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The Complete Poetry of Aimé Césaire

Page 20

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  LA RÉCITANTE

  Il n’est que de cogner à la vitre du soleil. Il n’y a qu’à casser la glace du soleil. Il n’y a qu’à découvrir dans la boîte du soleil la houppe rouge des fourmis venimeuses éclatées à tous vents. Ha, Ha.

  NARRATOR

  Splendid weather. A gerbera more naked than a woman in the sunshine turns toward the sun and the sun crackles in enclosed brains a mined tiara a traveler’s tree a braided heart gorgeous high-blown-frozen-waters.

  LE RÉCITANT

  Il fait beau. Une gerbéra plus nue qu’une femme dans le soleil joue vers le soleil et le soleil crépite dans les cerveaux fermés diadème miné arbre du voyageur cœur tressé belles eaux-soufflées-haut-gelées.

  FIRST MADWOMAN

  The smell of earth hacked open by the machetes of rain is smoking. The simple day is an anteroom of death. . . Oh, I push aside the leaves of noise. Oh, I listen through the cracks in my brain. It rises. It rises.

  PREMIÈRE FOLLE

  L’odeur de la terre défoncée des machetes de la pluie fume. Le jour simple est un mouroir… Oh, j’écarte les feuilles de bruit. Oh, j’écoute à travers les fissures de ma cervelle. Il monte. Il monte.

  SECOND MADWOMAN

  It rises. It rises. The sun is a maddened lion that drags itself paws broken in the shuddering cage.

  DEUXIÈME FOLLE

  Il monte. Il monte. Le soleil est un lion qui se traîne fou brisé de pattes dans la cage qui tremble.

  THE REBEL

  (Feverishly).

  It rises . . . it rises from the depths of the earth . . . the dark flood rises . . . waves of howling . . . swamps of animal smells . . . the storm frothy with naked feet . . . and still more are pouring in a swarm down the paths of the mornes, climbing the escarpment of the ravines obscene and wild torrents swellers of chaotic rivers, rotted seas, convulsive oceans in the coal-black laughter of the cutlass and of bad alcohol. . .

  LE REBELLE

  (Fébrile).

  Il monte… il monte des profondeurs de la terre… le flot noir monte… des vagues de hurlements… des marais de senteurs animales… l’orage écumant de pieds nus… et il en grouille toujours d’autres dévalant les sentiers des mornes, gravissant l’escarpement des ravins torrents obscènes et sauvages grossisseurs de fleuves chaotiques, de mers pourries, d’océans convulsifs dans le rire charbonneux du coutelas et de l’alcool mauvais…

  FIRST MADWOMAN

  In my black and red hand the dawn of a white alder shouts itself hoarse.

  PREMIÈRE FOLLE

  En ma main noire et rouge s’époumonne une aurore de sureau blanc.

  SECOND MADWOMAN

  In the beginning there was nothing.

  DEUXIÈME FOLLE

  Au commencement il n’y avait rien.

  FIRST MADWOMAN

  In the beginning there was the night.

  PREMIÈRE FOLLE

  Au commencement il y avait la nuit.

  THE REBEL (softly)

  Night and destitution comrades, destitution and animal acceptance, the night rustling with the breathing of slaves dilating beneath their Christophoric steps the great sea of destitution, the great sea of black blood, the great swell of sugarcane and profits, the great ocean of horror and desolation. In the end, there is in the end. . .

  (He covers his eyes).

  (Far, very far away, in a historical distance the chorus mimes a scene of black revolution, monotonous and savage chants, confused tramping, cutlasses and pikes, a grotesque black man, the speaker, gesticulates. The whole thing sinister and clownish, reeking of pomposity and cruelty).

  LE REBELLE (bas)

  La nuit et la misère camarades, la misère et l’acceptation animale, la nuit bruissante de souffles d’esclaves dilatant sous les pas du christophore la grande mer de misère, la grande mer de sang noir, la grande houle de cannes à sucre et de dividendes, le grand océan d’horreur et de désolation. À la fin, il y a à la fin…

  (Il se bouche les yeux).

  (Loin, très loin, dans un lointain historique le chœur mimant une scène de révolution nègre, chants monotones et sauvages, piétinement confus, coutelas et piques, un nègre grotesque, le speaker gesticule. Le tout sinistre et bouffon, plein d’emphase et de cruauté).

  SPEAKER

  Silence, gentlemen, silence.

  LE SPEAKER

  Silence, messieurs, silence.

  FIRST ENERGUMEN

  don’t talk to us about silence: we are free and have equal rights. Don’t forget that.

  PREMIER ÉNERGUMÈNE

  pas de silence qui tienne : nous sommes libres et égaux en droit. N’oubliez pas cela.

  SECOND ENERGUMEN

  And I, I say: a curse upon those who have not read the Mene, Mene, Tekel, Upharsin of tyranny inscribed on the walls of our honorable faces freed from the halter.

  and behold, I know of heads that will roll like cocoa pods: death to the whites.

  DEUXIÈME ÉNERGUMÈNE

  Et moi je dis : malheur à ceux qui n’ont pas lu inscrit sur le mur de nos honorables faces délicotées le Mane Thecel Phares de la tyrannie.

  et voici, je sais des têtes qui rouleront comme des cabosses de cacao : mort aux blancs.

  CHORUS OF ENERGUMENS

  death to the whites, death to the whites.

  (Reverberating echoes, vociferations, chants. Emptiness and silence fall heavily over the scene.)

  LE CHŒUR D’ÉNERGUMÈNES

  mort aux blancs, mort aux blancs.

  (Échos répercutants, vociférations et chants. Le vide et le silence retombent, lourds).

  NARRATRESS (in a biting voice)

  In the end . . . what I see in the end . . . Ah yes, at the very end . . . the beast overturned, set down on this hysterical shit of masticating ghouls, its collapse haunted by terror, its insolence distorted by prayers, and on its wounds, the hot sauce of my laughter and the salt of my tears.

  LA RÉCITANTE (d’une voix cinglante)

  À la fin… ce que je vois à la fin… Ah, oui… à l’extrême fin… la culbute de la bête, la posée sur cette merde hystérique des goules masticatrices, son avachissement visité d’épouvante, son insolence triturée de prières, et sur ses blessures, la pimentade de mon rire et le sel de mes pleurs.

  NARRATOR

  Islands, I love that fresh word watched over by Caribs and sharks.

  LE RÉCITANT

  Îles, j’aime ce mot frais guetté de karibs et de requins.

  NARRATRESS

  O I wait passionately: I am surrounded

  LA RÉCITANTE

  Ô j’attends passionnément : je suis cernée

  NARRATOR

  . . .surrounded by nightmare eyes. . .

  LE RÉCITANT

  …cerné d’yeux de cauchemars…

  NARRATRESS

  surrounded by children and eyes and bursts of laughter

  LA RÉCITANTE

  cernée d’enfants et d’yeux et de ruées de rire

  NARRATOR

  Cataracts; behold the cataracts, and the deadly clear song of the birds.

  LE RÉCITANT

  Cataractes ; voici les cataractes, et le chant meurtrier clair des oiseaux.

  NARRATRESS (throwing down her mask)

  Beware, I shout beware from the height of my watchtower

  closer

  over here

  in a soft slow voice of bad harvest and of unexpected rain

  the black cloud is forming a slipknot

  LA RÉCITANTE (jetant bas son masque)

  Attention, je crie attention du haut de ma guette

  plus près

  par ici

  d’une voix douce et lente de mauvaise récolte et de pluie inattendue

  la nue noire dessine un nœud coulant

  NARRATOR (throwing down his mask)

  Beware, I shout beware from the height of my watchtower

  closer

  over here

  the freebooters’ canoe is pillaging on an azure fi
eld: for their amusement.

  Drunkenness and debauchery. A immense expanse turns to gold;

  in the depths of the lake a vermeil eagle bathes;

  fields of maize, of indigo of sugarcane, a few fathoms below the surface;

  clamors in the hollow rush to the hollow and plug the sky. . .

  LE RÉCITANT (jetant bas son masque)

  Attention, je crie attention du haut de ma guette

  plus près

  par ici

  le canot des flibustiers pille sur champ d’azur : pour se distraire.

  Ivresse et débauche. Une immense étendue se dore ;

  dans les profondeurs du lac lessive un aigle de vermeil ;

  des champs de maïs, d’indigo de cannes à sucre, à quelques brasses de profondeur ;

  des clameurs au creux se ruent au creux et bouchent le ciel…

  CHORUS (singing)

  Hey, my friends Ho.

  LE CHŒUR (chantant)

  Hé, mes amis Ho.

  SECOND CHORISTER (singing)

  Hey, my friends, Ho

  DEUXIÈME CHORISTE (chantant)

  Hé, mes amis, Ho

  FIRST CHORISTER

  The earth is a weariness, my weariness will weary it

  PREMIER CHORISTE

  La terre est une fatigue, ma fatigue va la fatiguer

  SECOND CHORISTER

  The sun is a weariness, my weariness will weary it

  DEUXIÈME CHORISTE

  Le soleil est une fatigue, ma fatigue va la fatiguer

  THIRD CHORISTER

  The rain is a weariness; my weariness will weary it

  TROISIÈME CHORISTE

  La pluie est une fatigue ; ma fatigue va la fatiguer

  FIRST CHORISTER

  Hey, my friends, Ho

  PREMIER CHORISTE

  Hé, mes amis, Ho

  SECOND CHORISTER

  My weariness is an abyss; no sleep could possibly fill it.

  DEUXIÈME CHORISTE

  Ma fatigue est un gouffre ; aucun sommeil ne saurait le combler.

  THIRD CHORISTER1

  My weariness is a thirst Ho no drink could possibly quench it.

  TROISIÈME CHORISTE

  Ma fatigue est une soif Ho aucune boisson ne saurait l’apaiser.

  CHORUS

  Hey Ho, my friends, Ho. My weariness is a truckload of noiseless sand in the four corners of petrified harvests.

  LE CHŒUR

  Hé, Ho mes amis, Ho. Ma fatigue est un tombereau de sable insonore aux quatre coins de moissons pétrifiées.

  FIRST MADWOMAN (singing)

  Where is the one who will sing for us?

  PREMIÈRE FOLLE (chantant)

  Où est celui qui chantera pour nous ?

  CHORUS

  He bears a serpent in his right hand

  in his left hand a mint leaf

  his eyes are sparrow hawks his head that of a dog

  LE CHŒUR

  Il tient un serpent dans sa main droite

  dans sa main gauche une feuille de menthe

  ses yeux sont des éperviers sa tête une tête de chien

  SECOND MADWOMAN (singing)

  Where is the one who will show us the way?

  DEUXIÈME FOLLE (chantant)

  Où est celui qui nous montrera le chemin ?

  CHORUS

  his sandals are of pale sun

  his straps are of fresh blood

  LE CHŒUR

  ses sandales sont de soleil pâle

  ses courroies sont de sang frais

  FIRST MADWOMAN (singing)

  Let us prepare the house for the fair triumphant guest.

  PREMIÈRE FOLLE (chantant)

  Préparons la maison pour le bel hôte triomphant.

  SECOND MADWOMAN (singing)

  O dogs, o scorpions, o serpents, sole steps, true steps that rise from the shadows

  DEUXIÈME FOLLE (chantant)

  Ô chiens, ô scorpions, ô serpents, seuls pas, vrais pas qui montez des ténèbres

  SECOND MADWOMAN (singing)

  Let us prepare the path for the fair man full of power

  DEUXIÈME FOLLE (chantant)

  Préparons le sentier pour le bel homme plein de force

  CHOIR (clapping hands)

  in vain does the last of the living hide himself

  to praise him we have no need of tambourines

  slash-and-burn manioc, fires of encampments hold on heed my words, I thirst for your incendiary arrows your smoke red with hot pepper your curare your genip.

  to praise and encourage him we have no need of tambourines

  hold in the blood sustained fire start the fire in the shade and the trench

  a thousand pardons it’s the best we have to offer you a flickering fire panting salutes to the darkness armed with blue shadows.

  LE CHŒUR (frappant dans ses mains)

  c’est en vain qu’il se cache le dernier des vivants

  pour le louer nous n’avons pas besoin de tambourins,

  manioc des brûlis, feu des campements holà écoutez-moi, j’ai soif de vos flèches incendiaires de vos fumées rouges de piment de votre curare de votre jénipa.

  pour le louer et l’encourager nous n’avons pas besoin de tambourins

  holà dans le sang feu continu commencez le feu dans l’ombre et le fossé

  mille excuses c’est ce que nous avons de mieux à vous offrir un incendie clignoté saluant de souffles l’obscurité armée d’ombres bleues.

  FIRST MADWOMAN

  I shall lay him between my breasts like a mint leaf

  I shall lay him between my breasts like a stick of incense

  I shall lay him between my breasts like a red dagger

  PREMIÈRE FOLLE

  je le coucherai entre mes seins comme une feuille de menthe

  je le coucherai entre mes seins comme un pain d’encens

  je le coucherai entre mes seins comme un poignard rouge

  CHORUS (droning)

  With your sandals of rain and courage, rise appear imminent

  lord so close to tears rise in the desert like water and the rising of the waters swollen with cadavers and crops;

  rise most imminent lord, flesh flies in chips of dark Africa, rise most imminent lord, there will again be eyes like sunflowers or great amorous soyas banded with birds as beautiful as the ringing of an adam’s apple in the lightning flash of sudden anger

  LE CHŒUR (psalmodiant)

  Avec tes sandales de pluie et de courage, monte surgir imminent

  seigneur tout près des larmes monte dans le désert comme l’eau et la montée des eaux houleuses de cadavres et de moissons ;

  monte très imminent seigneur, la chair vole en copeaux d’Afrique sombre, monte très imminent seigneur, il y aura encore des yeux comme des tournesols ou de grands sojas amoureux bandés d’oiseaux aussi beaux qu’une sonnerie de pomme d’adam dans l’éclair des colères brèves

  NARRATRESS

  Your have heard, you have heard, the king is arriving, the king is setting foot on the earth; the king is ascending the staircase; the king is crossing the first step; he is at the second; the king is on the threshold.

  LA RÉCITANTE

  Vous avez entendu, vous avez entendu, le roi arrive, le roi met pied à terre ; le roi monte l’escalier ; le roi franchit la première marche ; il en est à la deuxième ; le roi est sur le perron.

  NARRATOR (very calmly)

  step by step the king has set foot in the pit camouflaged with slippery smiles

  LE RÉCITANT (très calme)

  pas après pas le roi a mis le pied dans la fosse camouflée de sourires glissants

  THE REBEL

  You will not impede my speaking to my friends without eclipse

  plump moon malefic weed, sycamore sycamore. . .

  behold my loves, behold my hatreds

  and my voice a well-behaved child at your alcove’s edge.

  LE REBELLE

  Vous ne m’empêcherez pas de parler à mes ami
s sans éclipse

  lune grasse mauvaise herbe, sycomore sycomore…

  voici mes amours, voici mes haines

  et ma voix très sage enfant au bord de votre alcôve.

  CHORUS (distantly)

  Arise o king

  LE CHŒUR (lointain)

  Ô roi debout

  THE REBEL

  the river without idiom is exasperated by the maneuvers of the ashes

  the cape and the filings

  the birds and the days

  revolve with their clanging of locks

  around the childish horizon the fantastic animals

  browsers of brains

  have put away their eyes

  delighted by all the night drunk.

  LE REBELLE

  le fleuve sans idiome s’exaspère des manœuvres de la cendre

  le cap et la limaille

  les oiseaux et les jours

  tournent avec leur bruit de serrures ;

  à l’horizon enfantin les animaux fantastiques

  brouteurs de cervelles

  ont remisé leurs yeux

  enjoués de toute la nuit bue.

  CHORUS (distantly)

  Arise o king

  LE CHŒUR (lointain)

  Ô roi debout

  THE REBEL

  I would people the night with meticulous adieux

  LE REBELLE

  je veux peupler la nuit d’adieux méticuleux

  CHORUS (from afar)

  Arise o king

  LE CHŒUR (au loin)

  Ô roi debout

  THE REBEL

  violets* and anemones rise up with each step of my blood

  LE REBELLE

  des violettes des anémones se lèvent à chaque pas de mon sang

  CHORUS (more distantly)

  Arise o king

  LE CHŒUR (plus lointain)

  Ô roi debout

  THE REBEL

 

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