When I Go

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When I Go Page 11

by Rainer Maria Rilke


  closed up inside a man?

  VII

  C’est de la côté d’Adam

  qu’on a retiré Ève;

  mais quand sa vie s’achève,

  où va-t-elle, mourant?

  Adam serait-il son tombeau?

  Faut-il, lorsqu’elle se lasse,

  lui ménager une place

  dans un homme bien clos?

  Light

  Can it be this light

  that gives us the world?

  Or is it the shadow, new

  and tender as it trembles,

  that keeps us here?

  That shadow resembles us,

  trembles and twists

  around whatever holds it up.

  The shadows of frail foliage

  that fall on path and field

  make a sudden movement

  that announces their kinship to us,

  the way we are blended

  with the young, clear light.

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  Cette lumière peut-elle

  tout un monde nous rendre?

  Est-ce plutôt la nouvelle

  ombre, tremblante et tendre,

  qui nous rattache à lui?

  Elle qui tant nous ressemble

  et qui tourne et tremble

  autour d’un étrange appui.

  Ombres des feuilles frêles,

  sur le chemin et le pré,

  geste soudain familier

  qui nous adopte et nous mêle

  à la trop neuve clarté.

  Winter’s United Silence

  Winter’s united silence

  is replaced in the air

  by the silence of warbling:

  each voice rushing in

  contributes a brushstroke

  to perfect the image.

  But the heart lives

  far beyond

  the whole complex

  design of this silence, full

  of unspeakable audacity,

  only a starting point.

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  Le silence uni de l’hiver

  est remplacé dans l’air

  par un silence à ramage;

  chaque voix qui accourt

  y ajoute un contour,

  y parfait une image.

  Et tout cela n’est que le fond

  de ce qui serait l’action

  de notre cœur qui surpasse

  le multiple dessin

  de ce silence plein

  d’inexprimable audace.

  Nature Reveals Herself

  There is a sublime moment,

  between the misty mask and the verdant one,

  when nature reveals herself

  more fully than is her custom.

  What beauty! Look at her shoulder,

  the courage to be that transparent. . . .

  Soon she’ll play her role again

  in summer’s grassy theater.

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  Entre le masque de brume

  et celui de verdure,

  voici le moment sublime où la nature

  se montre davantage que de coutume.

  Ah, la belle! Regardez son épaule

  et cette claire franchise qui ose . . . .

  Bientôt de nouveau elle jouera un rôle

  dans la pièce touffue que l’été compose.

  The Flame

  Out is the candle, and space

  reclaims the room; we feel

  the fire graze our cheeks,

  a homeless, suffering flame.

  Let’s bury it in the subtle grave

  behind our eyelids,

  and cry like a mother who knows

  all about danger.

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  À la bougie éteinte,

  dans la chambre rendue à l’espace,

  on est frôlé par la plainte

  de feu la flamme sans place.

  Faisons-lui un subtil

  tombeau sous notre paupière,

  et pleurons comme une mère

  son très familier péril.

  The Approach

  The long life of the landscape, the bell,

  the pure deliverance of evening—

  all this prepares us for the approach

  of a kindly, unfamiliar figure. . . .

  Our life goes on, strangely suspended

  between the faraway bow and the stab of the arrow,

  between a world that hesitates to seize the angel

  and She whose powerful presence prevents it.

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  C’est le paysage longtemps, c’est une cloche,

  c’est du soir la délivrance si pure—;

  mais tout cela en nous prépare l’approche

  d’une nouvelle, d’une tendre figure . . . .

  Ainsi nous vivons dans un embarras très étrange

  entre l’arc lointain et la trop pénétrante flèche:

  entre le monde trop vague pour saisir l’ange

  et Celle qui, par trop de présence, l’empêche.

  A Question

  We arrange and rearrange

  these words every which way,

  but will this ever result

  in anything worthy of the rose?

  If we tolerate the strange

  pretense of this game, it’s only

  to provide sport for the angel,

  who comes to tease us a bit.

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  On arrange et on compose

  les mots de tant de façons,

  mais comment arriverait-on

  à égaler une rose?

  Si on supporte l’étrange

  prétention de ce jeu,

  c’est que, parfois, un ange

  le dérange un peu.

  In the Eyes of Animals

  In the eyes of animals I’ve seen

  lasting peace, the impartial

  calm of nature

  that cannot be shaken.

  Every animal knows what fear is;

  nevertheless, it moves along,

  and on its field of plenty

  grazes a presence

  that has no taste for elsewhere.

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  J’ai vu dans l’œil animal

  la vie paisible qui dure,

  le calme impartial

  de l’imperturbable nature.

  La bête connaît la peur;

  mais aussitôt elle avance

  et sur son champ d’abondance

  broute une présence

  qui n’a pas le goût d’ailleurs.

  The Doe

  Doe, the deep, ancient beauty

  of forests flows in your eyes,

  circles of trust shot through

  with utter fear.

  The lively grace of your leaping

  expresses all these things,

  yet nothing can shake

  a look of calm unknowing

  on your face.

  57: La Biche

  Ô la biche: quel bel intérieur

  d’anciennes forêts dans tes yeux abonde;

  combien de confiance ronde

  mêlée à combien de peur.

  Tout cela, porté par la vive

  gracilité de tes bonds.

  Mais jamais rien n’arrive

  à cette impossessive

  ignorance de ton front.

  Let’s Chat for a While

  Let’s stay here and chat for a while.

  I’m the one who stopped again tonight,

  and again you’re the one who’s listening.

  Later others will play at being


  neighbors on this road under trees

  whose lovely shade we’re borrowing.

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  Arrêtons-nous un peu, causons.

  C’est encore moi, ce soir, qui m’arrête,

  c’est encore vous qui m’écoutez.

  Un peu plus tard d’autres joueront

  aux voisins sur la route

  sous ces beaux arbres que l’on se prête.

  Good-Bye

  I’ve said my goodbyes. Since childhood

  countless departures have gradually honed me.

  But I return, I begin again,

  which is what sets my attention free.

  All I can do now is fill my gaze.

  All I can do, without holding back,

  is feel the joy of having loved what reminds me

  of all the losses that move us.

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  Tous mes adieux sont faits. Tant de départs

  m’ont lentement formé dès mon enfance.

  Mais je reviens encor, je recommence,

  ce franc retour libère mon regard.

  Ce qui me reste, c’est de le remplir,

  et ma joie toujours impénitente

  d’avoir aimé des chose ressemblantes

  à ces absences qui nous font agir.

 

 

 


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