'un éléphant. Du reste, un de ses amis, M.

  Larsonneur, avocat, membre du barreau de Lisieux et archéologue, leur

  fournirait peut-être des renseignements ! Il avait fait une histoire de

  Port-en-Bessin où était notée la découverte d'un crocodile.

  Bouvard et Pécuchet échangèrent un coup d'oeil ; le même espoir leur était venu ; — et malgré la chaleur, ils restèrent debout pendant longtemps, à interroger l'ecclésiastique qui s'abritait sous un parapluie de coton bleu. Il avait le bas du visage un peu lourd avec le nez pointu, souriait continuellement, ou penchait la tête en fermant les paupières.

  La cloche de l'église tinta l'angélus.

  — Bien le bonsoir, messieurs ! Vous permettez, n'est-ce pas ?

  Recommandés par lui, ils attendirent durant trois semaines la réponse de

  Larsonneur. Enfin, elle arriva.

  L'homme de Villers qui avait déterré la dent de mastodonte s'appelait Louis Bloche ; les détails manquaient. Quant à son histoire, elle occupait un des volumes de l'Académie Lexovienne, et il ne prêtait point son exemplaire, dans la peur de dépareiller la collection. Pour ce qui était de l'alligator, on l'avait découvert au mois de novembre 1825, sous la falaise des Hachettes, à Sainte-Honorine, près de Port-en-Bessin, arrondissement de Bayeux. Suivaient des compliments.

  L'obscurité enveloppant le mastodonte irrita le désir de Pécuchet. Il aurait voulu se rendre tout de suite à Villers.

  Bouvard objecta que pour s'épargner un déplacement peut-être inutile, et à coup sûr dispendieux, il convenait de prendre des informations — et ils écrivirent au Maire de l'endroit une lettre, où ils lui demandaient ce qu'était devenu un certain Louis Bloche. Dans l'hypothèse de sa mort, ses descendants ou collatéraux pouvaient-ils les instruire sur sa précieuse découverte ? Quand il la fit, à quelle place de la commune gisait ce document des âges primitifs ? Avait-on des chances d'en trouver d'analogues ? Quel était par jour le prix d'un homme et d'une charrette.

  Et ils eurent beau s'adresser à l'Adjoint, puis au premier Conseiller Municipal, ils ne reçurent de Villers aucune nouvelle. Sans doute les habitants étaient jaloux de leurs fossiles ? À moins qu'ils ne les vendissent aux Anglais. Le voyage des Hachettes fut résolu.

  Bouvard et Pécuchet prirent la diligence de Falaise pour Caen. Ensuite une carriole les transporta de Caen à Bayeux ; — et de Bayeux, ils allèrent à pied jusqu'à Port-en-Bessin.

  On ne les avait pas trompés. La côte des Hachettes offrait des cailloux bizarres — et sur les indications de l'aubergiste, ils atteignirent la grève.

  La marée étant basse, elle découvrait tous ses galets, avec une prairie de goémons jusqu'au bord des flots.

  Des vallonnements herbeux découpaient la falaise, composée d'une terre molle et brune et qui se durcissant devenait dans ses strates inférieures, une muraille de pierre grise. Des filets d'eau en tombaient sans discontinuer, pendant que la mer au loin, grondait. Elle semblait parfois suspendre son battement ; — et on n'entendait plus que le petit bruit des sources.

  Ils titubaient sur des herbes gluantes, ou bien ils avaient à sauter des trous. — Bouvard s'assit près du rivage, et contempla les vagues, ne pensant à rien, fasciné, inerte. Pécuchet le ramena vers la côte pour lui faire voir un ammonite, incrusté dans la roche, comme un diamant dans sa gangue. Leurs ongles s'y brisèrent, il aurait fallu des instruments, la nuit venait, d'ailleurs ! — Le ciel était empourpré à l'occident, et toute la place couverte d'une ombre. — Au milieu des varechs presque noirs, les flaques d'eau s'élargissaient. La mer montait vers eux ; il était temps de rentrer.

  Le lendemain dès l'aube, avec une pioche et un pic, ils attaquèrent leur fossile dont l'enveloppe éclata. C'était un ammonite nodosus, rongé par les bouts mais pesant bien seize livres, et Pécuchet, dans l'enthousiasme, s'écria : — Nous ne pouvons faire moins que de l'offrir à Dumouchel !

  Puis ils rencontrèrent des éponges, des térébratules, des orques, et pas de crocodile ! — à son défaut, ils espéraient une vertèbre d'hippopotame ou d'ichthyosaure, n'importe quel ossement contemporain du Déluge, quand ils distinguèrent à hauteur d'homme contre la falaise, des contours qui figuraient le galbe d'un poisson gigantesque.

  Ils délibérèrent sur les moyens de l'obtenir.

  Bouvard le dégagerait par le haut, tandis que Pécuchet en dessous, démolirait la roche pour le faire descendre, doucement, sans l'abîmer.

  Comme ils reprenaient haleine, ils virent au-dessus de leur tête, dans la campagne un douanier en manteau, qui gesticulait d'un air de commandement.

  — Eh bien ! quoi ? fiche-nous la paix ! et ils continuèrent leur besogne, Bouvard sur la pointe des orteils, tapant avec sa pioche, Pécuchet les reins pliés, creusant avec son pic.

  Mais le douanier reparut, plus bas, dans un vallon, en multipliant les signaux : ils s'en moquaient bien ! Un corps ovale se bombait sous la terre amincie, et penchait, allait glisser.

  Un autre individu, avec un sabre, se montra tout à coup.

  — Vos passeports !

 
; C'était le garde champêtre en tournée ; — et au même moment survint l'homme de la douane, accouru par une ravine.

  — Empoignez-les, père Morin ! ou la falaise va s'écrouler !

  — C'est dans un but scientifique répondit Pécuchet.

  Alors une masse tomba, en les frôlant de si près tous les quatre, qu'un peu plus ils étaient morts.

  Quand la poussière fut dissipée, ils reconnurent un mât de navire qui s'émietta sous la botte du douanier.

  Bouvard dit en soupirant : — Nous ne faisions pas grand mal !

  — On ne doit rien faire dans les limites du Génie ! reprit le garde champêtre. D'abord qui êtes-vous ? pour que je vous dresse procès !

  Pécuchet se rebiffa, criant à l'injustice.

  — Pas de raisons ! suivez-moi !

  Dès qu'ils arrivèrent sur le port, une foule de gamins les escorta. Bouvard rouge comme un coquelicot, affectait un air digne. Pécuchet, très pâle, lançait des regards furieux ; — et ces deux étrangers, portant des cailloux dans leurs mouchoirs n'avaient pas une bonne figure. Provisoirement, on les colloqua dans l'auberge, dont le maître sur le seuil, barrait l'entrée. Puis le maçon réclama ses outils ; ils les payèrent ; encore des frais ! — et le garde champêtre ne revenait pas ! pourquoi ? Enfin un monsieur qui avait la croix d'honneur, les délivra ; et ils s'en allèrent, ayant donné leurs noms, prénoms et domicile, avec l'engagement d'être à l'avenir plus circonspects.

  Outre un passeport, il leur manquait bien des choses ! et avant d'entreprendre des explorations nouvelles ils consultèrent le Guide du voyageur géologue par Boné.

  Il faut avoir, premièrement, un bon havresac de soldat, puis une chaîne d'arpenteur, une lime, des pinces, une boussole, et trois marteaux, passés dans une ceinture qui se dissimule sous la redingote, et vous préserve ainsi de cette apparence originale, que l'on doit éviter en voyage. Comme bâton, Pécuchet adopta franchement le bâton de touriste, haut de six pieds, à longue pointe de fer. Bouvard préférait une canne-parapluie, ou parapluie-polybranches, dont le pommeau se retire, pour agrafer la soie contenue, à part, dans un petit sac. Ils n'oublièrent pas de forts souliers, avec des guêtres, chacun deux paires de bretelles, à cause de la transpiration et bien qu'on ne puisse se présenter partout en casquette ils reculèrent devant la dépense d'un de ces chapeaux qui se plient, et qui portent le nom du chapelier Gibus, leur inventeur. Le même ouvrage donne des préceptes de conduite : Savoir la langue du pays que l'on visite, ils la savaient. Garder une tenue modeste, c'était leur usage. Ne pas avoir d'argent sur soi, rien de plus simple. Enfin, pour s'épargner toutes sortes d'embarras, il est bon de prendre la qualité d'ingénieur !

 

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