Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 298

by Gustave Flaubert


  Mais si l'on voit partout des métaphores que deviendront les faits ?

  L'abbé, soutenait cependant qu'ils étaient réels.

  Cette manière de les entendre parut déloyale à Pécuchet. Il poussa plus loin ses recherches et apporta une note sur les contradictions de la Bible.

  L'Exode nous apprend que pendant quarante ans on fit des sacrifices dans le désert ; on n'en fit aucun suivant Amos et Jérémie. Les Paralipomènes et Esdras ne sont point d'accord sur le dénombrement du Peuple. Dans le Deutéronome, Moïse voit le Seigneur face à face ; d'après l'Exode, jamais il ne put le voir. Où est, alors, l'inspiration ?

  — Motif de plus pour l'admettre répliquait en souriant M. Jeufroy. Les imposteurs ont besoin de connivence, les sincères n'y prennent garde. Dans l'embarras recourons à l'Église. Elle est toujours infaillible.

  De qui relève l'infaillibilité ?

  Les conciles de Bâle et de Constance l'attribuent aux conciles. Mais souvent les conciles diffèrent, témoin ce qui se passa pour Athanase et pour Arius. Ceux de Florence et de Latran la décernent au pape. Mais Adrien VI déclare que le Pape, comme un autre, peut se tromper.

  Chicanes ! Tout cela ne fait rien à la permanence du dogme.

  L'ouvrage de Louis Hervieu en signale les variations : le baptême autrefois était réservé pour les adultes. L'extrême-onction ne fut un sacrement qu'au IXe siècle ; la Présence réelle a été décrétée au VIIIe, le Purgatoire, reconnu au XVe, l'Immaculée Conception est d'hier.

  Et Pécuchet en arriva à ne plus savoir que penser de Jésus. Trois évangiles en font un homme. Dans un passage de saint Jean il paraît s'égaler à Dieu ; dans un autre du même se reconnaître son inférieur.

  L'abbé ripostait par la lettre du roi Abgar, les Actes de Pilate et le témoignage des Sibylles dont le fond est véritable. Il retrouvait la Vierge dans les Gaules, l'annonce d'un Rédempteur en Chine, la Trinité partout, la Croix sur le bonnet du grand lama, en Égypte au poing des dieux ; — et même il fit voir une gravure, représentant un nilomètre, lequel était un phallus suivant Pécuchet.

  M. Jeufroy consultait secrètement son ami Pruneau, qui lui cherchait des preuves dans les auteurs. Une lutte d'érudition s'engagea ; et fouetté par l'amour-propre Pécuchet devint transcendant, mythologue.

  Il comparait la Vierge à Isis, l'eucharistie au Homa des Perses, Bacchus à Moïse, l'arche de Noé au vaisseau de Xithuros, ces ressemblances pour lui démontraient l'identité des religions.

  Mais il ne peut y avoir plusieurs religions, puisqu'il n'y a qu'un Dieu — et quand il était à bout d'arguments, l'homme à la soutane s'écriait : — C'est un mystère !

  Que signifie ce mot ? Défaut de savoir ; très bien. Mais s'il désigne une chose dont le seul énoncé implique contradiction, c'est une sottise ; — et Pécuchet ne quittait plus M. Jeufroy. Il le surprenait dans son jardin, l'attendait au confessionnal, le relançait dans la sacristie.

  Le prêtre imaginait des ruses pour le fuir.

  Un jour, qu'il était parti à Sassetot administrer quelqu'un, Pécuchet se porta au-devant de lui sur la route, manière de rendre la conversation inévitable.

  C'était le soir, vers la fin d'août. Le ciel écarlate se rembrunit, et un gros nuage s'y forma, régulier dans le bas, avec des volutes au sommet.

  Pécuchet d'abord, parla de choses indifférentes, puis ayant glissé le mot martyr :

  — Combien pensez-vous qu'il y en ait eu ?

  — Une vingtaine de millions, pour le moins.

  — Leur nombre n'est pas si grand, dit Origène.

  — Origène, vous savez, est suspect !

  Un large coup de vent passa, inclinant l'herbe des fossés, et les deux rangs d'ormeaux jusqu'au bout de l'horizon.

  Pécuchet reprit : — On classe dans les martyrs, beaucoup d'évêques gaulois, tués en résistant aux Barbares, ce qui n'est plus la question.

  — Allez-vous défendre les Empereurs !

  Suivant Pécuchet, on les avait calomniés. — L'histoire de la Légion thébaine est une fable. Je conteste également Symphorose et ses sept fils, Félicité et ses sept filles, et les sept vierges d'Ancyre, condamnées au viol, bien que septuagénaires, et les onze mille vierges de sainte Ursule, dont une compagne s'appelait Undecemilla, un nom pris pour un chiffre, — encore plus les dix martyrs d'Alexandrie !

  — Cependant !… Cependant, ils se trouvent dans des auteurs dignes de créance.

  Des gouttes d'eau tombèrent. Le curé déploya son parapluie ; — et Pécuchet, quand il fut dessous, osa prétendre que les catholiques avaient fait plus de martyrs chez les juifs, les musulmans, les protestants, et les libres penseurs que tous les Romains autrefois.

  L'ecclésiastique se récria :

  — Mais on compte dix persécutions depuis Néron jusqu'au César Galère !

  — Eh bien, et les massacres des Albigeois ! et la Saint-Barthélemy ! et la

  Révocation de l'édit de Nantes !

  — Excès déplorables sans doute mais vous n'allez pas comparer ces gens-là à saint Étienne, saint Laurent, Cyprien, Polycarpe, une foule de missionnaires.

  — Pardon ! je vous rappellerai Hypatie, Jérôme de Prague, Jean Huss,

  Bruno, Vanini, Anne Du Bourg !

  La pluie augmentait, et ses rayons dardaient si fort, qu'ils rebondissaient du sol, comme de petites fusées blanches. Pécuchet et M. Jeufroy marchaient avec lenteur serrés l'un contre l'autre, et le curé disait :

  — Après des supplices abominables, on les jetait dans des chaudières !

  — L'Inquisition employait de même la torture, et elle vous brûlait très bien.

  — On exposait les dames illustres dans les lupanars !

  — Croyez-vous que les dragons de Louis XIV fussent décents ?

  — Et notez que les chrétiens n'avaient rien fait contre l'État !

  — Les Huguenots pas davantage !

  Le vent chassait, balayait la pluie dans l'air. Elle claquait sur les feuilles, ruisselait au bord du chemin, et le ciel couleur de boue se confondait avec les champs dénudés, la moisson étant finie. Pas un toit. Au loin seulement, la cabane d'un berger.

  Le maigre paletot de Pécuchet n'avait plus un fil de sec. L'eau coulait le long de son échine, entrait dans ses bottes, dans ses oreilles, dans ses yeux, malgré la visière de la casquette Amoros. Le curé, en portant d'un bras la queue de sa soutane, se découvrait les jambes, et les pointes de son tricorne crachaient l'eau sur ses épaules comme des gargouilles de cathédrale.

  Il fallut s'arrêter, et tournant leur dos à la tempête, ils restèrent face à face, ventre contre ventre, en tenant à quatre mains le parapluie qui oscillait.

  M. Jeufroy n'avait pas interrompu la défense des catholiques.

  — Ont-ils crucifié vos protestants, comme le fut saint Siméon, ou fait dévorer un homme par deux tigres comme il advint à saint Ignace ?

  — Mais comptez-vous pour quelque chose, tant de femmes séparées de leurs maris, d'enfants arrachés à leurs mères ! Et les exils des pauvres, à travers la neige, au milieu des précipices ! On les entassait dans les prisons ; à peine morts on les traînait sur la claie.

  L'abbé ricana : — Vous me permettrez de n'en rien croire ! Et nos martyrs à nous sont moins douteux. Sainte Blandine a été livrée dans un filet à une vache furieuse. Sainte Julie périt assommée de coups. Saint Taraque, saint Probus et saint Andronic, on leur a brisé les dents avec un marteau, déchiré les côtes avec des peignes de fer, traversé les mains avec des clous rougis, enlevé la peau du crâne !

  — Vous exagérez dit Pécuchet. La mort des martyrs était dans ce temps-là une amplification de rhétorique !

  — Comment de la rhétorique ?

  — Mais oui ! tandis que moi, monsieur, je vous raconte de l'histoire. Les catholiques en Irlande éventrèrent des femmes enceintes pour prendre leurs enfants !

  — Jamais.

  — Et les donner aux pourceaux !

  — Allons donc !

  — En Belgique, ils les enterraient toutes vives
.

  — Quelle plaisanterie.

  — On a leurs noms !

  — Et quand même objecta le Prêtre, en secouant de colère son parapluie on ne peut les appeler des martyrs. Il n'y en a pas en dehors de l'Église.

  — Un mot. Si la valeur du martyr dépend de la doctrine, comment servirait-il à en démontrer l'excellence ?

  La pluie se calmait ; jusqu'au village ils ne parlèrent plus.

  Mais, sur le seuil du presbytère, l'Abbé dit :

  — Je vous plains ! véritablement, je vous plains !

  Pécuchet conta de suite à Bouvard son altercation. Elle lui avait causé une malveillance antireligieuse ; — et une heure après, assis devant un feu de broussailles, il lisait le Curé Meslier. Ces négations lourdes le choquèrent ; puis se reprochant d'avoir méconnu, peut-être, des héros, il feuilleta dans la Biographie, l'histoire des martyrs les plus illustres.

  Quelles clameurs du Peuple, quand ils entraient dans l'arène ! — et si les lions et les jaguars étaient trop doux, du geste et de la voix ils les excitaient à s'avancer. On les voyait tout couverts de sang, sourire debout le regard au ciel ; — sainte Perpétue renoua ses cheveux pour ne point paraître affligée. — Pécuchet se mit à réfléchir — La fenêtre était ouverte, la nuit tranquille, beaucoup d'étoiles brillaient — Il devait se passer dans leur âme des choses dont nous n'avons plus l'idée, une joie, un spasme divin ? — Et Pécuchet à force d'y rêver dit qu'il comprenait cela, aurait fait comme eux.

  — Toi ?

  — Certainement.

  — Pas de blagues ! Crois-tu oui, ou non ?

  — Je ne sais.

  Il alluma une chandelle — puis ses yeux tombant sur le crucifix dans l'alcôve : — Combien de misérables ont recouru à celui-là ! et après un silence : On l'a dénaturé ! c'est la faute de Rome : la politique du Vatican !

  Mais Bouvard admirait l'Église pour sa magnificence, et aurait souhaité au moyen âge être un cardinal. — J'aurais eu bonne mine sous la pourpre, conviens-en !

  La casquette de Pécuchet posée devant les charbons n'était pas sèche encore. Tout en l'étirant, il sentit quelque chose dans la doublure, et une médaille de saint Joseph tomba. Ils furent troublés, le fait leur paraissant inexplicable.

  Mme de Noares voulut savoir de Pécuchet s'il n'avait pas éprouvé comme un changement, un bonheur, et se trahit par ses questions. Une fois, pendant qu'il jouait au billard, elle lui avait cousu la médaille dans sa casquette.

  Évidemment, elle l'aimait ; ils auraient pu se marier : elle était veuve ; et il ne soupçonna pas cet amour, qui peut-être eût fait le bonheur de sa vie.

  Bien qu'il se montrât plus religieux que M. Bouvard, elle l'avait dédié à saint Joseph, dont le secours est excellent pour les conversions.

  Personne, comme elle, ne connaissait tous les chapelets et les indulgences qu'ils procurent, l'effet des reliques, les privilèges des eaux saintes. Sa montre était retenue par une chaînette qui avait touché aux liens de saint Pierre. Parmi ses breloques luisait une perle d'or, à l'imitation de celle qui contient dans l'église d'Allouagne une larme de Notre-Seigneur. Un anneau à son petit doigt enfermait des cheveux du curé d'Ars ; — et comme elle cueillait des simples pour les malades, sa chambre ressemblait à une sacristie et à une officine d'apothicaire.

  Son temps se passait à écrire des lettres, à visiter les pauvres, à dissoudre des concubinages, à répandre des photographies du Sacré-Coeur. Un monsieur devait lui envoyer de la Pâte des martyrs : mélange de cire pascale et de poussière humaine prise aux catacombes, et qui s'emploie dans les cas désespérés en mouches ou en pilules. Elle en promit à Pécuchet.

  Il parut choqué d'un tel matérialisme.

  Le soir, un valet du château lui apporta une hottée d'opuscules, relatant des paroles pieuses du grand Napoléon, des bons mots de curé dans les auberges, des morts effrayantes advenues à des impies. Mme de Noares savait tout cela par coeur, avec une infinité de miracles.

  Elle en contait de stupides — des miracles sans but, comme si Dieu les eût faits pour ébahir le monde. Sa grand'mère, à elle-même, avait serré dans une armoire des pruneaux couverts d'un linge, et quand on ouvrit l'armoire un an plus tard, on en vit treize sur la nappe, formant la croix. — Expliquez-moi cela. C'était son mot après ses histoires, qu'elle soutenait avec un entêtement de bourrique, bonne femme d'ailleurs, et d'humeur enjouée.

  Une fois pourtant, elle sortit de son caractère. Bouvard lui contestait le miracle de Pezilla : un compotier où l'on avait caché des hosties pendant la Révolution se dora de lui-même — tout seul.

  Peut-être y avait-il, au fond, un peu de couleur jaune provenant de l'humidité ?

  — Mais non ! je vous répète que non ! La dorure a pour cause le contact de l'Eucharistie et elle donna en preuve l'attestation des évêques. C'est, disent-ils, comme un bouclier, un… un palladium sur le diocèse de Perpignan. Demandez plutôt à M. Jeufroy !

  Bouvard n'y tint plus ; et ayant repassé son Louis Hervieu, emmena

  Pécuchet.

  L'ecclésiastique finissait de dîner. Reine offrit des sièges, et sur un geste, alla prendre deux petits verres qu'elle emplit de Rosolio.

  Après quoi, Bouvard exposa ce qui l'amenait.

  L'abbé ne répondit pas franchement. Tout est possible à Dieu — et les miracles sont une preuve de la Religion.

  — Cependant, il y a des lois.

  — Cela n'y fait rien. Il les dérange pour instruire, corriger.

  — Que savez-vous s'il les dérange ? répliqua Bouvard. Tant que la Nature suit sa routine, on n'y pense pas ; mais dans un phénomène extraordinaire, nous voyons la main de Dieu.

  — Elle peut y être dit l'ecclésiastique et quand un événement se trouve certifié par des témoins…

  — Les témoins gobent tout, car il y a de faux miracles !

  Le prêtre devint rouge. — Sans doute… quelquefois.

  — Comment les distinguer des vrais ? Et si les vrais donnés en preuves ont eux-mêmes besoin de preuves, pourquoi en faire ?

  Reine intervint, et prêchant comme son maître, dit qu'il fallait obéir.

  — La vie est un passage, mais la mort est éternelle !

  — Bref ajouta Bouvard, en lampant le Rosolio, les miracles d'autrefois ne sont pas mieux démontrés que les miracles d'aujourd'hui ; des raisons analogues défendent ceux des chrétiens et des païens.

  Le curé jeta sa fourchette sur la table. — Ceux-là étaient faux, encore un coup ! — Pas de miracles en dehors de l'Église !

  — Tiens se dit Pécuchet même argument que pour les martyrs : la doctrine s'appuie sur les faits et les faits sur la doctrine.

  M. Jeufroy, ayant bu un verre d'eau, reprit :

  — Tout en les niant, vous y croyez. Le monde, que convertissent douze pêcheurs, voilà, il me semble, un beau miracle ?

  — Pas du tout ! Pécuchet en rendait compte d'une autre manière. Le monothéisme vient des Hébreux, la Trinité des Indiens. Le Logos est à Platon, la Vierge-mère à l'Asie.

  N'importe ! M. Jeufroy tenait au surnaturel, ne voulait que le christianisme pût avoir humainement la moindre raison d'être, bien qu'il en vît chez tous les peuples, des prodromes ou des déformations. L'impiété railleuse du XVIIIe siècle, il l'eût tolérée ; mais la critique moderne avec sa politesse, l'exaspérait.

  — J'aime mieux l'athée qui blasphème que le sceptique qui ergote !

  Puis il les regarda d'un air de bravade, comme pour les congédier.

  Pécuchet s'en retourna mélancolique. Il avait espéré l'accord de la Foi et de la Raison.

  Bouvard lui fit lire ce passage de Louis Hervieu :

  Pour connaître l'abîme qui les sépare, opposez leurs axiomes :

  La Raison vous dit : Le tout enferme la partie ; et la Foi vous répond par la substantiation. Jésus communiant avec ses apôtres, avait son corps dans sa main, et sa tête dans sa bouche.

  La Raison vous dit : On n'est pas responsable du crime des autres — et la

 
Foi vous répond par le Péché originel.

  La Raison vous dit : Trois c'est trois — et la Foi déclare que : Trois c'est un.

  Et ils ne fréquentèrent plus l'abbé.

  C'était l'époque de la guerre d'Italie. Les honnêtes gens tremblaient pour le Pape. On tonnait contre Emmanuel. Mme de Noares allait jusqu'à lui souhaiter la mort.

  Bouvard et Pécuchet ne protestaient que timidement. Quand la porte du salon tournait devant eux et qu'ils se miraient en passant dans les hautes glaces, tandis que par les fenêtres on apercevait les allées, où tranchait sur la verdure le gilet rouge d'un domestique, ils éprouvaient un plaisir ; et le luxe du milieu les faisait indulgents aux paroles qui s'y débitaient.

  Le comte leur prêta tous les ouvrages de M. de Maistre. Il en développait les principes, devant un cercle d'intimes : Hurel, le curé, le juge de paix, le notaire et le baron son futur gendre, qui venait de temps à autre pour vingt-quatre heures au château.

  — Ce qu'il y a d'abominable disait le comte c'est l'esprit de 89 ! D'abord on conteste Dieu, ensuite, on discute le gouvernement, puis arrive la liberté ; liberté d'injures, de révolte, de jouissances, ou plutôt de pillage. Si bien que la Religion et le Pouvoir doivent proscrire les indépendants, les hérétiques. On criera sans doute, à la Persécution ! comme si les bourreaux persécutaient les criminels. Je me résume. Point d'État sans Dieu ! la Loi ne pouvant être respectée que si elle vient d'en haut ; et actuellement il ne s'agit pas des Italiens mais de savoir qui l'emportera de la Révolution ou du Pape, de Satan ou de Jésus-Christ !

  M. Jeufroy approuvait par des monosyllabes, Hurel avec un sourire, le juge de paix en dodelinant la tête. Bouvard et Pécuchet regardaient le plafond, Mme de Noares, la comtesse et Yolande travaillaient pour les pauvres — et M. de Mahurot près de sa fiancée, parcourait les feuilles.

  Puis, il y avait des silences, où chacun semblait plongé dans la recherche d'un problème. Napoléon III n'était plus un Sauveur, et même il donnait un exemple déplorable, en laissant aux Tuileries, les maçons travailler le dimanche.

  — On ne devrait pas permettre était la phrase ordinaire de M. le Comte. Économie sociale, beaux-arts, littérature, histoire, doctrines scientifiques, il décidait de tout, en sa qualité de chrétien et de père de famille ; — et plût à Dieu que le gouvernement à cet égard eût la même rigueur qu'il déployait dans sa maison. Le Pouvoir seul est juge des dangers de la science ; répandue trop largement elle inspire au peuple des ambitions funestes. Il était plus heureux, ce pauvre peuple, quand les seigneurs et les évêques tempéraient l'absolutisme du roi. Les industriels maintenant l'exploitent. Il va tomber en esclavage !

 

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