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Master of the Crossroads

Page 92

by Madison Smartt Bell


  Jean-François, Général de S.M.C.10

  FROM CHAPTER 17

  Vous demandez si un républicain est libre? Il faut être esclave pour faire une pareille demande. Osez-vous bien, vous Jean-François, qui avez vendu à l’Espagnol vos frères, qui actuellement fouillent les mines de cette détestable nation, pour fournir à l’ostentation de son roi....11

  Toussaint-Louverture à tous ses frères et soeurs actuellement aux Verrettes.

  22 mars 1795

  Frères et soeurs,

  Le moment est arrivé où le voile épais qui obscursissait la lumière doit tomber. On ne doit plus oublier les décrets de la Convention nationale. Ses principes, son amour pour la liberté sont invariables, et désormais il ne peut pas exister d’espoir de l’écroulement de cet édifice sacré. . . .

  Art 6.—Le travail est nécessaire, c’est une vertu; c’est le bien général de l’Etat. Tout homme oisif et errant sera arrêté pour être puni par la loi. Mais le service aussi est conditionné et ce n’est que par une récompense, un salaire justement payé, qu’on peut l’encourager et le porter au suprême degré....12

  FROM CHAPTER 19

  Verrettes, le 23 pluvi ôse, l’an IV de la République française (12 février 1796)

  Mon cher frère et ami,

  Je vous envoie trois de mes officiers, pour vous porter un paquet que le général et gouverneur de Saint Domingue me charge de vous faire parvenir. Malgré que je n’ai pas le plaisir de vous connaître, je sais que, comme moi, vous portez les armes pour la défense de nos droits, pour la liberté générale; que nos amis les commissaires civils Polverel et Sonthonax avaient la plus grande confiance en vous, parce que vous étiez un vrai républicain. Aussi je ne puis croire aux bruits injurieux que l’on fait courir sur vous: que vous avez abandonné votre patrie, pour vous coaliser avec les Anglais, ennemis jurés de notre liberté et égalité.

  Serait ce possible, mon cher ami, qu’au moment où la France triomphe de tous les royalistes et nous reconnaît pour ses enfants, par son décret bienfaisant du 9 thermidor, qu’elle nous accorde tous nos droits pour lesquels nous nous battons, que vous vous laisseriez tromper par nos anciens tyrans, qui ne se servent d’une partie de nos malheureux frères que pour charger les autres de chaînes? Les Espagnols, pendant un temps, m’avaient de même fasciné les yeux, mais je n’ai pas tardé à reconnaître leur scélératesse; je les ai abandonnés et les ai bien battus; j’ai retourné à ma patrie qui m’a reçu à bras ouverts et a bien voulu récompenser mes services. Je vous engage, mon cher frère, de suivre mon exemple. Si quelque raisons particulières, vous empèchaient d’avoir la confiance dans les généraux de brigade Rigaud et Beauvais, le gouverneur Laveaux, qui est notre bon père à tous, et en qui notre mère patrie a mis sa confiance, dois aussi mériter la vôtre. Je pense que vous ne me la refuserez pas aussi à moi, qui suis un noir comme vous, et qui vous assure que je ne désire autre chose dans le monde que de vous voir heureux, vous et tous nos frères. Pour moi, je crois que nous ne pouvons l’être qu’en servant la République française; c’est sous ses drapeaux que nous sommes vraiment libres et égaux. Je vois comme cela, mon cher ami, et je ne crois pas me tromper. S’il m’avait été possible de vous aller voir, j’aurais eu le plaisir de vous embrasser, et je me flatte que vous ne m’auriez pas refusé votre amitié. Vous pouvez vous en rapporter à ce que vous diront mes trois officiers; ce sera la vérité. Si, quand ils reviendront, vous voulez m’envoyer deux ou trois des vôtres, nous causerons ensemble, et je suis sûr que je leur donnerai de si bonnes raisons, qu’ils vous ouvriront les yeux. S’il est possible que les Anglais aient réussi à vous tromper, croyez-moi, mon cher frère, abandonnez-les, réunissez-vous aux bon républicains, et tous ensemble chassons ces royalistes de notre pays: ce sont des scélérats que veulent nous charger encore de ces fers honteux que nous avons eu tant de peine à briser. Malgré tout ce qu’on m’a dit de vous, je ne doute point que vous soyez un bon républicain: ainsi vous devez être uni avec les généraux Rigaud et Beauvais qui sont de bons républicains, puisque notre patrie les a récompensés de leurs services. Quand même vous avez quelques petites tracasseries ensemble, vous ne devez pas vous battre contre eux, parce que la République, qui est notre mère à tous, ne veut pas que nous nous battions contre nos frères. D’ailleurs, c’est toujours le pauvre peuple que en souffre le plus. Quand nous, chefs, nous avons des disputes entre nous, nous ne devons pas faire battre les soldats qui nous sont confiés les uns contre les autres, mais nous devons nous adresser à nos supérieurs qui sont faits pour nous rendre justice et pour nous mettre d’accord. Rappelez-vous, mon cher ami, que la République française est une et indivisible, que c’est ce qui fait sa force et qu’elle a vaincu tous ses ennemis. . . .

  Croyez-moi, mon cher ami, oubliez toute animosité particulière; réconciliez vous avec nos frères Rigaud et Beauvais; ce sont de braves défenseurs de la liberté générale, qui aiment trop leur patrie pour ne pas désirer de tout leur coeur d’être vos amis, ainsi que tout le peuple que vous commandez.

  Malgré que je n’ai pas l’avantage de connaître le commandant Pompée, je vous prie de lui présenter mes civilités.

  Je vous embrasse et vous salue en la patrie, vous et tous nos bons frères.

  Toussaint-Louverture13

  FROM CHAPTER 19

  Paris, 22 fructidor an X (9 septembre 1802)

  Vous voudrez bien vous rendre au château de Joux.

  Vous y ferez une enquête pour savoir comment Dandigné et Suzannet se sont échappés. Vous verrez Toussaint, qui m’a fait écrire par le ministre de la Guerre qu’il avait des choses importantes à me communiquer. En causant avec lui, vous lui ferez connaître l’énormité du crime dont il s’est rendu coupable en portant les armes contre la République; que nous l’avions considéré comme rebelle dès l’instant qu’il avait publié sa constitution; que d’ailleurs le traité avec la régence de la Jamaîque et l’Angleterre nous avait été communiqué par la cour de Londres; vous tâcherez de recueiller tout ce qu’il pourra vous dire sur ces differents objets, ainsi que sur l’existence de ses trésors et les nouvelles politiques qu’il pourraint avoir à vous dire.

  Vous ne manquerez pas de lui faire connaître que, désormais, lui ne peut rien espérer que par le mérite qu’il acquerrait en révélant au Gouvernement des chose importantes, et qu’il a intérêt à connaître.

  Vous recommanderez qu’on ne se relâche en rien de la garde sévère qu’on doit faire pour empêcher qu’un homme comme lui se sauve.

  Bonaparte14

  FROM CHAPTER 19

  On m’a envoyé en France nu comme un ver; on a saisi mes proprietés et mes papiers; on a répandu les calomnies les plus atroces sur mon compte. N’est-ce pas couper les jambes à quelqu’un et lui ordonner à marcher? N’est-ce pas lui couper la langue et lui dire de parler? N’est-ce pas enterrer un homme tout vivant?15

  FROM CHAPTER 24

  6 Messidor, an 4e

  Par une de mes dernières lettres, cher général, je vous ai prévenu que vos enfans pourraient partir pour France sur le vaisseau de soixante-et-quatorze, le Watigny; comme nous devons le faire partir très prochainement, je vous prie de me les envoyer de suite; ils seront logés chez moi, j’aurai pour eux tous les soins de l’amitié jusqu’à leur départ. Vous pouvez compter sur toutes mes sollicitudes, sur celles du général Laveaux pour qu’en France on les elève de manière à répondre à vos vues. Soyez sûr que le ministre de la Marine, mon ami particulier, leur prodiguera tous les secours de la République. . . .

  Sonthonax16

  FROM CHAPTER 24

  Quartier Général des Cahos, le 30 thermidor, l’an 4 de la République française, une et indivisible (17 avril 1796)

  Toussaint-Louverture, Général de Division et Commandant en Chef du Département de L’Ouest, à Etienne Laveaux, Général en Chef de Saint-Domingue.

  Mon Général, Mon Père, Mon Bon Ami,

  Comme je prévois avec chagrin qu’il vous arrivera dans ce malheureux pays, pour l
equel et pour ceux qui l’habitent vous avez sacrifié votre vie, votre femme, vos enfants, des désagréments, et que je ne voudrais pas avoir la douleur d’en être spectateur, je désirais que vous fussiez nommé député pour que vous puissiez avoir la satisfaction de revoir votre patrie et être à l’abri des factions qui s’enfantent à Saint Domingue et je serai assuré et pour tous mes frères d’avoir pour la cause que nous combattons le plus zélé defenseur. Oui, général, mon père, mon bienfaiteur, la France possède bien des hommes mais quel est celui qui sera à jamais le vrai ami des noirs comme vous? Il n’y en aura jamais.

  Le citoyen Lacroix est le porteur de ma lettre; c’est mon ami, c’est le vôtre, vous pouvez lui confier quelque chose de vos réflexions sur notre position actuelle; il vous dira tout ce que j’en pense, qu’il serait essentiel que nous nous voyions et que nous causions ensemble. Que des choses j’ai à vous dire! . . .

  Je n’ai pas besoin par des expressions de vous témoigner l’amitié et la reconnaissance que je vous ai. Je vous suis assez connu.

  Je vous embrasse mille fois et soyez assuré que si mon désir et mes souhaits sont accomplis, vous pourrez dire que vous aurez à St.-Domingue l’ami le plus sincère que jamais il y en ait eu.

  Votre fils, votre fidèle ami,

  Toussaint-Louverture17

  FROM CHAPTER 24

  Aux citoyens de Saint-Louis-du-Nord

  Liberté Égalité

  PROCLAMATION

  Toussaint-Louverture, général de brigade et lieutenant au gouvernement de Saint-Domingue

  J’apprends avec indignation, que des êtres pervers, désorganisateurs, perturbateurs du repos public, des ennemis de la liberté générale et de la sainte égalité, cherchent par des intrigues infâmes à faire perdre à mes frères de la commune de Saint-Louis-du-Nord le glorieux titre de citoyens français. Jusqu’à quand vous laisserez-vous conduire comme des aveugles par vos plus dangereux ennemis? O vous, Africains mes frères! vous qui m’avez coûté tant de fatiques, de travaux, de misères! Vous dont la liberté est scellée de la moitié de plus pur de votre sang. Jusqu’à quand aurai-je la douleur de voir mes enfants égarés fuir les conseils d’un père qui les idolâtre! . . .

  Quel fruit espérez-vous retirer des désordres dans lesquels on cherche à vous entraîner? Vous avez la liberté, que pouvez-vous prétendre de plus! Que dira le peuple français lorsqu’il apprendra qu’après le don qu’il vient de vous faire, vous avez porté l’ingratitude jusqu’à tremper vos mains dans le sang de ses enfants. . . .18

  Ils osent, ces scélérats, vous débiter que la France veut vous rendre à l’esclavage! . . . comment pourriez-vous ajouter foi à des calomnies si atroces? Ignorez-vous ce que la France a sacrifié pour la liberté générale, pour les droits de l’homme, pour le bonheur, pour la félicité des hommes?

  Faites bien attention, mes frères, qu’il y a plus de noirs dans la colonie qu’il n’y a d’hommes de couleur et d’hommes blancs ensemble, et que s’il y arrive quelques désordres, ce sera à nous, noirs, que la République s’en prendra, parce que nous sommes les plus forts et que c’est à nous à maintenir l’ordre et la tranquilité par le bon exemple.

  FROM CHAPTER 25

  Toussaint-Louverture, Général en Chef de Saint-Domingue, à Etienne Laveaux, Représentant du peuple, Député de St.-Domingue au Corps Législatif.

  Gonaives, le 4 prairial, an 5 de la République Française, une et indivisible (23 mai 1797)

  Mon cher représentant,

  Depuis votre départ et jusqu’à ce jour, je suis encore privé de la douce satisfaction de recevoir de vos chères nouvelles. Je vous ai écrit plusieurs fois et suis encore dans l’incertitude que mes lettres vous soient parvenues heureusement. Puisse celle-ci vous être remise aussi promptement que je le désire.

  Pénétré de l’intérêt particulier que vous prenez à la colonie française, je vous dois compte de la position où se trouvent en ce moment les parties qui sont confiées à ma surveillance et à ma défense, et c’est avec la joie que m’inspire mon attachement sincère et mon entier dévouement aux intérêts de la République, que je vous apprendrai l’heureuse réussite de mes dernières entre-prises sur les quartiers du Mirebalais, de la Montagne des Grands-Bois, de Las Cahobas, de Banica, Saint Jean et Niebel qui sont entièrement en notre possession en ce moment. Les anglais, nos ennemis, effrayés de la marche courageuse qu’ont dévelopée sur eux les braves défenseurs de la République en quittant ces points importants, n’ont pu s’échapper qu’avec une faîble partie de leur artillerie; l’autre est restée dans notre pouvoir. Resserrés dans de faîbles parties de la colonie, ils ne tarderont point à sentir leurs efforts impuissants et leur insuffisante opposition à la juste cause que défendent les républicains français. . . .

  En vous réitérant parculièrement l’assurance de l’attachement que vous m’avez inspiré, je vous prie d’être l’organe de mes sentiments respectueux et de ceux de mon épouse, auprès de la votre et de votre chère famille, et croyez que les liens de notre amitié ne finiront qu’avec moi.

  Salut et amitié

  Toussaint-Louverture19

  FROM CHAPTER 26

  Toussaint-Louverture, général en chef de l’armée de Saint-Domingue, au citoyen Sonthonax, représentant du peuple et commissaire délégué aux îles Sous-le-Vent.

  Quartier général du Cap français, le 3 fructidor, an V (20 août 1797)

  Citoyen Représentant,

  Privés depuis longtemps de nouvelles du gouvernement, ce long silence affecte les vrais amis de la République. Les ennemis de l’ordre et de la liberté cherchent à profiter de l’ignorance où nous sommes pour faire circuler des nouvelles dont le but est de jeter le trouble dans la colonie.

  Dans ces circonstances, il est nécessaire qu’un homme instruit des évènements et qui a été le témoin des changements qui ont produit sa restauration et sa tranquillité, veuille bien se rendre auprès du Directoire exécutif pour lui faire connaître la vérité.

  Nommé député de la colonie au corps législatif, des circonstances impérieuses vous firent un devoir de rester quelque temps encore au milieu de nous; alors votre présence était nécessaire: des troubles nous avaient agités, il fallait les calmer.

  Aujourd’hui que l’ordre, la paix, le zèle pour le rétablissement des cultures, nos succès sur nos ennemis extérieurs et leur impuissance vous permettent de vous rendre à vos fonctions, allez dire à la France ce que vous avez vu, les prodiges dont vous avez été témoin et soyez toujours le défenseur de la cause que nous avons embrassée, dont nous serons les éternels soldats.

  Salut et respet.

  (multiple signature)20

  FROM CHAPTER 26

  5 novembre 1797

  Toussaint-Louverture, général en chef de l’armée de Saint-Domingue, au Directoire exécutif de la République française

  . . . Il tient à vous, citoyens directeurs, de détourner de dessus nos têtes, la tempête que les éternels ennemis de notre liberté préparent à l’ombre du silence. Il tient à vous d’éclairer la législature, il tient à vous d’empêcher les ennemis du système actuel de se répandre sur nos côtes malheureuses pour les souiller de nouveaux crimes. Ne permettez pas que nos frères, nos amis, soient sacrifiés à des hommes qui veulent régner sur des ruines del’ espèce humaine. Mais vous, votre sagesse vous donnera les moyens d’éviter les pièges dangereux que vous tendent nos ennemis communs. Je vous envoie, avec cette lettre, une déclaration qui vous fera connaître l’unité qui existe entre les propriétaires de Saint-Domingue qui sont en France, ceux des Etats-Unis et ceux qui servent sous le drapeau anglais. Vous y verrez que leur souci de réussir les a conduits à s’envelopper du manteau de la liberté de manière à lui porter des coups d’autant plus mortels. Vous verrez qu’ils comptent fermement sur ma complaisance de me prêter à leurs vues perfides par la crainte pour mes enfants. Il n’est pas étonnant que ces hommes qui sacrifient leur pays à leurs intérêts soient incapables de concevoir combien un père mieux qu’eux
peut supporter de sacrifices par amour de sa patrie, étant donné que je fonde sans hésiter le bonheur de mes enfants sur celui de ma patrie, qu’eux et eux seuls veulent détruire. Je n’hésiterai jamais entre la sécurité de Saint Domingue et mon bonheur per sonel, mais je n’ai rien à craindre. C’est à la sollicitude du gouvernement français que j’ai confié mes enfants. Je tremblerais d’horreur si je les envoyés comme otages entre les mains des colonialistes. Mais même si cela était, faites leur savoir qu’en les punissant de la fidélité de leur père, ils ne ferais qu’ajouter à leur barbarie, sans aucune espoir de me faire manquer jamais à mon devoir. . . .

  Aveugles qu’ils sont! ils ne peuvent s’apercevoir combien cette conduite odieuse de leur part peut devenir le signal de nouveaux désastres et de malheurs irréparables et que, loin de leur faire regagner ce qu’à ses yeux la liberté de tous leur fait perdre, ils s’exposent à une ruine totale et la colonie à sa destruction inevitable. Pensent-ils que des hommes qui ont été à même de jouir des bienfaits de la liberté, regarderont calmement qu’on les leur ravisse? Ils ont supporté leurs chaînes tant qu’ils ne connaissent aucune condition de vie plus heureuse que celle de l’esclavage. Mais aujourd’hui qu’ils l’ont quittée, s’ils avaient un millier de vies, ils les sacrifieraient plutôt que d’être de nouveau soumis à l’esclavage. Mais non, la main qui a rompu nos chaînes ne nous asservira pas à nouveau. La France ne reniera ses principes. . . . Mais, si pour rétablir l’esclavage à Saint Domingue, on faisait cela, alors je vous déclare, ce serait tenter l’impossible; nous avons su affronter des dangers pour obtenir notre liberté, nous saurons affronter la mort pour la maintenir. Voilà, citoyens directeurs, la morale de la population de Saint Domingue, voilà les principes qu’elle vous transport par mon intermédiaire. . . .21

 

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