O orchard, O my brother?
Approaching us is the same far-off wind
that makes us both austere and tender.
VII
Heureux verger, tout tendu à parfaire
de tous ses fruits les innombrables plans,
et qui sait bien son instinct séculaire
plier à la jeunesse d’un instant.
Quel beau travail, quel ordre que le tien!
Qui tant insiste dans les branches torses,
mais qui enfin, enchanté de leur force,
déborde dans un calme aérien.
Tes dangers et les miens, ne sont-ils point
tout fraternels, ô verger, ô mon frère?
Un même vent, nous venant de loin,
nous force d’être tendres et austères.
All the Joys of the Ancestors
All the joys of the ancestors
flow through us and build,
their hearts, high with hunting,
their silent repose
by a dying fire . . .
and when life deserts us
in moments of drought,
we still have them, who fill us.
How many women took refuge here
to keep from falling apart,
the way an intermission provides respite
during a mediocre play.
Dressed in sorrow no one
wants to wear these days,
they look stronger leaning
on the blood of the old ones.
And the children, the children!
Those whom fate frowns upon
find in us a pretext
to keep on living.
30
Toutes les joies des aïeux
ont passé en nous et s’amassent;
leur cœur, ivre de chasse,
leur repos silencieux
devant un feu presque éteint . . . .
Si dans les instants arides
de nous notre vie se vide,
d’eux nous restons tout pleins.
Et combien de femmes ont du
en nous se sauver, intactes,
comme dans l’entr’acte
d’une pièce qui n’a pas plu—
parées d’un malheur qu’aujourd’hui
personne ne veut ni ne porte,
elles paraissent fortes
appuyées sur le sang d’autrui.
Et des enfants, des enfants!
Tous ceux que le sort refuse,
en nous exercent la ruse
d’exister pourtant.
Interior Portrait
It’s not memories of you
that hold you within me,
nor the sheer
force of longing.
It’s the way any slow
tender gesture
takes my very blood
on an ardent detour.
I have no need
to see you appear.
Being born was enough
to lose you a little less.
31: Portrait Intérieur
Ce ne sont pas des souvenirs
qui, en moi, t’entretiennent;
tu n’es pas non plus mienne
par la force d’un beau désir.
Ce qui te rend présente,
c’est le détour ardent
qu’une tendresse lente
décrit dans mon propre sang.
Je suis sans besoin
de te voir apparaître;
Il m’a suffi de naître
pour te perdre un peu moins.
This Hand
How will I recognize
the sweet life that was?
Perhaps by studying
the imagery in the lines
and wrinkles of my palm,
formed by closing
this hand of nothing
around the void.
32
Comment encore reconnaître
ce que fut la douce vie?
En contemplant peut-être
dans ma paume l’imagerie
de ces lignes et de ces rides
que l’on entretient
en fermant sur le vide
cette main de rien.
Elegy
How many ports, I ask you, and in them
how many doors might open to you,
through how many windows
can we see your life and your work.
How many winged seeds of the future
did the storm bring, according to its whim
one balmy holiday,
that will come to flower because of you.
How many lives will continue to echo,
and given the altitude at which you flew
while in this world,
a great void is no longer so hollow.
34
Combien de ports pourtant, et dans ces ports
combien de portes, t’accueillant peut-être,
combien de fenêtres
d’où l’on voit ta vie et ton effort.
Combien de grains ailés de l’avenir
qui, transportés au gré de la tempête,
un tendre jour de fête
verront leur floraison t’appartenir.
Combien de vies qui toujours se répondent;
et par l’essor que prend ta propre vie
en étant de ce monde,
quel gros néant à jamais compromis.
A Parting Melody
Since everything passes,
let’s sing a parting melody,
a song of our own making
that will quench our grief.
Let’s use love and art
to praise our losses,
and let’s do it more quickly
than what departs.
36
Puisque tout passe, faisons
la mélodie passagère;
celle qui nous désaltère
aura de nous raison.
Chantons ce qui nous quitte
avec amour et art;
soyons plus vite
que le rapide départ.
The Soul-Bird
Often we plod
through thick fog,
while the soul-bird takes off
before us, balances
on a gentle sky.
This is how
our grief learns
the art of falling.
37
Souvent au-devant de nous
l’âme-oiseau s’élance;
c’est un ciel plus doux
qui déjà la balance,
pendant que nous marchons
sous des nuées épaisses.
Tout en peinant, profitons
de son ardente adresse.
Angel-Eye View
Seen by Angels, the crowns of trees
are roots that drink the skies,
and deep underground, the roots of the beech
seem to them like silent peaks.
Do they see a transparent earth
opposite a body-solid sky?
This ardent earth, where every wellspring
laments the forgotten dead.
38
Vues des Anges, les cimes des arbres peut-être
sont des racines, buvant les cieux;
et dans le sol, les profondes racines d’un hêtre
leur semblent des faîtes silencieux.
Pour eux, la terre, n’est-elle point transparente
en face d’un ciel, plein comme un corps?
Cette terre ardente, où se lamente
&nbs
p; auprès des sources l’oubli des morts.
Friends and Strangers
My friends, I honor each of you,
and this incomprehensible fleeting life
opened little by little
with every shy and gentle glance.
How many times do we bring someone into being
instead of halting his disappearance,
when we take the trouble to hold him
in a look or a gesture.
Strangers. They play a leading role
in the fate of each passing day.
So take good aim at my worried heart,
stranger, when you lift your gaze.
39
Ô mes amis, vous tous, je ne renie
aucun de vous; ni même ce passant
qui n’était de l’inconcevable vie
qu’un doux regard ouvert et hésitant.
Combien de fois un être, malgré lui,
arrête de son œil ou de son geste
l’imperceptible fuite d’autrui,
en lui rendant un instant manifeste.
Les inconnus. Ils ont leur large part
à notre sort que chaque jour complète.
Précise bien, ô inconnue discrète,
mon cœur distrait, en levant ton regard.
Seeing Double
A swan moves on the water,
surrounding itself entirely,
a gliding tableau,
like the moments
when the one we love
is all space in motion.
She approaches, doubled
like the swan, floating
on the soul’s uneasy pond
that superimposes upon her
a wavy image
of happiness and doubt.
40
Un cygne avance sur l’eau
tout entouré de lui-même,
comme un glissant tableau;
ainsi à certains instants
un être que l’on aime
est tout un espace mouvant.
Il se rapproche, doublé,
comme ce cygne qui nage,
sur notre âme troublée . . .
qui à cet être ajoute
la tremblante image
de bonheur et de doute.
Life Expressing Variety
Take the horse drinking at the fountain,
take a falling leaf that grazes our shoulder,
a cupped hand, a mouth bursting
with news it doesn’t dare tell—
such is life expressing variety,
such are the sleepwalking dreams of pain.
Would someone with a peaceful heart
please search humanity and console it?
43
Tel cheval qui boit à la fontaine,
telle feuille qui en tombant nous touche,
telle main vide, ou telle bouche
qui nous voudrait parler et qui ose à peine—
autant de variations de la vie qui s’apaise,
autant de rêves de la douleur qui somnole:
ô que celui dont le cœur est à l’aise
cherche la créature et la console.
Spring
I
Notes of rising sap
that swell in the instrument
of all these trees,
accompany our song,
all too brief!
Nature, your abundance
resounds in the intricate
arpeggios of your abandon.
We hum along
for a few short measures,
and when we are silenced
others will carry on . . .
but for now, how can I
offer you this heart
large with yielding?
44: Printemps
I
Ô mélodie de la sève
qui dans les instruments
de tous ces arbres s’élève—
accompagne le chant
de notre voix trop brève.
C’est pendant quelques mesures
seulement que nous suivons
les multiples figures
de ton long abandon,
ô abondante nature.
Quand il faudra nous taire,
d’autres continueront . . .
mais à présent comment faire
pour te rendre mon
grand cœur complémentaire?
II
The arrival of joy
is eagerly awaited:
earth and everything in it
will soon delight us.
From our front row seat
we can see and hear,
and protect ourselves
when it becomes too much.
We think it’s not personal,
but from where we sit
this emotional drama hits a bit
too close to home.
II
Tout se prépare et va
vers la joie manifeste;
la terre et tout le reste
bientôt nous charmera.
Nous serons bien placés
pour tout voir, tout entendre;
on devra même se défendre
et parfois dire: assez!
Encor si on était dedans;
mais l’excellente place
est un peu trop en face
de ce jeu émouvant.
III
Suddenly, for the old, lifeblood
mounting into capillaries means
a year too steep to climb, a year
that prepares them for departure.
Nature thrusts forward.
It boils in arteries
intolerant of sharp demands,
it lashes out against bodies
that refuse such wild adventure,
that harden instead, to survive.
So the earth, enduring and indifferent,
easily wins the game.
III
Montée des sèves dans les capillaires
qui tout à coup démontre aux vieillards
l’année trop raide qu’ils ne monteront guère
et qui en eux prépare le départ.
Leur corps (tout offensé par cet élan
de la nature brute qui ignore
que ces artères où elle bout encore
supportent mal un ordre impatient)
refuse la trop brusque aventure;
et pendant qu’il se raidit, méfiant,
pour subsister à sa façon, il rend
le jeu facile à la terre dure.
IV
It’s the sap that kills,
that sudden air of insolence
floating through the streets,
taking the old and the hesitant.
All who lack the strength
to beat their own wings
are invited to the divorce
that will marry them with the earth.
It’s sweetness that stabs them
with its sharpened point,
and those who still resist
are done in by a caress.
IV
C’est la sève qui tue
les vieux et ceux qui hésitent,
lorsque cet air insolite
flotte soudain dans les rues.
Tous ceux qui n’ont plus la force
de se sentir des ailes,
sont invités au divorce
qui à la terre les mêle.
C’est la douceur qui les perce
de sa pointe suprême,
et la caresse
renverse
ceux qui résistent quand même.
V
What would the priceless
sensation of sweetness
be worth if it didn’t
inspire fear?
It is so far beyond
every violence
that when it pounces,
we are defenseless.
V
Que vaudrait la douceur
si elle n’était capable,
tendre et ineffable,
de nous faire peur?
Elle surpasse tellement
toute la violence
que, lorsqu’elle s’élance,
nul ne se défend.
VI
In winter, death the murderer
enters all the houses
looking for sister and father,
playing his violin.
But when the earth stirs
under the spade of spring,
death runs through the streets,
greeting passers-by.
VI
En hiver, la mort meurtrière
entre dans les maisons;
elle cherche la sœur, le père,
et leur joue du violon.
Mais quand la terre remue
sous la bêche du printemps,
la mort court dans les rues
et salue les passants.
VII
It was from Adam’s side
that Eve was pulled,
but where does she go to die
when her life is full?
Will Adam be her tomb?
Is there no other way for her
than to find her ultimate home
When I Go Page 10