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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 340

by Gustave Flaubert


  Ainsi vivaient-ils et pendant que le sang coulait dans les guerres civiles, que le gouvernail de l’état était disputé entre des pirates et des ineptes et qu’il se brisait dans la tempête, pendant que les empires s’écroulaient, qu’on s’assassinait et qu’on vivait, qu’on faisait des livres sur la vertu et que l’État ne vivait que de vices splendides, qu’on donnait des prix de morale et qu’il n’y avait de beau que les grands crimes, le soleil pour eux faisait toujours mûrir leurs raisins, les arbres avaient tout autant de feuilles vertes, ils dormaient toujours sur la mousse des bois, et faisaient rafraîchir leur vin dans l’eau des lacs.

  Le monde vivait loin d’eux et le bruit même de ses cris n’arrivait pas jusqu’à leurs pieds, une parole rapportée des villes aurait troublé le calme de leurs cœurs. Aucune bouche profane ne venait boire à cette coupe de bonheur exceptionnel. Ils ne recevaient ni livres, ni journaux, ni lettres, la bibliothèque commune se composait d’Horace, de Rabelais. Ai-je besoin de dire qu’il y avait toutes les éditions de Brillat-Savarin et du Cuisinier ? Pas un bout de politique, pas un fragment de controverse, de philosophie ou d’histoire. Aucun des hochets sérieux dont s’amusent les hommes, n’avaient-ils pas toujours devant eux la nature et le vin, que fallait-il de plus ? Indiquez-moi donc quelque chose qui surpasse la beauté d’une belle campagne illuminée de soleil et la volupté d’une amphore pleine d’un vin limpide et pétillant, et d’abord, quelle qu’elle soit, la réponse que vous allez faire les aurait fait rire de pitié, je vous en préviens.

  Cependant Mathurin se réveilla, ils étaient là au bout de son lit, il leur dit :

  — À boire pour vous et pour moi, trois verres et plusieurs bouteilles. — Je suis malade, il n’y a plus de remède — Je veux mourir mais avant j’ai soif et très soif. Je n’ai aucune soif des secours de la religion ni aucune faim d’hostie. Buvons donc pour nous dire adieu.

  On apporta des bouteilles, de toutes les espèces et des meilleures, le vin ruissela à flots pendant vingt heures et avant l’aurore ils étaient gris.

  D’abord ce fut une ivresse calme et logique, une ivresse douce et prolongée à loisir. Mathurin sentait sa vie s’en aller et comme Sénèque qui se fit ouvrir les veines et mettre dans un bain il se plongea avant de mourir dans un bain d’excellent vin, baigna son cœur dans une béatitude qui n’a pas de nom et son âme s’en alla droit au Seigneur comme une outre pleine de bonheur et de liqueur.

  Quand le soleil se fut baissé ils avaient déjà bu à trois, 15 bouteilles de Beaune (1re qualité 4) et fait tout un cours de théodicée et de métaphysique.

  Car il résuma toute sa science dans ce dernier entretien.

  Il vit l’astre s’abaisser pour toujours et fuir derrière les collines. Alors se levant et tournant les yeux vers le couchant il regarda la campagne s’endormir au crépuscule, les troupeaux descendaient, et les clochettes des vaches sonnaient dans les clairières, les fleurs allaient fermer leur corolle, et des rayons du soleil

  couchant dessinaient sur la terre des cercles lumineux et mobiles. La brise des nuits s’éleva et les feuilles des vignes à son souffle battirent sur leur treillage, elle pénétra jusqu’à eux et rafraîchit leurs joues enflammées.

  — Adieu, dit Mathurin, adieu, demain je ne verrai plus ce soleil, dont les rayons éclaireront mon tombeau, éclaireront ses ruines, et sans jamais venir à moi.

  Les ondes couleront toujours et je n’entendrai pas leur murmure. Après tout j’ai vécu pourquoi ne pas mourir ? La vie est un fleuve, — la mienne a coulé entre des prairies pleines de fleurs sous un ciel pur, loin des tempêtes et des nuages, je suis à l’embouchure ! je me jette dans l’océan, dans l’infini, tout à l’heure mêlé à tout, immense et sans borne, je n’aurai plus la conscience de mon néant. Est-ce que l’homme est quelque chose de plus qu’une simple goutte d’eau de l’océan ou qu’une bulle de mousse sur le tonneau de l’électeur ?

  Adieu donc vents du soir qui soufflez sur les roses penchées, sur les feuilles palpitantes des bois endormis, quand les ténèbres viennent, elles palpiteront longtemps encore, les feuilles des orties qui croîtront sur les débris cassés de ma tombe. Naguère, quand je passais riant près des cimetières et qu’on entendait ma voix chanter le long du mur, quand le hibou battait de l’aile

  sur les clochers, que les cyprès murmuraient les soupirs des morts, je jetais un œil calme sur ces pierres qui recélaient l’éternité tout entière avec leurs débris de cadavres, c’était pour moi un autre monde, où ma pensée même pouvait à peine m’y transporter dans l’infini d’une vague rêverie.

  Maintenant mes doigts tremblants y touchent aux portes de cet autre monde et elles vont s’ouvrir car j’en remue le marteau d’un bras de colère, d’un bras désespéré.

  Que la mort vienne, qu’elle vienne, elle me prendra tout endormi dans son linceul et j’irai continuer le songe éternel sous l’herbe douce du printemps ou sous la neige des hivers qu’importe, qu’elle vienne et mon dernier sourire sera pour elle, je lui donnerai des baisers pleins de vin, un cœur plein de la vie et qui n’en veut plus. — Un cœur ivre et qui ne bat pas.

  La souveraine beauté, le souverain bonheur, n’est-ce pas le sommeil, et je vais dormir — dormir sans réveil, longtemps, toujours. Les morts, à cette belle phrase graduée il s’interrompit pour boire et continua :

  — La vie est un festin. Il y en a qui meurent gorgés de suite et qui tombent sous la table. D’autres rougissent la nappe de sang et de souillures sans nombre. Heureux ceux qui n’y versent que des taches de vin et pas de larmes. D’autres sont étourdis des lumières, du bruit, dégoûtés du fumet des mets, gênés par la cohue, qui baissent la tête et se mettent à pleurer. Heureux les sages qui mangent longuement, écartent leurs convives avides, les valets impudents qui les tiraillent et qui peuvent le dernier jour, au dessert quand les uns dorment, que les autres sont ivres dès le premier service, qu’un grand nombre sont partis malades, boire enfin les vins [les] plus exquis, savourer les fruits les plus mûrs, succulents, jouir lentement des dernières fins de l’orgie, vider le reste d’un grand coup, éteindre les flambeaux et mourir.

  Comme l’eau limpide que la nymphe de marbre laisse tomber murmurante de sa conque d’albâtre il continua ainsi longtemps à parler d’une voix grave et voluptueuse à la fois, pleine de cette mélancolie gaie qu’on a dans les suprêmes moments et son âme s’épanchait de ses lèvres comme l’eau limpide.

  La nuit était venue, pure, amoureuse, une nuit bleue éclairée d’étoiles, — pas un bruit que celui de la voix de Mathurin qui parla longtemps à ses amis. Ils l’écoutaient en le contemplant. Assis sur sa couche, son œil commençait à se fermer. La flamme blanche des bougies remuait au vent, l’ombre qu’elle rayait tremblait sur le lambris, le vin pétillait dans les verres et l’ivresse sur leurs figures. Assis sur le bord de la tombe Mathurin y avait posé sa gourde, elle ne se fermera que quand il l’aura bue.

  Vienne donc cette molle langueur des sens qui enivre jusqu’à l’âme, qu’elle le balance dans une mollesse infinie, qu’il s’endorme en rêvant de joies sans nombre, en disant aussi nunc pulsanda tenus, que les nymphes antiques jettent leurs roses embaumées sur les draps rougis dont il fait son linceul, viennent danser devant lui dans une ronde gracieuse et pour adieu toutes [les] beautés que le cœur rêve, et le charme des premières amours, la volupté des plus longs baisers et des plus suaves regards, que le ciel se fasse plus étoilé et ait une nuit plus limpide, que les clartés d’azur viennent éclairer les joies de cette agonie, fassent le vent plus frais, plus embaumant, que des voix s’élèvent de dessous l’herbe et chantent pendant qu’il boit les dernières gouttes de la vie, les yeux fermés tressaillent comme sous le plus tendre embrass[ement], que tout soit pour cet homme bonheur jusqu’à la mort, paix jusqu’au néant, que l’éternité ne soit qu’un lit pour le bercer dans les siècles.

  Mais regardez-les. Jacques s’est levé et a fermé la fenêtre. Le vent venait sur Mathurin, il commençait à claquer des dents. — Ils ont rapproché de plus près la
table ronde du lit, la fumée de leurs pipes monte au plafond et se répand en nuages bleus qui montent, on entend leurs verres s’entrechoquer et leurs paroles, le vin tombe par terre, — ils jurent — ils ricanent, cela va devenir horrible, ils vont se mordre.

  Ne craignez rien, ils mordent une poularde grasse et les truffes qui s’échappent de leurs lèvres rouges roulent sur le plancher.

  Mathurin parle politique.

  — La démocratie est une bonne chose pour gens pauvres et de mauvaise compagnie. On parviendra peut-être un jour hélas à ce que tous les hommes puissent boire de la piquette, de ce jour-là on ne boira plus de constance. Si les nobles dont la tyrannie (ils avaient de si bons cuisiniers), j’en étais donc à la Révolution, pauvres moines, ils cultivaient si bien la vigne. Ainsi Robespierre. Oh le drôle de corps qui mangeait de la vache chez un menuisier et qui est resté pur au pouvoir et qui a la plus exécrable réputation bien méritée. S’il avait eu un peu plus d’esprit, qu’il eût ruiné l’état, entretenu dix maîtresses sur les fonds publics, bu du vin au lieu de répandre du sang, ce serait un homme justement, dignement vertueux, je disais donc que Fourier… un bien beau morceau sur l’art culinaire… Ce qui n’empêche que Washington ne fût un grand homme et Montyon quelque chose de surhumain, de divin, presque de sur-stupide. Il s’agirait de définir la vertu avant d’en décerner les prix. Celui qui en aurait donné une bonne classification, qui auparavant l’aurait bien établie avec des caractères tranchés, nettement exprimés, positifs en un mot, celui-là aurait mérité un prix extraordinaire, j’en conviens, il lui aurait fallu déterminer jusqu’à quel point l’orgueil entre dans la grandeur, la niaiserie dans la bienfaisance, marquer la limite précise de l’intérêt et de la vanité. Il aurait fallu citer des exemples et faire comprendre trois mots incompréhensibles : moralité, liberté, devoir — et montrer, ç’aurait été le sublime de la proposition et on aurait pu enfermer ça dans une période savante, comme les hommes sont libres tout en ayant des devoirs, comment ils peuvent avoir des devoirs puisqu’ils sont libres, s’étendre longuement aussi, par manière de hors-d’œuvre et de digression favorable sur la vertu récompensée et le vice puni, on soutiendrait historiquement que Nabuchodonosor, Alexandre, Sésostris, César, Tibère, Louis XI, Rabelais, Byron, Napoléon et le marquis de Sade étaient des imbéciles, et que Mardochée, Caton, Brutus, Vespasien, Edouard le Confesseur, Louis XII, Lafayette, Montyon l’homme au manteau bleu, et Parmentier, et Poivre, étaient des grands hommes, des grands génies, des dieux, des êtres… Mathurin se mit à rire en éternuant, sa face se dilatait, tous ses traits étaient plissés par un sourire diabolique, l’éclair jaillissait de ses yeux, le spasme saccadait ses épaules, il continua :

  — Vive la philanthropie, un verre de frappé. — L’histoire est une science morale par-dessus tout à peu près comme la vue d’une maison de filles, et celle d’un échafaud plein de sang, les faits prouvent pourtant que tout est pour le mieux. Ainsi les Hébreux assassinés par leurs vainqueurs chantaient des psaumes que nous admirons comme poésie lyrique, les chrétiens qu’on égorgeait ne se doutaient pas qu’ils fondaient une poésie aussi, une société pure et sans tache. Jésus-Christ mort et descendant de sa croix fournit au bout de 16 siècles le sujet d’un beau tableau, les Croisades, la Réforme, 93, la philosophie, la philanthropie philanthropie qui nourrit les hommes avec des pommes de terre, et les vaches avec des betteraves, tout cela a été de mieux en mieux, la poudre à canon, la guillotine, les bateaux à vapeur et les tartes à la crème sont des inventions utiles vous l’avouerez à peu près comme le tonnerre, il y a des hommes réduits à l’état de terreneuviens et qui sont chargés de donner la vie à ceux qui veulent la perdre. Ils vous coupent la plante des pieds pour vous faire ouvrir les yeux et vous abîment de coups de poing pour vous rendre heureux. Ne pouvant plus marcher on vous conduit à l’hôpital, où vous mourez de faim et votre cadavre sert encore après vous à faire dire des bêtises sur chaque fibre de votre corps et à nourrir de jeunes chiens qu’on élève pour des expériences. Ayez la ferme conviction d’une providence éternelle, et du sens commun des nations. Combien y a-t-il d’hommes qui

  en aient ? Le bordeaux se chauffe toujours, l’ordre des comestibles est des plus substantiels aux plus légers, celui des boissons des plus tempérées aux plus fumeuses et aux plus parfumées. Si vous voulez qu’une alouette soit bonne, coupez par le milieu.

  — Et la Providence maître ?

  — Oui je crois que le soleil fait mûrir le raisin et qu’un gigot de chevreuil mariné est une bonne chose. Tout n’est pas fini et il y a deux sciences éternelles, la philosophie et la gastronomie. Il s’agit de savoir si l’âme va se réunir à l’essence universelle ou si elle reste à part comme individu et où elle va, dans quel pays et comment on peut conserver longtemps du Bourgogne. Je crois qu’il y a encore une meilleure manière d’arranger le homard et un plan nouveau d’éducation, mais l’éducation ne perfectionne guère que les chiens quant au côté moral. J’ai cru longtemps à l’eau de Seltz et à la perfectibilité humaine, je suis convaincu maintenant de l’absinthe. Elle est comme la vie, ceux qui ne savent pas la prendre, font la grimace. — Nierez-vous donc l’immortalité de l’âme ?

  — Un verre de vin.

  — La récompense et le châtiment ?

  — Quelle saveur, dit Mathurin après avoir bu et contractant ses lèvres sur ses dents.

  — Le plan de l’univers ? Qu’en pensez-vous ?

  — Et toi que penses-tu de l’étoile de Sirius ? penses-tu mieux connaître les hommes que les habitants de la lune ? l’histoire même est un mensonge réel.

  — Qu’est-ce que cela veut dire ?

  — Cela veut dire que les faits mentent, qu’ils sont et qu’ils ne sont plus, que les hommes vivent et meurent, que l’être et le néant sont deux faussetés qui n’en font qu’une, qui est le toujours

  — Je [ne] comprends pas maître.

  — Et moi encore moins, répondit Mathurin.

  — Cela est bien profond, dit Jacques aux trois quarts ivre, et il y a sous ce dernier mot une grande finesse.

  — N’y a-t-il pas entre moi et vous deux, entre un homme et un grain de sable, entre aujourd’hui et hier, cette heure-ci et celle qui va venir, des espaces que la pensée ne peut mesurer et des mondes, des néants entiers qui les remplissent ? La pensée même peut-elle se résumer ? Te sens-tu dormir et lorsque ton esprit s’élève et s’en va de son enveloppe — ne crois-tu pas quelquefois, que tu n’es plus, que ton corps est tombé, que tu marches dans l’infini comme le soleil, que tu roules dans un gouffre comme l’Océan sur son lit de sable et ton corps n’est pas ton corps, que cette chose tourmentée qui est sur toi n’est qu’un voile rempli d’une tempête qui bat ? t’es-tu pris à douter de la matière, de la sensation elle-même ? Prends un grain de sable, il y a là un abîme à creuser pendant des siècles, palpe-toi bien pour voir si tu existes — et quand tu sauras que tu existes, il y là un infini que tu ne sonderas pas. Ils étaient gris, ils ne comprenaient guère une tartine métaphysique aussi plate.

  — Cela veut dire que l’homme voit aussi clair en lui et autour de lui que si tu étais tombé ivre mort au fond d’une barrique de vin plus grande que l’Atlantique.

  Soutenir ensuite qu’il y a quelque chose de beau dans la création, vouloir faire un concert de louanges avec tous les cris de malédiction qui retentissent, de sanglots qui éclatent, de ruines qui croulent, c’est là la philosophie de l’histoire, disent-ils, quelle philosophie ! Élevez-moi une pyramide de têtes de morts et vantez la vie, chantez la beauté des fleurs assis sur un fumier, le calme et le murmure des ondes quand l’eau salée entre par les sabords et que le navire sombre et que les nations — ce que l’œil peut saisir c’est un horrible fracas d’une agonie éternelle. Regardez un peu la cataracte qui tombe de la montagne, comme son onde bouillonnante entraîne avec elle les débris de la prairie, le feuillage encore vert de la forêt cassé par les vents, la boue des ruisseaux, le sang répandu, les chars qui

  allaient, —
cela est beau et superbe. Approchez, écoutez donc l’horrible râle de cette agonie sans nom, levez les yeux — quelle beauté, quelle horreur, quel abîme.

  Allez encore, fouillez, déblayez les ruines sans nom, sous ces ruines-là d’autres encore et toujours, passez vingt générations de morts entassés les uns sur les autres, cherchez des empires perdus sous le sable du désert et des palais d’avant le déluge sous l’Océan, vous trouverez peut-être encore des temps inconnus, une autre histoire, un autre monde, d’autres siècles titaniques, d’autres calamités, d’autres désastres, des ruines fumantes, du sang figé sur la terre, des ossements broyés sous les pas.

  Il s’arrêta essoufflé — et ôta son bonnet de coton, ses cheveux mouillés de sueur étaient collés en longues mèches sur son front pâle. Il se lève et regarde autour de lui. Son œil bleu est terne comme le plomb, aucun sentiment humain ne scintille de sa prunelle, c’est déjà quelque chose de l’impassibilité du tombeau. Ainsi placé sur son lit de mort et dans l’orgie jusqu’au cou, calme entre le tombeau et la débauche il semblait être la statue de la dérision, ayant pour piédestal une cuve et regardant la mort face à face.

  Tout s’agite maintenant, tout tourne et vacille dans cette ivresse dernière — le monde danse au chevet de mort de Mathurin. Au calme heureux des premières

  libations succèdent la fièvre et ses chauds battements, elle va augmentant toujours, on la voit qui palpite sous leur peau, dans leurs veines bleues gonflées, leurs cœurs battent, — ils soufflent eux-mêmes — on entend le bruit de leur haleine et les craquements du lit qui ploie sous les soubresauts du mourant.

  Il y a dans leur cœur une force qui vit, une colère qu’ils sentent monter graduellement du cœur à la tête, leurs mouvements sont saccadés, leur voix est stridente, leurs dents claquent sur les verres, ils boivent — ils boivent toujours, dissertant, philosophant, cherchant la vérité au fond du verre, le bonheur dans l’ivresse et l’éternité dans la mort. Mathurin seul trouva la dernière.

 

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