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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 420

by Gustave Flaubert


  MME ROUSSELIN : Qui sait ? avec la souplesse de votre talent, rien n’est difficile ; et vous l’utiliserez pour des personnes qui en marqueront leur gratitude. Mais il est tard ; au plaisir de vous revoir, Monsieur. (Elle remonte)

  JULIEN : Oh ! restez ! au nom du ciel, je vous en conjure ! Voilà si longtemps que je l’espère, cette occasion. Je cherchais des ruses, inutilement, pour arriver jusqu’à vous ! D’ailleurs, je n’ai pas bien compris vos dernières paroles. Vous attendez quelque chose de moi, il me semble ? Est-ce un ordre ? Dites-le ! J’obéirai.

  MME ROUSSELIN : Quel dévouement !

  JULIEN : Mais vous occupez ma vie ! Quand, pour respirer plus à l’aise, je monte sur la colline, malgré moi, tout de suite mes yeux découvrent parmi les autres votre chère maison, blanche dans le verdure de son jardin ; et le spectacle d’un palais ne me donnerait pas autant de convoitise ! Quelquefois vous apparaissez dans la rue, c’est un éblouissement, je m’arrête ; et puis je cours après votre voile, qui flotte derrière vous comme un petit nuage bleu ! Bien souvent je suis venu devant cette grille, pour vous apercevoir et entendre passer au bord des violettes le murmure de votre robe. Si votre voix s’élevait, le moindre mot, la phrase la plus ordinaire, me semblait d’une valeur inintelligible pour les autres ; et j’emportais cela, joyeusement, comme une acquisition ! - Ne me chassez pas ! Pardonnez-moi ! J’ai eu l’audace de vous envoyer des vers. Ils sont perdus, comme les fleurs que je cueille dans la campagne, sans pouvoir vous les offrir, comme les paroles que je vous adresse la nuit, et que vous n’entendez pas, car vous êtes mon inspiration, ma muse, le portrait de mon idéal, mes délices, mon tourment !

  MME ROUSSELIN : Calmez-vous, Monsieur ! Cette exagération...

  JULIEN : Ah ! c’est que je suis de 1830, moi ! J’ai appris à lire dans Hernani, et j’aurais voulu être Lara ! J’exècre toutes les lâchetés contemporaines, l’ordinaire de l’existence, et l’ignominie des bonheurs faciles ! L’amour qui a fait vibrer la grande lyre des maîtres gonfle mon coeur. Je ne vous sépare pas dans ma pensée de tout ce qu’il y a de plus beau ; et le reste du monde, au loin, me parait une dépendance de votre personne. Ces arbres sont faits pour se balancer sur votre tête, la nuit pour vous recouvrir, les étoiles qui rayonnent doucement, comme vos yeux, pour vous regarder !

  MME ROUSSELIN : La littérature vous emporte, Monsieur ! Quelle confiance une femme peut-elle accorder à un homme qui ne sait pas retenir ses métaphores, ou sa passion ? Je crois la vôtre sincère, pourtant. Mais vous êtes jeune, et vous ignorez trop ce qui est l’indispensable. D’autres, à ma place, auraient pris pour une injure la vivacité de vos sentiments. Il faudrait au moins promettre...

  JULIEN : Voilà que vous tremblez aussi. Je le savais bien ! On ne repousse pas un tel amour !

  MME ROUSSELIN : Ma hardiesse à vous écouter m’étonne moi-même. Les gens d’ici sont méchants, Monsieur. La moindre étourderie peut nous perdre !... le scandale...

  JULIEN : Ne craignez rien ! Ma bouche se taira, mes yeux se détourneront, j’aurai l’air indifférent ; et si je me présente chez vous...

  MME ROUSSELIN : Mais, mon mari... Monsieur.

  JULIEN : Ne me parlez pas de cet homme !

  MME ROUSSELIN : Je dois le défendre.

  JULIEN : C’est ce que j’ai fait, - par amour pour vous !

  MME ROUSSELIN : Il l’apprendra ; et vous n’aurez pas à vous repentir de votre générosité.

  JULIEN : Laissez-moi me mettre à vos genoux, afin que je vous contemple de plus près. J’exécuterai, Madame, tout ce qu’il vous plaira ! et valeureusement, n’en doutez pas ; me voilà devenu fort ! Je voudrais épandre sur vous, avec les ivresses de la terre, tous les enchantements de l’Art, toutes les bénédictions du Ciel...

  MISS ARABELLE, cachée derrière un arbre : J’en étais sûre !

  MME ROUSSELIN : J’attends de vous une preuve immédiate de complaisance, d’affection...

  JULIEN : Oui, oui !

  Scène XIV : les mêmes, Miss Arabelle, puis Murel et Gruchet, à la fin Rousselin

  MME ROUSSELIN, remontant : On vient ! il faut que je rentre.

  JULIEN : Pas encore !

  GRUCHET, au fond, poursuivant Murel : Alors, rendez-moi mon argent !

  MUREL, continuant à marcher : Vous m’ennuyez !

  GRUCHET : Polisson !

  MUREL, lui donnant un soufflet : Voleur !

  ROUSSELIN, en entrant, qui a entendu le bruit du soufflet : Qu’est-ce donc ?

  JULIEN, à Mme Rousselin : Oh ! cela, seulement ! (Il lui applique sur la main un baiser sonore)

  MISS ARABELLE reconnaît Julien : Ah !

  ROUSSELIN : Que se passe-t-il ? (Apercevant miss Arabelle qui s’enfuit) Arabelle ! Demain, je la flanque à la porte !

  ACTE TROIS

  Au salon de Flore. L’intérieur d’un bastringue. En face, et occupant tout le fond, une estrade pour l’orchestre. Il y a dans le coin de gauche une contrebasse. Attachés au mur, des instruments de musique ; au milieu du mur, un trophée de drapeaux tricolores. Sur l’estrade, une table avec une chaise ; deux autres tables des deux côtés. Une petite estrade plus basse est au milieu, devant l’autre. Toute la scène est remplie de chaises. A une certaine hauteur, un balcon, où l’on peut circuler.

  Scène I : Rousselin, seul, à l’avant-scène, puis un garçon de café

  ROUSSELIN : Si je comparais l’Anarchie à un serpent, pour ne pas dire hydre ? Et le pouvoir... à un Vampire ? Non, c’est prétentieux ! Il faudrait cependant intercaler quelque phrase à effet, de ces traits qui enlèvent... comme : “fermer l’ère des révolutions, camarilla, droits imprescriptibles, virtuellement ;” et beaucoup de mots en isme : “parlementarisme, obscurantisme !...” Calmons-nous ! un peu d’ordre. Les électeurs vont venir, tout est prêt ; on a constitué le bureau, hier au soir. Le voilà, le bureau ! Ici la place du Président (il montre la table, au milieu) ; des deux côtés les deux secrétaires, et moi, au milieu, en face du public !... Mais sur quoi m’appuierai-je ? Il me faudrait un tribune ! Oh ! je l’aurai, la tribune ! En attendant... (Il va prendre une chaise et la pose devant lui, sur la petite estrade) Bien ! et je placerai le verre d’eau, - car je commence à avoir une soif abominable - je placerai le verre d’eau là ! (Il prend le verre d’eau qui se trouve sur la table du Président, et le met sur sa chaise). Aurai-je assez de sucre ? (Regardant le bocal qui en est plein) Oui ! Tout le monde est assis. Le Président ouvre la séance, et quelqu’un prend la parole. Il m’interpelle pour me demander... par exemple... Mais d’abord qui m’interpelle ? Où est l’individu ? A ma droite, je suppose ! Alors, je tourne la tête brusquement !... Il doit être moins loin ? (Il va déranger une chaise, puis remonte). Je conserve mon air tranquille, et tout en enfonçant la main dans mon gilet... Si j’avais pris mon habit ? C’est plus commode pour le bras ! Une redingote vaut mieux, à cause de la simplicité. Cependant, le peuple, on a beau dire, aime la tenue, le luxe. Voyons ma cravate ? (Il se regarde dans une petite glace à main qu’il tire de sa poche.) Le col un peu plus bas. Pas trop, cependant ; on ressemble à un chanteur de romances. Oh ! ça ira - avec un mot de Murel, de temps à autre, pour me soutenir ! C’est égal ! Voilà une peur qui m’empoigne, et j’éprouve à l’épigastre... (Il boit) Ce n’est rien. Tous les grands orateurs ont cela à leurs débuts ! Allons, pas de faiblesses, ventrebleu ! un homme en vaut un autre, et j’en vaux plusieurs ! Il me monte à la tête... comme des bouillons ! et je me sens, ma parole, un toupet infernal ! “Et c’est à moi que ceci s’adresse, Monsieur !” Celui-là est en face ; marquons-le ! (Il dérange une chaise et la pose au milieu.) “A moi que ceci s’adresse à moi !” Avec les deux mains sur la poitrine, en me baissant un peu. “A moi, qui, pendant quarante ans... à moi, dont le patriotisme... à moi que... à moi pour lequel...” puis, tout à coup : “Ah ! vous ne le croyez pas vous-même, monsieur !” Et on reste sans bouger ! Il réplique : “Vos preuves alors ! donnez vos preuves ! Ah ! prenez garde ! On ne se joue pas de la crédulité publique !” Il ne trouve rien. “Vous vous taise
z ! ce silence vous condamne ! J’en prends acte !” Un peu d’ironie maintenant ! On lui lance quelque chose de caustique, avec un rire de supériorité. “Ah ! ah !” Essayons le rire de supériorité. “Ah ! ah ! ah ! je m’avoue vaincu, effectivement ! Parfait !” Mais deux autres qui sont là ! - je les reconnaîtrai, - s’écrient que je m’insurge contre nos institutions, ou n’importe quoi. Alors, d’un ton furieux : “Mais vous niez le progrès !” Développement du mot progrès : “Depuis l’astronome avec son télescope qui pour le hardi nautonnier... jusqu’au modeste villageois baignant de ses sueurs... le prolétaire de nos villes... l’artiste dont l’inspiration...” Et je continue jusqu’à une phrase, où je trouve le moyen d’introduire le mot “bourgeoisie”. Tout de suite, éloge de la bourgeoisie, le tiers Etat, les cahiers, 89, notre commerce, richesse nationale, développement du bien-être par l’ascension progressive des classes moyennes. Mais un ouvrier : “Eh bien ! et le peuple, qu’en faites-vous ?” Je pars : “Ah ! le peuple, il est grand !” ; et je le flagorne, je lui en fourre par-dessus les oreilles ! J’exalte Jean-Jacques Rousseau qui avait été domestique, Jacquart tisserand, Marceau tailleur ; tous les tisserands, tous les domestiques et tous les tailleurs seront flattés. Et, après que j’ai tonné contre la corruption des riches : “Que lui reproche-t-on, au peuple ? c’est d’être pauvre !” Tableau enragé de sa misère ; bravos ! “Ah ! pour qui connaît ses vertus, combien est douce la mission de celui qui peut devenir son mandataire ! Et ce sera toujours avec un noble orgueil que je sentirai dans ma main la main calleuse de l’ouvrier ! parce que son étreinte, pour être un peu rude, n’en est que plus sympathique ! parce que toutes les différences de rang, de titre et de fortune sont, Dieu merci ! surannés, et que rien n’est comparable à l’affection d’un homme de coeur !...” Et je me tape sur le coeur ! bravo ! bravo ! bravo !

  UN GARÇON DE CAFE : M. Rousselin, ils arrivent !

  ROUSSELIN : Retirons-nous, que je n’aie pas l’air... Aurai-je le temps d’aller chercher mon habit ? Oui ! - en courant (Il sort)

  Scène II : tous les électeurs, Voinchet, Marchais, Hombourg, Heurtelot, Onésime, le garde champêtre, Beaumesnil, Ledru, Le Président, puis Rousselin, puis Murel

  VOINCHET : Ah ! nous sommes nombreux . Ce sera drôle, à ce qu’il paraît.

  LEDRU : Pour une réunion politique, on aurait dû choisir un endroit plus convenable que le Salon de Flore.

  BEAUMESNIL : Puisqu’il n’y en a pas d’autres dans la localité ! Qui est-ce que vous nommerez, M. Marchais ?

  MARCHAIS : Mon Dieu, Rousselin ! C’est encore lui, après tout...

  LEDRU : Moi, j’ai résolu de faire un vacarme...

  VOINCHET : Tiens ! le fils de Bouvigny.

  BEAUMESNIL : Le père est plus finaud, il ne vient pas.

  LE PRESIDENT : En séance !

  LE GARDE CHAMPETRE : En séance !

  LE PRESIDENT : Messieurs ! nous avons à discuter les mérites de nos deux candidats pour les élections de dimanche. Aujourd’hui, vous vous occuperez de l’honorable M. Rousselin, et demain soir, de l’honorable M. Gruchet. La séance est ouverte.

  Rousselin, en habit noir, sort d’une petite porte derrière le président, fait des salutations, et reste debout au milieu de l’estrade.

  VOINCHET : Je demande que le candidat nous parle des chemins de fer.

  ROUSSELIN, après avoir toussé et pris un verre d’eau : Si on avait dit du temps de Charlemagne, ou même de Louis XIV, qu’un jour viendrait, où, en trois heures il serait possible d’aller...

  VOINCHET : Ce n’est pas ça ! Etes vous d’avis qu’on donne une allocation au chemin de fer qui doit passer par Saint-Mathieu, ou bien à un autre qui couperait Bonneval - idée cent fois meilleure ?

  UN ELECTEUR : Saint-Mathieu est plus à l’avantage des habitants ! Déclarez-vous pour celui-là, monsieur Rousselin !

  ROUSSELIN : Comment ne serais-je pas pour le développement de ces gigantesques entreprises qui remuent des capitaux, prouvent le génie de l’homme, apportent le bien-être au sein des populations !...

  HOMBOURG : Pas vrai, elles les ruinent !

  ROUSSELIN : Vous niez donc le progrès, Monsieur ! le progrès, qui depuis l’astronomie...

  HOMBOURG : Mais les voyageurs ?...

  ROUSSELIN : Avec son télescope...

  HOMBOURG : Ah ! si vous m’empêchez !...

  LE PRESIDENT : La parole est à l’interpellant.

  HOMBOURG : Les voyageurs ne s’arrêteront plus dans nos pays.

  VOINCHET : C’est parce qu’il tient une auberge !

  HOMBOURG : Elle est bonne, mon auberge !

  TOUS : Assez ! assez !

  LE PRESIDENT : Pas de violence, Messieurs !

  LE GARDE CHAMPETRE : Silence !

  HOMBOURG : Voilà comme vous défendez nos intérêts !

  ROUSSELIN : J’affirme...

  HOMBOURG : Mais vous perdez le roulage !

  UN ELECTEUR : Il soutiendra le libre échange !

  ROUSSELIN : Sans doute ! Par la transmission des marchandises, un jour la fraternité des peuples...

  UN ELECTEUR : Il faut admettre les laines anglaises ! Proclamez l’affranchissement de la bonneterie !

  ROUSSELIN : Et tous les affranchissements !

  LES ELECTEURS : (Côté droit ) Oui ! oui ! (Côté gauche) Non ! non ! à bas !

  ROUSSELIN : Plût au ciel que nous puissions recevoir en abondance les céréales, les bestiaux !

  UN AGRICULTEUR, en blouse : Eh bien, vous êtes gentils pour l’agriculture !

  ROUSSELIN : Tout à l’heure, je répondrai sur le chapitre de l’agriculture. (Il se verse un verre d’eau. Silence)

  HEURTELOT, apparaissant en haut, au balcon : Qu’est-ce que vous pensez des hannetons ?

  TOUS, riant : Ah ! ah ! ah !

  LE PRESIDENT : Un peu de gravité, Messieurs !

  LE GARDE CHAMPETRE : Silence ! Pas de désordre ! Au nom de la Loi, assis !

  MARCHAIS : M. Rousselin, nous voudrions savoir votre idée sur les impôts.

  ROUSSELIN : Les impôts, mon Dieu... certainement sont pénibles, mais indispensables... C’est une pompe, - si je puis m’exprimer ainsi, - qui aspire du sein de la terre un élément fertilisateur pour le répandre sur le sol. Reste à savoir si les moyens répondent au but... et si, en exagérant... on n’arriverait pas quelquefois à tarir...

  LE PRESIDENT, se penchant vers lui : Charmante comparaison !

  VOINCHET : La propriété foncière est surchargée !

  HEURTELOT : On paie plus de trente sous de droits pour un litre de cognac !

  LEDRU : La flotte nous dévore !

  BEAUMESNIL : Est-ce qu’on a besoin d’un Jardin des Plantes !

  ROUSSELIN : Sans doute ! sans doute ! sans doute ! Il faudrait apporter d’immenses, d’immenses économies...

  TOUS : Très bien !

  ROUSSELIN : D’autre part, le Gouvernement lésine, tandis qu’il devrait...

  BEAUMESNIL : Elever les enfants pour rien !

  MARCHAIS : Protéger le commerce !

  L’AGRICULTEUR : Encourager l’agriculture !

  ROUSSELIN : Bien sûr !

  BEAUMESNIL : Fournir l’eau et la lumière gratuitement dans chaque maison !

  ROUSSELIN : Peut-être, oui !

  HOMBOURG : Vous oubliez le roulage dans tout ça !

  ROUSSELIN : Oh ! non, non pas ! Et permettez-moi de résumer en un seul corps de doctrine, de prendre en faisceau...

  LEDRU : On connaît votre manière d’enguirlander le monde ! Mais si vous aviez devant vous Gruchet...

  ROUSSELIN : C’est à moi que vous comparez Gruchet ! à moi !... qu’on a vu pendant quarante ans... à moi dont le patriotisme... - Ah ! vous ne le croyez pas vous-même, Monsieur !

  LEDRU : Oui, je le compare à vous !

  ROUSSELIN : Ce Catalina de village !

  HEURTELOT, au balcon : Qu’est-ce que c’est, Catalina ?

  ROUSSELIN : C’est un célèbre conspirateur qui, à Rome...

  LEDRU : Mais Gruchet ne conspi
re pas !

  HEURTELOT : Etes-vous de la police ?

  TOUS, à droite, ensemble, confusément : Il en est ! il en est !

  TOUS, à gauche, de même : Non, il n’en est pas ! (Vacarme)

  ROUSSELIN : Citoyens ! de grâce ! Citoyens ! Je vous en prie ! de grâce ! écoutez-moi !

  MARCHAIS : Nous écoutons !

  Rousselin cherche à dire quelque chose, et reste muet. Rires de la foule.

  TOUS, riant : Ah ! ah ! ah !

  LE GARDE CHAMPETRE : Silence !

  HEURTELOT : Il faut qu’il s’explique sur le droit au travail .

  TOUS : Oui ! oui ! le droit au travail !

  ROUSSELIN : On a écrit là-dessus des masses de livres. (Murmures) Ah ! vous m’accorderez qu’on a écrit, à ce propos, énormément de livres. Les avez-vous lus ?

  HEURTELOT : Non !

  ROUSSELIN : Je les sais par coeur ! Et si, comme moi, cous aviez passé vos nuits dans le silence du cabinet, à...

  HEURTELOT : Assez causé de vous ! Le droit au travail !

  TOUS : Oui, oui, le droit au travail !

  ROUSSELIN : Sans doute on droit travailler !

  HEURTELOT : Et commander de l’ouvrage !

  MARCHAIS : Mais si on n’en a pas besoin ?

  ROUSSELIN : N’importe !

  MARCHAIS : Vous attaquez la propriété !

  ROUSSELIN : Et quand même ?

  MARCHAIS, se précipitant sur l’estrade : Ah ! vous me faites sortir de mon caractère !

  ELECTEURS, de droite : Descendez ! descendez !

  ELECTEURS, de gauche : Non ! qu’il y reste !

  ROUSSELIN : Oui ! qu’il demeure ! J’admets toutes les contradictions ! Je suis pour la liberté ! (Applaudissements à droite. Murmures à gauche ; il se retourne vers Marchais) Le mot vous choque, Monsieur ? c’est que vous n’en comprenez point le sens économique, la valeur... humanitaire ! La presse l’a élucidée, pourtant ! et la presse, - rappelons-le, citoyens, - est un flambeau, une sentinelle qui...

  BEAUMESNIL : A la question !

  MARCHAIS : Oui, la propriété !

  ROUSSELIN : Eh bien ! je l’aime comme vous ; je suis propriétaire. Vous voyez donc que nous sommes d’accord.

 

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