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TENTATION

Page 7

by Stephenie Meyer


  — Alice est déjà partie ?

  Je n'en revenais pas.

  — Elle aurait souhaité t'expliquer. Je l'ai persuadée qu'une rupture brutale valait mieux. Pour toi.

  J'avais le vertige. Je n'arrivais plus à me concentrer. Je m'efforçai de respirer normalement. Il fallait que je m'accroche, que je m'extirpe de ce cauchemar.

  — Adieu, Bella, dit-il de la même voix paisible.

  — Attends ! m'écriai-je en tendant le bras, suppliant mes jambes sans vie de me porter vers lui.

  Je crus qu'il répondait à ma supplique, mais ses mains froides emprisonnèrent seulement mes poignets et les plaquèrent contre mon corps. Il se pencha, lèvres serrées, et déposa un baiser furtif sur mon front. Je le sentis à peine. Mes yeux se fermèrent.

  — Fais attention à toi, chuchota-t-il, et son haleine fraîche effleura ma peau.

  Il y eut un éclair, un souffle inattendu. Mes paupières se soulevèrent d'un coup. Les feuilles d'un petit érable s'agitaient encore dans la brise que son brusque départ avait provoquée. Je l'avais perdu.

  Je le suivis d'un pas mal assuré, inconsciente de la vanité de mon geste. Il ne subsistait aucune trace de son passage : nulle empreinte, nul mouvement. Je marchai quand même sans réfléchir. Je n'étais capable de rien d'autre. Il fallait que je bouge. Si je cessais de le chercher, c'en était fini. De l'amour, de la vie, de la raison... fini. J'avançai, j'avançai encore, j'avançai toujours. Les heures défilaient qui ne semblaient que des secondes. Peut-être le temps s'était-il arrêté parce que, aussi loin que je m'y enfonce, la forêt était immuable. L'idée me traversa, inquiétante, que je tournais en rond, un tout petit rond ; je n'en continuai pas moins. Je trébuchai souvent. Au fur et à mesure que l'obscurité s'installait, je tombai beaucoup aussi.

  Je finis par me prendre les pieds dans quelque chose — je ne vis pas de quoi il s'agissait dans le noir — et, cette fois, je ne me relevai pas. Je roulai sur le flanc de façon à pouvoir respirer et me mis en chien de fusil, à même les fougères humides. Ainsi allongée, j'eus l'impression qu'il s'était écoulé bien plus de temps que je ne l'avais estimé. Je ne me rappelais plus depuis combien d'heures le soleil s'était couché. Les nuits étaient-elles donc toujours aussi sombres, ici ? Une règle existait sûrement, qui édictait qu'un peu de la lueur lunaire perçât à travers les nuages et les crevées de la ramure jusqu'au sol. Pas aujourd'hui, cependant. Aujourd'hui, le ciel était couleur d'encre. Il n'y avait peut-être pas de lune ; il y avait peut-être une éclipse ; ou alors, c'était la nouvelle lune. La nouvelle lune. Je grelottais, bien que je n'eusse pas froid.

  Je passai de longs moments dans les ténèbres avant d'entendre les cris. On me hélait. Les appels avaient beau être sourds, étouffés par la végétation mouillée qui m'entourait, c'était bien mon prénom qui résonnait. Je n'identifiai pas la voix. Je faillis me manifester, mais j'étais dans un état second et, le temps que j'arrive à la conclusion qu'il me fallait répondre, il était trop tard — les cris avaient cessé.

  Plus tard, la pluie me réveilla. Je ne crois pas m'être vraiment endormie, j'étais juste perdue dans une torpeur ahurie et je m'accrochais comme une naufragée à l'engourdissement qui m'empêchait de comprendre ce que je refusais de comprendre. La pluie m'inquiéta un peu. Elle était glacée. Déliant mes bras de mes jambes, je m'en protégeai la figure. C'est alors que je perçus de nouveaux appels. Ils étaient plus loin, à présent. Parfois, il semblait que plusieurs personnes hurlaient mon nom en même temps. J'essayai de respirer profondément. L'idée m'effleura qu'il aurait été bien que je signale ma présence, sauf que j'étais quasiment sûre d'être inaudible. L'énergie me manquait.

  Soudain se produisit un autre bruit, dangereusement proche. Une sorte de reniflement, quelque chose d'animal. Une grosse bête, apparemment. Devais-je avoir peur ? Je n'en eus pas la force, j'étais trop hébétée. De toute façon, les espèces d'ébrouements s'éloignèrent rapidement.

  Il ne cessait de pleuvoir, une flaque se formait au niveau de ma joue. J'étais en train de rassembler mon courage pour tourner la tête lorsque je distinguai de la lumière. D'abord rien qu'une lueur faiblarde qui se réfléchissait sur le feuillage des buissons ; elle grossit, de plus en plus vive, formant un vaste cône brillant qui différait du mince faisceau que crée une lampe de poche. Cette marée lumineuse franchit les derniers bosquets, et j'identifiai une lanterne à propane. Rien d'autre, car sa violente clarté m'aveuglait.

  — Bella.

  Cette basse ne m'était pas familière, même si ses inflexions montraient que son propriétaire m'avait reconnue, lui. Il n'avait pas prononcé mon prénom comme on crie ; il constatait simplement qu'il m'avait retrouvée. Je regardai — haut, mon Dieu tellement haut ! — le visage sombre qui me dominait. Je songeai que cet étranger ne me paraissait si grand que parce que j'étais couchée.

  — Quelqu'un t'a fait du mal ?

  Si ces mots avaient un sens, il m'échappa, et je continuai à scruter l'homme avec stupeur. La signification des choses ne comptait plus, à ce stade.

  — Bella, je m'appelle Sam Uley.

  Un nom qui ne me disait rien.

  — Charlie m'a envoyé à ta recherche.

  Charlie ? Ça m'évoquait quelqu'un, ça. Je tentai d'être un peu plus attentive à ce que ce type racontait. Dans mon brouillard, rien n'avait plus d'importance, sauf Charlie. Le géant tendit la main. Je la contemplai sans trop savoir ce que j'étais censée en faire. Ses yeux noirs m'examinèrent pendant quelques secondes, puis il haussa les épaules. D'un geste souple et rapide, il me prit dans ses bras.

  Je me laissai ballotter telle une chiffe au rythme de ses grandes enjambées à travers les bois trempés. Quelque part au fond de moi, une voix me morigénait — j'aurais dû protester : les bras d'un inconnu ? Quelle horreur ! Mais une coquille vide ne proteste pas. Il me sembla que nous ne mîmes pas longtemps à nous retrouver au milieu de lampes et de bavardages masculins aux sonorités graves. Sam Uley ralentit.

  — Je l'ai ! brailla-t-il.

  Les conversations s'interrompirent avant de repartir de plus belle. Un tourbillon de visages flous virevolta au-dessus de moi. Les accents de Sam étaient les seuls qui, dans la confusion, eussent un vague sens, sûrement parce que j'avais l'oreille collée à son torse.

  — Non, je crois qu'elle n'a rien, expliquait-il à quelqu'un. C'est juste qu'elle n'arrête pas de répéter « Il est parti ».

  Avais-je dit ça tout fort ? Je me mordis les lèvres.

  — Bella, chérie, ça va ?

  C'était là une voix que j'aurais reconnue n'importe où, même déformée par l'inquiétude, comme en cet instant.

  — Charlie ?

  La mienne me parut étrangère et toute petite.

  — Je suis là, chérie.

  Il y eut du mouvement sous moi, puis l'odeur de la veste en cuir réglementaire de mon shérif de père. Charlie vacilla sous mon poids.

  — Il vaut peut-être mieux que je la porte, proposa Sam Uley.

  — C'est bon, je la tiens, répliqua Charlie, le souffle court.

  Il tituba. J'aurais voulu lui intimer de me poser par terre et de me laisser marcher, mais j'avais de nouveau perdu ma langue. Partout resplendissaient des lumières, brandies par ceux qui nous accompagnaient. J'avais l'impression d'un défilé. Ou d'un enterrement. Je fermai les paupières.

  — On y est presque, chérie, marmonnait Charlie de temps à autre.

  Je rouvris les yeux en entendant la serrure cliqueter. Nous étions sur le porche de la maison, et le géant à la peau sombre appelé Sam tenait la porte à Charlie, un bras tendu comme pour se préparer à me rattraper au cas où mon père me lâcherait. Il réussit cependant à me déposer sans heurt sur le canapé.

  — Je suis toute mouillée, papa, objectai-je doucement.

  — On s'en fiche, grommela-t-il. Il y a des couvertures dans le placard en haut de l'escalier, ajouta-t-il à l'intention de quelqu'un.

  — Bella ? s'enquit une nouvelle voix.

  Je dévisageai un homme aux cheveux gris qui se penc
hait sur moi. Au bout de quelques secondes, un déclic se produisit.

  — Docteur Gerandy ?

  — C'est bien ça, petite. Tu as mal ?

  Il me fallut une bonne minute de réflexion. Sam Uley m'avait demandé la même chose dans la forêt, et ça me perturbait. Parce qu'il l'avait formulée différemment : « Quelqu'un t'a fait du mal ? » La différence semblait avoir de l'importance. Gerandy attendait, un sourcil grisonnant soulevé, interrogateur, soucieux.

  — Non, je n'ai pas mal, mentis-je.

  Sa paume tiède se posa sur mon front, ses doigts pressèrent l'intérieur de mon poignet. Je vis ses lèvres compter les pulsations tandis que ses yeux restaient rivés à sa montre.

  — Que s'est-il passé ? finit-il par lancer comme si de rien n'était.

  Je me figeai, au bord de l'affolement tout à coup.

  — T'es-tu perdue dans les bois ? suggéra-t-il.

  On nous écoutait. Trois grands gaillards à la peau sombre — sans doute de La Push, la réserve Quileute sur la côte — parmi lesquels Sam Uley, s'étaient regroupés et m'observaient. M. Newton était également présent, avec Mike et M. Weber, le père d'Angela. Leurs coups d'œil étaient plus subreptices que ceux des Indiens. De la cuisine et du porche me parvenaient d'autres murmures. La moitié de la ville avait dû se lancer à ma recherche. Charlie se tenait tout près de moi. Il se pencha pour entendre ma réponse.

  — C'est ça, chuchotai-je, je me suis égarée.

  Le médecin acquiesça, pensif, cependant que ses doigts palpaient doucement les glandes situées sous ma mâchoire. Les traits de Charlie se durcirent.

  — Tu te sens fatiguée ? s'inquiéta Gerandy.

  J'opinai et fermai les yeux, telle une fille obéissante.

  — J'ai l'impression que ça va, marmonna-t-il à l'adresse de mon père. Elle est juste épuisée. Laissez-la dormir, et je repasserai demain. Enfin, un peu plus tard dans la matinée, ajouta-t-il après avoir probablement vérifié l'heure.

  Tous deux se relevèrent du canapé, qui grinça. D'un peu plus loin me parvint le murmure de Charlie.

  — Alors, c'est vrai ? Ils sont partis ?

  — Le Dr Cullen nous avait priés de ne rien dire. La proposition a été très soudaine ; ils ont dû se décider rapidement. Carlisle ne tenait pas à faire de son départ un événement.

  — N'empêche, nous avertir ne leur aurait pas coûté grand-chose.

  — En effet, admit Gerandy, mal à l'aise.

  Je ne souhaitais pas en entendre plus. Tâtonnant pour attraper les bords de l'édredon qu'on avait jeté sur moi, je m'en couvris les oreilles. Je sombrai dans un demi-sommeil agité, entrecoupé par de nombreuses périodes de lucidité. Charlie remercia les volontaires qui s'en allaient l'un après l'autre. Je sentis ses doigts tâter mon front, puis le poids d'une couverture supplémentaire. Le téléphone sonna quelquefois, obligeant mon père à se précipiter dessus pour éviter que je me réveille. Il marmonnait des paroles rassurantes à ses interlocuteurs. « Oui, on l'a trouvée. Ça va. Elle s'était perdue. Tout est rentré dans l'ordre », ne cessait-il de leur répéter.

  Les ressorts du fauteuil couinèrent quand il s'y installa pour la nuit. Quelques minutes plus tard, le téléphone retentit de nouveau. En grommelant, Charlie s'extirpa de son siège et se rua lourdement dans la cuisine. Je m'enfonçai un peu plus dans mon abri, peu désireuse de profiter d'une énième et identique conversation.

  — Oui ? dit mon père en bâillant. (Interruption.) Où ça ? (Il était beaucoup plus alerte, maintenant. Encore un silence.) Vous êtes sûre que c'est en dehors de la réserve ? (Autre courte pause.) Mais qu'est-ce qui pouvait bien brûler dans un coin pareil ? (Il paraissait à la fois inquiet et surpris.) Écoutez, j'appelle là-bas et je me renseigne.

  Il raccrocha, composa un numéro. J'étais aux aguets, à présent.

  — Salut, Billy, ici Charlie... désolé de te déranger si tôt... non, elle va bien. Elle dort... Merci, mais ce n'est pas pour ça que je te téléphone. Je viens d'avoir un coup de fil de Mme Stanley, et elle affirme apercevoir des feux sur les falaises depuis la fenêtre de son deuxième étage, sauf que... Oh ! (Brusquement, ses intonations se firent irritées, presque furieuses.) Et pourquoi s'amusent-ils à ça ?... Mouais... Vraiment ?... Oui, oui, veillez donc à ce que les flammes ne s'étendent pas... je sais, je sais. Je m'étonne juste qu'ils les aient allumés par un temps pareil... Bon, en tout cas merci d'avoir envoyé Sam et les autres gars, ajouta-t-il d'un ton rogue. Tu avais raison... ils connaissent mieux les bois que nous. C'est Sam qui l'a découverte. Je te suis redevable, sur ce coup-là... ouais, c'est ça. À plus.

  Il raccrocha brutalement puis se dirigea vers le salon en marmonnant d'un air mécontent.

  — Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je.

  Il s'approcha vivement de moi.

  — Désolé de t'avoir réveillée, chérie.

  — C'est un incendie ?

  — Trois fois rien. Des feux de camp sur les falaises.

  — Ah bon.

  Ma voix n'exprimait aucune curiosité. Elle semblait morte.

  — Des gosses de la réserve qui s'amusent.

  — En quel honneur ?

  Il hésita à me répondre, baissa les yeux.

  — Ils fêtent la nouvelle, maugréa-t-il.

  Pour moi, il n'y en avait qu'une, même si je m'efforçai de ne pas y songer. Soudain, les choses se mirent en place.

  — Le départ des Cullen, soufflai-je. Ils ne les aimaient pas, à La Push. J'avais oublié.

  Les Quileute étaient bourrés de superstitions au sujet de ceux qu'ils appelaient les Sang-froid, des buveurs de sang ennemis de leur tribu ; elles rejoignaient leurs légendes sur le Déluge et leurs ancêtres loups-garous. La plupart d'entre eux considéraient cela comme du folklore, des contes de bonne femme, mais quelques-uns y croyaient. Comme l'ami de Charlie, Billy Black, bien que son fils, Jacob, s'en moquât. Billy m'avait conseillé de me tenir à l'écart des Cullen. Évoquer ce nom remua quelque chose en moi, quelque chose qui, à coups de griffes, commença à se frayer un chemin à la surface, quelque chose que je refusais d'affronter.

  — C'est ridicule, gronda Charlie.

  Nous nous tûmes pendant un moment. De l'autre côté de la fenêtre, l'obscurité s'estompait. Au-delà de la pluie, quelque part, le soleil se levait.

  — Bella ?

  Je le regardai, embarrassée.

  — Il t'a abandonnée dans la forêt ?

  Il avait deviné.

  — Comment avez-vous su où chercher ? éludai-je.

  Mon esprit fuyait l'inévitable prise de conscience qui se préparait, toute proche désormais.

  — Ben, ta note, répondit-il, étonné.

  De la poche arrière de son jean, il tira un bout de papier qui avait connu des jours meilleurs — sale, mouillé, froissé à force d'avoir été ouvert et fermé. Une fois encore, il le déplia et le brandit, telle une preuve. Les pattes de mouche ressemblaient à mon écriture de façon remarquable. Suis partie en balade sur le sentier avec Edward. N'en ai pas pour longtemps. B.

  — Lorsque tu n'es pas réapparue, j'ai tenté de joindre les Cullen, expliqua Charlie d'une voix sourde. Personne ne décrochait. J'ai essayé l'hôpital, et là, Gerandy m'a annoncé que Carlisle avait démissionné.

  — Où sont-ils partis ? marmottai-je.

  — Edward ne t'a rien dit ?

  Je secouai le menton, me tassai sur moi-même, la mention du prénom ayant suffi à libérer le monstre griffu qui était tapi en moi, et une douleur d'une violence surprenante me coupa le souffle. Pensif, Charlie m'observa.

  — Carlisle a accepté un boulot dans un grand établissement de Los Angeles. J'imagine qu'ils lui offraient beaucoup plus d'argent qu'ici.

  L.A. la radieuse. Le dernier endroit au monde où ils iraient. Je me rappelai mon cauchemar au miroir... du soleil qui étincelait sur sa peau... Le seul souvenir de son visage était intolérable.

  — Je veux savoir si Edward t'a laissée seule au beau milieu des bois, insista mon père.

  Derechef, le nom p
rovoqua un élan de souffrance. Je fis non de la tête, frénétiquement, espérant échapper à cette torture.

  — C'était ma faute, haletai-je. Il m'a quittée sur le chemin, en vue de la maison... j'ai voulu le suivre.

  Charlie dit quelque chose. Comme une enfant, je me bouchai les oreilles.

  — N'en parlons plus, papa, s'il te plaît. J'ai envie de monter dans ma chambre, maintenant.

  Sans lui laisser l'opportunité de poursuivre la discussion, je me mis debout et déguerpis d'une démarche mal assurée. Quelqu'un était venu ici pour y laisser un mot qui conduirait à moi. Dès que j'avais compris cela, un soupçon horrible m'avait envahie. J'arrivai hors d'haleine dans ma chambre, claquai la porte et tirai le verrou derrière moi avant de tituber vers le lecteur CD posé sur la table de nuit. Rien ne semblait avoir bougé. J'appuyai sur le sommet de l'appareil qui s'ouvrit lentement.

  Vide.

  L'album offert par Renée gisait sur le sol près du lit, à l'endroit exact où je l'avais laissé. D'une main tremblante, j'en soulevai la couverture. Je n'eus pas besoin de dépasser la première page : les petits coins métalliques ne retenaient plus de photo. Ne restait que la ligne que j'avais rédigée de mon écriture maladroite. Edward Cullen, cuisine de Charlie, 13 sept.

  Je m'arrêtai là, convaincue qu'il n'avait rien oublié.

  Il en avait fait le serment — « Ce sera comme si je n'avais jamais existé. »

  Le plancher lisse entra en contact avec mes genoux, puis mes paumes, ma joue enfin. J'en appelai à la délivrance de l'inconscience. Malheureusement, je ne m'évanouis pas. Les vagues de souffrance qui, jusqu'alors, s'étaient contentées de m'effleurer se soulevèrent en rugissant avant de s'abattre sur moi et de m'engloutir.

  Je sombrai.

  OCTOBRE

  NOVEMBRE

  DÉCEMBRE

  JANVIER

  4

  LE RÉVEIL

  Le temps passe. Y compris quand cela semble impossible. Y compris quand chaque tic-tac de la grande aiguille est aussi douloureux que les pulsations du sang sous un hématome. Il s'écoule de manière inégale, rythmé par des embardées étranges et des répits soporifiques, mais il passe. Même pour moi.

 

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