Les chasseurs de mammouths

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Les chasseurs de mammouths Page 74

by Jean M. Auel


  Cet outil évoquait Ayla elle-même. Il représentait en quelque sorte l’énigme qu’elle incarnait : ses contradictions apparentes ; sa visible candeur, tout enveloppée de mystère ; sa simplicité, imprégnée d’un antique savoir ; sa sincérité ; sa naïveté, encloses dans la richesse ; et la profondeur de son expérience. Il décida de garder le perçoir, en souvenir d’elle, l’enveloppa, pour l’emporter, dans les morceaux de peau.

  Le festin eut lieu dans la chaleur de l’après-midi. Il se déroula dans le foyer de la cuisine, mais on avait relevé et attaché les lourds rabats de peau de l’abri des chevaux, afin de faciliter la circulation de l’air frais et celle des convives. Bon nombre des festivités se tenaient dehors, en particulier les jeux et les concours – la lutte semblait être un sport de printemps favori –, ainsi que les chants et les danses.

  On échangeait des présents, en signe de chance, de bonheur, de bonne volonté, à l’imitation de la Grande Terre Mère qui, une fois encore, apportait à la terre la chaleur et la vie, et pour montrer qu’on appréciait les dons qu’Elle déversait sur Ses créatures. Il s’agissait généralement de cadeaux sans grande importance : des ceintures, des gaines pour les couteaux, des dents d’animaux percées d’un trou ou creusées d’une rainure afin de pouvoir les accrocher en guise de pendentifs, des rangs de perles qu’on pouvait porter tels quels ou coudre sur des vêtements. Cette année-là, le tout nouveau tireur de fil remportait un grand succès, qu’on le donnât ou le reçût, ainsi que l’étui où le ranger, fait d’un petit tube d’ivoire ou d’un os d’oiseau creux. Nezzie la première en avait eu l’idée : elle portait son étui, avec le petit carré de peau de mammouth qui lui servait de dé, dans son sac à coudre richement décoré. Plusieurs autres femmes l’avaient imitée.

  Les pierres à feu possédées par chaque foyer étaient considérées comme magiques et tenues pour sacrées. On les gardait dans une niche, avec l’effigie de la Mère. Mais Barzec offrit plusieurs nécessaires dont il avait imaginé le modèle, et qui furent l’objet du plus vif enthousiasme. Ils étaient commodes à porter, contenaient des matériaux facilement inflammables sous l’effet d’une étincelle – des fibres végétales duveteuses, de la bouse séchée et pulvérisée, des éclats de bois – et ménageaient une place à la pierre à feu et au silex, lorsqu’on voyageait.

  Quand le vent du soir rafraîchit l’atmosphère, le Camp abrita à l’intérieur ses sentiments chaleureux et referma les lourds rabats. On passa un certain temps à s’installer, à revêtir les tenues de cérémonie, à placer les derniers éléments décoratifs, à remplir les coupes d’un breuvage favori, tisane aux herbes ou bouza de Talut. Tout le monde se rendit ensuite au Foyer du Mammouth pour assister à la partie la plus importante de la Fête du Printemps.

  Ayla et Deegie firent signe à Latie de venir s’asseoir avec elles : elle était presque leur égale, à présent, presque une jeune femme. Sur son passage, Danug et Druwez levèrent des regards empreints d’une timidité inaccoutumée. Elle carra les épaules, redressa la tête mais s’abstint de leur adresser la parole. Ils la suivirent des yeux. Lorsqu’elle s’installa entre les deux amies, Latie souriait : elle avait l’impression d’être devenue un personnage et de se trouver tout à fait à sa place.

  Du temps où ils étaient enfants, elle était la compagne de jeux, l’amie des deux garçons, mais elle n’était plus une enfant, elle n’était pas une gamine que de jeunes mâles pouvaient ignorer, dédaigner. Elle était passée dans un monde attirant et magique, un peu inquiétant et parfaitement mystérieux, celui des femmes. Son corps avait changé de forme, elle pouvait éveiller dans le corps des garçons des émotions, des réactions inattendues, incontrôlables, rien qu’en passant devant eux. Un regard d’elle suffisait à les déconcerter.

  Mais ils avaient entendu parler d’un phénomène plus intimidant encore. Elle pouvait, sans être blessée, faire sortir du sang de son corps, sans apparemment en souffrir, ce qui la mettait en quelque sorte en mesure d’absorber en elle-même la magie de la Mère. Sans comprendre comment, ils savaient qu’un jour elle mettrait au monde une vie nouvelle tirée de son propre corps. Un jour, Latie produirait des enfants. Mais un homme devrait d’abord faire d’elle une femme. Tel serait leur rôle... pas avec Latie, naturellement : elle était pour eux une sœur, une cousine, une parente trop proche. Mais, un jour, quand ils auraient acquis plus d’expérience, ils seraient peut-être choisis pour s’acquitter de cette importante fonction. En effet, même si elle pouvait saigner sans blessure, une fille était incapable de produire des enfants jusqu’à ce qu’un homme eût fait d’elle une femme.

  La prochaine Réunion d’Été apporterait des révélations aux deux jeunes hommes, à Danug surtout, puisqu’il était l’aîné des deux. Aucune contrainte ne s’exercerait sur eux, mais, lorsqu’ils seraient prêts, des femmes, qui s’étaient vouées à la Mère pour une saison, accueilleraient les jeunes gens, leur apporteraient l’expérience nécessaire, leur enseigneraient les voies et les joies mystérieuses des femmes.

  Tulie s’avança jusqu’au centre du groupe. Elle tenait haut le Bâton Qui Parle et le secouait en attendant que tout le monde fasse silence. Quand l’attention de tous se fut fixée sur elle, elle passa le bâton d’ivoire décoré à Talut qui était en grande tenue jusqu’à sa coiffure ornée de défenses de mammouth. Mamut apparut, vêtu d’une cape de cuir blanc, richement décorée. Il tenait une tige de bois habilement conçue qui semblait faite d’une seule pièce, mais une des extrémités était formée d’une branche sèche, nue, morte, tandis que l’autre était couverte de bourgeons et de petites feuilles vertes. Il la tendit à Tulie. En sa qualité de Femme Qui Ordonne, il lui appartenait d’ouvrir la Fête du Printemps. Le printemps était la saison des femmes, l’époque des naissances et d’une vie nouvelle, l’époque des recommencements. Elle prit la tige double dans ses deux mains, l’éleva au-dessus de sa tête, s’immobilisa un instant, afin de laisser à son geste le temps de produire tout son effet. Après quoi, d’un mouvement brusque, elle abattit la tige sur son genou, la brisa en deux parties, pour symboliser la fin de l’année écoulée et le début de l’année nouvelle. C’était le signe qui annonçait le début des cérémonies de la soirée.

  — Au cours du dernier cycle, commença Tulie, la Mère nous a comblés de Ses faveurs. Nous avons tant de bienfaits à célébrer qu’il nous sera malaisé de choisir l’événement le plus significatif pour marquer la place de l’année parmi les autres. Ayla a été adoptée par les Mamutoï, et nous avons ainsi parmi nous une femme nouvelle. La Mère a choisi Latie pour la rendre prête à devenir femme, ce qui nous en fera bientôt une autre.

  Ayla fut surprise d’entendre citer son nom.

  — Nous avons aussi un nouveau petit enfant, auquel nous devons donner un nom et sa place parmi nous, et une nouvelle Union va être annoncée.

  Jondalar ferma les yeux, avala convulsivement sa salive. Tulie poursuivit :

  — Nous sommes parvenus à la fin de l’hiver sans accidents et en bonne santé. Il est temps pour le cycle de recommencer.

  Quand Jondalar rouvrit les yeux, Talut s’était avancé et tenait le Bâton Qui Parle. Il vit Nezzie faire signe à Latie. La jeune fille se leva, adressa un petit sourire nerveux aux deux jeunes femmes qui l’avaient si bien soutenue, avant de s’approcher du géant à la chevelure flamboyante qui était l’homme de son foyer. Talut lui sourit, pour l’encourager, avec une affection profonde. Elle vit Wymez, à côté de Nezzie. Son sourire, s’il était moins communicatif, exprimait autant de fierté et de tendresse pour la fille de sa sœur, sa propre héritière, qui serait bientôt une femme. Pour tous, le moment était important.

  — Je suis très fier d’annoncer que Latie, première fille du Foyer du Lion, a été rendue prête à devenir une femme, déclara Talut, et de proclamer qu’elle fera partie de la Célébration de la Féminité, à la Réunion de cet été.

  Mamut s’avança vers elle, lui tendit un objet.

  — Voici ta muta, Latie, dit-il. Avec l’esprit de la Mère qui l’ha
bite, tu pourras un jour créer toi-même un foyer. Conserve-la dans un endroit sûr.

  Latie reçut l’objet sculpté dans l’ivoire et regagna sa place, où elle prit plaisir à faire voir sa muta à ceux qui l’entouraient. Ayla, très intéressée, savait que la muta avait été faite par Ranec, puisqu’elle en avait une semblable, et, au souvenir des mots qui venaient d’être prononcés, elle commençait à comprendre pourquoi il la lui avait offerte. Il lui fallait une muta pour fonder un foyer avec lui.

  — Ranec doit travailler sur une idée nouvelle, remarqua Deegie, en examinant la figurine mi-femme, mi-oiseau. Je n’en avais jamais vu de semblable. Elle sort de l’ordinaire. Je ne suis pas sûre d’en comprendre la signification. La mienne ressemble davantage à une femme.

  — Il m’en a offert une comme celle de Latie, dit Ayla. J’ai pensé qu’elle était à la fois une femme et un oiseau, selon l’angle sous lequel on la regarde.

  Ayla prit entre ses mains la muta de Latie, la tourna d’un côté et de l’autre.

  — Ranec m’a dit qu’il voulait représenter la Mère sous Sa forme spirituelle.

  — Oui, je m’en rends compte, maintenant que tu me l’as montrée, reconnut Deegie.

  Elle rendit la petite figurine à Latie qui la nicha précautionneusement au creux de ses mains.

  — Elle me plaît, déclara la jeune fille. Ce n’est pas celle de tout le monde, et elle possède une signification particulière.

  Elle était heureuse que Ranec lui eût offert une muta unique en son genre. Même s’il n’avait jamais vécu au Foyer du Lion, Ranec était son frère, lui aussi, mais beaucoup plus âgé que Danug, et elle le considérait plutôt comme un oncle que comme un frère. Elle ne le comprenait pas toujours, mais elle l’admirait et elle savait que tous les Mamutoï le tenaient en grande estime pour son talent de sculpteur. N’importe quelle muta de sa main lui aurait fait plaisir, mais elle était heureuse qu’il lui en eût donné une semblable à celle d’Ayla. S’il l’avait offerte à la jeune femme, c’est qu’il la considérait comme ce qu’il avait fait de meilleur.

  La cérémonie qui allait donner un nom à l’enfant de Fralie avait déjà commencé. Les trois jeunes femmes reportèrent leur attention sur son déroulement. Ayla reconnut la plaque d’ivoire gravée de signes que Talut élevait très haut. Elle connut un moment d’inquiétude, au souvenir de son adoption. Mais la cérémonie était manifestement très courante. Mamut devait savoir que faire. Ayla regarda Fralie présenter son bébé au chaman et au chef du Camp du Lion et se remémora soudain une autre cérémonie du même genre. Cette fois aussi, le printemps avait commencé, mais c’était elle, alors, qui était la mère, et, s’attendant au pire, elle avait présenté son enfant avec crainte.

  Elle entendit Mamut demander :

  — Quel nom as-tu choisi pour cet enfant ? Et Fralie répondit :

  — Elle doit être appelée Bectie.

  Mais, dans l’esprit d’Ayla, la voix de Creb disait : Durc. Le nom du garçon est Durc.

  Des larmes lui montèrent aux yeux : elle retrouvait sa gratitude, quand Brun avait accepté son fils, quand Creb lui avait donné un nom. Elle releva la tête, vit Rydag. Assis parmi d’autres enfants, Loup sur ses genoux, il la regardait avec ces grands yeux bruns, emplis d’une antique sagesse, qui lui rappelaient tant ceux de Durc. Elle éprouva un désir soudain, violent de revoir son fils, mais au même instant, une pensée la frappa. Durc était d’esprits mêlés, comme Rydag, mais il était né au sein du Clan, il avait été accepté par le Clan, élevé par le Clan. Son fils faisait partie du Clan, et elle-même était morte, pour le Clan. Elle frissonna, tenta de chasser cette idée.

  Le cri de surprise et de douleur d’un tout petit enfant ramena l’attention d’Ayla sur la cérémonie. La pointe d’un couteau avait entaillé le bras du bébé, et l’on avait gravé une marque sur la plaque d’ivoire. Bectie portait son nom, elle comptait au nombre des Mamutoï. Mamut versait sur le bras blessé la solution piquante. Du coup, la toute petite, qui n’avait jamais connu la souffrance, exprima son déplaisir avec plus de violence encore. Ses piaillements insistants amenèrent un sourire sur les lèvres d’Ayla. En dépit de sa naissance prématurée, Bectie avait pris de la vigueur. Elle avait assez de force pour crier. Fralie leva sa petite fille pour la montrer à toute l’assistance. Elle la reprit ensuite dans ses bras, entama, d’une voix haute et douce, un chant de joie et de réconfort qui apaisa l’enfant. Lorsqu’elle se tut, Fralie alla reprendre sa place auprès de Frébec et de Crozie. Un moment après, Bectie se remit à pleurer, mais ses cris cessèrent avec une soudaineté qui montra qu’on lui avait offert le meilleur des réconforts.

  Deegie poussa Ayla du coude. Le moment était venu, comprit celle-ci : c’était son tour. On lui faisait signe d’avancer. L’espace d’un instant, elle se trouva incapable de bouger. Il lui prit ensuite l’envie de se sauver, mais elle n’avait nulle part où aller. Elle ne voulait pas faire cette Promesse à Ranec. C’était Jondalar qu’elle voulait. Elle avait envie de le supplier de ne pas partir sans elle. Mais, en levant les yeux, elle vit le visage ardent, heureux, souriant de Ranec. Elle reprit longuement son souffle, se leva. Jondalar ne voulait plus d’elle, et elle avait dit à Ranec qu’elle ferait cette Promesse. A regret, Ayla s’avança vers les deux chefs du Camp.

  L’homme à la peau sombre la regarda venir dans sa direction, sortir de l’ombre pour entrer dans la lumière du feu, et sa gorge se noua. Elle portait la tenue de cuir pâle qui lui avait offerte Deegie, et qui lui allait si bien, mais sa chevelure n’était pas coiffée en nattes ni en chignon, elle n’avait pas, à la manière des femmes mamutoï, incorporé des perles ou d’autres ornements. Par déférence pour la cérémonie de la racine du Clan, elle avait laissé ses cheveux retomber librement sur ses épaules. Les épaisses vagues brillantes luisaient à la lumière du feu et encadraient d’un halo d’or son merveilleux visage délicatement modelé. A cet instant, Ranec se sentit convaincu d’avoir devant lui une incarnation de la Mère, née du corps du parfait Esprit de la Femme. Il la désirait tellement comme compagne que ce désir en devenait presque douloureux. Il avait peine à croire que cette nuit se déroulât dans la réalité.

  Ranec n’était pas le seul à être ébloui par sa beauté. Lorsqu’elle entra dans le cercle de lumière, le Camp tout entier fut saisi de surprise. La tenue mamutoï, d’une élégante richesse, et la magnifique beauté naturelle de sa chevelure s’associaient en une bouleversante combinaison, encore rehaussée par cet éclairage dramatique. Talut pensait à la valeur supplémentaire qu’elle apporterait au Camp. Tulie était décidée à fixer très haut le Prix de la Femme, même si elle devait en verser elle-même la moitié, à cause du prestige dont ils bénéficieraient tous. Mamut, déjà convaincu qu’elle était destinée à Servir la Mère dans un rôle très important, remarqua son instinct pour choisir le bon moment, pour produire un effet dramatique. Un jour, il le comprit, elle représenterait une force avec laquelle il faudrait compter.

  Mais personne ne perçut le choc comme le fit Jondalar. Sa beauté l’éblouissait tout autant que Ranec. Mais la mère de Jondalar avait commandé, et, après elle, son frère. Dalanar avait fondé et dirigé un autre groupe, et Zolena avait atteint le plus haut rang de la Zélandonia. Jondalar avait grandi parmi les chefs naturels de son propre peuple et son intuition lui disait les qualités que les deux chefs et le chaman du Camp du Lion avaient remarquées chez Ayla. Comme si quelqu’un lui avait lancé un coup de pied dans l’estomac et lui avait coupé le souffle, il comprit tout à coup ce qu’il avait perdu.

  Dès qu’Ayla se trouva aux côtés de Ranec, Tulie commença :

  — Ranec des Mamutoï, fils du Foyer du Renard dans le Camp du Lion, tu as demandé à Ayla des Mamutoï, fille du Foyer du Mammouth dans le Camp du Lion, de se joindre à toi pour former une Union et créer un foyer. Est-ce vrai, Ranec ?

  — Oui, c’est vrai, répondit-il.

  Il se tourna vers Ayla, avec un sourire de joie absolue. Talut s’adressa alors à Ayla :

  — Ayla des Mamutoï,
fille du Foyer du Mammouth dans le Camp du Lion, protégée par l’Esprit du Lion des Cavernes, acceptes-tu cette Union avec Ranec, fils du Foyer du Renard dans le Camp du Lion ?

  Elle ferma les yeux, ravala sa salive avant de répondre, d’une voix à peine audible :

  — Oui, je l’accepte.

  Jondalar, assis derrière les autres, adossé au mur, ferma les paupières, serra les dents, au point de ressentir des élancements aux tempes. C’était sa faute. S’il ne l’avait pas forcée, elle ne se serait peut-être pas donnée maintenant à Ranec. Mais elle l’avait déjà fait, elle avait partagé son lit. Dès le jour où elle avait été adoptée par les Mamutoï, elle avait partagé son lit. Non, il devait le reconnaître, ce n’était pas tout à fait vrai. Après cette première nuit, elle n’avait plus rejoint le sculpteur dans son lit jusqu’au jour où, à la suite de cette stupide querelle, il avait quitté le Foyer du Mammouth. Pourquoi s’étaient-ils querellés ? Il ne ressentait pas de colère contre elle, il était inquiet à son sujet. Alors, pourquoi avait-il quitté le Foyer du Mammouth ?

  Tulie se tourna vers Wymez, qui se tenait près de Ranec, à côté de Nezzie. Ayla ne l’avait même pas remarqué.

  — Acceptes-tu cette Union entre le fils du Foyer du Renard et la fille du Foyer du Mammouth ?

 

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