Complete Works of Gustave Flaubert

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Complete Works of Gustave Flaubert Page 333

by Gustave Flaubert


  SMARH.

  Comme la création est méchante ! Est-ce qu’il y a eu toujours autant de fureur dans l’existence, autant de cruauté dans ce qui est fort ? Pitié, mon maître ! Dis-moi donc si cela dure toujours, si cette colère est éternelle.

  SATAN.

  Voyons ! Toujours ! Smarh, ne t’ai-je pas dit que le mal était l’infini ?

  SMARH.

  Non, l’homme n’est point cela. Son corps tombe sous les coups, son cœur se ploie sous la douleur.

  SATAN.

  Car son corps n’est point d’acier, mais son cœur est de bronze au dehors et de boue au dedans. Oh ! Pauvre homme ! Tu es bien pétri de terre, l’eau et le soleil te soulagent et te nuisent.

  SMARH.

  Pourquoi donc tant de maux ? Pourquoi la vie est-elle ainsi pleine de douleurs ? p52

  SATAN.

  Pourquoi la vie elle-même ? Pourquoi la tempête ? Si ce n’est pour faire et pour briser l’une et l’autre.

  SMARH.

  Et cela est depuis des siècles, et la terre n’est pas usée !

  SATAN.

  Non, mais chaque pied qui a marché sur elle a creusé son pas ineffaçable ; celui du mal l’a percée jusque dans ses entrailles.

  SMARH.

  L’océan est ce qu’il y a de plus grand.

  SATAN.

  Oui, c’est ce qu’il y a de plus vide. Quelle colère, n’est-ce pas ? Il est jaloux de cette terre, depuis ce jour où il fut refoulé sur son lit de sable où il se tord, et comprimé dans ses abîmes qui engloutissent les flottes et les armées, car, avant, il allait, il battait sans rivages, et le choc de ses flots n’avait point de termes, les vagues ne couraient point vers la terre, elles ne mouraient jamais, et la même pouvait rouler, rouler, pendant des siècles sur la surface unie de l’onde ; un immense calme régnait sur cette immensité.

  SMARH.

  Ne parles-tu pas de ces époques inconnues aux mortels, où la création s’agitait dans ses germes, où la mer roulait des vallées, et où la terre avait des océans sur elle ?

  SATAN.

  Oui, alors que les vagues remuaient dans leurs plis la fange sur laquelle on a bâti des empires. p53

  SMARH.

  Il y avait donc du repos alors… est-ce que le chaos était bon ?

  SATAN.

  C’était l’autre éternité, une éternité qui dort et sans rien qu’elle broie.

  SMARH.

  Et pas un cri sur tant de surface ? Pas une torture dans toutes ces entrailles ?

  SATAN.

  Non, la terre et la mer étaient de plomb et semblaient mêlées l’une à l’autre, comme de la salive sur de la poussière.

  SMARH.

  Et quand la création apparut, la terre fut retirée, et l’océan refoulé dans ses fureurs ; depuis, il s’y roule toujours. Un jour cependant il en sortit.

  SMARH.

  Au déluge, on me l’a dit, quand tous les hommes furent maudits et que la corruption eut gagné tous les cœurs.

  SATAN.

  Alors les fleuves versaient leurs eaux dans les campagnes ; leur lit, ce fut les plaines ; la mer tira d’elle-même des océans entiers, elle monta d’abord plus haut que de coutume, elle gagna les cités et entra dans les palais, elle battit le pied des trônes et en enleva le velours. Le trône croyait qu’elle s’arrêterait là, et elle monta plus haut, elle gagna les déserts et vint aux pyramides ; les pyramides croyaient qu’elle mourrait p54

  à leurs pieds, et ses plus petites vagues surpassèrent leur sommet ; elle gagna les montagnes, et elle s’élevait toujours comme un voyageur qui monte, elle entraînait avec elle les villes et les tours, et les hommes pleurant. Alors on entendit des bruits étranges et des cris à bouleverser des mondes. Tu les eusses vus se cramponner à l’existence qui leur échappait ; ils gravissaient les montagnes, mais la mer montait derrière eux, les entraînait et les roulait avec la poussière des choses éteintes. Alors quand les pyramides, les forêts, les montagnes furent arrachées comme l’herbe, et qu’une grande plaine verte, avec des débris de tombeaux et de trônes, s’étendit de tous côtés, les vagues vinrent à battre, la tempête se fit, et l’immense joie de la mort s’étendit sur cette solitude.

  SMARH.

  Et cela, hélas ! Ne dura pas toujours ; la création n’est donc faite que pour renaître de sa propre mort et souffrir de sa propre vie. Horreur que ce déluge ! Pourquoi tant de malheurs ?

  SATAN.

  Mais le déluge dure encore.

  SMARH.

  Comment cela ?

  SATAN.

  L’océan des iniquités a baigné tous les cœurs, et l’immensité du mal ne s’étendit-elle pas sur la terre ? D’abord il emporta quelques hommes, puis il vint dans les villes, il monta sur les trônes, il emporta les palais, à lui les cités ! Il gagna les campagnes, les forêts, et chaque jour il s’étend comme un nouveau déluge, comme une mer qui monte. p55

  SMARH.

  Cet océan dont tu parles est donc aussi fort que celui-ci ?

  SATAN.

  Plus vaste encore, et ses tempêtes font plus de ravages.

  SMARH.

  Et où donc chercher un refuge si tout n’est que néant, corruption, abîme sans fond ?

  SATAN.

  Ah ! Où donc ? Que sais-je ?

  SMARH.

  Le bonheur n’est donc qu’un mensonge ?

  SATAN.

  Non, il existe.

  SMARH.

  N’est-ce pas dans la joie, dans le bruit, dans l’ambition, dans les passions qui remuent le cœur et le font vivre ?

  SATAN.

  Oui, dans tout cela, joies ou peines, voluptés ou supplices, le cœur se gonfle et s’agite.

  SMARH.

  Mais je voudrais voir le monde, car je ne sais rien de la vie.

  SATAN.

  Il est facile de tout t’apprendre, je vais t’y conduire. Il appelle : “Yuk ! Yuk !” Yuk paraît.

  YUK.

  Quoi, mon maître ? p56

  SATAN.

  On te demande ce que c’est que la vie.

  YUK.

  Qui cela ? Qui fait une pareille question ? (Satan lui désigne Smarh.) vraiment ! (riant.) la vie ? Ah ! Par Dieu ou par le diable, c’est fort drôle, fort amusant, fort réjouissant, fort vrai ; la farce est bonne, mais la comédie est longue. La vie, c’est un linceul taché de vin, c’est une orgie où chacun se soûle, chante et a des nausées ; c’est un verre brisé, c’est un tonneau de vin âcre, et celui qui le remue trop avant y trouve souvent bien de la lie et de la boue.

  Tu veux connaître cela ? Pardieu ! C’est facile ; mais tu auras le mal de mer avant cinq minutes et une envie de dormir, car tout cela te fatiguera vite, car l’existence te paraîtra une mauvaise ratatouille d’auberge, qu’on jette à chacun et que chacun repousse, repu aux premières cuillerées ; car les femmes te paraîtront de maigres mauviettes, les hommes de singuliers moineaux, le trône une gelée bien tremblante, le pouvoir une crème peu faite, et les voluptés de tristes entremets.

  Un digne cuisinier, c’est vous, mon maître, qui nous servez toujours ce qu’il y a de plus beau sous le ciel ; vous, qui donnez les jolies pécheresses, laissant aux anges du ciel les dévotes jaunies. à nous, dont la nappe est faite avec les linceuls des rois, qui nous asseyons au large festin de la mort sur les trônes et les pyramides, qui buvons le meilleur sang des batailles, qui rongeons les plus hautes têtes de rois et qui, bien repus des empires, des dynasties, des peuples, des passions, des larges crimes, revenons chaque jour regarder le monde se mouvoir, les marionnettes gesticuler aux fils que nous tenons dans la main, qui voyons passer, en riant, les siècles amoncelés, et p57

  l’histoire avec ses haillons fougueux et sa figure triste, et le temps, vieux faucheur glouton, aux talons de fer et à la dent éternelle, tout cela, pour nous, tourne, remue, marche, s’agite et meurt ; nous voyons la farce commencer, les chandelles brûler et s’éteindre, et tout rentrer dans le repos et dans le vide, dans lequel nous courons comme des perdus, riant, nous mordant, hurlant, pleurant.


  Ah ! Mon novice a la tête forte, tant mieux ! Nous avons beaucoup de choses à lui montrer. D’abord un peu d’histoire, puis un peu d’anatomie, et nous finirons par la gastronomie et la géographie. Que faut-il faire ? Monter sur la montagne pour voir la plaine et la cité ? Eh bien, oui, nous allons gravir sur quelque hauteur d’où nous aurons un beau coup d’œil. Je puis, pardieu ! Vous accompagner, car le dieu du grotesque est un bon interprète pour expliquer le monde. Sur la montagne, les forêts, le sauvage et sa famille. à l’horizon, une immense plaine, couverte de pyramides, arrosée par des fleuves. Au fond, une ville avec ses toits de marbre et d’or, un éclatant soleil. — la femme et l’homme sont entièrement nus, leurs enfants se jouent sur des nattes, le cheval est à côté ; le sauvage est triste, il regarde sa femme avec amour.

  LE SAUVAGE.

  Oh ! Que j’aime la mousse des bois, le bruissement des feuilles, le battement d’ailes des oiseaux, le galop de ma cavale, les rayons du soleil, et ton regard, ô Haïta ! Et tes cheveux noirs qui tombent jusqu’à ta croupe, et ton dos blanc, et ton cou qui se penche et se replie quand mes lèvres y impriment de longs baisers, je t’aime plein mon cœur. Quand ma bonne bête court et saute, je laisse aller ses crins qui bruissent, j’écoute le vent qui siffle et parle, j’écoute le bruit des branches que son pied casse, et je regarde la poussière p58

  voler sur ses flancs et l’écume sauter alentour ; son jarret se tend et se replie, je prends mon arc et je le tends ; je le tends si fort que le bois se plie, prêt à rompre, que la corde en tremble, et, lorsque la flèche part et fend l’air, mon cheval hennit, son cou s’allonge, il s’étend sur l’herbe, et ses jambes frappent la terre et se jettent en avant.

  La corde vibre en chantant et dit à la flèche : pars, ma longue fille, et déjà elle a frappé le léopard ou le lion, qui se débat sur le sable et répand son sang sur la poussière. J’aime à l’embrasser corps à corps, à l’étouffer, à sentir ses os craquer dans mes mains, et j’enlève sa belle peau, son corps fume et cette vapeur de sang me rend fier.

  Il en est parmi mes frères qui mettent des écorces à la bouche de leurs juments pour les diriger, mais moi, je la laisse aller, elle bondit sur l’herbe, saute les fleuves, gravit les rochers, passe les torrents, l’eau mouille ses pieds, et les cailloux roulent sous ses pas.

  Haïta.

  Je me rappelle, moi, que, le jour où je t’ai vu, j’aimai tes grands yeux où le feu brillait, tes bras velus aux muscles durs, ta large poitrine où un duvet noir cache des veines bleues, et tes fortes cuisses qui se tendent comme du fer, et ta tête et ta belle chevelure, ton sourire, tes dents blanches. Tu es venu vers moi ; dès que j’ai senti tes lèvres sur mon épaule, un frisson s’est glissé dans ma chair, et j’ai senti mon cœur s’inonder d’un parfum inconnu. Et ce n’était point le plaisir de rester endormie sur des fleurs, auprès d’un ruisseau qui murmure, ni celui de voir dans les bois, la nuit, quelque étoile au ciel, avec la lune entourée des nuages blancs, et toute la robe bleue du ciel avec ses diamants parsemés, ni de danser en rond sur une pelouse, vêtue avec des chaînes de roses autour du corps, non ! C’était… je ne puis le dire. p59

  Et puis sentir dans mon ventre s’agiter quelque chose, et j’avais un espoir infini d’être heureuse, je rêvais, je ne sais à quoi. Et puis deux enfants sont venus, j’aimais à les porter à ma mamelle, et quand je les regardais dormir, couchés dans notre hamac de roseau, je pleurais, et pourtant j’étais heureuse.

  LE SAUVAGE.

  Mon cœur est triste pourtant, je le sens lourd en moi-même, comme une nacelle pesamment chargée qui traverse un lac, les vagues montent et le pont chancelle. Depuis longtemps déjà (car la douleur vieillit et blanchit les cheveux) un ennui m’a pris, je ne sais quelle flèche empoisonnée m’a percé l’âme et je me meurs.

  Hier encore j’errais comme de coutume, mais je ne pressais point de mes genoux les flancs de ma cavale, je ne tendais pas la corde de mon arc ; je m’assis au milieu des bois et j’entendais vaguement la pluie tomber sur le feuillage.

  à quoi pensais-je alors ? Je regardais les herbes avec leurs perles de rosée. En vain le tigre passait près de moi et venait boire au ruisseau, en vain l’aigle s’abattait sur le tronc des vieux chênes, je baissais la tête, et des larmes coulaient sur mes joues. Quand ce fut le milieu du jour et que les rayons de l’astre d’or percèrent en les branches, je vis cette lumière sans un seul sourire. Oh ! Non, j’étais triste. Et pourtant Haïta est belle, je n’aime point d’autre femme, mes enfants sont beaux, mon cheval court bien, mon arc lance la flèche, ma hutte est bonne et, quand j’y reviens, il y a toujours pour moi des fruits nouvellement cueillis et du lait tiré à la mamelle de ma vache blanche. Hélas ! J’ai pensé à des choses inconnues, je crois que des fées sont venues danser devant moi et m’ont montré des palais d’or dont p60

  j’étais le maître ; elles étaient là avec des pieds d’argent qui foulaient le gazon, leur figure m’a souri, mais ce sourire était triste et leurs yeux pleuraient. Que m’ont-elles dit ? J’ai oublié toutes ces choses, qui m’ont ravi jusqu’au fond de l’âme ; et puis, quand la nuit est venue, et qu’on entendit les vautours sortir avec leurs cris féroces des antres de rocher, et que les chacals et les loups traînaient leurs pas sous les feuilles, et que les oiseaux avaient cessé de chanter sur les branches, tout fut noir ; les feuilles blanches du peuplier tremblaient au clair de lune. Alors j’eus peur, je me suis mis à trembler comme si j’allais mourir ou si la nuit allait m’ensevelir dans un monde de ténèbres, et pourtant mon carquois était garni, pourtant mon bras est fort, et ma cavale était là, marchant sur les feuilles sèches, elle qui fait des bonds comme une flèche sur un lac. Et cette nuit, quand je ne dormais pas et que ma femme tenait encore ma main sur son cœur, et que les enfants dormaient comme elle, des désirs immodérés sont venus m’assaillir ; j’ai souhaité des bonheurs inconnus, des ivresses qui ne sont pas, j’aurais voulu dormir et rêver en paradis ! Il m’a semblé que mon cœur était étroit, et pourtant Haïta m’aime, elle a de l’amour pour moi plein toute son âme ! Un jour, je ne sais si c’est un songe ou si c’est vrai, les feuilles des arbres se sont enveloppées tout à coup, et j’ai vu une immense plaine rouge. Au fond, il y avait des tas d’or, des hommes marchaient dessus, ils étaient couverts de vêtements ; mon corps est nu, je me sens faible, la neige est tombée sur moi, j’ai froid, je pourrais, en mettant sur moi quelque chose, avoir toujours chaud. Quand je me regarde, je rougis ; pourquoi cela ?

  D’autres femmes m’aimeraient peut-être davantage que Haïta… comment peut-on mieux aimer qu’elle ? Elle m’embrasse toujours avec le même amour ! … p61

  mais pourquoi n’y aurait-il d’autres amours dans l’amour même ?

  Et puis les bois, les lacs, les montagnes, les torrents, toutes ces voix qui me parlaient et me formaient une si vaste harmonie, me semblent maintenant déserts, vides. J’étouffe sous les nuages, mon cœur est étroit, il se gonfle, plein de larmes et prêt à crever d’angoisse. Pourquoi donc n’y aurait-il pas des huttes plus belles que la mienne, des bois plus larges encore, avec des ombrages plus frais ? Je veux d’autres boissons, d’autres viandes, d’autres amours. Et puis j’ai envie de quitter ce qui m’entoure et de marcher en avant, de suivre la course du soleil, d’aller toujours et de gagner les grandes cités d’où tant de bruit s’échappe, d’où nous voyons d’ici sortir des armées, des chars, des peuples ; il y a chez elles quelque chose de magique et de surnaturel ; au seuil, il me semble que j’aurais peur d’y entrer, et pourtant quelque chose m’y pousse. Une main invisible me fait aller en avant, comme le sable du désert emporté par les vents ; en voyant les feuilles jaunies de l’automne rouler dans l’air, j’ai souhaité d’être feuille comme elles, pour courir dans l’espace. J’ai lutté avec une d’elles, j’ai pressé les bonds de mon cheval, mais elles se sont perdues dans les nuages, et les autres sont tombées dans le torrent. Longtemps encore j’ai regardé le gouffre où elles s’étaient englouties et la mousse tourbillonner alentour, longtemps
encore j’ai regardé les nuages avec lesquels elles montaient, et puis je ne les ai plus revues.

  Est-ce que je serai comme la poussière du désert et comme les feuilles d’automne ? Si j’allais m’engloutir dans un gouffre où je tournerais toujours ! Si j’allais aller dans un ciel où je monterais toujours ! Pourquoi donc ai-je en moi des voix qui m’appellent ? Quand je prête l’oreille, il me semble que j’entends au loin quelqu’un qui me dit : viens, viens ! p62

  Est-ce qu’il va y avoir une bataille, et que la plaine va être couverte de mille guerriers avec leurs chevaux à la crinière flottante, avec l’arc tendu, et la mort au bout de chaque flèche ? Oh ! Comme il y aura des cris et des flots de sang !

  Non ! C’est peut-être un long voyage, comme celui des oiseaux qui passent par bandes et traversent les océans ; et moi il faut partir seul ! … mais où irai-je ? Je n’ai pas des ailes comme eux. Je dirai donc adieu à ma femme, à mes enfants, à ma hutte, à mon hamac, à mon chien, au foyer plein de bois pétillant, au lac où je me mirais souvent, aux bois où je respirais plein d’orgueil ; adieu à ces étoiles, car je vais voir d’autres cieux… et ma cavale ? Faudra-t-il la laisser ? Mais, si elle mourait en chemin, les vautours viendraient donc manger ses yeux ? … et puis, quand mes enfants seront plus grands, ils monteront dessus comme moi et ils iront à la chasse pour leur vieille mère… mais la pauvre bête sera morte, la hutte sera détruite par l’ouragan, l’herbe sera flétrie, tout ce qui m’entoure ne sera plus et sera parti dans la mort !

  Allons donc ! La nuit vient, la brise du soir me pousse, il faut partir, je pars. Adieu mes enfants, adieu Haïta, adieu ma cavale, adieu le vieux banc de gazon où ma mère m’étendait au soleil, adieu, je ne reviendrai plus.

  SATAN.

  Vite ! Vite donc ! N’entends-tu point dans l’air des voix qui te disent de partir ? Pars donc ! Tu crains de quitter Haïta ? Je te donnerai d’autres femmes ; tu crains de quitter ton cheval ? Je te donnerai des chars ; au lieu de la hutte tu auras des palais, au lieu des bois tu auras des villes… des villes, du bruit, de l’or, des bataillons entiers, une fournaise ardente, une frénésie, une ivresse folle ! p63

 

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