COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE

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COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE Page 15

by KLASKY


  Elle hoche la tête d’un air sombre.

  — Pas un, treize! C'est le roi de la franchise, un diplômé de l’Université Hamburger.

  Je ne peux m’empêcher de rire.

  — Tu as toujours dit que tu n’étais pas très regardante en matière d’éducation…

  — Tu veux un bon pour un Big Mac gratuit ? J’en ai plein.

  Pauvre Melissa ! Elle qui préfère les burgers tout simples, comme les gosses. La sauce, c’est du gâchis avec elle !

  — Bon, mais à part ça ? Il était comment ?

  — Il n’y a pas de « à part ça ». Il n’a parlé que de McDonald’s pendant toute la soirée, à une exception près. Figure-toi que mon numéro trente-huit est une faute de frappe !

  — Comment ça ?

  — Il voulait sans doute dire quarante-huit ans! C'est le minimum, compte tenu de son look. A moins que ce ne soit un fringant quinqua voire un sémillant sexagénaire…

  — Pour résumer, tu as pris des pots avec un franchisé McDo de cinquante-huit ans ?

  — Heureusement que j’ai eu la bonne idée de ne pas planifier de dîner ! Il m’a demandé de l’accompagner, mais je lui ai dit que j’étais déjà prise. Si jamais on te pose la question, sache qu’hier soir, je t’ai aidée à confectionner un gâteau aux trois laits pour l’anniversaire d’une collègue de bureau.

  — Un gâteau aux trois laits pour un anniversaire. Vu !

  Je me demande si ça vaut bien la peine que je serve à Melissa mon refrain habituel (« Pourquoi te donner tant de mal à trouver l’homme de tes rêves ? »). Avant que je puisse tenter d’aborder le problème sous un autre angle, la porte du magasin s’ouvre.

  Une femme entre.

  Je la reconnais grâce aux photos que Mamie a mises partout dans sa maison. Les anciennes, bien sûr, car ma grand-mère n’a pas jugé bon de mettre à jour la collection. Elle a préféré me laisser dans le noir complet sur l’existence de Clara après.

  Non, je ne suis pas amère! Pas du tout.

  La femme a des cheveux roux. De toute évidence, elle a expérimenté le Lady Clairol, mais la couleur a beau faire très naturel, je comprends d’où viennent les reflets brun roux de mes cheveux. Elle cache ses yeux derrière des lunettes de soleil géantes, telle une star de cinéma débarquée par erreur sur la berge du C&O Canal de Georgetown. Elle a le teint pâle, un ou deux tons plus clairs que le mien, et je la soupçonne d’avoir caché ses taches de rousseur sous une couche épaisse de maquillage. Son cou commence à se relâcher et son menton n’est plus celui d’une femme de vingt ans.

  Oui, l’âge a laissé des traces, mais pas seulement. Elle doit aussi payer le prix d’une existence difficile. Cette pensée est peu charitable, je l’avoue.

  Je me demande à quoi ressemblent ses yeux derrière ces ridicules lunettes de soleil. Sont-ils comme les miens, avec ces petites taches dorées qui donnent de la profondeur à leur couleur noisette ?

  Melissa finit par rompre le charme.

  — Madame Madison ?

  — Madame Smythe.

  Elle s’attarde longuement sur le y, exactement comme Mamie le fait. Bien sûr… elle ne va pas utiliser le nom de mon père ! Elle l’a laissé derrière elle comme elle nous a laissées, Mamie et moi.

  Puis elle tend la main à Melissa.

  — Clara Smythe.

  Ma meilleure amie se fend d’un sourire, comme si elle avait l’habitude de recevoir ma famille prodigue et toxico dans sa boulangerie, le samedi matin.

  Melissa lui donne une poignée de main énergique.

  — Je m’appelle Melissa White. Et vous avez sans doute reconnu Jane.

  Je suis là, plantée devant elle, essayant de me rappeler ce que je dois dire. Miss Bonnes Manières a-t-elle déjà écrit un article sur les rencontres avec des parents qui ont abandonné leur enfant ? Avec des parents qui vous ont menti pendant un quart de siècle puis ont décidé subitement de revenir dans votre vie ? Je suis sûre qu’il y a des règles de savoir-vivre très précises à suivre, mais l’ennui, c’est que je ne les connais pas.

  Une fois encore, c’est Melissa qui vient à ma rescousse.

  — Asseyez-vous, toutes les deux. Je vous apporte du café.

  Notre hôtesse décoche à Clara un sourire de professionnelle.

  — Vous désirez de la crème ? Du sucre ?

  — Non, merci. Je suis vraiment confuse, mais je ne bois pas de café.

  Melissa me glisse un regard en coin qui est censé en dire long. Pas besoin de mots pour nous comprendre, c’est comme les signaux de fumée à travers les hautes plaines.

  — Vous préférez du thé, peut-être ? Nous avons un grand choix de parfums.

  — Vous avez du Oolong ?

  Le sourire de Melissa s’élargit. Elle sait très bien que c’est mon thé préféré.

  — Avec une goutte de crème?

  — Absolument!

  On dirait que Clara va se mettre à applaudir de joie. Ou de soulagement. Je ne peux m’empêcher de couler un regard vers ses mains, et je suis bizarrement soulagée de constater qu’elles sont totalement différentes des miennes. Elle a des doigts boudinés, à la fois courts et épais. Ses ongles, en revanche, n’ont rien à envier aux miens : ils sont rongés jusqu’au sang.

  Je fais in petto la promesse que, désormais, je prendrai soin de mes ongles. Neko pourra sûrement m’aider en jouant les manucures. Et Roger, son nouvel éphèbe, pourrait lui prêter son salon pour officier. Après m’avoir fichu dans un tel pétrin, il me doit bien ça !

  Melissa nous fait signe d’aller à la table à deux plateaux, dans un coin de la boutique. C'est celle où nous serons le plus tranquilles pour parler. Clara attend que je m’asseye, puis s’assied à son tour. Elle met les mains sur la table, les doigts croisés, puis les pose sur ses genoux. Je l’imagine ouvrant et fermant les poings tandis que le silence s’installe. Comme si elle venait brusquement de se rappeler qu’elle porte des lunettes hollywoodiennes, elle les enlève et les replie soigneusement avant de reposer les mains sur ses genoux.

  Bingo ! Yeux noisette, taches dorées.

  Mais injectés de sang. J’espère que les miens ne seront jamais comme ça.

  — Jeanette…

  Je ne peux m’empêcher de m’écrier :

  — Quoi?

  C'est plus fort que moi. Dire qu'elle ne se souvient même pas de mon nom !

  — Je veux dire, Jane…

  Elle a le visage cramoisi. Elle aussi rougit, comme je le fais chaque fois que je suis gênée.

  — Je suis désolée, Jane.

  — Pourquoi m’avez-vous appelée Jeanette ?

  — C’est ton vrai nom, celui que je t’ai donné. Je veux dire, que nous t’avons donné, ton père et moi.

  Sa voix est plus grave que je ne m’y attendais, comme si elle avait été décapée par l’abus de whisky et de cigarettes. Elle fait des phrases courtes, tranchantes, ce qui me conforte dans l’idée qu’elle est tout aussi nerveuse que moi.

  J’imagine que ça devrait me rendre les choses plus faciles. J’aurais dû me douter que nous avions des points communs et que nous allions souffrir toutes les deux. Moi qui suis spécialiste de Shakespeare, je sais combien les mères sont heureuses lorsqu’elles retrouvent leurs enfants perdus de vue. Dans Le Conte d’Hiver, les retrouvailles entre Hermione et Perdita sont joyeuses et finissent même par réveiller tout le royaume en deuil… Seulement voilà, je ne ressens aucune joie. Et aucune gratitude. J’ai une envie folle de sortir d’ici en vitesse, comme si j’étais poursuivie par un ours. Surtout, ne pas rester assise à cette table pour parler de tout et de rien !

  — Mamie m’a toujours appelée Jane.

  Clara pince les lèvres.

  — Forcément, elle n’a jamais aimé le nom de Jeanette. Elle trouvait ça ampoulé. Elle m’a même obligée à mettre « Jane » sur ton acte de naissance. Mais chaque fois que je pense à toi, c’est sous le nom de Jeanette.

  J’ai envie de crier que Mamie avait raison. Heureusement, Melissa me dispense de répondre en apportant le
thé à notre table. Elle utilise un de ses plateaux au dos en liège, et il faut voir la dextérité avec laquelle elle déplace les mugs, le pot d’eau chaude, les passe-thé, le thé en vrac et la crème. On sent qu’elle a l’habitude. Mais le fin du fin, c’est l’assiette de Soleils en Sucre, des biscuits glacés au citron qui font toujours ma joie. Je la remercie, mais elle disparaît derrière le comptoir avant que je puisse lui demander de se joindre à nous.

  Nous nous affairons à la préparation de notre thé. Clara l’aime beaucoup moins fort que moi. Je suis même à deux doigts de lui demander pourquoi elle ne se contente pas d’agiter son passe-thé au-dessus de la vapeur qui sort de son mug ! Heureusement pour moi, j’entends les mots résonner dans ma tête avant même de les prononcer, et je me rends compte qu’ils seraient trop sarcastiques. Je me contente donc de lui passer la crème, et allez savoir pourquoi, j’éprouve une étrange satisfaction en voyant qu’elle en prend une bonne dose. Disons facilement une bonne cuillerée.

  — Alors, Jane…

  J’ai une envie folle de claquer ma langue et d’envoyer valser mes cheveux pour exprimer de mon mieux la frustration d’une ado. Car Clara n’a pas connu mon passage à l’adolescence, elle a échappé à ce qui a été pour moi des années de galère. Finalement, je décide de mettre mon agacement dans ma poche et de prononcer son nom avec l’intonation exacte qu’elle lui a donné.

  — Clara…

  Elle change de position. Le dos calé à sa chaise, elle se lance.

  — Je ne suis pas surprise que tu sois en colère contre moi. Mon psychologue m’a dit que ce serait probablement le cas.

  — Votre psychologue ?

  Je déteste l’idée que Clara ait pu parler de moi avec des inconnus. Moi qui n’ai pas tenu ma promesse d’éviter de parler d’elle… J’ai évité que Melissa elle-même entende ce monologue incessant que je passais en boucle dans ma tête, toutes ces questions que je me suis posées sans relâche depuis quelque temps : que veut Clara ? Pourquoi veut-elle réintégrer ma vie maintenant ? De quoi aura-t-elle l’air ? Et qu’est-ce que tout ça signifie ?

  Clara sourit. C’est la première fois depuis qu’elle est entrée dans la boutique.

  — C'est ma... disons ma conseillère spirituelle. C'est sans doute le nom que tu lui donnerais.

  Je mords dans un Soleil en Sucre et je laisse le glaçage se mélanger au biscuit sur ma langue… Je prends le temps de bien mâcher, obéissant ainsi aux constantes exhortations de Mamie à ne pas m’empiffrer.

  — De quelle religion est-elle ?

  Clara relève la tête comme si je venais de lui lancer un défi.

  — La Famille Universelle de la Lumière.

  Tiens, tiens…

  Elle ferait donc partie d’un genre de secte. Aussitôt, je l’imagine en robe blanche, renonçant à tous ses biens terrestres pour en faire l’offrande à un vieil homme ridé en pagne. Clara attend manifestement un commentaire, et je décide de prendre des gants.

  — Je n’ai pas le souvenir qu’on m’ait cité ce nom au catéchisme.

  Elle a un sourire triste.

  — Et je suis sûre que ta grand-mère n’a pas abordé le sujet.

  — Laissez Mamie en dehors de tout ça ! Elle n’avait pas à me donner des cours sur votre église!

  Je suis étonnée par la brutalité de ma réaction, et ce besoin que j’ai de protéger Mamie.

  Une petite voix me souffle que c’est d’autant plus surprenant que Mamie ne m’a pas protégée, moi. Elle ne m’a pas donné les infos dont j’avais besoin, et pour commencer, elle s'est abstenue de me parler de Clara. C'est comme si elle m’envoyait à un premier rendez-vous galant sans me parler avant des oiseaux, des abeilles ou des mains baladeuses. A cause d’elle, je me sens vulnérable, et j’ai horreur de ça.

  — Loin de moi l’idée de critiquer ta grand-mère. Je voulais juste dire qu’elle n’a jamais été d’accord avec la Famille.

  Comme j’ai besoin de meubler, et que je n’ai aucune envie de m’étendre sur Mamie et le rôle qu’elle a joué dans ces étranges retrouvailles, je lance :

  — En quel genre de choses croyez-vous ?

  — Nous croyons en l’équilibre harmonieux du monde. Nous croyons que certains lieux sont sacrés, des puits sacrés où l’on peut s’investir du pouvoir des anciens. Nous croyons que certaines structures parfaites peuvent nous apporter l’illumination et le pouvoir, en permettant à notre corps perverti de se mettre en parfaite harmonie avec notre esprit.

  — Des structures ?

  C’est bien le seul mot concret qu’elle ait prononcé.

  Elle hoche la tête et récupère la chaîne en or qui avait glissé dans son corsage. Je m’aperçois qu’il s’agit d’un cristal de quartz pur.

  — Oui, des structures. Des Cristaux pour guider notre méditation, nous montrer les chemins de l’équilibre et de l’harmonie. Les chemins de la guérison.

  Des cristaux.

  Ma mère biologique croit aux pouvoirs des cristaux. Serais-je revenue dans les années 70 sans m’en apercevoir ? Je regarde désespérément autour de moi, en espérant que Melissa vienne me tirer d’affaire, mais elle est en train de servir un client au comptoir.

  Il y a dans les mots de Clara quelque chose qui me rappelle mon dîner avec David. Le mot pouvoir, par exemple. Elle s’intéresse aux pouvoirs cachés du monde qui l’entoure.

  Je lui demande sans prendre le temps de réfléchir :

  — Etes-vous une sorcière?

  Elle accuse le coup.

  — Une sorcière?

  — Vous savez, les pouvoirs dont vous parlez… Faites-vous des incantations, connaissez-vous des sortilèges ? Est-ce votre façon de canaliser votre pouvoir ?

  L’espace d’un instant, le visage de Clara se ferme, et elle remet en place son cristal dans son corsage.

  — Je ne plaisante jamais sur ces sujets, Jean… euh, Jane. C’est très important pour moi. Je ne suis pas en train de tout inventer juste pour t’intriguer.

  — Non, bien sûr !

  J’ai presque crié. Je baisse d’un ton avant de continuer.

  — Ce n’est pas ce que je voulais dire. C'est juste que…

  — Que quoi ?

  — Depuis quelque temps, je m’intéresse à la sorcellerie. Je me suis dit que je tenais peut-être ça de vous.

  Bon, d'accord! C'est plutôt bancal, comme explication. Mais ce n’est pas loin de la vérité, même si je donne plus l’impression de passer mon temps à explorer les rayonnages de ma bibliothèque pour recueillir des infos que de pratiquer la magie, de convoquer des démons familiers et tout ça…

  Clara secoue la tête.

  — Non, pas à ma connaissance en tout cas. Mais il m’est arrivé d’être possédée.

  Je me demande si je dois essayer d’en savoir plus, mais ça me paraît inopportun. Je me contente donc de regarder par la fenêtre une poignée de feuilles de platane balayée par le vent sur le trottoir. Le silence s’installe et devient pesant, presque palpable. Je me sens mal à l’aise.

  — Etes-vous…

  — Ta grand-mère…

  Nous avons repris la parole en même temps, et chacune insiste pour que l’autre parle la première. Je finis par céder et je complète ma question.

  — Etes-vous déjà venue me voir ? Vous est-il arrivé de m’observer à mon insu?

  — Non. Au début, je n’en avais pas envie. Je n’avais qu’une préoccupation en tête : savoir comment j’allais me procurer ma prochaine dose…

  Et voilà! Elle l’a dit. Il est clair qu’elle se souciait plus de sa drogue que de moi, que de me voir. Je me ferme comme une huître. Les épaules voûtées, je commence à mordiller l’ongle de mon pouce.

  Clara tend la main pour m’en empêcher.

  — Non, pas ça !

  — Ne me dites pas ce que j’ai à faire!

  L’intensité de ma colère me surprend. Je retire ma main brusquement, comme si elle m’avait brûlée.

  Elle croise les mains sur ses genoux.

  — Tu as de si belles m
ains… tu les tiens de ton père. Les miennes n’ont jamais été particulièrement jolies.

  Je serre les poings. C’est puéril, je sais, mais je n’ai pas envie qu’elle continue à regarder mes mains, et qu’elle voie que mes ongles sont rongés.

  — Jane, je sais que je t’ai blessée. Je suis consciente que tout cela est une énorme surprise pour toi.

  — Vraiment?

  J’ose enfin la regarder droit dans les yeux, des yeux si semblables aux miens.

  — Alors vous devez savoir aussi combien de fois j’ai attendu votre retour ! Saviez-vous que je cachais votre photo sous mon oreiller? Et que je vous parlais le soir quand j’étais sûre que personne ne pouvait m’entendre ?

  — J’ai fait ce qui me semblait le mieux pour toi. Je savais que je n’étais pas assez forte pour t’aider, pour te donner tout ce dont tu avais besoin.

  — C'était peut-être vrai quand vous êtes partie, mais ça remonte à vingt-cinq ans ! Plus tard, vous avez sûrement retrouvé la force d’agir…

  — C’est vrai, ou du moins c’est ce que je croyais. J’ai arrêté de prendre de la drogue il y a seize ans, après m’être réveillée dans un hôpital sans me rappeler qui j’étais, ni même comment j’avais atterri là ! Il m’a fallu plusieurs années pour me réapproprier ma vie. Mais la première fois que j’ai repris contact avec ta grand-mère, elle m’a dit que tu n’étais pas prête à me voir, que ça te perturberait trop. Tu venais d’entrer au lycée, et tout le monde sait que c’est une période difficile.

  Je me revois soudain à quinze ans, empruntée, disgracieuse, sans aucune confiance en moi. D’un jour à l’autre, je suis passée du stade de l’enfant immature et affectueuse à celui de l’ado arrogante qui piquait des crises de colère. J’aurais voulu sortir avec des garçons, mais ça me faisait peur. Je rêvais d’indépendance, mais j’étais terrifiée à l’idée de me retrouver seule. Jamais je n’aurais pu faire face à cette révélation concernant ma mère biologique! Pas à l’époque.

  — Mais j’ai toujours continué à demander de tes nouvelles, Jane. Je voulais savoir comment tu allais. Ta grand-mère aurait dû…

  — Ah non, pas ça ! Comment osez-vous me dire ce que Mamie aurait dû faire?

 

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