LE GRAND VOYAGE

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LE GRAND VOYAGE Page 75

by Jean M. Auel


  — Non, merci. Je n’ai pas envie de champignons pour le moment, déclara-t-elle.

  Attaroa éclata de rire quand S’Armuna lui traduisit la réponse.

  — Dommage ! dit-elle, comme si elle s’était attendue à ce refus, et elle plongea sa main dans l’écuelle.

  Elle en mangea une pleine poignée d’un air ravi.

  — Hmm ! Ils sont délicieux ! fit-elle.

  Elle se resservit copieusement, passa l’écuelle à Epadoa avec un sourire complice, et vida une coupe du breuvage fermenté.

  Pendant le repas, elle avala plusieurs coupes de sève de bouleau, et commença bientôt à montrer des signes d’ivresse ; elle parlait fort et crachait des insultes et des grossièretés. L’une des Louves qui gardaient l’Enclos – elles se relayaient pour que chacune pût se régaler du festin – s’approcha d’Epadoa, et vint ensuite murmurer quelques mots à l’oreille d’Attaroa.

  — Il paraît qu’Ardemun tient à venir présenter les remerciements des hommes pour ce festin, dit Attaroa avec un ricanement moqueur. Je me doute bien que ce n’est pas moi qu’on veut remercier, mais notre hôte d’honneur. Fais venir le vieux, dit-elle à Epadoa.

  La Louve revint avec Ardemun qui s’avança vers le feu en boitant. Jondalar était heureux de le revoir, il n’avait rencontré aucun de ceux de l’Enclos depuis son retour.

  — Ainsi, les hommes veulent me remercier pour le festin ? s’étonna Attaroa.

  — Oui, S’Attaroa. Ils m’ont chargé de venir te remercier de vive voix.

  — Dis-moi, vieil homme, comment expliques-tu que j’aie tant de mal à te croire ?

  Ardemun se garda bien de répondre. Il resta debout, les yeux rivés au sol, comme s’il souhaitait s’y enfoncer et disparaître.

  — Vieil impotent ! incapable ! éructa Attaroa avec mépris. Tu n’as même plus le courage de te rebeller ! Ils sont tous pareils, stériles et veules ! Pourquoi t’encombres-tu de ce poids inutile ? demanda-t-elle à Ayla en désignant Jondalar. N’es-tu pas assez forte pour te libérer ?

  Ayla attendit patiemment la traduction de S’Armuna pour se donner le temps de la réflexion.

  — J’ai choisi de vivre avec lui, répondit-elle alors. J’ai vécu seule assez longtemps.

  — A quoi te servira-t-il quand il deviendra vieux et faible comme Ardemun ? demanda Attaroa en dardant un regard méprisant sur le vieillard. Quand son outil sera trop mou pour te procurer les Plaisirs, il sera aussi inutile que tous ces incapables.

  Là encore, Ayla attendit l’intervention de S’Armuna, bien qu’elle eût compris ce qu’avait dit la Femme Qui Ordonne.

  — Personne ne reste jeune indéfiniment, et un homme ne vaut pas que par son outil, rétorqua-t-elle.

  — Tu devrais tout de même te débarrasser de celui-là. Il ne durera pas longtemps, affirma-t-elle en désignant le géant. Il a l’air robuste, mais en réalité il n’a rien dans le ventre. Il a refusé de prendre Attaroa... à moins qu’il n’ait eu peur s’esclaffa-t-elle avant de vider une nouvelle coupe. Allons ! Avoue que tu as eu peur de moi ! cracha-t-elle au visage de Jondalar. C’est pour ça que tu as refusé.

  Jondalar, qui l’avait très bien comprise, devint rouge de colère.

  — Il y a une différence entre la peur et l’absence de désir, Attaroa, riposta-t-il. Tu ne peux forcer personne à te désirer. Je n’ai pas partagé le Don de la Mère avec toi parce que je n’en avais pas envie, voilà tout.

  S’Armuna regarda Attaroa d’un air craintif avant de commencer la traduction, et dut se faire violence pour ne pas déformer les propos de Jondalar.

  — C’est un mensonge ! hurla Attaroa, déchaînée, qui se leva et vint rôder autour de lui. Tu avais peur de moi, Zelandonii. Je l’ai bien vu ! Je me suis déjà battue avec des hommes, mais toi, tu avais peur de te mesurer à moi.

  Jondalar se leva à son tour, imité par Ayla. Plusieurs femmes les entourèrent.

  — Ces gens sont nos hôtes, protesta S’Armuna en se levant elle aussi. Nous les avons invités à partager notre festin. As-tu déjà oublié comment recevoir des hôtes ?

  — Ah oui, bien sûr ! Nos hôtes ! fit Attaroa avec dédain. Il faut être courtois et hospitalier avec les visiteurs, sinon la femme pensera du mal de nous. Eh bien, je vais vous montrer combien je me soucie de ce qu’elle pense. Vous êtes tous deux partis sans ma permission. Savez-vous comment nous punissons ceux qui veulent s’enfuir ? Nous les tuons ! Et je vais vous tuer, hurla la Femme Qui Ordonne en brandissant sur Ayla une dague taillée dans un péroné de cheval, une arme au tranchant redoutable.

  Jondalar tenta de s’interposer, mais les Louves d’Attaroa l’encerclèrent et le repoussèrent du bout de leurs sagaies avec tant de force que les pointes s’enfoncèrent dans son dos, sa poitrine et son ventre, et que son sang coula. Avant de pouvoir réagir, on lui avait déjà attaché les mains dans le dos, alors qu’Attaroa avait renversé Ayla, et appuyant son genou sur sa poitrine pour la maintenir au sol, elle la menaçait de sa dague. L’ivresse qu’elle affichait l’instant d’avant avait disparu.

  Elle a tout combiné, comprit alors Jondalar. Pendant que nous discutions et que nous essayions de contrecarrer son pouvoir, elle se préparait à nous tuer. Ah, j’aurais dû m’en douter ! Il s’était juré de protéger Ayla, et voilà qu’il assistait, impuissant, à sa mise à mort. C’était ce qui rendait Attaroa si dangereuse, elle tuait sans remords et sans hésitation.

  Ayla avait été complètement déroutée. Elle n’avait pas eu le temps de sortir son couteau, ni sa fronde, et elle n’avait pas l’habitude de combattre des humains. C’était la première fois qu’elle devait défendre sa vie contre eux. Elle saisit le poignet d’Attaroa et tenta de la repousser. Ayla était forte, mais Attaroa, d’une force égale, possédait de surcroît une fourberie dont Ayla était dépourvue. Inexorablement, la dague se rapprochait de la gorge d’Ayla.

  Au dernier moment, Ayla roula instinctivement sur le côté, mais la lame l’avait effleurée avant de se ficher dans la terre, et une traînée se sang marquait son cou. Et la femme, dont la rage démentielle décuplait les forces, maintenait toujours Ayla au sol. Attaroa extirpa la dague d’un coup sec, assomma Ayla, s’assit sur elle et leva son arme, bien décidée à la plonger dans le cou de la jeune femme.

  33

  Ayla partie, sa vie n’avait plus de sens... Jondalar ferma les yeux. On avait lié ses mains, certes, mais il pouvait encore marcher. Rien ne l’empêchait de se ruer sur Attaroa et de...

  Au moment où il se lançait contre les pointes acérées, un bruit retentit près du portail de l’Enclos. Distraites, les gardes relâchèrent leur surveillance et il en profita pour repousser leurs sagaies et se jeter vers les deux femmes à terre.

  Soudain, une masse noire fondit sur le groupe, frôla la jambe de Jondalar et bondit sur Attaroa. La violence du choc fit reculer la Femme Qui Ordonne et des crocs pointus s’enfoncèrent dans sa gorge, déchirant la peau. Attaroa se retrouva sur le dos, se débattant désespérément contre la bête qui la labourait de ses crocs en poussant de furieux grognements. Elle plongea sa dague dans l’épaisse fourrure, mais ne réussit qu’à provoquer un regain de fureur chez son agresseur. L’étau des mâchoires se referma sur son cou, et l’étouffa.

  Attaroa essaya de pousser un dernier cri avant de sombrer dans un épais brouillard, mais au même moment les terribles crocs sectionnèrent une artère, et il ne sortit de sa gorge qu’un gargouillis horrible. La femme cessa de se débattre et s’affaissa.

  — Loup ! s’écria Ayla en reprenant conscience. Oh, mon Loup ! Lorsque le carnassier relâcha sa prise, le sang gicla de l’artère et l’éclaboussa. Il rampa vers Ayla, la queue entre les pattes, et poussa des petits couinements plaintifs, quêtant son pardon. La femme lui avait ordonné de rester dans sa cachette, et il savait bien qu’il avait désobéi. Lorsqu’il avait vu l’attaque et avait compris qu’Ayla courait un grand danger, il avait volé à son secours. Et à présent, il se demandait comment elle réagirait à son indiscipline. Il redoutait plus que tout les réprimandes de cette f
emme.

  Ayla s’avança en lui tendant les bras. Loup, comprenant tout de suite qu’il avait agi correctement et qu’il était pardonné, se rua sur elle en frétillant. Elle le caressa et enfouit sa tête dans la fourrure de l’animal, tout en versant des larmes de joie.

  — Oh, Loup, tu m’as sauvé la vie, sanglota-t-elle.

  Il la lécha, inondant son visage du sang encore chaud qui mouillait son museau.

  Celles du Camp se reculèrent, effrayées, contemplant sans comprendre la femme blonde dont les bras enserraient l’énorme loup qui venait de terrasser leur Femme Qui Ordonne dans un assaut d’une rare cruauté. Ayla avait appelé l’animal du même nom mamutoï, loup, qu’elles employaient pour désigner le chasseur-carnassier et elles s’aperçurent avec stupeur qu’Ayla ne parlait pas seulement avec les chevaux, mais aussi avec les loups... et qu’ils lui obéissaient !

  Pas étonnant que cette étrangère n’ait pas craint Attaroa. Sa magie était tellement puissante !

  L’homme ne semblait pas terrorisé, lui non plus, et il venait de tomber aux pieds de la jeune femme, et du loup. Il ne se souciait plus des sagaies des Louves, qui s’étaient prudemment reculées et observaient la scène, bouche bée.

  Un homme se glissa alors derrière Jondalar, tenant un couteau à la main ! D’où venait ce couteau ?

  — Laisse-moi couper ces cordes, Jondalar, fit Ebulan en tranchant les liens qui retenaient les poignets du géant.

  Jondalar tourna la tête et vit d’autres hommes mêlés à la foule, et il en arrivait encore.

  — Qui vous a libérés ? s’étonna Jondalar.

  — Toi, fit Ebulan.

  — Que veux-tu dire ? J’avais les mains liées.

  — Oui, mais tu nous as fourni les couteaux... et le courage de les utiliser. Ardemun s’est glissé derrière celle qui montait la garde et l’a assommée avec son bâton. Nous avons ensuite tranché la corde qui fermait le portail. Nous regardions le combat, et le loup est arrivé... acheva Ebulan d’une voix blanche en considérant avec effroi la femme et le loup enlacés.

  Trop préoccupé, Jondalar ne remarqua pas l’effarement qui empêchait l’homme de poursuivre son récit.

  — Ayla, tu vas bien ? Es-tu blessée ? demanda-t-il en serrant la femme et le loup dans ses bras.

  L’animal l’accueillit d’un joyeux coup de langue.

  — Je n’ai rien, qu’une égratignure au cou, répondit-elle. Je crois que Loup a reçu un coup de dague, mais ça n’a pas l’air de le gêner.

  — Si j’avais su qu’elle voulait te tuer, je ne t’aurais jamais laissée venir à cette fête. J’ai été stupide de ne pas comprendre !

  — Mais non, fit Ayla. Je ne me suis pas méfiée, moi non plus. Je n’avais pas pensé qu’elle m’attaquerait aussi directement. Si Loup n’avait pas été là... soupira-t-elle en jetant un regard de gratitude à l’animal.

  — J’avoue qu’au cours de ce Voyage, j’ai voulu plus d’une fois abandonner Loup. Quand j’ai découvert que tu étais partie à sa recherche après avoir failli te noyer dans la Sœur, j’étais furieux. Penser que tu risquais ta vie pour cet animal m’exaspérait.

  Jondalar prit la tête de Loup dans ses mains et le regarda dans les yeux.

  — Loup, je te promets que je ne t’abandonnerai jamais. Je suis prêt à risquer ma vie pour toi, magnifique animal.

  Il empoigna sa fourrure et gratta le loup derrière l’oreille. Loup lui lécha le visage et, posant ses pattes sur les épaules du géant, il saisit sa gorge entre ses mâchoires, et le mordilla gentiment pour lui prouver son affection. Loup éprouvait envers Jondalar, presque les mêmes sentiments qu’à l’égard d’Ayla. Voyant que les deux êtres qui comptaient le plus pour lui, lui témoignaient attention et approbation, il manifesta sa joie en grognant de plaisir.

  Les témoins de la scène poussèrent des cris d’effroi et de surprise en voyant l’homme offrir son cou vulnérable aux crocs du fauve redoutable. Ils avaient vu le même loup déchiqueter la gorge d’Attaroa, et l’assurance de Jondalar relevait pour eux de la pure magie. Comment pouvait-on exercer un tel pouvoir sur l’esprit des animaux ?

  Avec quelque nervosité, tous regardèrent Ayla et Jondalar se relever, inquiets de la tournure que prenaient les événements. Plusieurs d’entre eux jetaient des coups d’œil interrogateur à S’Armuna. La chamane s’avança au-devant des invités tout en surveillant le loup avec prudence.

  — Nous sommes enfin débarrassés d’elle, fit-elle.

  Ayla, comprenant l’anxiété de la vieille femme, lui adressa un sourire rassurant.

  — Loup ne te fera aucun mal, certifia-t-elle. Il n’a attaqué que pour me protéger.

  S’Armuna remarqua qu’Ayla n’avait pas traduit le nom du fauve en Zelandonii, et en déduisit que Loup était le nom qu’on lui attribuait.

  — Il revenait à un loup de mettre un terme à sa vie, annonça-t-elle. Je savais bien que tu n’étais pas ici par hasard. Nous sommes délivrés de ses griffes, et de sa folie. Mais que nous réserve l’avenir ?

  La question était de pure rhétorique, et s’adressait autant à elle-même qu’à son auditoire.

  Ayla baissa les yeux sur le corps inerte de la femme, débordant de vitalité malfaisante l’instant d’avant, et s’interrogea sur la fragilité de la vie. Sans Loup, elle serait morte à la place de la Femme Qui Ordonne.

  — Il faut emporter cette femme et préparer son enterrement, suggéra-t-elle en mamutoï afin d’être comprise du plus grand nombre.

  — Mérite-t-elle une sépulture ? Pourquoi ne pas abandonner son corps aux mangeurs de charogne ? proposa une voix d’homme.

  — Qui a parlé ? interrogea Ayla.

  Jondalar reconnut celui qui s’avança d’un pas quelque peu hésitant.

  — Je m’appelle Olamun, dit l’homme.

  — Je comprends ta colère, Olamun, répondit Ayla. Mais c’est la violence qu’elle a subie qui a encouragé la violence d’Attaroa. Le démon qui l’habitait brûle de poursuivre ses méfaits, et de vous léguer un héritage de violence. Refusez ! Ne vous abandonnez pas à votre juste courroux, ne tombez pas dans le piège que son esprit torturé a tissé. Il est grand temps de rompre le charme. Attaroa était un être humain. Enterrez-la avec la dignité qu’elle a été incapable de trouver dans ce monde, et laissez aller son esprit en paix.

  La réponse d’Ayla surprit Jondalar. C’était le genre de propos, sages et mesurés, qu’aurait tenus un zelandoni.

  Olamun acquiesça d’un signe de tête.

  — Qui l’enterrera ? fit-il. Qui la préparera ? Elle n’avait pas de parent.

  — C’est la responsabilité de Celle Qui Sert la Mère, intervint S’Armuna.

  — Celles qui l’ont suivie dans cette vie t’aideront, suggéra Ayla, sachant que le corps était trop lourd pour la vieille femme.

  Tous les regards convergèrent vers Epadoa et ses Louves, qui semblaient se serrer ensemble pour se donner du courage.

  — Et elles pourront aussi l’accompagner dans l’autre monde ! lança une autre voix d’homme.

  Des cris d’approbation accueillirent la proposition, et la foule s’avança vers les chasseresses. Epadoa fit front, la sagaie menaçante. Une jeune Louve sortit alors du groupe.

  — Je n’ai pas demandé à devenir une Louve, dit-elle. Je voulais apprendre à chasser pour ne pas mourir de faim.

  Epadoa lui jeta un regard mauvais, mais la jeune femme la fixa d’un air de défi.

  — Qu’Epadoa apprenne ce qu’est la faim ! proposa la même voix mâle. Privons-la de vivres jusqu’à ce qu’elle parte dans l’autre monde. Là, son esprit connaîtra la faim, lui aussi.

  La foule cerna Epadoa, et Ayla par la même occasion. Loup fit alors entendre un grognement menaçant. Jondalar s’agenouilla vivement et calma le fauve, mais sa réaction eut pour effet d’affoler davantage les assaillants. Ils se reculèrent et examinèrent les étrangers d’un œil craintif.

  Cette fois, Ayla ne demanda pas qui avait parlé.

  — L’esprit d’Attaroa rôde toujours parm
i nous, affirma-t-elle. Il encourage la violence et le désir de revanche.

  — Mais enfin, Epadoa doit payer pour le mal qu’elle a fait !

  Ayla vit la mère de Cavoa s’avancer. Derrière elle, sa fille enceinte l’assurait de son soutien moral.

  Jondalar se releva et vint se poster aux côtés d’Ayla. Il ne pouvait s’empêcher de penser que la femme avait le droit de réclamer un châtiment pour la mort de son fils. Il dévisagea S’Armuna. C’est à Celle Qui Sert la Mère de répondre, se dit-il, mais celle-ci attendait l’avis d’Ayla.

  — Celle qui a tué ton fils est déjà dans l’autre monde, dit Ayla. Epadoa paiera pour le mal qu’elle a commis.

  — Elle a davantage à se reprocher, intervint Ebulan. Souvenez-vous de ce qu’elle a infligé à ces garçons.

  Il se recula afin qu’Ayla pût voir les deux jeunes gens, appuyés sur l’épaule d’un vieillard cadavérique.

  Ayla sursauta. L’espace d’un instant, elle avait cru voir Creb ! Il était grand et mince, alors que le vénéré sage du Clan était petit et trapu, mais son visage anguleux et ses yeux noirs reflétaient la même compassion et la même dignité. Tout en lui commandait le respect.

  La première réaction d’Ayla fut de lui offrir le geste de respect en vigueur dans le Clan en s’asseyant à ses pieds et en attendant qu’il lui donnât une tape sur l’épaule, mais elle devina que son geste serait mal interprété. Elle décida donc de lui présenter ses respects sous la forme conventionnelle.

  — Jondalar, dit-elle, je ne peux m’adresser à cet homme sans avoir été convenablement présentée.

  Jondalar avait éprouvé le même respect envers le vieillard, et il comprit tout de suite sa réticence. Il prit la main d’Ayla et la conduisit devant le vieil homme.

  — S’Amodun, très respecté sage des S’Armunaï, permets-moi de te présenter Ayla, du Camp du Lion des Mamutoï, Fille du Foyer du Mammouth, Élue par l’esprit du Lion des Cavernes, et Protégée par l’Ours des Cavernes.

  Ayla s’étonna que Jondalar eût ajouté cette dernière précision. Personne n’avait encore désigné l’Ours des Cavernes comme son protecteur, mais tout bien considéré, elle trouvait cela assez juste, en tout cas, par l’intermédiaire de Creb. L’Ours des Cavernes l’avait élue – c’était le totem de Mog-ur – et Creb habitait ses rêves avec une telle constance qu’elle ne doutait pas qu’il la guidât et la protégeât, et pourquoi pas avec l’aide du Puissant Ours des Cavernes ?

 

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