COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE

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COMMENT JE SUIS DEVENUE IRRESISTIBLE Page 30

by KLASKY


  — Je voulais dire… dès que je serai de retour à la bibliothèque, je remettrai mon costume…

  Il gémit en m’embrassant. Lorsque nous nous éloignons l’un de l’autre à regret, je lui murmure à l’oreille :

  — … et je penserai à vous en laçant mon corset.

  Ce que je fais.

  J’arrive au boulot les joues rougies par la marche, et les yeux brillant de secrets inavoués. Je serre les lacets au maximum, et je pense tout l’après-midi aux caresses de Jason, tout en faisant des recherches sur la médecine du dix-huitième siècle. Plus précisément, sur un obscur père fondateur et son fils qui ne l’est pas moins.

  23

  — Jane, je n’en reviens pas que tu sois aussi belle sans tes lunettes!

  — Mamie! J’étais si moche que ça avec ?

  Je commence à me poser des questions. Je n’ai reçu que des compliments depuis que j’ai troqué mes lunettes contre des lentilles de contact, il y a quelques jours. Neko m’a regardée grimacer devant le miroir de ma salle de bains pendant que je m’entraînais à mettre et retirer les lentilles, jusqu’à ce que je trouve naturel de me fourrer le doigt dans l’œil. Quand j’ai rangé mes lunettes, il m’a dit d’un ton méprisant :

  — De toute façon, elles n’allaient pas du tout avec la forme de votre visage.

  Et c’est maintenant qu’il me le dit!

  David Montrose lui-même a remarqué le changement. Il a même fait quelques commentaires pendant nos séances de formation (nous nous sommes vus trois fois en trois jours). Lorsque je lui ai expliqué que Clara et Mamie semblaient avoir toutes deux une affinité particulière pour les cristaux, il a voulu que je me concentre davantage sur eux et un peu moins sur les formules magiques des grimoires. Il pense que nous devons explorer leurs pouvoirs magiques et essayer de savoir s’ils sont la vraie source de mes pouvoirs.

  Nous ne sommes parvenus à aucune conclusion irréfutable, mais j’ai appris des tas de choses insoupçonnées sur la calcédoine, l’héliotrope et la natrolite. (La calcédoine stimule l’instinct maternel, entre autres. J’ai décidé d’en faire cadeau à Clara…)

  J’ai pris très au sérieux mes cours de formation, même si j’avais constamment l’esprit ailleurs. Je pensais à Jason. Mon Petit Ami ne m’a pas téléphoné de la semaine, et j’ai fait des efforts insensés pour résister à la tentation de composer son numéro de portable. J’espérais qu’il passerait à la bibliothèque une fois ou deux de plus en semaine pour ses travaux de recherche, mais j’ai été cruellement déçue. Pour me consoler, je me suis dit qu’à la fac, les examens de milieu de trimestre arrivaient à grands pas et que Jason était sans doute très occupé à donner des conseils à ses étudiants. Mais j’ai boudé pendant la seconde moitié de la semaine, en lisant et relisant les notes que j’avais prises.

  C'est sans doute pour cette raison que je suis bien décidée à faire du Gala des Moissons un succès. Parce que Jason ne m’appelle pas et que ça me déprime. Ou alors parce que je rêve d’une pause dans l’étude des cristaux avec David.

  Ou tout simplement parce que je veux que tout soit parfait pour Mamie.

  Elle est sortie de l’hôpital il y a deux jours, mais on lui a prescrit formellement de prendre beaucoup de repos et de limiter ses activités. Il m’a fallu user de toute ma capacité de persuasion pour la convaincre de rester chez elle le soir du Gala. Mais au final, je pense que c’est l’oncle George qui lui a fait comprendre qu’il était inutile de courir le risque d’une rechute. Il lui a même dit qu’il voulait passer d’autres galas avec elle…

  Les yeux de Mamie se sont embués de larmes, mais elle a fini par accepter de rester au lit. Et à ma grande surprise, Clara lui a proposé de passer la soirée avec elle.

  Et me voilà devant elles, aussi stressée que si je m’apprêtais à me rendre au bal de fin d’année du lycée!

  En début de soirée, j’ai voulu remonter mes cheveux fraîchement coupés en un genre de chignon. Cela me semblait mieux pour un gala, mais Neko m’en a dissuadée. Il m’a aussi convaincue de ne pas porter ma classique petite robe noire, comme j’avais prévu de le faire depuis longtemps.

  Si je ne voulais pas de ses conseils, je ne lui aurais sans doute pas dit que la tenue de soirée était de rigueur. Il a aussitôt exigé que j’opte pour une tenue aux couleurs de l’automne. Quand je lui ai rétorqué qu’aucune nuance d’orange ou de jaune n’allait avec mon teint et la couleur de mes cheveux, il a fini par céder, à contrecœur. Mais il m’a traînée dans une petite boutique, je dirais même une minuscule boutique découverte au cours de ses promenades quotidiennes dans le quartier.

  Je dois avouer que le fourreau en shantung vert foncé qu’il a choisi pour moi est une vraie merveille. Le vert est rehaussé de taches d’or, juste assez pour faire ressortir la couleur de mes yeux. Jusqu’ici, je n’avais encore jamais eu le courage de porter une robe bustier.

  Inutile de parler des leçons que m’a données Neko en matière de lingerie… Disons simplement que Victoria’s Secret peut faire des miracles, même dans un délai très court ! Heureusement que Mamie était d’accord pour payer la note de ma tenue d’apparat…

  Pour la 432e fois, Mamie me dit :

  — N’oublie pas de faire des enchères pour moi à la vente silencieuse. Et puis, essaie de saluer les gens qui viennent de rejoindre le Club. Fais en sorte qu’ils se sentent à l’aise.

  Clara ajoute d’un ton solennel :

  — Et n’oublie pas de rentrer avant minuit, sinon, ton carrosse se changera en citrouille.

  Mamie fronce les sourcils, momentanément distraite de sa liste des choses à faire et à ne pas faire.

  — As-tu besoin d’argent pour le taxi, ma chérie?

  — Non, ça va.

  Je brandis sous son nez la petite pochette dorée que j’ai achetée sous l’insistance de Neko pour compléter ma tenue.

  — Bon, je dois vraiment y aller !

  J’ai encore droit à quinze minutes de conseils de ma grand-mère. L'importance, par exemple, de se remettre régulièrement du rouge à lèvres, et d’avoir toujours les cheveux bien brossés. Quand je réussis enfin à m’échapper, j’en suis à me demander si je ne dois pas tout laisser tomber pour rentrer chez moi ! Après tout, c’est le côté « je me fais belle » qui était amusant. L'événement en soi va sûrement me décevoir, même si j’essaie de rester spirituelle et enjouée avec ma bande de septuagénaires (et plus)…

  Mais je sais que l’oncle George racontera tout à Mamie, dans les moindres détails. Et puis, j’ai promis de participer aux enchères à sa place. Last but not least, je me sens très en beauté dans ma robe de bal.

  Une robe de bal ! Qui aurait jamais imaginé que Jane Madison, bibliothécaire de son état, puisse porter un jour une robe de bal ?

  Est-ce grâce à mon fourreau vert ou tout simplement un coup de chance, toujours est-il que je n’ai aucun problème pour trouver un taxi juste devant l’immeuble où habite Mamie.

  Le Gala a lieu au St Regis Hotel, à quelques pâtés de maisons de la Maison Blanche. Lorsque le taxi s’arrête dans la petite allée circulaire, un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Je règle la course pendant que le portier en uniforme m’attend pour m’aider à sortir de la voiture. Une lumière féerique est réfléchie par le plafond aux caissons d’or et l’entrée turquoise. Je cligne des yeux en cherchant où je suis censée aller. Un employé en uniforme se glisse près de moi.

  — Puis-je vous aider, madame ?

  Madame ? Moi ?

  Je ne peux m’empêcher de répondre avec l’accent britannique, qui me semble de circonstance ici.

  — Oui, merci. Pouvez-vous me dire où a lieu Le Gala des Moissons du Club d’Opéra?

  — Bien sûr, madame. Par ici, je vous prie.

  Au lieu de pointer du doigt l’extrémité du hall, il m’accompagne sur le parquet vernis jusqu’à la porte. Je lui chuchote un remerciement, et me voilà devant la double porte sculptée de la salle de bal.

  La réception bat son plein… si tant est
qu’on puisse utiliser ce terme. Au bout de la pièce, un orchestre de jazz – d’excellente qualité me semble-t-il – occupe la scène et joue avec enthousiasme un morceau sur lequel on peut danser. Une douzaine de couples au bas mot ont d’ailleurs investi la piste de danse.

  Des tables rectangulaires ont été installées dans chaque coin de la salle, tout contre les lourds rideaux de brocart doré. Sur chaque table, une petite lampe de bureau braque une lumière verte sur un formulaire d’enchère silencieuse en magnifiques caractères d’imprimerie. En longeant le mur, je constate que plusieurs mises aux enchères ont déjà été faites pour la plupart des lots. Soucieuse de tenir la promesse faite à Mamie, je remplis les différents formulaires, en accordant une attention toute particulière à son premier choix, un paysage impressionniste peint par un artiste du coin, Bill Schmidt.

  Le bar a été installé contre le mur le plus proche, et quelques personnes attendent leur consommation. Près du bar, j’aperçois une profusion de desserts. De mon poste d’observation, j’arrive même à distinguer les mini éclairs, un croquembouche somptueux, et je ne sais combien de tartelettes aux fruits.

  Sans mes lunettes, et dans cette robe d’adulte avec ma coiffure élaborée et ma pochette chic, je me sens étrangement anonyme. Je m’empare d’une coupe de champagne sur le plateau d’un serveur qui circule entre les invités. Hélas, dès que j’ai le verre en main, je retombe dans le cauchemar de toutes les réceptions auxquelles j’ai pu assister au cours de ma vie : je ne connais personne. Moi qui ne suis pas douée pour faire la conversation ! Personne ne m’invitera à danser. Et je n’ai jamais entendu parler de la plupart des opéras qui sont le gagne-pain de tous ces gens.

  Je fais de nouveau le tour de la salle, faisant monter une des enchères de Mamie qui a déjà été contrée, puis je bats en retraite vers le coin le plus éloigné de l’orchestre. Mon rêve serait de m’enfermer dans un des box des toilettes pour dames en attendant la fin de la soirée!

  Je réussis à faire durer ma coupe de champagne pendant un morceau complet de jazz. Pas mal, non ? Lorsqu’un serveur un peu trop prévenant emporte mon verre vide sur son plateau d’argent, je pique littéralement un sprint vers le bar pour m’emparer d’une nouvelle flûte de champagne. Je ne peux quand même pas rester les mains vides ! Les gens pourraient penser que je ne m’amuse pas.

  Le problème, c’est que ce deuxième verre complique un peu les choses. Juste au moment où je sens que le champagne me monte à la tête, une foule de serveurs fait une descente dans la salle avec d’immenses plateaux couverts d’amuse-gueules aussi tentants les uns que les autres.

  Le premier qui arrive vers moi contient des bouchées de canard laqué – de tranches fines de canard servies sur des lamelles de galette croustillante avec un soupçon de sauce hoi sin, le tout présenté sur des cuillers à soupe chinoises en porcelaine. C'est absolument délicieux! Et je réussis à manger sans laisser derrière moi aucune trace de rouge à lèvres ! L'ennui, c’est qu’après, je me retrouve avec une cuiller dans une main et un verre de champagne dans l’autre.

  Et avec une faim de loup.

  D’autres serveurs circulent entre les gens. Il y a notamment un plateau avec des côtes d’agneau miniatures à la française, dont on peut se saisir facilement compte tenu de la forme de l’os. J’en ai l’eau à la bouche! Un autre plateau passe, avec des tranches de poire grillées nappées de fromage bleu fondu. Un autre encore avec des filets de rosbif coupés en tranches aussi fines que du papier à cigarette, et présentés sur des galettes de pain au cumin.

  Mais aucun serveur, pas un seul, ne ramasse les cuillers à soupe utilisées. Si je m’étais mieux organisée, j’aurais commencé par les gourmandises que je viens de voir avant de m’attaquer au canard laqué. Mais comme je me suis mal débrouillée, me voilà les mains prises pour le reste des amuse-gueule… (En théorie, je pourrais poser mon verre de champagne, mais j’ai écarté d’emblée cette solution…)

  Au moment où mon estomac se met à gargouiller en guise de protestation, j’entends quelqu’un me dire :

  — Puis-je vous débarrasser de votre cuiller ?

  Je me retourne, soulagée que l’un des serveurs en smoking puisse enfin me sortir de ce mauvais pas. Mais je me retrouve face à Samuel Potter, le propriétaire de Beijing, le shih tzu.

  Je suis surprise d’avoir affaire à un invité et non à un serveur.

  — Monsieur Potter !

  A ma grande honte, il me prend des mains la cuiller et la flûte à présent vide. Aussitôt, un serveur s’approche pour libérer M. Potter de son fardeau. Je m’apprête à faire une remarque bien sentie, mais j’y renonce. Ce n’est ni le lieu ni le moment de me plaindre !

  M. Potter m’embrasse galamment sur la joue.

  — Vous êtes ravissante, ma chère.

  Je deviens rouge pivoine. Décidément, ce sortilège d’amour fait des merveilles… Combien de semaines ont passé depuis que j’ai lu cette formule magique dans le grimoire, déjà ? Et combien de temps encore aura-t-elle de l’effet? Ce qui est bizarre, c’est que j’ai oublié à plusieurs reprises d’en parler à David. Je m’en serais certainement souvenue la semaine dernière s’il ne m’avait pas fait découvrir le coffret aux cristaux couvert de poussière.

  Je me rappelle à temps que je n’ai pas répondu au compliment de M. Potter.

  — Merci, monsieur Potter, c’est très aimable à vous.

  — Est-ce que vous passez une bonne soirée, au moins ?

  — Tout à fait. Le canard laqué était excellent. Une spécialité de Pékin, pardon, de Beijing, je crois…

  Le rire de M. Potter s’entend d’un bout à l’autre de la salle.

  — Ma Lucinda n’arrêtait pas de faire ça ! Un de nos voisins avait un petit pékinois qui passait son temps à japper, et ma femme l’appelait toujours le « beijingois »… Vous savez, ces toutous avec une bouille foncée et un corps de peluche.

  — Je trouve qu’ils ressemblent à des balais à frange.

  M. Potter s’esclaffe de nouveau.

  — C'est exactement ça! Lucinda irritait aussi mon cousin, un anthropologue, en parlant sans arrêt de l’« Homme de Beijing »… Dieu sait pourtant combien de fois il lui avait expliqué que cette découverte sur l’évolution avait été faite bien avant que notre prononciation ne devienne politiquement correcte !

  — Et comment va votre chien, ce soir ?

  — Je l’ai laissé tout seul à la maison. Il doit probablement être à la fenêtre, en train de hurler. Il déteste se sentir abandonné.

  L'espace d’un instant, un pli soucieux barre le front de M. Potter, et je regrette de lui avoir fait penser à sa défunte épouse. Mais avant que je trouve un petit mot gentil à lui dire, l’orchestre de jazz se met à jouer un swing endiablé. Le visage de M. Potter s’éclaire.

  — Vous m’accordez cette danse ?

  Il a pris un ton solennel. Je me demande presque si je suis censée avoir un carnet de bal ! Ces amateurs d’opéra sont des gens qui aiment perpétuer les traditions, non ? En général, je ne tiens pas trop à évoluer sur une piste de danse, je me sens gênée. Mais le pauvre homme a l’air si épris… Et puis, je porte ma nouvelle robe de soie verte, ma coupe de cheveux est parfaite, et j’inaugure mes lentilles de contact.

  — Avec plaisir.

  J’ai l’impression d’être une enfant que l’on conduit au beau milieu de la piste de danse. M. Potter accepterait-il de me laisser grimper sur ses pieds pour le suivre pas à pas, comme une gamine ? Mais il pose une main ferme sur ma taille et me tend son autre main. Au début, nous traînons les pieds de façon un peu gauche, en essayant de suivre le rythme de la musique. En vain… Pas de doute, nous ne nous accordons pas du tout.

  Quelle importance? Pendant notre prestation – qui pourrait servir d’exemple à ne pas suivre –, M. Potter est radieux. Il lance un regard à ses copains fans d’opéra, puis revient sur moi. Il fait en sorte que nous nous tenions juste devant l’orchestre. Il est fier de moi. Fier d’être avec moi. Quant à moi, je me réjouis de le v
oir aussi heureux.

  Si seulement mon grand-père avait pu vivre plus longtemps !

  Comme si cette pensée l’avait fait apparaître, l’oncle George nous attend au bout de la piste de danse pendant que l’orchestre finit son morceau. Il applaudit en partie pour les musiciens, mais il incline la tête vers moi avec un petit sourire amusé, comme pour applaudir mes qualités de danseuse… que je n’ai pas ! Ou l’art de me comporter en société.

  J’éclate de rire et je l’embrasse sur la joue.

  — Jane, tu es éblouissante!

  Il tapote l’épaule de M. Potter.

  — Quant à toi, mon vieux Sam, tu as fait un sacré numéro !

  L'oncle George m’adresse un clin d’œil et je réponds par un sourire.

  M. Potter se tourne vers moi.

  — Jane, votre grand-mère doit être si fière de vous… Non seulement vous avez choisi une profession noble où vous excellez, mais vous avez accepté de gaspiller un soir de week-end avec de vieux croûtons comme nous pour servir une juste cause. Quel dommage que Sarah n’ait pu être des nôtres ce soir !

  Sarah… Je ne vois jamais ma grand-mère comme « Sarah ». Je n’ai même jamais pensé qu’elle pouvait avoir une vie en dehors de son statut de grand-mère.

  M. Potter se tourne vers l’oncle George.

  — Vous avez entendu parler des collections de la bibliothèque Peabridge ? Ils ont des manuscrits originaux qui datent du dix-septième siècle.

  L'enthousiasme de Monsieur M. me fait sourire. Chaque fois qu’il parle des bibliothèques, cet homme a l’énergie des nouveaux convertis.

  Je donne dans l’autodérision.

  — L'ennui, c'est qu'on a beaucoup de mal à retrouver ce qu’on veut !

  L'oncle George balaie mon objection d’un geste.

  — Tu les as sûrement tous rangés selon la classification décimale de Dewey, ou quelque chose de ce genre ? Je me souviens que j’ai appris ces chiffres, quand j’étais gosse. J’ai toujours aimé la catégorie 920. Surtout la biographie.

 

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