et tes pieds portés par les eaux
les restitue au tablier sans cris d’un strom présomptueux
Secret Society
Société secrète
From the lagoon rises an odor of blood and an army of flies peddling to women the fraud of menopausal jewels
the crime staff has settled very comfortably into the passing of history whose epilepsy has never been so great as now when each inscription is an adventure each letter of which explodes in packets of cartridges
Du lagoon monte une odeur de sang et une armée de mouches qui colportent aux femmes la fraude des bijoux de la ménopause
l’état-major du crime s’est installé très confortablement sur le passage de l’histoire dont l’épilepsie n’a jamais été si grande que dans ce temps où chaque inscription est une aventure dont chaque lettre saute en paquets de cartouches
a dusty affinity leads to weeks that are the slide grooves of a guillotine before which the public accuser* stands guard
in any case the body’s elevation and fall constantly warn of the stage reached by the ever difficult digestion of geologic avatars
we have nothing to do with the moles that bulged up the earth with insurrection’s seasonal upsurge
une affinité de poussière conduit aux semaines qui sont les rainures coulissières d’une guillotine devant laquelle l’accusateur public monte la garde
en tout état de cause l’élévation et la chute du corps avertissent à tout moment de l’étape atteinte par la digestion toujours difficile des avatars géologiques
on n’a que faire des taupes qui gonflaient la terre de la poussée saisonnière de l’insurrection
we have nothing to do with the sun it’s a raped girl who no longer dares to return home in its place a counter-rain of sand and mud whose offensive above the cities imitates the undisciplined perfection of the troops of polarized light
on n’a que faire du soleil c’est une fille violée qui n’ose plus rentrer à la maison en tient lieu une contre-pluie de sable et de boue dont l’offensive au-dessus des villes imite la perfection d’indiscipline des troupes de la lumière polarisée
be that as it may
despite the tonsillar antelopes who merge after a long race in the palm tree dawn formed by tears beneath the beloved necks and which the sagacious hand of consolation shall never chase away
au demeurant
en dépit des antilopes amygdales qui se réunissent après une longue course à l’aube de palmiers que font les pleurs sous les cous aimés et que ne chassera jamais la main sagace des consolations
(no more than a superstition shall broach the beautiful tree reserved for the axe of idolatrous hearts despite the blood that paints the executioner blocks and flings across its mask the premature flower bouquet of a scalp)
(pas plus qu’une superstition n’entamera le bel arbre réservé à la hache des cœurs idolâtres en dépit du sang qui peint les billots et jette au travers de son masque le bouquet de fleurs prématuré d’un scalp)
north wind
and knives of the stars
let us exchange with convex satellites
the helpful little salute
that we exchange with the snow bunting solarized for us alone to the decry of fragile skylights from which the antidote with its barely loquacious heaven ordinarily casts
the train of sea rescuers
onto the tracks of this vale dispatched as I please
at the bottom of the mule marl of an unmarked catastrophe
bise
et couteaux des astres
échangeons avec les satellites convexes1
le petit salut aidant
que nous échangeons avec l’ortolan des neiges ensoleillé pour nous seuls à la décriée des fragiles lucarnes d’où le contre-poison lance à l’ordinaire de son ciel peu loquace
le train des sauveteurs de la mer
sur les rails de ce val dépêché à mon gré
au fond de la caillasse muletière d’une catastrophe sans repères
* * *
1. The 1948 ed. and the 1970 Kraus Reprint ed. present an inverted “n” as “u” in “convexes.” We have corrected it, as did the PTED ed. We have left the non-standard spelling of “lagoon” in the first line, however.
Nocturnal Crossing
Traversée nocturne
Audacity that is what shall console us least
right here is the animal alloy of muscle and voice in the rainy detonation of the day
under the plus sign overflown by a squadron of petrels
Thanks to the farmers who regale me with hatred painted on their faces
days perch solely on the shoulders of women more than asleep
Storm or rain
the beaks that put me back between the hands of the scream
shall guide them laudably
Audace c’est ce qui nous consolera le moins
voici l’alliage animal du muscle et de la voix dans la détonation pluvieuse de la journée
sous le signe plus survolé d’une escadre de pétrels
Merci aux fermiers qui me régalent d’une haine peinte sur leur visage
les jours ne se perchent que sur l’épaule des femmes mieux qu’endormies
Orage ou pluie
à bonne fin les conduiront
les becs qui m’ont remis entre les mains du cri
Covered with fresh encephalon
I rise already even faster
silence
like the bull under the maul
it is a kiss deriving lips
from our clogprints
Couvert d’encéphale frais
je m’élève déjà bien plus vite
silence
comme sous la masse le taureau
c’est un baiser puisant des lèvres
dans l’empreinte de nos sabots
Among Other Massacres
Entre autres massacres
With all their strength the sun and the moon collide
the stars fall like overripe warning lights
like a litter of gray mice
fear nothing prepare your high waters
that sweep away the bank of mirrors
De toutes leurs forces le soleil et la lune s’entrechoquent
les étoiles tombent comme des témoins trop mûrs
et comme une portée de souris grises
ne crains rien apprête tes grosses eaux
qui si bien emportent la berge des miroirs
they have put mud over my eyes
and I see I see terribly I see
of all the mountains of all the islands
nothing is left save the few rotted tooth stumps
of the impenitent saliva of the sea
ils ont mis de la boue sur mes yeux
et vois je vois terriblement je vois
de toutes les montagnes de toutes les îles
il ne reste plus rien que les quelques mauvais chicots
de l’impénitente salive de la mer
The Griffin
Le griffon
I am a memory that does not reach the threshold
and wanders in limbo where the glint of absinthe
when the heart of night breathes through its blowholes
moves the fallen star in which we contemplate ourselves
The lingual sky took on a new consistency of a freshly opened coconut’s cream
Je suis un souvenir qui n’atteint pas le seuil
et erre dans les limbes où le reflet d’absinthe
quand le cœur de la nuit souffle par ses évents
bouge l’étoile tombée où nous nous contemplons
Le ciel lingual a pris sa neuve consistance de crème de noix fraîche ouverte du coco
Spitting Andes and sacred Mayumbé
sole shipwreck that the eye good sailor pays off for us
when soul mad shredded mad
through clouds that reach me in tightly shut fish
I reascend to haunt the
sinister thickness of things
Andes crachant et Mayumbé sacré
seul naufrage que l’œil bon voilier nous soudoie
quand âme folle déchiquetée folle
par les nuages qui m’arrivent dans les poissons bien clos
je remonte hanter la sinistre épaisseur des choses
Redemption
Rachat
The loud noise gravitates rotten with cargo
wormy and bright disaster of a soldanella
the loud noise gravitates meninx of diamonds
your face glides naked into my milky frenzy
Le bruit fort gravite pourri d’une cargaison
désastre véreux et clair de soldanelle
le bruit fort gravite méninge de diamants
ton visage glisse nu en ma fureur laiteuse
Amoebic swelter
miltic swelter true gossamers of the true immaculate virgin in the auroras of the sea when the maslin made skin and plunder of the damned
Touffeurs d’amibes
touffeurs de laitances vrais fils de la vraie vierge immaculée aux aubes de la mer quand les méteils firent peau et maraudes de damnés
Sweltering pile of chipped plates
of ruins of hairless dogs and of deep-sea divers who glide away at dusk
Swelter crude radiance
in the very slow nakedness of my hand
virgin umbilicus of the earth
Touffeurs de tas d’assiettes ébréchées
de ruines de chiens pelés et de scaphandriers qui glissent au crépuscule
Touffeur fruste rayonnement
au nu très lent de ma main
l’ombilic vierge de la terre
Mississipi
Mississipi
Too bad for you men who don’t notice that my eyes remember
revolts and black flags
that murder with each blink of my Mississipi lashes
Hommes tant pis qui ne vous apercevez pas que mes yeux se souviennent
de frondes et de drapeaux noirs
qui assassinent à chaque battement de mes cils de Mississipi
Too bad for you men who do not see who do not see anything
not even the gorgeous railway signals formed under my eyelids by the black and red discs of the coral snake that my munificence coils in my Mississipi tears
Hommes tant pis qui ne voyez pas qui ne voyez rien
pas même la très belle signalisation de chemin de fer que font sous mes paupières les disques rouges et noirs du serpent-corail que ma munificence love dans mes larmes de Mississipi
Too bad for you men who do not see that in the depth of the reticule where chance has deposited our Mississipi eyes
there waits a buffalo sunk to the very hilt of the swamp’s eyes
Hommes tant pis qui ne voyez pas qu’au fond du réticule où le hasard a déposé nos yeux de Mississipi
il y a qui attend un buffle noyé jusqu’à la garde des yeux du marécage
Too bad for you men who do not see that you cannot stop me from building to his fill
egg-headed islands of flagrant sky
under the calm ferocity of the immense geranium of our sun.
Hommes tant pis qui ne voyez pas que vous ne pouvez m’empêcher de bâtir à sa suffisance
des îles à la tête d’œuf de ciel flagrant
sous la férocité calme du géranium immense de notre soleil.
Blues
Blues
Aguacero
beautiful musician
unclothed at the foot of a tree
amidst the lost harmonies
close to our defeated memories
amidst our hands of defeat
and peoples of a strength strange
we let our eyes hang
and native
loosing the leading-rein of a sorrow
we wept.
Aguacero
beau musicien
au pied d’un arbre dévêtu
parmi les harmonies perdues
près de nos mémoires défaites
parmi nos mains de défaite
et des peuples de force étrange
nous laissions pendre nos yeux
et natale
dénouant la longe d’une douleur
nous pleurions.
The Scapegoat
Le bouc émissaire
The veins of the river bank grow numb with strange larvae
us and our brothers
in the fields the skeletons await their tremors and their flesh neither shall come and the season is null
the bite of our promises was fulfilled above the breast of a village and the village died with all its men recognizable through their mica tubes yesterday only by the violet patience of their mute excrement
Les veines de la berge s’engourdissent d’étranges larves
nous et nos frères
dans les champs les squelettes attendent leurs frissons et la chair rien ne viendra et la saison est nulle
la morsure de nos promesses s’est accomplie au-dessus du sein d’un village et le village est mort avec tous ses hommes qu’on ne reconnaissait à travers leur tube de mica hier qu’à la patience violette de leurs excréments muets
O crepuscular gatherer
so fragile so fragile at the edge of the nights the pastry of the landscape that at last a white-headed jubilation of sea eagles she flies there but for the eye that sees itself there is on the wall prophet of shadows and trembling at the whim of pyrites a heart pumping a blood made of light and grass
and the sea the Aboriginal a handful of murmurs between its teeth drags itself out of its marsupial bones and placing its first island rock in the wind which tumbles down from the renewed strength of fetuses, ponders igniting its punch of anathemas and mirage against the naked wonder of our cities probing the future and our chattering scapegoat mugs
Ô cueilleuse crépusculaire
si fragile si fragile au bord des nuits la pâtisserie du paysage qu’à la fin jubilation à tête blanche des pygargues elle y vole mais pour l’œil qui se voit il y a sur la paroi prophète d’ombre et tremblant au gré des pyrites un cœur qui pompe un sang de lumière et d’herbe
et la mer l’Aborigène1 une poignée de rumeurs entre les dents se traîne hors de ses os marsupiaux et posant sa première pierre d’île dans le vent qui s’éboule de la force renouvelée des fœtus, rumine flamber ses punchs d’anathèmes et de mirage vers la merveille nue de nos villes tâtant le futur et nos gueules claquantes de bouc émissaire
* * *
1. We take “Arborigène” to be a typographical error in the 1948 text that later editions corrected.
Transmutation
Transmutation
A tree thrusts against a wall its quarrel of twisted pipe
in the absence of any objective reference the cataracts have hung in their windows the linen that hygienic women soil with their menses to such an extent that nothing is more personal than the sacking of time
Un arbre pousse contre un mur sa querelle de tuyau tordu
en l’absence de toute référence objective les cataractes ont suspendu aux fenêtres le linge que les femmes hygiéniques tachent de leurs menstrues si bien que rien n’est plus individuel que le saccage du temps
the tanned necks of prostitutes alone still give meaning to the infinite
However much I point out that I have not proved unworthy they leave me alone
defense a storm screams at me incessantly
always foretold always deferred nourishing the unconscious of our crowds with all the peripeteia of nightmare
seul le cou tanné des prostituées donne encore le sens de l’infini
J’ai beau expliquer que je n’ai pas démérité on me laisse seul
défense c’est ce que me hurle incessamment un orage
toujours annoncé toujours différé qui alimente l’inconscient de nos foules de toutes les péripéties du cauchemar
Happily they did not notice that I n
oticed that I have my hands to keep me company I have my monkey tail hands I have my booby-trap hands I have my assassin hands I have my sleepwalker hands and sometimes when the lapse of remorse risen from Atlantis beats in my pulse I have my shell hands I also have my guano hands that are so lovely they are called Sierra Nevadas I have my Simon says hands I have my diving-suit hands I also have my hands for rocking the little children who come to me since my most spiritual exercise consists in trying to stop myself I have righteous hands which affected by mildew never become mature my incendiary hands my bicolored hands my miliary fever hands my generally insignificant hands my pearl diver hands that are accustomed to the depths
Heureusement on ne s’est point aperçu que je me suis aperçu que j’ai des mains pour me tenir compagnie j’ai mes mains de queue de singe j’ai des mains d’attrape-nigaud j’ai mes mains d’assassin j’ai mes mains de somnambule et parfois quand bat à mon pouls le laps du remords monté de l’Atlantide j’ai mes mains de coquillage j’ai aussi mes mains de guano qui sont si belles qu’on les appelle des sierras Nevadas j’ai mes mains de pigeon-vole j’ai mes mains de scaphandre j’ai aussi mes mains à bercer les petits enfants qui viennent à moi car mon exercice le plus spirituel consiste à essayer de m’arrêter moi-même j’ai des mains de juste qui sous l’effet du mildiou n’arrivent jamais à maturation mes mains incendiaires mes mains bicolores mes mains à fièvre miliaire mes mains généralement quelconques mes mains de plongeurs de perles qui ont l’habitude des profondeurs
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 31