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Les refuges de pierre

Page 73

by Jean M. Auel


  — Tu peux appeler ma mère Tête Plate ou membre du Clan, comme tu voudras. Moi, je ne suis ni l’un ni l’autre, affirma Echozar. Je suis lanzadonii.

  — Oui, approuva Joplaya en lui prenant la main. Et nous nous unirons bientôt.

  — Nous savons qu’il a aussi une femme du Clan dans sa lignée, dit Dalanar. Cela saute aux yeux. S’il ne supporte pas de toucher quelqu’un de cette origine, comment peut-il se supporter lui-même ?

  — Il n’y arrive pas, c’est son drame, répondit Jondalar. Brukeval se hait. Quand il était petit, les autres enfants le traitaient de Tête Plate et il le niait toujours.

  — Il a beau nier, cela ne change rien à ce qu’il est, soupira Ayla.

  Personne n’avait pris la peine de baisser la voix, et Brukeval, ayant une excellente ouïe, avait tout entendu. Il possédait une autre caractéristique des Autres qui manquait au Clan : il savait pleurer, et des larmes lui montèrent aux yeux tandis qu’il s’éloignait. Elle aussi, pensait-il. Je la croyais différente. Je la croyais sincère quand elle disait qu’elle aurait pu m’envisager comme compagnon si elle n’avait déjà choisi Jondalar, mais elle aussi me prend pour un Tête Plate. Elle mentait. Plus il y pensait, plus sa colère montait. Je ne suis pas un Tête Plate, quoi qu’elle dise, quoi qu’ils disent tous. Je ne suis pas un Tête Plate !

  Il faisait sombre et le ciel était déjà passé du noir au bleu nuit, avec un filet d’or qui soulignait la crête des collines à l’est, lorsque le groupe de la Neuvième Caverne des Zelandonii et de la Première Caverne des Lanzadonii quitta le camp. A la lueur de torches, tous se rendirent au lieu où Jondalar avait effectué la démonstration du lance-sagaie et découvrirent avec plaisir le grand feu allumé au milieu de la vaste étendue d’herbe piétinée. Quelques chasseurs étaient déjà arrivés. Lorsque le ciel s’éclaircit, le brouillard froid qui montait de la Rivière parut emplir les intervalles entre les arbres et les broussailles qui poussaient à la périphérie, enveloppant les Zelandonii qui se tenaient autour du feu.

  Entonnant à pleine gorge leur concert matinal, les oiseaux trillaient, pépiaient, gazouillaient, s’appelaient par-dessus le murmure des voix. Ayla, qui tenait Whinney par le licou, s’agenouilla et passa un bras autour de Loup puis sourit à Jondalar, qui caressait Rapide pour le calmer. Elle promena autour d’elle un regard étonné : jamais elle n’avait vu de groupe de chasse aussi nombreux. Il y avait beaucoup trop de Zelandonii pour qu’elle pût les compter. Elle se souvint que la Première avait proposé de lui apprendre à utiliser les mots pour compter d’aussi grandes quantités et décida de le lui rappeler. Elle aurait aimé pouvoir dire combien de chasseurs allaient et venaient dans la prairie.

  Les femmes sur le point de s’unir prenaient rarement part à la chasse précédant les Matrimoniales ; il existait certaines restrictions et d’autres activités prévues pour elles. Mais la Première avait fait valoir que, cette chasse servant de mise à l’essai pour l’utilisation des chevaux et du lance-sagaie de Jondalar, la présence d’Ayla était indispensable. La jeune femme s’en réjouissait, elle avait toujours aimé chasser. Si elle n’avait pas appris à chasser quand elle vivait seule dans sa vallée, elle n’aurait peut-être pas survécu, et cela lui avait donné un certain sentiment d’indépendance.

  Plusieurs autres femmes sur le point de prendre un compagnon savaient chasser également mais une seule avait souhaité se joindre au groupe, et, puisqu’on avait fait une exception pour Ayla, on l’avait acceptée elle aussi. Quand elles étaient jeunes, la plupart des filles aimaient chasser comme les garçons. A la puberté, beaucoup d’entre elles continuaient à aller à la chasse, essentiellement pour y retrouver les garçons. Certaines aimaient la chasse pour la chasse, mais une fois que les jeunes femmes prenaient un compagnon et commençaient à avoir des enfants, elles étaient si occupées qu’elles laissaient volontiers ce domaine aux hommes. Elles développaient alors d’autres talents qui renforçaient leur position sociale ainsi que leur capacité à faire du troc pour obtenir les choses qu’elles désiraient, sans trop les éloigner de leurs enfants. Les hommes considéraient cependant que les femmes qui avaient chassé dans leur jeunesse devenaient de bonnes compagnes. Elles comprenaient les défis de la chasse, appréciaient les succès et compatissaient aux échecs de leurs compagnons.

  Ayla avait assisté à la cérémonie de la Traque, célébrée la veille par la Zelandonia en présence de la plupart des chefs et de quelques chasseurs, mais elle n’avait fait que l’observer sans y prendre part. La Traque avait révélé qu’un grand troupeau d’aurochs s’était rassemblé dans une vallée proche, qui convenait bien à la chasse. On avait donc décidé de commencer par là, mais rien n’était garanti. Si les Zelandonia étaient capables de « voir » les animaux pendant la Traque, le troupeau ne se trouvait pas forcément au même endroit le lendemain. En tout état de cause, la vallée offrait une herbe excellente et, si les aurochs étaient partis, il y aurait sans doute d’autres bêtes. Les chasseurs espéraient que les aurochs s’y trouveraient toujours, car ils formaient de vastes troupeaux à cette période de l’année et fournissaient en grande quantité une viande savoureuse.

  Quand la nourriture était abondante, un mâle adulte pouvait mesurer jusqu’à six pieds six pouces au garrot et peser près de trois mille livres, soit deux fois et demie la taille et plus de deux fois le poids de son descendant domestiqué. Il avait l’aspect d’un taureau ordinaire, mais tellement plus gros qu’il atteignait presque les dimensions d’un mammouth. Les aurochs se nourrissaient d’herbe, de préférence l’herbe nouvelle bien verte, pas les grandes tiges jaunies ni les feuilles des arbres. Aux steppes ils préféraient les clairières, les lisières de forêt, les prairies et les marais. Ils mangeaient toutefois des glands et des noix en automne, ainsi que des graines d’herbe pour se constituer des réserves de graisse, et pendant la période maigre hivernale ils ne dédaignaient pas de brouter feuilles et bourgeons.

  Le pelage du mâle était noir et long, avec une bande claire le long du dos. Il avait une touffe de poils frisés sur le front et deux longues cornes assez fines, d’un gris blanchâtre qui virait au noir à leurs extrémités. Les femelles étaient plus petites, avec un pelage plus clair, souvent roux. Généralement, seuls les animaux âgés ou très jeunes tombaient sous la dent des carnassiers. Un mâle en pleine force n’avait peur d’aucun chasseur, êtres humains compris, et ne cherchait pas à fuir. En particulier pendant la période de rut, en automne, il était prêt à se battre et chargeait avec une rage incontrôlable, soulevant un homme ou un loup de ses cornes, le projetant en l’air, blessant et éventrant jusqu’aux lions des cavernes. Les aurochs étaient rapides, puissants, agiles et extrêmement dangereux.

  La horde de chasseurs se mit en route dès qu’il fit assez clair. Marchant d’un pas rapide, ils repérèrent le troupeau d’aurochs avant que le soleil ne fût très haut. La vallée était proche. Une de ses extrémités conduisait à une gorge assez large qui se rétrécissait en un défilé puis s’ouvrait de nouveau en formant une sorte d’enclos naturel. Ce n’était pas tout à fait un cul-de-sac puisqu’il y avait quelques voies de sortie exiguës, mais l’endroit avait déjà été utilisé comme piège, pas plus d’une fois par saison, cependant. L’odeur de sang dégagée par une grande chasse avait tendance à éloigner les animaux jusqu’à ce que les neiges de l’hiver nettoient les lieux. En prévision d’une utilisation future, on avait barré les issues par des clôtures ; plusieurs chasseurs avaient fait le tour pour vérifier leur état et choisir une bonne position afin de lancer leurs sagaies. Un hurlement de loup – une assez bonne imitation, jugea Ayla – donna le signal que tout était prêt. Prévenue, elle gardait un bras autour de Loup pour lui imposer silence au cas où il aurait été tenté de réagir. Un croassement de corbeau servit de réponse.

  Le reste des chasseurs avait encerclé le troupeau en s’efforçant de ne pas trop l’inquiéter, tâche difficile pour un groupe aussi nombreux. Ayla et Jondalar étaient restés à l’écart, de peur que l’odeur de Loup ne précipitât les choses.
Au signal, ils montèrent sur leurs chevaux et partirent au galop ; Loup courait derrière eux. Tout rapides et puissants qu’ils étaient, les aurochs n’en étaient pas moins des animaux grégaires et comptaient de nombreux jeunes parmi eux. Les cris et les gesticulations, les objets inconnus agités devant eux suffirent à les effrayer et, quand l’un d’eux se mit à courir, d’autres suivirent. Affolé par l’odeur du loup et la vue de deux êtres humains montés sur des chevaux étonnamment proches, le troupeau se rua bientôt dans la gorge.

  Le goulet ralentit les bêtes, qui se bousculèrent pour passer. Dans la poussière soulevée par la masse meuglante, quelques-unes essayèrent de se détacher et de prendre une autre direction, n’importe laquelle. Mais les chasseurs, les chevaux et le loup étaient partout, les renvoyant vers le défilé. Finalement, un vieux mâle résolu en eut assez. Il fit front, frappa le sol du sabot, baissa les cornes et fut atteint par les traits de deux lance-sagaies. Il tomba à genoux, bascula sur le côté. La plupart des autres aurochs étaient passés, la barrière avait été refermée derrière eux. La tuerie commença.

  Les bêtes prises au piège s’écroulaient, frappées par des lances de toutes sortes, longues ou courtes, à pointe de silex, d’os ou d’ivoire. Les chasseurs se relayaient derrière les barrières qui les protégeaient des cornes puissantes et des sabots tranchants. Les projectiles provenaient parfois de lance-sagaies qui n’étaient pas ceux de Jondalar et d’Ayla. Certains chasseurs entreprenants s’étaient entraînés et essayaient maintenant la nouvelle arme là où quelques coups manqués n’auraient que peu d’importance puisque les aurochs ne pouvaient fuir nulle part, excepté sur le sein de la Grande Terre Mère, dans le Monde des Esprits.

  En une matinée, le groupe s’était procuré assez de viande pour nourrir tous les participants à la Réunion d’Été pendant quelque temps, et de quoi organiser en plus un grand festin de Matrimoniales. Dès que les aurochs avaient pénétré dans le piège, un messager avait été envoyé au camp, d’où un second groupe partit pour aider les chasseurs, et, quand le dernier animal fut abattu, les renforts se précipitèrent pour le dépeçage.

  Il existait plusieurs façons de conserver la viande. Du fait de la proximité des glaciers et de la couche gelée en permanence qui se trouvait sous la surface, on pouvait transformer le permafrost en chambre froide en creusant simplement un trou dans le sol. On pouvait aussi conserver la viande fraîche au fond d’un lac ou d’un étang, dans les eaux profondes des rivières. Lestée de pierres, attachée à de longues perches qui permettaient de la retrouver plus tard, la viande pouvait se conserver un an sans trop se détériorer. On pouvait aussi la sécher pour la conserver plusieurs années. L’inconvénient était que le début de l’été correspondait à la saison des mouches, qui pouvaient gâter la viande mise à sécher au soleil. Des feux dégageant beaucoup de fumée éloignaient le gros des insectes, mais il fallait constamment surveiller l’opération, dans une pénible atmosphère enfumée. Il restait cependant indispensable de faire sécher une partie de la viande pour se nourrir en voyage.

  Outre la viande, la peau de l’aurochs était précieuse. On l’employait pour fabriquer de nombreux objets, allant des outils et des récipients aux vêtements et aux abris. La graisse permettait de se chauffer et de s’éclairer ; les poils servaient de fibres, de doublure pour les vêtements chauds ; les tendons et les nerfs étaient utilisés comme liens. Avec les cornes, on obtenait des coupes, des gonds de panneau et même des bijoux. Les dents étaient aussi souvent transformées en bijoux qu’en outils. Les intestins fournissaient des enveloppes et des couvertures étanches, des sacs pour la chair cuite et la graisse.

  Les os avaient de multiples usages. On pouvait en faire des ustensiles, des écuelles, des armes. On les cassait pour en manger la moelle, on s’en servait comme combustible. Rien n’était gaspillé. Même les sabots et les débris de peau étaient mis à bouillir pour devenir une colle qui, conjuguée aux tendons, permettait par exemple de fixer les pointes des sagaies, les manches des couteaux, les diverses parties d’une lance. On utilisait aussi cette colle pour consolider des semelles résistantes sous des chausses souples.

  Il fallait d’abord écorcher les bêtes puis les dépecer et mettre la viande à l’abri le plus vite possible. On posta des gardes pour éloigner les voleurs, ainsi que les autres carnivores, désireux de prélever leur part du butin. Un grand nombre d’aurochs abattus attirait tous les prédateurs et charognards alentour. Les hyènes furtives furent les premières qu’Ayla repéra. Elle tenait sa fronde prête et, quasi instinctivement, elle lança Whinney en direction de la meute.

  Ayla dut sauter à terre pour ramasser d’autres pierres, et la vitesse avec laquelle elle les lança justifiait pleinement qu’on l’eût choisie comme garde, ainsi que Jondalar. Presque tout le monde savait dépecer, même les jeunes apportaient leur aide, mais la lutte contre les voleurs de viande exigeait de l’habileté à manier une arme. Une bande de loups attira l’attention de Loup, qui n’hésita pas, avec le soutien d’Ayla, à chasser les intrus qui convoitaient le gibier de sa meute. Les gloutons posaient un autre problème. Deux d’entre eux, probablement un mâle et une femelle puisque c’était la saison des amours, aspergèrent un aurochs de leurs glandes à musc. L’odeur était si épouvantable que, après avoir récupéré la lance pour mettre la bête au crédit de celui qui l’avait tuée, plusieurs chasseurs traînèrent le corps à l’écart pour laisser les gloutons se le disputer entre eux.

  Ayla aperçut des hermines dans leur pelage brun d’été, lequel deviendrait blanc en hiver, sauf à l’extrémité de la queue. Elle repéra des renards et des lynx, ainsi qu’un léopard des neiges tacheté, et, plus loin, regardant la scène avec détachement, une troupe de lions des cavernes, la première qu’elle voyait depuis son arrivée. Elle prit le temps de les observer. Tous les lions des cavernes avaient un pelage clair, souvent ivoire, mais ceux-là étaient presque blancs. Elle pensa d’abord qu’il n’y avait que des femelles, mais le comportement de l’un des animaux l’incita à y regarder de plus près. C’était un mâle sans crinière ! Quand elle posa la question à Jondalar, il lui répondit que les lions des cavernes de cette région n’en avaient pas. Lui-même avait été étonné par le lion des contrées de l’Est, qui avait une crinière, tout en étant assez efflanqué.

  Le ciel recelait aussi sa part de maraudeurs qui n’attendaient que l’occasion de se poser. Vautours et aigles planaient au-dessus du carnage, montant avec les courants chauds qui soutenaient leurs ailes déployées. Les milans, les faucons, les gypaètes s’élevaient et piquaient, se battaient parfois avec des corbeaux braillards. Il était plus facile aux rongeurs et aux reptiles de s’approcher en se cachant des hommes, mais les prédateurs de moindre taille devenaient souvent des proies. Finalement, tout serait nettoyé par les plus petits d’entre eux : les insectes. Quelle que fût la vigilance des gardes, chaque carnivore emporterait sa part avant que les Zelandonii eussent fini de dépecer les aurochs ; bien que ce ne fût pas leur principal objectif, ils parvinrent ainsi à se procurer quelques fourrures particulièrement belles.

  Une première chasse couronnée de succès était bon signe. Elle annonçait une excellente année pour les Zelandonii et porterait chance aux couples qui devaient s’unir. Les Matrimoniales seraient célébrées dès que la viande aurait été apportée au camp et entreposée à l’abri.

  Une fois l’excitation de la chasse retombée, les participants à la Réunion d’Été reportèrent leur attention sur les cérémonies d’union. Ayla contenait mal son impatience et se sentait nerveuse. Jondalar éprouvait la même chose. Ils se surprirent à se regarder souvent, à échanger des regards presque timides en espérant que tout se passerait bien.

  30

  Zelandoni s’efforça de trouver un moment pour parler en privé à Ayla de la médecine qui empêchait la vie, mais il y avait toujours quelque chose pour s’y opposer, semblait-il. Les deux femmes étaient l’une comme l’autre fort occupées. Comme la chasse avait impliqué toute la communauté zelandonii, la Première s
e devait de célébrer des cérémonies pour apaiser l’Esprit de l’Aurochs, des rites afin de remercier la Mère pour la vie de tous les animaux qui s’étaient sacrifiés afin que vivent les Zelandonii.

  La chasse avait été presque trop bonne et il avait fallu plus longtemps que prévu pour s’acquitter de toutes les tâches. Les Zelandonii découpèrent la viande, firent fondre la graisse et la répartirent en portions. Ils grattèrent et séchèrent les peaux ou les entreposèrent dans les chambres froides souterraines avec la viande, les os et les restes des animaux. Presque tous apportèrent leur contribution, y compris les femmes sur le point de s’unir. Les unions pouvaient attendre.

  La Première se résigna à ce retard tout en regrettant de ne pas avoir pris le temps de discuter longuement avec Ayla avant de quitter la Neuvième Caverne, quand il aurait été plus facile d’en apprendre davantage sur elle. Qui aurait deviné que la jeune étrangère – encore jeune à dix-neuf ans, bien qu’Ayla pensât le contraire – possédait de si vastes connaissances ? Elle semblait si naïve qu’on la croyait dépourvue d’expérience. Zelandoni en était venue à comprendre qu’Ayla était un être bien plus complexe. Elle qui recommandait de ne jamais sous-estimer un élément inconnu, elle n’avait pas suivi son propre conseil.

  A présent, la Première était occupée par une autre affaire. La Zelandonia avait décidé de célébrer les Premiers Rites avant les Matrimoniales, bien qu’on le fît généralement après, pour une raison précise. Avant ses Premiers Rites, une jeune Zelandonii était considérée comme une petite fille et n’était pas censée partager le Don des Plaisirs. Les Rites des Premiers Plaisirs étaient la cérémonie pendant laquelle, sous une stricte surveillance, les filles étaient physiquement ouvertes et pouvaient recevoir les Esprits qui feraient naître une vie nouvelle. Alors seulement elles devenaient femmes. Or les Premiers Rites avaient toujours lieu pendant les Réunions d’Été, et il y avait le plus souvent, entre les premiers saignements et les Premiers Rites, une période pendant laquelle les jeunes filles demeuraient dans des sortes de limbes. Les hommes les trouvaient alors très attirantes, sans doute parce qu’elles leur étaient interdites. A la fin de la Réunion, on organisait toujours une seconde cérémonie pour les filles qui avaient commencé à avoir leurs périodes lunaires pendant l’été, mais le long intervalle séparant deux Réunions était pénible. Les hommes jeunes – et certains qui l’étaient moins – tournaient constamment autour des filles pubères. Les Fêtes pour Honorer la Mère célébrées pendant l’année rendaient les jeunes filles – en particulier celles qui devenaient réglées en automne – plus conscientes de leurs propres désirs. Aucune mère ne souhaitait que sa fille eût sa première période à ce moment-là, avant un long hiver d’obscurité et d’activités extérieures réduites.

 

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