Unforgettable to be sure. A dance of assagais the like of which has never been seen and ten thousand victory flags torn from the cetaceans and waved by the earth.
Certes inoubliables. Une danse de sagaies comme on n’en a jamais vu et dix mille drapeaux de victoire arrachés aux cétacés et que la terre agite.
The vineyard of wrath has peddled to the very heavens the alcohol of its repose and its salvation.
La vigne de la colère a colporté jusqu’au ciel l’alcool de son repos et du salut.
From My Stud Farms
De mes haras
Clouds derail with a blowtorch! Rain violent girl unravel your shredded linen! Sea wounds settle in with a hiss! Funnels and volcanoes all adrift! Stampede mad gods! Blow your brains out! Let the fields be ripped apart by the trident and the pearl fishers be catapulted into the very heavens! One thought. What? The fire that is no longer squandered. The possible tearing, in its sumptuous breast, everything slow in becoming.
Nuages déraillez au chalumeau ! Pluie fille violente effilez vos charpies ! Blessures de la mer installez-vous en sifflant ! Entonnoirs et volcans tous à la dérive ! À la débandade dieux fous ! Faites-vous sauter la cervelle ! Que les champs soient arrachés au trident et les pêcheurs de perles projetés jusqu’au ciel ! Une pensée. Quoi ? Le feu qui n’est plus gaspillé. Le possible déchirant, dans sa poitrine somptueuse, tout ce qui tarde à devenir.
Night. What? All the matter that weighs and exhausts itself to become space. The password. What? To pass the world through a sieve and the lack of solidity of every subterfuge.
Nuit. Quoi ? Toute la matière qui pèse et s’épuise à devenir espace. Le mot de passe. Quoi ? Passer le monde au crible et le manque de solidité de tout subterfuge.
Time of lightning, time of lightning, placid beasts, frenzied beasts, time of lightning, time of lightning, fragile beasts, plowing beasts, by nostrils and foaming at my call you used to come running from the stables of the sky
Temps des éclairs, temps des éclairs, bêtes placides, bêtes frénétiques, temps des éclairs, temps des éclairs, bêtes fragiles, bêtes laboureuses, par naseaux et écumes à ma voix vous accouriez jadis des écuries du ciel
and there were marvelous multicolored
prairies of every trot and every shade of bay
that sprouted at the whim of these impetuous beasts
young and brushed by coco plums
under the tender skin of an ever dazzled water.
et c’étaient de toutes les couleurs
de tout trot et de tout bai
des prairies merveilleuses qui poussaient à l’envie de ces bêtes impétueuses
jeunes et frôlées d’icaques
sous la tendre peau d’une eau toujours éblouie.
Marine Intimacy
Intimité marine
You are no roof. You support no roofers.
Tu n’es pas un toit. Tu ne supportes pas de couvreurs.
You are no tomb. You overlook any silo whose belly you do not burst. You are no peace. Your grindstone ceaselessly sharpens only a supreme choler of knives and corals. Moreover in a certain sense you are none other than the wild impulse of my blood which I am privileged to see and which comes from afar when the silent laugh of the menfenil* advances splashing from the funereal depth of the horizon’s throat.
Tu n’es pas une tombe. Tu ignores tout silo dont tu n’éclates le ventre. Tu n’es pas une paix. Ta meule sans cesse aiguise juste un courroux suprême de couteaux et de coraux. D’ailleurs en un certain sens tu n’es pas autre que l’élan sauvage de mon sang qu’il m’est donné de voir et qui vient de très loin lorsque le rire silencieux du menfenil s’avance en clapotant du fond funèbre de la gorge de l’horizon.
And behold I see myself as the neck of an enraged horse, as a great serpent. I coil I uncoil I strike. I am a true charger opened out onto a radiant bite. I fall not. I strike, I break, any door I break and neighing, absolute, brain, justice, childhood I break myself. Climate climates cognizance of the scream, your dispersal at least might it bloom and beyond all terror?
Et voilà qu’en cou de cheval en colère je me vois, en grand serpent. Je m’enroule je me déroule je bondis. Je suis un vrai coursier déplié vers une éclatante morsure. Je ne tombe pas. Je frappe, je brise, toute porte je brise et hennissant, absolu, cervelle, justice, enfance je me brise. Climat climats connaissance du cri, ta dispersion au moins s’épanouirait-elle et au delà de toute épouvante ?
Meanwhile like a chevelure the tart wine of strong Kino* powerfully climbs the escarpment of the cliffs up to the contorted torpor of the sea grapes.
Cependant telle une chevelure l’âpre vin de fort Kino monte l’escarpement des falaises très fort jusqu’à la torpeur tordue des coccolobes.
Bucolic
Bucolique
Then very gently the earth grows a mane, swivels while maneuvering its well-oiled octopus head, turns over in its brain a quite visible idea concerning circumvolutions, then hurls itself at top speed, carrying away in a sinister flight of rocks and meteors, the river, the horses, the horsemen, and the houses.
Alors tout doucement la terre se pousse une crinière, vire en manœuvrant sa tête bien huilée de poulpe, roule dans sa cervelle une idée très visible à l’endroit des circonvolutions, puis se précipite à toute allure, emportant en un vol ténébreux de roches et de météores, la rivière, les chevaux, les cavaliers et les maisons.
And as the silver in the chests blackens, as the water in the fish ponds swells, as the tombstones are unsealed, as the bucolic in the hollow installs a sea of mud that nonchalantly smokes the best maccaboy of the century, gigantic lights flash in the distance and, under their black mushroom helmets, observe a hill, good russet shepherd, which with a phosphorescent bamboo pushes into the sea a tall herd of shuddering temples and cities.
Et cependant que l’argent des coffres noircit, que l’eau des piscines se gonfle, que les pierres tombales sont descellées, que la bucolique installe au creux une mer de boue qui indolemment fume le meilleur macouba du siècle, de gigantesques lumières fusent au loin et regardent, sous leurs casques de noir champignon, une colline, bon berger roux, qui d’un bambou phosphorescent pousse à la mer un haut troupeau de temples frissonnants et de villes.
Ferment
Ferment
Seducing with the feast of my liver o Sun
your bird-like reticence, flayed, rolling.
The bitter struggle taught us our cunning,
biting the clay, kneading the soil
marking the sweating land
with the blazon of our backs, with the tree of our shoulders
bloody, bloody
eagle-disentangled jolt of dawn.
Séduisant du festin de mon foie ô Soleil
ta réticence d’oiseau, écorché, roulant.
L’âpre lutte nous enseigna nos ruses,
mordant l’argile, pétrissant le sol
marquant la terre suante
du blason du dos, de l’arbre de nos épaules
sanglant, sanglant
soubresaut d’aube démêlé d’aigles.
I Perseus Centuplicating Myself
Me centuplant persée
Make, around me, around my side
my head, around my gnarled black heart, at the outer reaches,
your rounds, harassing with the throng of torments
my name.
Va, autour de moi, de mon flanc
de ma tête, de mon noueux cœur noir, aux confins,
ta ronde, harcelant de la cohue des affres
mon nom.
Let pierce, transpierce the resisting bark
the beak. As for the rest let the clandestine termite weft hem itself
storing up in its prey even the depth of the bite.
Que perce, transperce l’écorce résistante
le bec. Pour le reste s’ourle des termites la clandestine trame
dans la proie engrangeant jusqu’au fond la morsure.
Yet no assault persevering in denying my name
in the lymph however that centuplicates me as Perseus
I run the course of the intimate pit feeding my voracious
monsters my suns and the storm beyond sapwood estimates me
out of season in tree rings
slow secretaries of a seism.
Or nul assaut ne déniant persévérant mon nom
en la lymphe bien plutôt qui me centuple Persée
je parcours l’intime fosse alimentant mes monstres
voraces mes soleils et l’orage outre aubier me calcule
contre-saison en anneaux d’arbre
lents secrétaires d’un séisme.
Precept
Précepte
It is well I shall re-enter only savage hairy with thorns from the paths
through the three-gated arch of the exuberant selvas
C’est bien je ne rentrerai que sauvage hirsute d’épines de chemins
par l’arc à trois portes des selves vigoureuses
excluded but violator of sanctuaries
and re-entering through the triumphant portal
of the sea smashing by fits and starts the modesty of the stone
exclu mais violeur des sanctuaires
et rentrant par le triomphant portail
de la mer défonçant par saccades la pudeur de la pierre
banned from the white bread of the children’s feast
but with my rare mug drawing in the biting wind’s mug
the naked bush of its rare obscene laugh
au ban du pain blanc de la fête des enfants
mais avec ma rare gueule rentrant la gueule du vent mordant
le buisson nu de son rare rire obscène
a black country that depends on a faithful black sleep
drunk on the pure wine of the black milk of the earth
un pays noir c’est selon un noir sommeil fidèle
saoul du pur vin du lait noir de la terre
And Sounding the Sand With the Bamboo of my Dreams
Et tâtant le sable du bambou de mes songes
its trunk encircled by bonds
the water thrusts brutal suckers
into the current’s avid area
suckers blind from being
starved starved and confined for ten years
le tronc enserré de liens
l’eau lance de brutaux surgeons
dans l’aire avide du courant
ce sont surgeons aveugles d’être
affamés affamés et claustrés de dix ans
an immense courage standing at the unworthy center
of the lasso to be looped onto the wild neck of life that rears in all directions
magnificently scrambles up the slope of the manadas
blasting from below one after the other
the cause of rocks of islands of river banks
un immense courage debout au centre sans mérite
du lasso à lancer au cou sauvage de la vie qui se cabre dans tous les sens
remonte superbement la pente des manades
faisant sauter de par en bas l’une après l’autre
la cause des roches des îles des berges
each one a victorious word
the boiling silence marked them with its seal
at the instant of scales
and yet unto the end
and without the pus in our eyes encrusting our vision
my pride weighs and sounding with the bamboo of my dreams
the depth of the sands
I descend the momentous pass oh Beast
chacune victorieuse parole
le bouillonnant silence les marqua de son sceau
à l’instant des balances
et pourtant jusqu’au bout
et sans que le pus de nos yeux encroûte nos visions
mon orgueil pèse et tâtant du bambou de mes songes
la profondeur des sables
je descends la passe considérable ô Bête
while come forth null unless it is
in the ultimate power of my mouth
the dusty caravans bearing on their heads as baggage
the vehement confusion of the future
cependant que s’avancent nulles si ce n’est
au pouvoir ultime de ma bouche
les caravanes poussiéreuses portant sur la tête en bagage
la confusion véhémente de l’avenir
the ancient witnesses of the alliance do not appear dizzy
yet it is a very raw and swelling sea
I flush against them from every corner
kings in the consenting coral and the consistent heart
of the ferns
les antiques témoins de l’alliance n’ont pas l’air au vertige
or c’est une mer très à vif et houleuse
moi à même eux de toutes parts
rois dans le corail consentant et le cœur consistant
des fougères
To the Islands of all Winds
Aux îles de tous vents
lands that leap very high
not high enough however for their feet not be remain caught
in the peculium of the sea booming its assault of irremediable faces
des terres qui sautent très haut
pas assez cependant pour que leurs pieds ne restent pris
au pécule de la mer mugissant son assaut de faces irrémédiables
hunger of man heard by the mosquitoes and thirst
as they are loaves laid out for a birds’ feast
sand against all hope saved or arms bent back
to gather to one’s breast all that lingers
of heat out of season
faim de l’homme entendu des moustiques et soif
car ce sont pains allongés pour un festin d’oiseaux
sable à contre-espoir sauvé ou des bras recourbés
pour recueillir au sein tout ce qui s’allonge
de chaleur hors saison
O justice noon of reason too slow it matters not
that nameless to the resinous torch of tongues
they may not know that their dirt offering
in this too distant song recklessly is achieved
Ô justice midi de la raison trop lente il n’importe
que sans nom à la torche résineuse des langues
elles ne sachent que leur offrande terreuse
en ce chant de trop loin téméraire s’accomplit
morning in the unbeknown of my voice shall unveil
the bird that nevertheless it bears and Noon
why my voice remained encrusted with the blood of my panting throat
le matin dans l’insu de ma voix dévoilera
l’oiseau que tout pourtant elle porte et Midi
pourquoi elle resta incrustée du sang de ma gorge haletante
of the islands all of them you shall say
that according to the heart supernumerary of vertiginous birds
des îles de toutes tu diras
que selon le cœur comparse d’oiseaux vertigineux
long time long time searching between the sheets of the sand
the wound at the coveted crossroad of the undermining sea
you found through the hiccup
the kernel of the insult included in the acrid blood
that finally exulting in the wounded kine of the stars
longtemps longtemps cherchant entre les draps du sable
la blessure au carrefour convoité de la mer affouillante
tu trouvas à travers le hoquet
le noyau de l’insulte inclus en l’âcre sang
qu’exultant enfin de l’aumaille blessée des étoiles
overheated in our feverish breath and contests
with a sob richer than the obstructions we knew
crying land gripping the slipperiest part of the wall
of being
always speaking beautifully as we die
the carnal and kink
y black head of the sun
surchauffée à nos souffles fiévreux et conteste
d’un sanglot plus riche que les barres nous sûmes
criant terre cramponnés au plus glissant de la paroi
de l’être
toujours bien disant comme l’on meurt
la noire tête charnelle et crêpue du soleil
The Time of Freedom
Le temps de la liberté
Whiskey had let down its dirty hair
and was floating over the power of the rifles
the carapace of the tanks
and the curses of the judge
Le whisky avait dénoué ses cheveux sales
et flottait sur la force des fusils
la carapace des tanks
et les jurons du juge
O nonlagoonal day
more stubborn than the Baulé ox
who said that Africa is sleeping
that our Africa is clearing its throat
chews kola drinks millet beer and falls
back asleep
Ô jour non lagunaire
plus têtu que le bœuf du pays Baoulé
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 48