The Complete Poetry of Aimé Césaire
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par l’invincible musique retenue prisonnière
d’une mélodie quand même à sauver du Désastre
Merciless Great Blood
Grand sang sans merci
from the depths of a country of silence
of charred bones of burned vine shoots of storms of screams held back and muzzled
of a land of desires inflamed by a restlessness of branches of shipwreck right against (the very black sand having been force-fed with a peculiar silence
in the quest for prints of bare feet and of sea birds)
du fond d’un pays de silence
d’os calcinés de sarments brûlés d’orages de cris retenus et gardés au museau
d’un pays de désirs irrités d’une inquiétude de branches de naufrage à même (le sable très noir ayant été gavé de silence étrange
à la recherche de pas de pieds nus et d’oiseaux marins)
from the depths of a land of thirst
where to cling to the absurd profile of totem poles and drums is futile
of a deaf land savagely sealed at all ends
of a red-mare land galloping its desperate length
of the towpaths of the sea and of the lasso of the most perfidious currents
du fond d’un pays de soif
où s’agripper est vain à un profil absurde de mât totem et de tambours
d’un pays sourd sauvagement obturé à tous les bouts
d’un pays de cavale rouge qui galope le long désespéré
des lés de la mer et du lasso des courants les plus perfides
Defeat Defeat desert vast
where harsher than the Egyptian Kamsin*
whistles the wind of Asshume*
for which silential grief shall we choose to be the drum
and by whom mounted
by what conqueror heel
toward the strange bayous
Défaite Défaite désert grand
où le plus sévère que le Kamsin d’Égypte
siffle le vent d’Asshume
de quel taiseuse douleur choisir d’être le tambour
et de qui chevauché
de quel talon vainqueur
vers les bayous étranges
to moan to twist
to scream into a night haggard enough to fell
the armed vigilance
installed in the dead of night of ourselves
by the insidious impurity of the wind
gémir et se tordre
crier jusqu’à une nuit hagarde à faire tomber
la vigilance armée
qu’installa en pleine nuit de nous-mêmes
l’impureté insidieuse du vent
Beat It Night Dog
Va-t-en chien des nuits
the sea has ebbed untouched from the blood of giant octopuses
stranded on the sands
in the landscape that deteriorates always to be reworked I search for the memory of a tide for a water flower for a rumor of fury but too many tracks confuse their caravans
la mer s’est retirée intacte du sang des grands poulpes
échoués aux sables
dans le clair paysage qui se défait toujours à reprendre je cherche un souvenir de marée une fleur d’eau une rumeur de fureur mais trop de pistes brouillent leurs caravanes
too many evil suns impale their rancor on the trees
two many deceitful portulans are sucked down
into the always diverging crest-lines
from high ant polishers of skeletons
from this impetuous silence from the mouth of this sand
will nothing surge forth other than the dried forest’s blighted tops
trop de mauvais soleils empalent aux arbres leur rancœur
trop de menteurs portulans s’enlisent
aux lignes de faîte toujours divergentes
des hautes fourmis polisseuses de squelettes
de ce fougueux silence de la bouche de ce sable
surgira-t-il rien sinon les pointes cariées de la futaie séchée
rage of an unwonted solstice ignited lurid at the so faltering
barbarous limit of the sea
beat it night dog beat it
sudden and imperative at my temples
you hold between your fangs bleeding
a flesh that I can recognize all too easily
rage d’un insolite solstice allumé fauve à la limite barbare
si défaillante de la mer
va-t-en chien des nuits va-t-en
inattendu et majeur à mes tempes
tu tiens entre tes crocs saignante
une chair qu’il m’est par trop facile de reconnaître
. . . but there is this hurt
… mais il y a ce mal
If my thought borrows the wings of the menfenil*
oh faces it is clear
you are prey for my talons
Si ma pensée emprunte les ailes du menfenil
ô visage c’est entendu
vous êtes proie pour mes serres
and I I am prey
for the beak of the wind of doubt of soot
of night oh cinder denser toward the heart
and this hiccup of nails driven in by the seasons
et moi je le suis
au bec du vent du doute de la suie
de la nuit ô cendre plus épaisse vers le cœur
et ce hoquet de clous que frappent les saisons
for there is this hurt
here lies at the height of myself
laid out in a big pool the voiceless one without undertow
when the voracious day robbed me of my odor
car il y a ce mal
ci-gît au comble de moi-même
couché dans une grande mare la sourde sans ressac
quand le jour vorace me surprit mon odeur
about this blood of mine you will say
that always at the threshold of its bitter gallop it tripped
that more just before God than their correct mouths
my lie
before his distraught face soared with a thousand
infantes of the high seas plunging flush with the bulwark
and shaken by the original black sobbing of brambles
de ce sang du mien tu diras
que toujours au seuil il buta de son galop amer
que plus juste devant Dieu que leurs bouches exactes
mon mensonge
devant sa face désemparée monta avec un millier
d’infants de la haute mer plongeant au ras du bastingage
et secoué de l’original sanglot noir des ronces
Viscera of the Poem
Viscères du poème
Anguish you shall not lower your floodgates into the reach of my throat
Fear in your mad skein I shall have nothing to do with seeking trembling
the red thread of my blood of my reason of my rights
the hard secret of my body of the pride of my heart
a forever star rises full sail without leaving sediment
goes out the better to be reborn more pure
Angoisse tu ne descendras pas tes écluses dans le bief de ma gorge
Peur dans l’écheveau fou je n’aurai que faire de chercher en tremblant
le fil rouge de mon sang de ma raison de mon droit
le dur secret de mon corps de l’orgueil de mon cœur
une étoile de toujours se lève grand’erre et sans laisser de lie
s’éteint pour mieux renaître au plus pur
so sharp-edged that vile Eclipse do what you will
I my arm snapped up by the stones quagmires of the night
I refuse your pact its furor of patience
and the tumult erect in the shadow of ears
will for once have seen the visceral blackness of this unforgetting scream
spurt against the whiteness of the wall
si tranchant sur les bords qu’Éclipse tu as beau faire infâme
moi le bras happé par les pierres fondrières de la nuit
je refuse ton pacte sa fureur de patience
et le tumulte debout dans l’ombre des oreilles
aura vu pour une fois sur la blancheur du mur
gicler la noirceur de viscères de ce cri sans oubli
It Is Myself, Terror, It Is Myself
C’est moi-même, Terreur, c’est moi-même
Stranded dried-up dreams flush with the rivers’ mugs create
formidable piles of mute bones
hopes too swift crawl scrupulously
like tamed snakes
one does not leave one never leaves
Les rêves échoués desséchés font au ras de la gueule des rivières
de formidables tas d’ossements muets
les espoirs trop rapides rampent scrupuleusement
en serpents apprivoisés
on ne part pas on ne part jamais
as for me on the island I have halted faithful
standing like Prester John* slightly sideways on the sea
and sculpted at snout level by waves and bird droppings
things things it is to you that I give
my crazed face of violence torn from the depths
of the whirlpool
pour ma part en île je me suis arrêté fidèle
debout comme le prêtre Jehan un peu de biais sur la mer
et sculpté au niveau du museau des vagues et de la fiente des oiseaux
choses choses c’est à vous que je donne
ma folle face de violence déchirée dans les profondeurs
du tourbillon
my tender face of fragile coves where lymphs are warming
it is myself terror it is myself
the brother of this volcano which certain without uttering a word
ruminates an indefinable something that is sure
and passage as well for birds of the wind
ma face tendre d’anses fragiles où tiédissent les lymphes
c’est moi-même terreur c’est moi-même
le frère de ce volcan qui certain sans mot dire
rumine un je ne sais quoi de sûr
et le passage aussi pour les oiseaux du vent
that often stop to sleep for a season
it is thyself sweetness it is thyself
run through by the eternal sword
and the whole day advancing
branded with the red-hot iron of foundered things
and with the recollected sun
qui s’arrêtent souvent s’endormir une saison
c’est toi-même douceur c’est toi-même
traversé de l’épée éternelle
et tout le jour avançant
marqué du fer rouge de choses sombrées
et du soleil remémoré
Fangs
Des crocs
There is neither pigment powder
nor myrrh
pensive odor nor delectation
but flower of blood flush with the skin
bloody map map of blood
Il n’est poudre de pigment
ni myrrhe
odeur pensive ni délectation
mais fleur de sang à fleur de peau
carte de sang carte du sang
bled raw sweated raw skinned raw
nor tree cut off at the roots
but blood that rises in the tree of flesh
by catches by crimes
No remittance
à vif à sueur à peau
ni arbre coupé à blanc estoc
mais sang qui monte dans l’arbre de chair
à crans à crimes
Rien de remis
straight up along the stones
straight up along the bones
of copper weight shackle weight heart weight
venoms caravaneers of the bite
at the tepid cutting edge of fangs
à pic le long des pierres
à pic le long des os
du poids du cuivre des fers des cœurs
venins caravaniers de la morsure
au tiède fil des crocs
Liminal Vampire
Vampire liminaire
An atrocious light appears
from the Occident to the Orient counter-current
the howling of the mastiffs of the fog vouches
for the City according to the plenary Fear waving like flags galore
ten thousand sticky tongues and the viscous parade between two nights
at first of all the sumptuous beasts vomited from putrifactions
Il se fait une lumière atroce
de l’Occident à l’Orient à contre courant
le hurlement des molosses du brouillard y répond
de la Ville selon la Peur plénière agitant à foison de drapeaux
dix milliers de langues gluantes et la parade visqueuse entre deux nuits
d’abord de toutes les bêtes somptueuses vomies des pourritures
but under the brambly advance of the venom
they prevailed their eyes intact at the most fragile point
of the unpardoned image
of the memorable vision of the world to be built
of the fraternity that cannot but come
however awkwardly
mais sous la marche de ronce du venin
ils ont prévalu leurs yeux intacts au plus fragile
de l’image impardonnée
de la vision mémorable du monde à bâtir
de la fraternité qui ne saurait manquer de venir
quoique malhabile
sniffing at the foot of the tree of life
black rats cardinals of the lie mingled with
the unicorn of racial hatred
on the line the inquisitor’s ear
reniflant au pied de l’arbre de vie
les rats noirs cardinaux du mensonge mêlés à
l’unicorne de la haine raciale
au bout du fil l’oreille de l’inquisiteur
then the sewer water takes a terrific leap
of the whole untold journey of hoped-for birds
Enough that words are turned into a cassava of dust
the mud as into deer flesh
clamped its claws over the stars
alors l’eau des égouts fait un bond formidable
de tout le voyage tu des oiseaux espérés
Assez que les mots se transforment en cassave de poussière
la boue comme sur une venaison
plaqua ses griffes sur les étoiles
My Profound Day’s Clear Passage
Clair passage de ma journée profonde
in the spicy open sea
there is steady this thickness like an acidic season a poisonous tower that one finally does not hear any more because never ever does it fall back in drops fissuring by a fragment the wall that patiently awaits
dans l’épice grand large
il y a étale cette épaisseur comme une saison acide une tour vénéneuse qu’on finit par ne plus entendre parce que jamais jamais elle ne retombe en gouttes ravinant d’un fragment la paroi qui patiente
there is this awesome vertical whose name fidelity fixes me skinned
to the whirling pommel of the double-edged glaive of which I am only time’s affable cross-guard and which each drop of my blood vainly strives to cleave
il y a cette verticale terrible dont le nom fidélité me fixe à vif
au pommeau tournoyant du glaive à double tranchant dont je ne suis que la garde affable dans le temps et que chaque goutte de mon sang en vain s’efforce de diviser
for all that it is not easy to draw the map of the battleground a clearing shifting each time where remorse bestrews me at every turn more savage in the direction of the loyal face of constellations
il n’est pas pour autant facile de dessiner la carte du champ de bataille clairière chaque fois mouvante dont le remords m’essaime à tout coup plus sauvage vers la face
loyale des constellatio
ns
to howl at the aroused forest’s edge unbreakable into bars
forged in vigilance and by madness twisted
to howl at the unavowed sources of great rivers at the unmemorable
maternities at the never-bitten breast of fantastical beasts
hurler à la lisière attisée incassable en barreaux
forgée en vigilance et par démence tordue
hurler aux sources inavouées des grands fleuves aux maternités
non mémorables à la mamelle jamais mordue des bêtes faramines
the awakening is in torpor at the peremptory foot of the palm trees frigid women tightly girdled and who forever and from on high
fan themselves
le réveil est en torpeur au pied péremptoire des palmiers
femmes frigides étroitement gainées et qui toujours et de très haut
s’éventent
surely there is me a great serpent of the bogs which the sun’s trident aping itself nails and which nameless
skittish bifid at the very edge of a ruptured night
crawls fragilely avid avid for a tenuous milk
le sûr est qu’il y a moi un grand serpent des fondrières que se singe clouer le trident du soleil et qui sans nom
effarouché bifide tout au bord d’une nuit rompue rampe